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99 15 53 C S Demandeurs c. CENTRE HOSPITALIER DE GRANBY Organisme public L'OBJET DU LITIGE ET LE CONTEXTE Le commissaire Comeau rend une décision préliminaire au dossier et situe le contexte de la demande de la façon suivante : « Le 29 juin 1999, madame [C…] et son fils [S…] sollicitent de l'archiviste de l'organisme, la rectification d'une mention portée au dossier médical du jeune [S…], le 12 mai 1999. Le 3 août 1999, l'archiviste répond aux demandeurs et les informe que l'auteur de la mention contestée, le D r Hélène Letarte, accepte de «reformuler une partie de la phrase» en litige, sans toutefois la rayer, comme le souhaitent les demandeurs. Dans cette même lettre, l'archiviste précise aux demandeurs leur avoir transmis, le 20 juillet 1999, copie du dossier ainsi modifié. Le 12 septembre 1999, les demandeurs sollicitent l'intervention de la Commission, en vue de réviser cette décision. L'audience est convoquée et se tient au bureau de la Commission, à Montréal, le 21 janvier 2000, en présence des parties. Dès le début de l'audience, le procureur du D r Letarte s'oppose à ce que le père de [S….] intervienne au nom de ce dernier. Séance tenante, je retiens cette objection. La Commission est saisie d'une demande de révision formulée par madame [C…] et son fils, [S…]. Le père de ce dernier n'est donc pas partie au litige. Deuxième objection du procureur du D r Letarte : la demande de révision devrait être écartée parce que formulée hors délai, c'est-à-dire à l'extérieur des 30 jours prévus à cette fin par la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. J'ai rejeté cette objection en tenant compte du fait que, de part et
99 15 53 - 2 d'autre, les délais n'ont pas été respectés à la lettre. Cette décision se fonde sur le 3 ième paragraphe de l'article 135 de la Loi sur l'accès » (crochets ajoutés) Le 8 mars 2000, la Commission d'accès à l'information du Québec (ci-après nommée « la Commission »), par décision préliminaire, reconnaît aux demandeurs le droit d'obtenir révision de la décision rendue par le responsable de l'accès et ordonne la poursuite de l'audience à Granby. La demande de rectification vise à ce que « soit radié du rapport de la D re Hélène Letarte, intitulé « Consultation médicale » en date du 12 mai 1999, la mention qui y est faite d'un fait légal concernant S Cet extrait commence par les mots « L'an dernier, a été pris dans » et se termine par les mots « tout dossier criminel » ». Le 10 avril 2001, l'audience se poursuit à Granby. LA PREUVE Les parties soumettent que le seul objet du litige vise à retrancher les deux phrases suivantes, écrites par la D re Hélène Letarte le 12 mai 1999 et versées au dossier médical détenu par l'organisme concernant S (pièce O-1) : 1° « L'an dernier a été pris ds HX (une histoire) de fraude GRC a falsifié $ - signalement à CPEJ. »; 2° « Les parents trouvent important qu'il n'y ait plus de dossier criminel. » La D re Hélène Letarte mentionne qu'elle pratique la médecine générale au Centre hospitalier de Granby depuis 1994 avec un privilège exclusif en psychiatrie. Elle indique que la D re Denise Beaudoin, urgentologue, lui a demandé, le 11 mai 1999, de rencontrer S pour une consultation. Elle note que l'objet de la consultation concerne un problème de comportement, de dépression et de menaces à l'école de S…, tel qu'il a été rapporté à la pièce O-1.
99 15 53 - 3 La D re Letarte atteste que la consultation avec S s'est tenue le 12 mai 1999, à l'Urgence de l'organisme, en présence de l'infirmière de liaison et, au départ, en l'absence des parents. Elle indique que la consultation fait suite à une demande de l'école de procéder à une évaluation, S ayant été suspendu de l'école. Elle a d'abord regardé la lettre rédigée par le directeur adjoint de l'école qui rapporte un comportement violent et des actes à connotation sexuelle de la part de S Le même jour, l'infirmière a communiqué avec le directeur de l'école et ce dernier l'a informée que S a fait trois écoles en un an, qu'il a un comportement violent et des propos d'ordre sexuel bizarres. La D re Letarte atteste également avoir rencontré les parents de S le 12 mai 1999, en l'absence de ce dernier. Elle a relevé que les parents ont manifesté une insatisfaction du travail accompli par le milieu médical, notamment eu égard à l'évaluation orthophonique et pédopsychiatrique, et qu'il y a même eu refus de la part de la demanderesse de discuter de cette dernière évaluation avec elle. Ces diverses observations et celles en litige, rappelle-t-elle, sont inscrites à la pièce O-1. La D re Letarte affirme que la première mention en litige lui a été dite par le père de S…, en présence de l'infirmière. Elle a inscrit ces paroles parce qu'elle devait évaluer la « dangerosité » de S et qu'à ce sujet, les antécédents judiciaires sont un élément important, même s'il s'agit d'un cas isolé. Elle ajoute que cette information est primordiale dans une situation comme celle-ci. En ce qui concerne la deuxième mention en litige, la D re Letarte affirme avoir inscrit ce texte parce que le père de S a été hésitant et qu'il a répété plusieurs fois que son fils n'avait pas de dossier criminel. De ces propos, elle a interprété l'hésitation du père de S comme si les parents voulaient minimiser cet événement. Elle confirme que le père de S ne lui a jamais dit que son fils avait un dossier criminel, mais que c'est elle qui en a déduit que S en avait un. Elle fait part qu'il est important que cette mention soit conservée au dossier pour mieux
99 15 53 - 4 -décrire l'attitude des parents et, ainsi, prescrire le traitement, s'il y a lieu, en tenant compte de l'aspect responsabilisation parents-enfant. Interrogée par la demanderesse, la D re Letarte confirme qu'une partie de l'entrevue s'est déroulée en présence des deux parents, mais que la demanderesse n'a assisté qu'à la moitié de l'entrevue. Elle atteste que le demandeur a fait référence à la première phrase en litige après son départ. Elle réitère que le père de S ne lui a pas mentionné que son fils avait un dossier criminel. La D re Letarte signale qu'elle accepte de modifier les mots « Les parents trouvent important qu'il n'y ait plus de dossier criminel. » par les mots « Le père trouve important qu'il n'y ait pas de dossier criminel. ». La demanderesse relate s'être présentée à l'Urgence de l'organisme pour une évaluation psychiatrique de son garçon, et ce, une semaine plus tôt que prévue. Elle allègue avoir rencontré beaucoup d'intervenants avec son fils et ce dernier a passé plusieurs tests. Cette dernière situation l'a amenée à faire part à la D re Letarte de ses réserves au sujet des interventions du milieu de la santé, d'autant plus, révèle-t-elle, que ce n'est que récemment que son fils a été diagnostiqué comme « autiste ». Elle raconte que son mari a commencé à parler de la « GRC » à la D re Letarte au moment elle devait s'absenter pour aller travailler. Elle dit avoir mentionné à la D re Letarte que son fils a reproduit de l'argent « Canadian Tire » et que la GRC est intervenue pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas de contrefaçon réalisée à grande échelle. Le père de S témoigne avoir relaté à la D re Letarte que son garçon a eu une histoire avec la GRC, n'avoir jamais fait référence au fait que son fils ait un casier judiciaire et n'avoir pas, non plus, minimisé cette affaire.
99 15 53 - 5 -LES ARGUMENTS La procureure de l'organisme soutient que la première phrase en litige rapporte des faits mentionnés par le père de S que la D re Letarte se devait d'inscrire, selon l'article 53 du Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements 1 , et qu'il lui appartenait, comme professionnelle de la santé, d'évaluer les renseignements importants et essentiels qui doivent figurer au dossier 2 : 53. Le dossier tenu par un centre hospitalier comprend notamment: 1° le rapport des services rendus en externe; 2° l'observation médicale, l'examen physique, le diagnostic provisoire et l'examen dentaire; 3° les ordonnances; 3.1° l'enregistrement des étapes de préparation et d'administration des médicaments; 4° les notes d'évolution rédigées par les médecins, les dentistes, les pharmaciens et les membres du personnel clinique; 5° le rapport sur la nécessité de la cure fermée et le rapport sur la capacité d'une personne d'administrer ses biens, faits en vertu de la Loi sur la protection du malade mental (L.R.Q., c. P-41), ainsi que les rapports de révision; 6° les demandes et les rapports de consultation; 7° les demandes et les rapports de traitement; 8° le résumé des entrevues par des professionnels; 9° les éléments ayant servi à l'établissement d'un diagnostic ou d'un traitement, tels les documents photographiques, ultrasonographiques et radiologiques ainsi que les parties des tracés d'électrocardiographie et l'électro-encéphalographie, et les autres pièces pertinentes; 10° les rapports d'examens diagnostiques; 11° le document visé à l'article 52.1; 12 le document attestant l'obtention du consentement d'un bénéficiaire pour des soins ou des services dispensés par le centre hospitalier; 13° le protocole d'anesthésie; 14 le diagnostic préopératoire, la nature de l'intervention projetée, le protocole opératoire indiquant la nature des interventions, les constatations, les techniques opératoires utilisées et la description des pièces prélevées; 15° le rapport d'anatomopathologie et de cytologie; 16° les rapports d'infection nosocomiale; 17° les demandes de transfert; 18° un rapport sur tout accident subi par un bénéficiaire dans l'établissement; 19° la feuille sommaire, comportant le diagnostic principal, les autres diagnostics et problèmes, les complications, le traitement médical, chirurgical ou obstétrical, les examens spéciaux et l'authentification du médecin traitant; 1 L.R.Q., c. S-5, R-5. 2 Lachance-Roy c. C.L.S.C. de l'Aquilon, [1993] C.A.I. 22; C c. Hôpital Sainte-Justine, [1993] C.A.I. 258.
99 15 53 - 6 -20° une note de départ; 21° l'avis de congé du médecin ou du dentiste traitant, et la mention du départ du bénéficiaire; 22° le document attestant le consentement du bénéficiaire à la prise par l'établissement de photographies, films ou enregistrements le concernant; 23° une copie de la déclaration de décès; 24° le rapport d'autopsie. La procureure retient que la D re Letarte a consenti à modifier la deuxième phrase en litige et qu'il s'agit de la perception du médecin aux propos tenus par le père de S concernant l'importance qu'il a accordée à ce que son fils n'ait pas de casier judiciaire. Elle avance que seul le professionnel de la santé peut décider de mettre des informations dans un dossier et que la D re Letarte a démontré que ces informations lui étaient nécessaires 3 pour évaluer la relation parents-enfant. La procureure fait part que l'organisme n'a aucune objection à ce que la demanderesse puisse inclure sa demande de rectification au dossier conformément à l'article 91 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 4 : 91. Lorsque l'organisme public refuse en tout ou en partie d'accéder à une demande de rectification d'un fichier, la personne concernée peut exiger que cette demande soit enregistrée. La demanderesse fait valoir que les faits et les paroles rapportés au dossier ne sont pas supportés par les témoignages. Elle allègue que le fait d'inscrire le mot « fraude » donne l'impression qu'il s'agit d'une question « grave », alors que cela n'est pas le cas. Elle soutient que le dossier de son fils demeure toujours à l'Urgence de l'organisme et que pour une simple consultation de S pour une otite, on prendra connaissance de toutes les inscriptions non pertinentes précédemment décrites. Elle prétend que la D re Letarte n'a pas inscrit au dossier tous les renseignements nécessaires et les données explicites à une bonne 3 Dupuis c. Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, [1999] C.A.I. 346; X c Hôtel-Dieu de Montréal, [1998] C.A.I. 244; F c. Hôpital général du Lakeshore, [1986] C.A.I. 490; J c. Clinique Roy-Rousseau, [1986] C.A.I. 129;
99 15 53 - 7 -compréhension du dossier de son garçon et que, déjà, trop de personnes ont pu prendre connaissance du dossier. APPRÉCIATION L'article 89 de la loi prévoit la possibilité de rectifier des renseignements nominatifs concernant le fils de la demanderesse, déjà consignés au dossier, parce que considérés inexacts, incomplets ou équivoques : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. Ce droit à la rectification doit distinguer entre les faits objectifs vérifiables et les opinions émises par un professionnel, ces dernières ne pouvant être modifiées contre le gré du professionnel. La deuxième phrase en litige étant une opinion émise par un professionnel de la santé, la Commission ne peut que constater qu'il s'agit d'un jugement subjectif de la D re Letarte ne pouvant être rectifié que si cette dernière le corrige elle-même. La D r Letarte n'ayant accédé qu'en partie à la demande de rectification, la deuxième phrase devra être rectifiée pour remplacer les mots « Les parents trouvent » par les mots « Le père trouve » et le mot « plus » par le mot « pas », tel qu'il a été exprimé à l'audience. Le droit à la rectification ne peut avoir non plus pour effet d'obliger l'organisme à inscrire au dossier tous les faits qui méritent d'y être colligés. Il est, à cet égard, constant de souligner qu'il appartient au professionnel d'évaluer la pertinence d'inscrire certains renseignements : 90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignements en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. M c. Centre hospitalier régional de l'Outaouais, [1984-1986] 1 C.A.I. 120. 4 L.R.Q., c. A-2-1.
99 15 53 - 8 La preuve démontre que la demanderesse et son mari ont signalé à la D re Letarte l'événement inscrit à la première phrase en litige concernant leur fils. Dans les circonstances, les renseignements de la première phrase en litige ne peuvent faire l'objet d'une rectification. La Commission rappelle toutefois que l'article 91 de la loi permet que soit enregistrée au dossier la demande de rectification. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE en partie la demande; ORDONNE à l'organisme de rectifier au dossier les mots « Les parents trouvent important qu'il n'y ait plus de dossier criminel. » par les mots « Le père trouve important qu'il n'y ait pas de dossier criminel. »; et REJETTE, quant au reste, la demande de rectification. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 22 mai 2001 M e Élizabeth Camiré Procureure de l'organisme
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