Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 07 28 Date : 24 mai 2005 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES PARCS Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Les 2 demandes d’accès, adressées à l’organisme et datées du 12 mars 2004, sont ainsi formulées « Je vous demande de me faire parvenir tous documents, pièces, notes etc…me concernant ainsi que mon entreprise. S’il existe des informations verbales, je désire en être informé aussi. ». [2] Le refus partiel de la responsable de l’accès, daté du 2 avril 2004, s’appuie sur l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12) de même que sur les articles 28 (1 er paragraphe), 31, 37, 39, 53 et 54 de la Loi sur l’accès (L.R.Q., c. A-2.1); la responsable applique également l’article 48 de la Loi sur l’accès en ce qui concerne les documents reçus du Protecteur du citoyen et du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de
04 07 28 Page : 2 l’Alimentation du Québec. Dans sa décision du 2 avril 2004, la responsable précise ce qui suit au demandeur : « Pour ce qui est des autres documents pertinents à votre demande, madame Christiane Marcoux, répondante de l’accès aux documents pour la Direction régionale de la Chaudière-Appalaches, communiquera avec vous dans les délais impartis par la loi. ». [3] La demande de révision porte la date du 23 avril 2004. Le demandeur y expose que « Le refus et l’obstruction à me donner accès à mes documents briment mes droits à avoir une défense pleine et entière, en vertu de l’article 35 et l’article 50 de la Charte des droits et libertés. Je me représente dans ma cause et je dois avoir accès à tous les documents et renseignements qui sont à mon dossier pour me donner la chance de me défendre. ». PREUVE i) de l’organisme [4] L’avocat de l’organisme dépose copie de la décision de la responsable, datée du 2 avril 2004 (O-1). Il remet sous pli confidentiel à la Commission les documents qui ont été demandés le 12 mars 2004 et auxquels l’accès demeure refusé en tout ou en partie. [5] L’avocat souligne : • Qu’un document manuscrit, daté du 29 janvier 2002 et auquel la responsable fait mention à la page 1 de sa décision, n’est plus en litige parce qu’il a été divulgué, en mai 2004, dans le cadre de procédures judiciaires entreprises contre le demandeur (l’avocat de l’organisme remet copie intégrale de ce document au demandeur, séance tenante); • Qu’un document du 7 mai 2003 ainsi qu’un document du 15 mai 2002, auxquels la responsable fait mention à la page 2 de sa décision, ne sont plus en litige parce qu’ils ont été divulgués, en mai 2004, dans le cadre des procédures judiciaires entreprises contre le demandeur (l’avocat de l’organisme remet copie intégrale de ces documents au demandeur, séance tenante); • Que l’article 28 (1 er paragraphe) de la Loi sur l’accès n’est plus invoqué au soutien du refus de communiquer un certain nombre de documents auxquels la responsable fait mention à la page 3 de sa décision; ces documents ne sont plus, pour la plupart, en litige parce qu’ils ont été divulgués, en mai 2004, dans le cadre des procédures précitées; l’accès total ou partiel à ceux qui demeurent en litige est refusé en vertu de
04 07 28 Page : 3 l’article 9 de la Charte ou des articles 31, 37 et 39 de la Loi sur l’accès (l’avocat de l’organisme remet copie des documents totalement ou partiellement accessibles au demandeur, séance tenante). [6] L’avocat indique, pour chaque document ou partie de document demeurant en litige, les restrictions invoquées. Témoignage de M me Christiane Marcoux : [7] M me Marcoux témoigne sous serment à titre de répondante de l’accès à l’information de l’organisme pour la direction régionale de la Chaudière-Appalaches, fonction qu’elle exerce depuis octobre 2000. Elle a participé au traitement des demandes d’accès que le demandeur a adressées à l’organisme; elle a conséquemment vu les documents qui demeurent intégralement ou partiellement en litige et qui ont été remis sous pli confidentiel à la Commission. [8] M me Marcoux sait que des poursuites ont été intentées contre le demandeur parce que certaines de ses activités ne sont pas conformes (volet hydrique) ou parce qu’elles ne sont pas autorisées (volet agricole : bâtiment et surplus de porcs). Elle a pris connaissance de ces poursuites en qualité de répondante de l’accès, en examinant les documents demandés, lors du traitement des demandes d’accès. À sa connaissance, les activités non autorisées (volet agricole) ont fait l’objet de plaintes au pénal; à sa connaissance également, des dossiers relatifs aux poursuites intentées contre le demandeur sont détenus par l’organisme depuis 1991. Contre-interrogatoire de M me Marcoux : [9] M me Marcoux sait que des plaintes pénales ont été déposées contre le demandeur parce qu’il exerce des activités non autorisées (volet agricole). Elle ne peut préciser si le recours intenté contre le demandeur en raison de l’absence de conformité de certaines de ses activités (volet hydrique) est de nature civile ou pénale. Elle ne connaît pas l’avocat qui a été désigné pour représenter le procureur général du Québec et agir pour l’organisme aux fins des procédures intentées contre le demandeur et elle ne lui a jamais parlé; elle n’a pas requis l’approbation de cet avocat avant de communiquer des documents au demandeur et elle ne lui a pas communiqué de documents. Les documents visés par les demandes d’accès ont été communiqués à la responsable de l’accès,
04 07 28 Page : 4 M e Liliane Côté Aubin. M me Marcoux n’a pas menti au demandeur et elle ne lui ment pas. [10] Le demandeur n’a pas voulu acquitter les frais exigibles (O-2) pour obtenir la copie des documents qui lui sont accessibles. L'application, par l’organisme, du « Règlement sur les frais exigibles pour la transcription, la reproduction et la transmission de documents et de renseignements nominatifs » est la même à l’égard de toute personne qui adresse une demande d’accès à l’organisme et elle résulte d'une politique de l'organisme. Le demandeur n’a jamais, non plus, accepté que la consultation sur place des documents qui lui sont accessibles soit effectuée en présence d’un membre du personnel de l’organisme; le demandeur s’est présenté sur place et il a refusé la présence de M me Marcoux lors de la consultation. [11] Le reste du témoignage de M me Marcoux est exprimé ex parte. M me Marcoux témoigne de façon détaillée sur le travail qu’elle a effectué, ce, tant en ce qui concerne les documents accessibles au demandeur que ceux qui sont en rapport avec les procédures judiciaires entreprises contre le demandeur et pendantes. ii) du demandeur [12] Tous les documents examinés par la responsable auraient été communiqués à l’avocat de l’organisme en vue d’obtenir son approbation. [13] Des procédures judiciaires civiles (injonction) et pénales ont été entreprises contre le demandeur, en 1995 notamment. Les accusations qui ont été portées contre le demandeur relèvent du complot et de la faiblesse de l’organisme. Le demandeur craint la fermeture de son entreprise en raison des poursuites qui ont été intentées contre lui. ARGUMENTS i) de l’organisme [14] L’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui attribue à chacun le droit au respect du secret professionnel, s’applique à certains documents ou parties de documents identifiés comme tels et détenus par l'organisme en rapport avec les procédures judiciaires entreprises contre le demandeur.
04 07 28 Page : 5 [15] Le responsable a appliqué de façon conforme les autres restrictions à l’accès. [16] L’accès à un document est gratuit, notamment lors de la consultation sur place; des frais peuvent cependant, à la discrétion de l’organisme 1 , être exigés du demandeur selon les montants et modalités prescrits par règlement. ii) du demandeur [17] L’accès aux documents ne doit pas être refusé dans le but délibéré de cacher de la preuve qui serait favorable au demandeur. [18] La copie des documents demandés devrait être fournie gratuitement et avec empressement par l'organisme; cette façon de faire permettrait au demandeur de ne pas avoir à se présenter sur place, pour consulter son dossier. L’organisme s’acharne à lui restreindre l’accès gratuit à son dossier, ce, contrairement aux prescriptions de la Loi sur l’accès. La responsable retient l’ensemble du dossier du demandeur; elle protège l’organisme et empêche le demandeur de se défendre. [19] Les articles 35 et 50 de la Charte des droits et libertés de la personne s’appliquent à la demande : 35. Tout accusé a droit à une défense pleine et entière et a le droit d’interroger et de contre-interroger les témoins. 50. La Charte doit être interprétée de manière à ne pas supprimer ou restreindre la jouissance ou l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne qui n’y est pas inscrit. [20] Les documents demandés sont importants pour la défense du demandeur, pour sa famille ainsi que pour le maintien de son entreprise et des emplois qui en dépendent. 1 Thériault c. Terrebonne [1993] C.A.I. 31.
04 07 28 Page : 6 DÉCISION A) L'exercice du droit d'accès : [21] Le demandeur a choisi, le 12 mars 2004, d'exercer son droit d'accès par l'obtention de copies; il s'est exprimé de la façon suivante à cet égard : « Je vous demande de me faire parvenir… ». B) L'accès aux « informations verbales » : [22] Le demandeur a notamment requis l'accès aux informations verbales le concernant. La Loi sur l'accès, qui régit le traitement de sa demande, ne s'applique qu'aux documents détenus sous une quelconque forme matérielle : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [23] La forme d'un document en permet donc la consultation sur place ou la reproduction : 10. Le droit d'accès à un document s'exerce par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail ou à distance. Le requérant peut également obtenir copie du document, à moins que sa reproduction ne nuise à sa conservation ou ne soulève des difficultés pratiques sérieuses en raison de sa forme. A la demande du requérant, un document informatisé doit être communiqué sous la forme d'une transcription écrite et intelligible.
04 07 28 Page : 7 [24] La Loi sur l'accès ne prévoit aucune obligation concernant l'accès à des renseignements verbaux. C) Les documents accessibles : [25] La preuve (O-2) démontre que l'organisme a, en ce qui concerne la copie des documents qui sont accessibles au demandeur et conformément à la Loi sur l'accès, informé le demandeur du montant qui lui serait chargé pour acquitter les frais exigibles en vertu du « Règlement sur les frais exigibles pour la transcription, la reproduction et la transmission de documents et de renseignements nominatifs » : 11. L'accès à un document est gratuit. Toutefois, des frais n'excédant pas le coût de sa transcription, de sa reproduction ou de sa transmission peuvent être exigés du requérant. Le montant et les modalités de paiement de ces frais sont prescrits par règlement du gouvernement; ce règlement peut prévoir les cas où une personne est exemptée du paiement. L'organisme public qui entend exiger des frais en vertu du présent article doit informer le requérant du montant approximatif qui lui sera chargé, avant de procéder à la transcription, la reproduction ou la transmission du document. [26] La preuve démontre que l'organisme a, par l'adoption d'une politique, choisi d'exiger des frais selon les prescriptions du règlement précité. La preuve démontre également que ce règlement n'est pas appliqué différemment dans le cas du demandeur. [27] La preuve démontre que l'organisme ne refuse pas de fournir les copies de documents accessibles au demandeur; la preuve démontre que le demandeur refuse plutôt d'acquitter les frais exigibles en vertu du règlement précité. [28] La preuve démontre que le demandeur s'est présenté pour consulter son dossier sur place et qu'il a voulu le faire en l'absence de M me Marcoux. L'exercice du droit d'accès n'exclut pas la présence de membres du personnel de
04 07 28 Page : 8 l'organisme lors de la consultation sur place; la présence de ces personnes ne constitue pas une obstruction à l'exercice du droit d'accès et permet d'assurer la conservation des documents dans leur intégralité. D) Les documents auxquels l'accès a été refusé : [29] La preuve démontre que le demandeur est impliqué dans des procédures pénales et que, dans le cadre de ces procédures, des documents lui ont été communiqués selon les règles de la divulgation de la preuve et à l’étape prévue par ces règles pour lui permettre de se défendre. Copie de ces documents auxquels l'accès avait d'abord été refusé en vertu de l'article 28 (1 er paragraphe) de la Loi sur l'accès a donc aussi été communiquée au demandeur au cours de l'audience tenue devant la Commission puisque la divulgation de ces documents n'est plus susceptible d'entraver les procédures pénales qui ont été entreprises et qui sont pendantes. Ces documents ne sont plus en litige. [30] J’ai pris connaissance des documents auxquels l’accès demeure refusé en tout ou en partie. [31] L’article 31 de la Loi sur l’accès a été appliqué aux renseignements qui, de manière substantielle, expriment l’opinion des avocats que l’organisme a consultés dans l’exercice de ses fonctions concernant les activités du demandeur. L’organisme est habilité à refuser l’accès à ces renseignements en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’accès. La Commission ne peut ordonner à l’organisme d’exercer autrement le pouvoir que lui confère l’article 31 : 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. [32] Les articles 53 et 54 ont été appliqués conformément à la Loi sur l’accès; l’organisme ne peut communiquer au demandeur les renseignements nominatifs qui concernent et identifient des personnes physiques autres que le demandeur sans le consentement de ces tiers :
04 07 28 Page : 9 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [33] L’organisme ne peut, en vertu des articles précités, communiquer les documents ou parties de documents constitués de renseignements nominatifs concernant des tiers; la précision des renseignements constituant ces documents permet d’identifier chaque tiers. L'organisme ne peut non plus, en vertu de l'article 88 de la Loi sur l'accès, communiquer au demandeur des renseignements le concernant et dont la divulgation révélerait des renseignements nominatifs concernant ces tiers; ici encore, la précision des renseignements permet d’identifier chaque tiers : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
04 07 28 Page : 10 [34] Le 1 er alinéa de l’article 37 de la Loi sur l’accès a été adéquatement appliqué aux avis et recommandations internes qui demeurent en litige et qui se rapportent à l’exercice des fonctions de l’organisme eu égard aux activités du demandeur; la Commission ne peut ordonner à l’organisme d’exercer autrement le pouvoir que lui attribue l’article 37 dans le cas de ces avis et recommandations qui ont été faits depuis moins de 10 ans par des membres du personnel de l'organisme dans l'exercice de leurs fonctions : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. [35] La responsable a, conformément à la loi, eu recours à l’article 48 de la Loi sur l’accès en ce qui concerne les documents qui ont été produits par le Protecteur du citoyen et par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. De toute évidence, ces documents ont été produits par ces deux organismes et ils relèvent de leur compétence, notamment en matière d'accès : 48. Lorsqu'il est saisi d'une demande qui, à son avis, relève davantage de la compétence d'un autre organisme public ou qui est relative à un document produit par un autre organisme public ou pour son compte, le responsable doit, dans le délai prévu par le premier alinéa de l'article 47, indiquer au requérant le nom de l'organisme compétent et celui du responsable de l'accès aux documents de cet organisme, et lui donner les renseignements prévus par l'article 45 ou par le deuxième alinéa de l'article 46, selon le cas.
04 07 28 Page : 11 Lorsque la demande est écrite, ces indications doivent être communiquées par écrit. [36] L’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne a été appliqué à la substance des renseignements échangés entre les avocats de l’organisme et des membres du personnel de celui-ci ou des substituts du procureur général du Québec. L’organisme a, en vertu de l'article 9 de la Charte, le droit au respect du secret professionnel : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. [37] POUR TOUS CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Jonathan Branchaud Avocat de l’organisme
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