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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 10 19 Date : 26 juillet 2006 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. AXA ASSURANCES INC. Entreprise DÉCISION OBJET DEMANDE DEXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE DACCÈS. [1] Le 25 avril 2005, le demandeur sadresse à lentreprise pour recevoir les renseignements suivants relatifs à son dossier dassuré: « une copie de tous les documents contenant des renseignements personnels me concernant, soit : le rapport denquête, le rapport dévaluation des dommages de mon véhicule et tous autres documents se rapportant au dossier ci-haut mentionné ». [2] Le 4 mai 2005, monsieur Richard Lagacé, qui est responsable de laccès à linformation de lentreprise, donne suite à cette demande. Il informe le demandeur quaprès consultation avec le service dindemnisation de lentreprise et après analyse du dossier, lentreprise refuse dacquiescer à la demande daccès en
05 10 19 Page : 2 vertu de larticle 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [3] Le 27 mai 2005, le demandeur soumet à la Commission une demande dexamen de mésentente résultant de ce refus. Il joint à cette demande une copie de la lettre que le service dindemnisation de lentreprise a datée du 13 avril 2005 et qui explique le refus de lentreprise de lindemniser. PREUVE i) de lentreprise Témoignage de monsieur Gilles Beaulieu : [4] Monsieur Gilles Beaulieu témoigne sous serment. Il œuvre dans le domaine de lassurance depuis 1974. Il dirige, depuis 12 ans, lunité spéciale denquête du service dindemnisation de lentreprise quil a mise sur pied pour lutter contre la fraude. [5] Monsieur Beaulieu a formé le personnel de lentreprise pour lui apprendre à détecter les réclamations frauduleuses. [6] Monsieur Beaulieu connaît le dossier du demandeur. Il a été impliqué dans le traitement de ce dossier depuis janvier 2005; il a travaillé avec la responsable de lenquête, madame Sophie Toutant, qui agit sous sa supervision et avec qui il a procédé à lanalyse du dossier du demandeur. [7] Le demandeur a rapporté le vol de son véhicule à lentreprise le 29 novembre 2004. Lentreprise a ultérieurement mandaté monsieur Alain Cameron, expert en sinistre, pour quil effectue une enquête exhaustive de la réclamation du demandeur en raison des indices de fraude détectés. Le rapport denquête de monsieur Cameron a amené le service dirigé par monsieur Beaulieu à conclure que la réclamation du demandeur était de celles que régit larticle 2472 du Code civil du Québec 2 concernant les déclarations mensongères. Le 13 avril 2005, lentreprise avisait lavocat du demandeur que sa réclamation était refusée. 1 L.R.Q., c.P-39.1. 2 L.R.Q., c. C-1991.
05 10 19 Page : 3 [8] Lavocat du demandeur sétait adressé à lentreprise le 2 mars 2005 (E-1, en liasse) et il avait notamment souligné que le demandeur avait besoin dêtre payé soit pour faire réparer son véhicule (retrouvé en décembre 2004), soit pour sen acheter un autre. De façon pressante, lavocat avait réitéré sa mise en demeure les 15 et 23 mars 2005 de même que le 6 avril 2005 (E-1, en liasse). [9] Lentreprise a reçu le rapport denquête préparé par monsieur Cameron le 6 avril 2005. Le 13 avril suivant, madame Sophie Toutant, de lunité spéciale denquête du service dindemnisation de lentreprise, écrivait à lavocat du demandeur pour lui expliquer les motifs en vertu desquels lentreprise jugeait la réclamation de son client irrecevable et refusait dy donner suite (E-2). Le 7 juin 2005, monsieur Beaulieu a réitérer auprès du père du demandeur (E-9) le refus dindemniser que lentreprise avait exprimé le 13 avril 2005 à lavocat du demandeur. [10] Le conflit qui a résulté de ce refus dindemniser le demandeur sest par la suite judiciarisé; il a donné lieu à une requête datée du 25 août 2005 et déposée le 31 août suivant devant la Cour du Québec, division des petites créances, par le demandeur et son père (E-10). Lentreprise a produit sa contestation au dossier de la Cour le 16 septembre 2005 (E-10); la cause na pas encore procédé. Lentreprise appuie encore son refus de payer la somme réclamée sur les faits recueillis lors de lenquête et sur larticle 2472 du Code civil du Québec parce que le demandeur a produit de fausses factures pour réclamer et obtenir un montant plus élevé. [11] Le refus dindemniser le demandeur a aussi donné lieu à la demande daccès du 25 avril 2005 (E-3); cette demande daccès a été traitée par monsieur Richard Lagacé qui a examiné le dossier denquête produit le 6 avril 2005. Monsieur Lagacé a refusé dacquiescer à la demande daccès (E-5); sa décision a été suivie dune demande dexamen de mésentente soumise par le demandeur (E-6). [12] Le refus dindemniser le demandeur a enfin donné lieu à la résiliation du contrat dassurance automobile que le père du demandeur avait conclu avec lentreprise. Le père du demandeur sest adressé à cet effet à son courtier le 25 avril 2005; il a alors spécifiquement blâmé lentreprise pour son manque découte, pour son manque de collaboration lors de lenquête de même que pour la négligence de son enquêteur. Il a pris le soin de transmettre copie de sa lettre de résiliation à madame Sophie Toutant de lentreprise (E-4).
05 10 19 Page : 4 [13] À titre de personne impliquée dans le dossier de son fils, le père du demandeur sest ensuite adressé à monsieur Beaulieu le 2 juin 2005 (E-7). Il a à nouveau blâmé lentreprise, notamment pour son refus dacquiescer à la demande daccès du 25 avril 2005 et il a menacé dentreprendre des procédures judiciaires contre elle. Il a, entre autres, écrit : « Ce que je demande, ce ne sont pas des réponses ambiguës et incomplètes mais des réponses claires, nettes et précises avec preuves à lappuiSi je ne reçois pas de réponses positives, claires, nettes et précises ou encore une demande pour une entente de négociation de votre part, je serai dans lobligation dentreprendre des démarches judiciaires contre votre compagnie et ce dans le but de réussir à éclaircir la situation et den arriver à une conclusion et à un règlement logiques. » [14] Selon monsieur Beaulieu, le dossier de réclamation du demandeur « nétait pas pour se régler ». Le 6 juin 2006, le responsable de laccès à linformation de lentreprise, monsieur Richard Lagacé, réitérait auprès de la Commission le refus de lentreprise dacquiescer à la demande daccès du 25 avril 2005 (E-8). Monsieur Lagacé écrivait que lentreprise continuait de refuser laccès au dossier en vertu des 2 paragraphes de larticle 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé; il ajoutait que le dossier demandé pourra être déposé en cour advenant des poursuites légales. [15] Monsieur Beaulieu témoignera dans le cadre des procédures qui ont été intentées par le demandeur et son père contre lentreprise; celle-ci fera aussi entendre monsieur Cameron de même quun spécialiste en équipement dont le témoignage portera spécifiquement sur la réclamation du demandeur. Selon monsieur Beaulieu, lentreprise utilisera lensemble du dossier quelle détient sur le demandeur pour démontrer que son refus de lindemniser est fondé. ii) du demandeur Témoignage du demandeur : [16] Le demandeur témoigne sous serment. Il était propriétaire dune voiture Honda Civic et il « a mis beaucoup dargent dessus ». Sa voiture a été volée le 29 novembre 2004 alors quelle était au garage. Il a donné avis de ce vol à lentreprise; il a par la suite rencontré lexpert en sinistre Cameron et il a fait une déclaration. [17] Le demandeur veut savoir ce quil a déclaré à lexpert Cameron.
05 10 19 Page : 5 [18] Sa voiture a par la suite été retrouvée; lentreprise a autorisé certaines réparations. Le demandeur veut obtenir de lentreprise les factures quil a lui fournir; le garage ne les détient pas. Monsieur Cameron lui a dit que ses factures causaient problème parce que les montants qui y étaient inscrits avaient été arrondis. [19] Le demandeur voulait se faire payer par lentreprise parce quil avait fait réparer son véhicule selon les directives de lentreprise. Il a retenu les services dun avocat lorsque monsieur Cameron a voulu le rencontrer. Lentreprise refuse toujours de payer. Témoignage du père du demandeur : [20] Le père du demandeur témoigne sous serment. Il admet être entré en conflit avec lexpert en sinistre Cameron parce que, jugeait-il, monsieur Cameron ne collaborait pas au traitement de la réclamation de son fils et il était imprécis quant aux factures exigées. Il reproche également à lentreprise davoir autorisé son fils à reprendre possession de son véhicule alors quil navait pas été réparé de façon sécuritaire. Il a retenu les services dun avocat afin de connaître les raisons du refus de lentreprise de recevoir favorablement la réclamation de son fils. ARGUMENTATION i) de lentreprise [21] Le demandeur reconnaît que lobtention des renseignements en litige est nécessaire à la préparation de sa preuve destinée à soutenir la réclamation quil a soumise à un tribunal civil; le demandeur veut, de toute évidence, être payé par lentreprise. [22] La demande daccès a été adressée à lentreprise après 4 mises en demeure exigeant le paiement des sommes réclamées par le demandeur. [23] À la date de la demande daccès, les poursuites judiciaires étaient imminentes : les services dun avocat avaient été retenus, les échanges entre les parties étaient conflictuels, belliqueux. [24] La confidentialité des rapports en litige est protégée par le secret professionnel, ces rapports faisant partie du dossier denquête.
05 10 19 Page : 6 [25] Le refus de donner accès aux renseignements demandés était justifié par une crainte réelle de poursuites. [26] La réclamation du demandeur relève de la compétence de la Cour du Québec. DÉCISION [27] Le demandeur, en cela activement soutenu par son père, considère que lentreprise doit lindemniser suite au vol de son véhicule. Ses tentatives infructueuses lont amené à se faire représenter par un avocat qui, dès le 2 mars 2005, a mis lentreprise en demeure de payer et de « régler ce dossier ». [28] Lavocat a répété sa mise en demeure du 2 mars 2005 dès le 15 mars 2005 et, par la suite, le 23 mars 2005 de même que le 6 avril 2005. [29] Lentreprise a refusé dindemniser le demandeur le 13 avril 2005 et elle a alors motivé son refus : elle la appuyé sur les circonstances entourant la disparition du véhicule du demandeur telles que relatées par lui, sur les circonstances de la récupération de ce véhicule ainsi que sur les déclarations mensongères, contradictoires et invraisemblables à certains égards exprimées au cours de lenquête. Lentreprise a de plus invoqué non limitativement les articles 2411, 2472 et 2464 du Code civil du Québec . [30] La demande daccès du 25 avril 2005 (E-3) résulte directement du refus de lentreprise dindemniser le demandeur. Le demandeur y indique dabord quil donne suite au refus du 13 avril précédent (E-2), refus quil conteste en apportant sa version de certains faits et en blâmant lentreprise pour son attitude. Il demande ensuite accès à son dossier, vu labsence de discussion ou de proposition de lentreprise concernant la réparation de son véhicule. [31] Le père du demandeur, impliqué dans le dossier de son fils, exprime aussi son insatisfaction envers lentreprise le 25 avril 2005 (E-4); il la blâme pour son manque découte, son manque de collaboration lors de lenquête et sa négligence. Il récidive le 2 juin 2005 (E-7); il demande des réponses claires, nettes et précises avec preuves à lappui de même que les documents qui ont été refusés à son fils, renseignements à défaut desquels il se devra dentreprendre des procédures judiciaires contre lentreprise (E-7). Lentreprise lui confirme son refus dindemniser ainsi que son refus daccès le 7 juin 2005 (E-9).
05 10 19 Page : 7 [32] La réclamation du demandeur est formellement judiciarisée à la fin du mois daoût 2005. [33] Lentreprise a, le 4 mai 2005, invoqué larticle 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé au soutien de son refus de donner accès au dossier du demandeur : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: 1° de nuire à une enquête menée par son service de sécurité interne ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi ou, pour son compte, par un service externe ayant le même objet ou une agence d'investigation ou de sécurité conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (chapitre A-8); 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [34] Jai pris connaissance du dossier en litige, tel quil était détenu le 25 avril 2005, date de la demande daccès. Ce dossier comprend lensemble des renseignements à partir desquels lentreprise préparera sa preuve et tentera de convaincre le tribunal civil que son refus dindemniser le demandeur est fondé. Le demandeur et son père le savent puisque, dans leur demande respective datée du 25 avril 2005 de même que dans leur requête commune soumise à la Cour du Québec (E-10), ils font eux-mêmes le lien entre le refus dindemniser et le contenu du dossier. [35] Le dossier en litige comprend spécifiquement les renseignements que lentreprise a obtenus lors de lenquête de même que lanalyse et lévaluation de ces renseignements. Laccès à ce dossier révélerait donc ce qui sert de fondement à la défense de lentreprise de même que sa stratégie dans le cadre du procès qui na pas encore eu lieu; il révélerait aussi très exactement ce sur quoi les témoins seront interrogés par lentreprise.
05 10 19 Page : 8 [36] La Commission constate que tous les renseignements constituant ce dossier peuvent être utilisés par lentreprise dans le cadre des procédures intentées par le demandeur pour être indemnisé. [37] Ce dossier dassuré a été constitué de renseignements qui permettent à lentreprise de traiter la réclamation du demandeur en pleine connaissance de cause et dappuyer sa décision motivée. Il est évident que la divulgation de ces renseignements risquerait davoir un effet sur des procédures judiciaires dans lesquelles tant lentreprise que le demandeur ont un intérêt. [38] La preuve démontre quà la date de la demande daccès, les mises en demeure ainsi que linsatisfaction exprimée par le demandeur et son père auprès de lentreprise laissaient entendre que des procédures judiciaires résultant du refus de lentreprise dindemniser le demandeur étaient imminentes. La divulgation du dossier du demandeur risquait alors, en raison des renseignements qui le constituent, davoir un effet sur ces procédures judiciaires. [39] La preuve démontre que le 2 e paragraphe de larticle 39 de la loi précitée pouvait donc être appliqué par lentreprise; les renseignements en litige seront divulgués selon les règles qui régissent le procès civil. [40] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Evelyne Verrier Avocate de lentreprise
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