Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 03 92 Date : Le 23 juin 2005 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] La procureure du demandeur, M e Jacinthe Lanctôt, mentionne que son client purge actuellement une peine de prison. Elle veut obtenir une copie du dossier détenu par le Service de police de la Ville de Montréal (la « Ville ») à ce sujet. [2] La Ville prétend qu’elle ne possède pas le dossier demandé. M e Lanctôt conteste donc la décision de celle-ci l’ayant référée à la cour concernée pour l’obtenir.
04 03 92 Page : 2 [3] Une audience a lieu à Montréal le 11 mai 2005 et, le 1 er juin suivant, la Ville complète sa preuve. L'AUDIENCE A) LA PREUVE ET LES ARGUMENTS i) De la Ville [4] Les parties reconnaissent que les documents exigés par le demandeur concernent un meurtre survenu en 1982, la Cour suprême du Canada s’étant même prononcée dans ce dossier. M me Line Trudeau [5] M me Trudeau, conseillère à la personne responsable de l’accès, confirme qu’elle a traité la demande d’accès. Il s’agit du dossier portant le n o 52820703014, débutant le 3 juillet 1982 et étant terminé pour la Ville. [6] M me Trudeau explique qu’elle a effectué plusieurs vérifications pour trouver les documents requis par le demandeur. Elle a fait des recherches au plumitif et appelé les archives et les directions des enquêtes. [7] M me Trudeau affirme que : • le lieutenant-détective Desrosiers l’a avisée, le 5 février 2004, qu’il n’avait pas le dossier; • M. Petit, responsable des archives, l’a également avisée, le 20 février 2004, qu’il n’a pu trouver le dossier papier ni celui microfilmé; • M. Lachapelle du Centre d’information de la police canadienne a déclaré, le 2 mars 2004, qu’il ne possédait pas de document émanant de la Ville. [8] M me Trudeau soumet avoir alors présenté un projet de réponse à l’attention de la personne responsable de l’accès, M e Suzanne Bousquet, traçant le résultat de ses démarches. Cette réponse fut communiquée par celle-ci à M e Lanctôt le 2 mars 2004.
04 03 92 Page : 3 [9] M me Trudeau indique avoir récemment initié une démarche supplémentaire : elle a communiqué avec M. Labadie de la Section des homicides et le sergent-détective Beaulieu, les 18 et 21 mars 2005, et le Service des archives, le 21 mars 2005. [10] M me Trudeau certifie que cette nouvelle démarche est demeurée infructueuse, le dossier papier ou microfilmé n’étant plus détenu par la Ville. [11] M me Trudeau ajoute que le sergent-détective Beaulieu l’a informée qu’un policier, M. Goyette, a été assigné, en 1996, pour procéder à l’épuration des dossiers. Une indication mentionne que le dossier a été envoyé aux archives, en 1997, par M. Goyette. Depuis ce dernier événement, la Ville en a perdu la trace. Elle soutient que rien ne permet de conclure qu’il ait été microfilmé ou détruit. La seule mention se trouvant au dossier est qu’il s’agit du 39 e meurtre survenu sur le territoire en 1982. [12] M me Trudeau signale avoir également contacté la Cour du Québec, le 22 mars 2005. M e Caroline Cloutier l’a alors informée avoir reçu une caisse de documents. Le 29 mars suivant, M e Marie-Andrée Trudeau, procureure de la Couronne, lui a confirmé que les consultations et vérifications des documents n'ont permis de trouver qu’un document confectionné par la Ville, soit le précis des faits. M e Lanctôt, le 7 avril 2005, a signifié ne pas vouloir ce document, le possédant déjà. Celle-ci confirme les propos de M me Trudeau. [13] M me Trudeau répète qu’aucune indication ne permet de savoir si le dossier a été perdu, détruit ou volé. Elle est incapable d’expliquer sa disparition. [14] Interrogée par M e Lanctôt, M me Trudeau certifie qu’il n’existe pas de registre permettant de confirmer la destruction du dossier. Elle avance qu’habituellement, un dossier terminé est détruit selon les délais prévus au calendrier de conservation. Elle confirme qu’un dossier classé « non résolu » est conservé pour une période indéfinie. Elle réitère n’avoir aucune indication de la destruction du dossier en 1996 ou 1997. ii) Du demandeur [15] M e Lanctôt s’étonne que la Ville n’ait pas de registre constatant ou non la destruction de documents. Elle a de bonnes raisons de croire que des personnes aient pu consulter le dossier et que celui-ci se trouve à un autre endroit. Elle est insatisfaite des démarches entreprises par la Ville. Elle croit que celle-ci se doit de vérifier la détention de documents auprès des policiers ayant potentiellement consulté le dossier.
04 03 92 Page : 4 [16] M e Lanctôt allègue qu’il lui est nécessaire de connaître les informations versées au dossier, incluant le nom des personnes l’ayant consulté, et ce, dans le cadre de sa demande actuelle de révision judiciaire au nom de son client. Elle avance que les policiers ont sûrement référé aux documents versés au dossier lors de l’enquête tenue par le Comité de révision des condamnations. Elle veut que la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») enquête sur la façon de procéder de la Ville, notamment au sujet de la conservation des documents sous sa responsabilité. M e Paul Quézel [17] M e Quézel réplique que la Commission n’est actuellement pas dans le cadre d’une enquête, mais d’un litige en matière d’accès. La Commission [18] La Commission exige de la Ville de lui faire parvenir, d’ici 15 jours, les extraits pertinents des règles de conservation des dossiers de meurtre ainsi que, le cas échéant, les directives ou normes régissant la destruction de documents en 1996 et 1997. M e Paul Quézel [19] Le 1 er juin 2005, M e Quézel écrit à la Commission ce qui suit : […] Après vérification auprès de nos responsables des archives, il n’existe pas et n’aurait jamais existé de directive relativement à la destruction des dossiers, autre que celle prévue à notre calendrier de conservation. Veuillez donc trouver ci-joint copie de la règle #5611 relativement aux dossiers d’homicides. Prenez note qu’on ne procède à la micrographie de ces dossiers que depuis 1990 […].
04 03 92 Page : 5 DÉCISION [20] Le seul objet du litige est de déterminer si la Ville détient ou non, selon les termes de l’article 1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 , le dossier exigé par le demandeur : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [21] La détention d’un document, dans le sens courant de « garder » et « tenir en sa possession » 2 , s’évalue au moment du dépôt de la demande d’accès 3 . Il incombe à la Ville de démontrer que le document n’existe plus. À défaut d’une justification directe de la destruction de celui-ci, la preuve prépondérante doit me permettre de conclure à son inexistence 4 . [22] De ma compréhension, M me Trudeau est la personne traitant les demandes d’accès pour le Service de police de la Ville. Elle agit donc comme répondante en matière d’accès pour ce Service. [23] M me Trudeau a énuméré les diverses recherches et vérifications effectuées dans le présent dossier pour retrouver les documents requis du demandeur. Elle a déclaré, sous serment, que ses contrôles à deux reprises avec notamment les procureurs de la Couronne, le Centre d’information de la police canadienne, la Cour du Québec et les Services des enquêtes, des homicides et des archives sont demeurés infructueux. Elle certifie que MM. Desrosiers, Petit, Lachapelle, Labadie, Beaulieu et M es Lanctôt, Cloutier et Marie-Andrée Trudeau lui ont confirmé ne pas détenir le dossier émanant de la Ville et réclamé par le demandeur. 1 L.R.Q., c. A-2.1. 2 Duchesneau c. Ville de Dunham, [1984-86] 1 C.A.I. 5, 6; Fortin c. Communauté urbaine de Québec, [1986] C.A.I. 125, 127. 3 Vivaces québécoises (Division de Les vivaces de chez nous inc.) c. Laval (Ville de), [2003] C.A.I. 120. 4 Gagnon c. Hôtel-Dieu d'Arthabaska, [1987] C.A.I. 428, 431; Atikamekw Sipi c. Secrétariat aux Affaires gouvernementales en milieu amérindien et inuit, [1984-86] 1 C.A.I. 77, 79.
04 03 92 Page : 6 [24] On ne peut reprocher au demandeur de revendiquer le dossier qu’il croit être détenu par la Ville 5 . D’ailleurs, celle-ci ne conteste pas l'avoir déjà eu en possession. C’est également à bon droit que M e Lanctôt a manifesté son étonnement de constater que la Ville n’avait pas conservé le dossier. [25] Cependant, la preuve prépondérante m’a convaincu que la Ville a entrepris les recherches suffisantes démontrant qu’elle ne possède plus le dossier et qu'elle en a perdu toute trace depuis 1997. La décision de la personne responsable de l’accès, le 2 mars 2004, était, dans les circonstances, fondée. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [26] REJETTE la demande de révision du demandeur; [27] RÉSERVE toutefois les droits et recours du demandeur. MICHEL LAPORTE Commissaire M e Jacinthe Lanctôt Procureure du demandeur M e Paul Quézel Procureur de l'organisme 5 Atikamekw Sipi c. Secrétariat aux Affaires gouvernementales en milieu amérindien et inuit, précitée, note 4.
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