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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 05 91 Date : 21 mars 2005 Commissaire : M e Christiane Constant DÉCISION LOBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Par lentremise de M e Cecil Joe Posman, les demanderesses requièrent conjointement, le 19 mars 2004, du ministère de lEmploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, ci-après désigné lorganisme, laccès à « une lettre anonyme de six (6) pages) » qui aurait été écrite par lune delles, à savoir M [2] Le 23 mars, M me Pierrette Brie, responsable ministérielle de laccès aux documents et de la protection des renseignements personnels, informe X et Y Demanderesses c. Ministère de lEmploi, de la Solidarité sociale et de la Famille Organisme public me Y.
04 05 91 Page : 2 M e Posman quelle ne peut lui en fournir une copie « car elle na pas été rédigée ni signée par » M me Y. M me Brie ajoute que la divulgation de ce document révélerait des renseignements sur une personne autre que les demanderesses sans son consentement au sens de larticle 88 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la «Loi sur laccès»). [3] Le 31 mars, M e Posman formule, pour les demanderesses, auprès de la Commission daccès à linformation (la « Commission ») une demande conjointe pour que soit révisée la décision de lorganisme. LAUDIENCE [4] L'audience de cette cause se tient à Montréal, le 11 février 2005, en présence des demanderesses et du témoin de lorganisme, étant représenté par M e Michel Jarry, du cabinet davocats Bernard Roy & Associés (Justice-Québec). LA PREUVE A) DE LORGANISME [5] M e Jarry fait témoigner, sous serment, M. Shadi Wazen qui déclare être conseiller en accès aux documents et aux renseignements personnels auprès de M me Brie. À la demande de celle-ci, il a pris connaissance dune première demande datée du 18 février 2004 que M me X avait adressée à lorganisme (pièce O-1). Il lui a fait parvenir un accusé de réception datée du 23 février suivant (pièce O-2). À ce moment, la demande visait : Une copie du rapport de plainte # 20030795. Vous désirez aussi savoir si cette plainte a été faite par téléphone ou par écrit. (sic) [6] M. Wazen ajoute que M me Brie a transmis à M me X une copie élaguée du rapport de plainte et les notes dinspection reliées à ce rapport (pièce O-4). Il indique que linspectrice avait préalablement procédé à lexamen de la plainte et a rencontré les demanderesses dans la présente instance. Il indique que le 2 e paragraphe du « Rapport dexamen-Type de plainte : Service de garde » 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 05 91 Page : 3 démontre quun « parent » avait formulé la plainte contre M me X. Le nom de M me Y ny apparaît pas. Cest une plainte anonyme. Il ajoute que M me X ne sest alors pas adressée à la Commission pour faire réviser la décision de lorganisme. [7] M. Wazen réfère à la section intitulée « Détail de la plainte » selon laquelle une personne se faisant appelée M me Y a porté plainte contre M me X sur la manière dont celle-ci soccupe des enfants à la garderie dont elle est propriétaire. Linspectrice a alors décidé de fermer le dossier de plainte, faute de preuve contre cette dernière. [8] La 2 e demande datée du 19 mars 2004 formulée par M e Posman auprès de lorganisme vise laccès à la même lettre (pièce O-5), les demanderesses souhaitant connaître lidentité de lauteur de ce document. [9] M. Wazen explique que M me Brie avise M e Posman dans sa réponse (pièce O-6) que « malheureusement, je ne peux vous en transmettre une copie car elle na pas été rédigée ni signée par votre cliente, madame Y. Sa communication révélerait donc des renseignements sur une autre personne que vos clientes sans son consentement. » Il dépose confidentiellement à laudience une copie de cette lettre. [10] M. Wazen affirme que lorganisme a pris connaissance de la demande de révision qua soumise lavocat des demanderesses à la Commission (pièce O-7), visant lobtention dune copie de cette lettre. Cest le seul point ou document en litige dans la présente instance. B) TÉMOIGNAGE DE M ME Y [11] M me Y déclare solennellement avoir rencontré linspectrice, du ministère de la Famille et de lEnfance (le « M.F.E. »), ayant enquêté en regard dallégations contenues dans une plainte formulée contre sa sœur, M me X. Elle affirme vouloir prendre connaissance de ce document dont elle nest pas lauteure afin dêtre en mesure de le transmettre à un Service de police approprié aux fins dexpertise décriture. C) TÉMOIGNAGE DE M ME X. [12] M me X indique quelle possède une garderie reconnue par le MFE. Elle dit vouloir obtenir une copie de la lettre qui, à son avis, ne provient pas de sa sœur, M me Y; elle veut connaître son auteur.
04 05 91 Page : 4 [13] Elle reconnaît cependant en contre-interrogatoire quelle ne sest pas adressée à un Service de police, mais quelle a lintention de le faire, et ce, pour les mêmes motifs que ceux préalablement fournis par M me Y. LES ARGUMENTS DE LORGANISME [14] Se référant au rapport dinspection du MFE (pièce O-4 précitée), M e Jarry argue que la preuve a démontré que la personne ayant porté une plainte rédigée sous forme manuscrite contre M me X est un « parent », tel quil est indiqué au 2 e paragraphe de la première page dudit rapport. Le nom de celui-ci ny est pas indiqué. Lorganisme considère que lauteur de cette plainte est anonyme. [15] M e Jarry réfère au témoignage de lune des demanderesses, soit M me Y selon lequel elle affirme ne pas être lauteur de la lettre en litige. Cette dernière souhaite en avoir accès afin de la transmettre à un corps de police aux fins dexpertise décriture. Ces affirmations sont corroborées, à laudience, par M me X. [16] M e Jarry plaide que, bien que la lettre soit anonyme, les renseignements quelle contient sont nominatifs à légard de son auteur. Ce dernier décrit, dans ses propres mots, une situation précise qui se passait à la garderie appartenant à lune des demanderesses, soit M me X. Lavocat plaide que leur divulgation risque vraisemblablement didentifier une autre personne physique, à savoir lauteur de cette lettre. M e Jarry commente à cet effet la décision concernant le Centre hospitalier régional de Lanaudière c. Mireault 2 la Cour du Québec citant laffaire Rousseau c. Centre Hospitalier Régional de lOutaouais 3 indique entre autres que: […] les déclarations des plaignants ont été déclarées nominatives à légard des personnes qui les ont faites, lorsque les plaignants y relataient, dans leurs propres mots, ce quils considéraient être leurs griefs contre le demandeur et quelles étaient assorties de commentaires personnels, bref quelles traduisaient leur subjectivité. Après avoir pris connaissance des documents en litige dans le présent dossier, la soussignée estime quil sagit 2 C. Q. Montréal, n o 500-02-020350-927, 28 mai 1993, j. Poirier, p. 20. 3 [1988] C.A.I. 35.
04 05 91 Page : 5 dun cas la divulgation du contenu des plaintes à la demanderesse lui révélerait vraisemblablement lidentité des plaignants. En effet, ces documents manuscrits proviennent de personnes côtoyant la demanderesse et ils lui reprochent certains agissements dont la divulgation permettrait très certainement à celle-ci didentifier les signataires. […] [17] Commentant la décision Deveau, Lavoie, Bourgeois, Lalande & Associés c. Directeur général des élections 4 , M e Jarry cite le paragraphe suivant qui, à son avis, sapplique à la présente cause : […] La Commission relève dailleurs que la Cour Suprême du Canada, dans les affaires R. c. Leiper 5 et Bisaillon c. Keable 6 , traite du privilège des indicateurs de police, lesquels sont, à lévidence, des personnes physiques. Dans les circonstances, la Commission partage les prétentions du DGE selon lesquelles la Loi protège lidentité dun plaignant ou dun indicateur de police, personnes physiques. […] DES DEMANDERESSES [18] M e Posman, pour sa part, plaide que les renseignements nominatifs concernant des personnes physiques ne devraient pas demeurer confidentiels au sens de la Loi et de la jurisprudence. Il indique en effet que la plainte (pièce O-4 précitée) formulée contre M me X, ne revêt pas un caractère anonyme, car, dune part, les informations contenues à ce document visent celle-ci, et dautre part, il porte la signature dune personne qui prétend sappeler M me Y. Conséquemment, les articles 54 et 88 de la Loi sur laccès ne devraient pas sappliquer dans cette affaire. 4 C.A.I. Montréal, n o 03 05 40, 9 janvier 2004, c. Laporte. 5 [1997] R.C.S. 281. 6 [1983] 2 R.S.C. 60, p. 90.
04 05 91 Page : 6 LA DÉCISION [19] Les demanderesses ont affirmé respectivement à laudience que M me Y nest pas lauteur de la plainte ayant été formulée contre M me X auprès de lorganisme, laquelle fait lobjet du présent litige. Leur demande conjointe de révision est formulée en vertu de larticle 9 de la Loi sur laccès, sous réserve des dispositions législatives prévues, entre autres, aux articles 53 et 54 de cette loi. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [20] Il est établi à laudience que ni lune ni lautre des demanderesses ne sest adressée à la police pour lui faire part dune plainte anonyme ayant été déposée contre M me X auprès de lorganisme. Elles ont admis cependant vouloir en obtenir une copie afin de la transmettre à un corps de police qui pourrait procéder à une expertise décriture. Le résultat de cette expertise leur permettrait éventuellement de connaître lidentité de lauteur de cette plainte. [21] Ce document est une lettre manuscrite de 6 pages inscrite sous forme de dénonciation adressée à lorganisme. Il porte le nom dune personne physique, soit M me Y, qui nie en être lauteur. D le motif principal celle-ci souhaite, avec sa sœur, en avoir accès. Toutefois, au 2 e paragraphe de la première page du « Rapport dexamen-Type de plainte : Service de garde », celui-ci démontre quun « parent » avait formulé la plainte contre M me X. Le nom de sa soeur ny apparaît pas. [22] Lauteur de ce document en litige décrit des évènements précis survenus à la garderie dont M me X est propriétaire, il émet des commentaires personnels en rapport avec les agissements de celle-ci à légard des enfants dont elle était alors responsable, etc. La soussignée constate que ce document est truffé de renseignements nominatifs tant à légard de la personne visée par ce document quà légard de celle ayant émis les commentaires. Ces renseignements ne doivent pas être divulgués. [23] De plus, comme il est indiqué dans les affaires Centre hospitalier régional de Lanaudière précitée 7 et Mercier c. Hôpital St-Charles-Boromée 8 , lécriture 7 Id., note 2.
04 05 91 Page : 7 dune personne et lidentité dun plaignant sont des renseignements nominatifs protégés par les articles 53, 54 et 88 de la Loi sur laccès. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [24] Par ailleurs, les demanderesses souhaitent que lexception prévue à larticle 88 de la Loi sur laccès ne sapplique pas à la présente cause et quune considération particulière leur soit plutôt accordée, afin de pouvoir obtenir une copie du document en litige. La soussignée nest pas de cet avis. Le législateur ne prévoit pas cette catégorie dexception dans sa loi. [25] Lexamen de la preuve et de la jurisprudence amène la soussignée à conclure que la responsable de laccès aux documents était fondée de refuser de communiquer aux demanderesses la lettre, seul document en litige, et ce, tel quil a été décidé, entre autres, dans les affaires Pinsonneault c. Ministère de la Sécurité publique 9 et Cusson c. Ministère de la Sécurité publique 10 . 8 [1995] C.A.I. 144, 146 9 [2003] C.A.I. 20. 10 [2003] C.A.I. 110.
04 05 91 Page : 8 [26] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision conjointe des demanderesses contre le ministère de lEmploi, de la Solidarité sociale et de la Famille; FERME le présent dossier portant le n o 04 05 91. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Michel Jarry Bernard Roy & Associés (Justice-Québec) Procureurs pour le Ministère de lEmploi, de la Solidarité sociale et de la Famille M e Cecil Joe Posman Procureur des demanderesses
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