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Commission daccès à linformation du Québec Dossiers : 03 22 64 Date : 10 mars 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. Société de lassurance automobile du Québec Organisme public DÉCISION LOBJET DU LITIGE La DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 13 novembre 2003, la demanderesse cherche à vérifier auprès de la Société de l'assurance automobile du Québec (l’« organisme»), lexactitude de lidentité dune personne ayant acheté un véhicule automobile qui appartenait à son père avant le décès de celui-ci. [2] Le 4 décembre suivant, par lentremise de M. Claude Gélinas, responsable de laccès aux documents, lorganisme refuse à la demanderesse laccès à ce renseignement; il invoque à cet effet larticle 88 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
03 22 64 Page : 2 personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). Il ajoute cependant que lorganisme ne devra lui fournir ce renseignement « que sur ordonnance du Tribunal » conformément à larticle 171 (3) de la Loi sur laccès. [3] Le 16 février 2004, la demanderesse sollicite lintervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour que soit révisée cette décision. LAUDIENCE [4] Une audience est tenue le 27 octobre 2004, à Montréal, en présence de la demanderesse, lorganisme étant représenté par M e Annie Rousseau. LA PREUVE DE LA DEMANDERESSE [5] La demanderesse déclare que son père était propriétaire dun véhicule automobile, à savoir « une Lumina 1991 ». Avant le décès de celui-ci, il avait fait rédiger une procuration notariée en prévision de son inaptitude en faveur de M me C.A. [6] Après avoir effectué certaines recherches, la demanderesse prétend quun garagiste lui a confirmé lidentité de la nouvelle propriétaire du véhicule, soit M me C.A., mais celle-ci nie cette allégation. La demanderesse indique de plus que lorganisme la informée qu « il y a eu un transfert » de propriété du véhicule à une autre personne, et ce, tel quil appert dune lettre datée du 14 novembre 2003 (pièce D-1). [7] La demanderesse ajoute avoir été désignée par son père à titre de « liquidatrice et légataire universelle testamentaire ». Le renseignement recherché lui est nécessaire, afin de pouvoir exercer adéquatement ses fonctions qui lamènent, entre autres, à procéder à une reddition de comptes. Elle souhaite de plus vérifier toutes les transactions effectuées par celle-ci, alors quelle agissait au nom de son père par le biais de la procuration notariée. La demanderesse souligne que lorganisme devrait être en mesure de lui confirmer lexactitude de lidentité de cette personne. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 22 64 Page : 3 LES ARGUMENTS [8] M e Rousseau rappelle lessentiel du témoignage de la demanderesse qui prétend connaître lidentité de la personne ayant acquis le véhicule dont son père était propriétaire, bien que celle-ci nie cette allégation. Elle souhaite que ce renseignement lui soit communiqué par lorganisme. [9] M e Rousseau plaide que lorganisme ne peut pas acquiescer à cette demande, et ce, en vertu de larticle 88.1 de la Loi sur laccès qui est un article impératif. En conséquence, celui-ci doit recevoir une interprétation restrictive. M e Rousseau suggère de le lire conjointement avec larticle 94 de cette loi. Ce dernier décrit les critères devant être respectés par une personne physique qui veut avoir accès à un renseignement nominatif. [10] Dans le cas sous étude, M e Rousseau fait valoir, entre autres, que la demanderesse : a) est une personne physique; b) a formulé sa demande écrite auprès du responsable de laccès de lorganisme, afin de pouvoir connaître lidentité exacte du propriétaire du véhicule automobile « Lumina 1991 » qui appartenait préalablement à son défunt père; c) a démontré quelle est notamment héritière et administratrice de sa succession; d) nest pas une personne concernée au sens de larticle 94 de la Loi sur laccès, mais plutôt son défunt père; e) prétend connaître lidentité de la propriétaire du véhicule automobile. [11] M e Rousseau argue de plus que les renseignements visés dans la demande sont des renseignements nominatifs protégés par la Loi. Elle ajoute que « dès quil y a hésitation ou doute sur ce que le demandeur connaît vraisemblablement, le responsable na pas le choix : il doit protéger les renseignements concernant les tierces personnes physiques lorsquil est appelé à appliquer larticle 88 de la loi. », et ce, tel quindiqué dans la décision Nadeau-Boyle c. Société de lassurance automobile du Québec 2 . 2 [2002] C.A.I. 268, 272.
03 22 64 Page : 4 [12] Par ailleurs, M e Rousseau argue que la demanderesse aurait pu avoir accès auxdits renseignements, si ceux-ci mettaient en cause ses intérêts ou ses droits à titre dhéritière ou de bénéficiaire, comme la souligné la Commission dans laffaire Grégoire c. Société de lassurance automobile du Québec 3 . Or, aucune preuve na été fournie à cet effet. [13] M e Rousseau fait valoir que ce nest quà laudience que la demanderesse prétend connaître lidentité de la propriétaire du véhicule, mais elle nen a pas fournie la preuve. Lavocate rappelle que le nom dune personne physique est un renseignement nominatif protégé par larticle 54 de la Loi sur laccès; ce renseignement lui est conséquemment inaccessible. LA DÉCISION [14] Il sagit de déterminer si la demanderesse a le droit de vérifier et dobtenir lidentité exacte de la nouvelle propriétaire du véhicule automobile qui appartenait à son défunt père et quelle prétend connaître. Il est établi « que la date du transfert du véhicule de Monsieur Grégoire fut le 19 octobre 1999 » et quil y a eu effectivement un transfert de propriété de ce véhicule à une autre personne (pièce D-1 précitée). [15] Larticle 54 de la Loi sur laccès prévoit que : 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [16] La demanderesse ne peut donc pas avoir accès à un renseignement nominatif permettant didentifier une personne physique. Une jurisprudence constante de la Commission abonde en ce sens, par exemple, dans les affaires Ségal c. Centre de services sociaux de Québec 4 et Bourassa c. Commission des normes du travail 5 . [17] Par ailleurs, la demanderesse allègue que lexactitude de lidentité de cette personne lui est nécessaire afin de pouvoir exercer adéquatement ses fonctions de liquidatrice testamentaire. Elle souhaite de plus vérifier si cette même personne a effectué les transactions correctement, alors quelle agissait au nom de son père par le biais dune procuration. 3 [1999] C.A.I. 395, 398. 4 [1988] C.A.I. 315. 5 [2003] C.A.I. 502.
03 22 64 Page : 5 [18] Lorganisme refuse de communiquer à la demanderesse le renseignement convoité, étant protégé par larticle 88.1 de la Loi sur laccès. Cet article, qui revêt un caractère impératif, doit être interprété de façon restrictive, et ce, tel quil est mentionné dans laffaire A c. Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal 6 . 88.1 Un organisme public doit refuser de donner communication d'un renseignement nominatif à l'administrateur de la succession, au bénéficiaire d'une assurance-vie, à l'héritier ou au successeur de la personne concernée par ce renseignement, à moins que cette communication ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre d'administrateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successeur. [19] Le législateur prévoit toutefois une exception à la règle de confidentialité entourant cet article, dans la mesure un demandeur est capable de démontrer que la communication recherchée est directement reliée à ses droits ou intérêts à titre dhéritier. Or, tel nest pas le cas dans la présente cause, la demanderesse ayant clairement indiqué les motifs pour lesquels elle souhaite obtenir le renseignement convoité. Ces motifs sont autres que ceux indiqués à larticle 88.1 de ladite loi. [20] Lorganisme était donc fondé de refuser de donner à la demanderesse communication ou de confirmer lidentité exacte de la propriétaire du véhicule automobile. [21] Par ailleurs, larticle 94 de la Loi sur laccès détermine, entre autres, les critères devant être respectés par un demandeur daccès qui doit être « une personne physique justifiant de son identité à titre de personne concernée », en loccurrence le père de la demanderesse et non cette dernière. 94. Une demande de communication ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne physique justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier ou de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale. 6 [1995] C.A.I. 95, 97, 98.
03 22 64 Page : 6 Elle est adressée au responsable de la protection des renseignements personnels au sein de l'organisme public. Si la demande est adressée à la personne ayant la plus haute autorité au sein de l'organisme public, cette personne doit la transmettre avec diligence au responsable qu'elle a désigné en vertu de l'article 8, le cas échéant. [22] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de la demanderesse contre la Société de lassurance automobile du Québec; FERME le dossier portant le n o 03 22 64. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Annie Rousseau Procureurs de la Société de lassurance automobile du Québec
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