Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 18 34 Date : Le 20 février 2006 Commissaire : M e Jacques Saint-Laurent X Demanderesse c. Hôpital Sainte-Justine Organisme DÉCISION LOBJET DEMANDE DE RÉVISION, formulée en vertu de larticle 27 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1 . [1] Le 21 octobre 2004, la demanderesse demande à lorganisme de lui communiquer les renseignements suivants, pour les services reçus à partir du 16 septembre 2004 : 1 L.R.Q. c. S-4.2 ci-après appelée la «L.S.S.S.S
04 18 34 Page : 2 mon dossier médical et celui de mon bébé : Y. [2] Quatre (4) jours auparavant, le 17 octobre 2004, madame avait donné naissance à un garçon. Il est malheureusement décédé trente (30) minutes après laccouchement par césarienne. [3] Le 3 novembre 2004, la responsable de laccès aux documents et de la protection des renseignements personnels de lorganisme ne répond que partiellement à la demande daccès du 21 octobre 2004. [4] La responsable de laccès explique à la demanderesse que larticle 23 de la L.S.S.S.S. restreint les informations pouvant être communiquées dans le cas dun usager décédé. Dans ce contexte, seul le bulletin de décès «SP-3» a été transmis à la demanderesse. [5] Le 23 novembre 2004, la demanderesse demande à la Commission daccès à linformation de réviser la décision de la responsable de laccès de lorganisme. Parlant du dossier médical de son fils décédé, la demanderesse sexprime comme suit : Si moi, sa mère, je ne peux avoir accès à son dossier, qui donc y aura accès? [6] Laudition de la demande de révision a lieu le 5 août 2005, à Montréal. La demanderesse et son conjoint, le père de Y, sont présents. Lorganisme est représenté par Me Anne de Ravinel. Elle est accompagnée par la responsable de laccès de lorganisme, Mme Martine Dubé, et par Mme Karine Michaud, archiviste médicale. LA PREUVE i) de lorganisme [7] La procureure de lorganisme fait dabord entendre larchiviste médicale qui a fait lexamen des dossiers dont on demande laccès. [8] Dans le cas du dossier de lenfant décédé, Mme Karine Michaud précise que seul le bulletin de décès pouvait être communiqué. Le rapport dautopsie aurait pu être remis mais à cette époque, il nétait pas disponible.
04 18 34 Page : 3 [9] Dans le cas du dossier de la demanderesse, larchiviste médicale a dabord préparé un résumé du dossier, comme le veut la pratique, à moins que le dossier complet nait été demandé. La lettre de transmission du résumé du 4 novembre 2004 est produite, pièce O-1. [10] Le 20 décembre 2004, la demanderesse demande cette fois de consulter son dossier sur place, pour les soins ou services reçus à partir du 10 septembre 2004. Cette nouvelle demande est produite, pièce O-2. [11] En prévision de cette consultation, larchiviste médicale sollicite et obtient laccord du Dr Francoeur. Elle masque les renseignements fournis par des tiers, tenant compte de larticle 18 de la L.S.S.S.S. [12] La consultation sur place a lieu le 2 février 2005. À cette occasion, lorganisme remet à la demanderesse les copies quelle demande, en prenant soin de masquer les renseignements fournis par des tiers. [13] Dans une deuxième étape, la procureure de lorganisme fait entendre la responsable de laccès. Elle explique la teneur de sa réponse du 3 novembre 2004. Ainsi, une copie du bulletin de décès «SP-3» a été transmise à la demanderesse, pièce O-3. [14] La responsable de laccès ajoute que larticle 23 de la L.S.S.S.S. permettrait de remettre à la demanderesse le rapport de pathologie qui a été préparé par la suite. Par contre, la pratique de lorganisme consiste à ne pas transmettre froidement un tel rapport. Linstitution propose à lusager une rencontre avec des professionnels, pour tenter dhumaniser la démarche. [15] La rencontre a été proposée à la demanderesse. Jusquà maintenant, elle ny a pas donné suite. [16] La copie intégrale du dossier de lenfant ainsi que les parties du dossier de la demanderesse auxquelles elle na pas eu accès ont été remises à la Commission, à titre confidentiel. ii) de la demanderesse [17] La preuve et largumentation de la demanderesse se confondent dans lexposé quelle et son mari soumettent à la Commission. La douleur, lincompréhension sexpriment, à juste titre, avec beaucoup dintensité. [18] La demanderesse est déçue de ne pas avoir pu prendre connaissance de tout son dossier médical. Elle ne comprend pas la réserve concernant des renseignements fournis par des tiers. À titre dexemple, la demanderesse produit la copie dune page élaguée de son dossier médical, pour la journée du 17 octobre
04 18 34 Page : 4 2004, pièce D-1. Elle soumet quelle doit pouvoir prendre connaissance de ces parties masquées. [19] Elle a fait linventaire des différentes personnes qui sont venues la visiter à lhôpital, elle les a consultées et, selon elle, personne ne comprend pourquoi il faudrait masquer ce quelles ont dit. Ces personnes seraient prêtes à donner un consentement à la communication. [20] La demanderesse soumet quà partir des coordonnées des tiers quelle peut fournir, lorganisme pourrait solliciter un consentement de la ou des personnes concernées. [21] À ce sujet, la responsable de laccès de lorganisme précise que plus de quinze mille (15 000) demandes daccès sont traitées annuellement. Dans plusieurs cas, le dossier ne permet pas de savoir précisément qui est le tiers. Par ailleurs, comment sassurer dobtenir un consentement éclairé après avoir identifié le tiers. [22] Concernant la confidentialité du dossier médical de Y, les parents soumettent que, pour un enfant qui na vécu que quelques minutes, ils doivent avoir accès au dossier. [23] La demanderesse ajoute que laccès leur est indispensable dans la mesure ils ont relevé différents éléments quils ne réussissent pas à expliquer, en se référant à linformation dont ils disposent actuellement. [24] Outre les démarches effectuées auprès des archives médicales de lorganisme et de la responsable de laccès, la demanderesse sest adressée au Protecteur des usagers de linstitution, le 24 février 2005. La réponse du 29 mars 2005 de la commissaire locale à la qualité des services est produite, pièce D-2. Elle fournit les détails pertinents concernant le traitement des demandes daccès et de consultations du dossier médical de la demanderesse et de celui de son bébé. [25] Pour illustrer les questionnements que provoque lexamen des parties de dossier quelle a obtenues, la demanderesse produit et commente deux (2) pages de son dossier, pièce D-3. Se référant notamment à la calligraphie différente des notes, aux inscriptions en marge ou à labsence de date ou de signature, la demanderesse affirme quil y aurait eu «plusieurs irrégularités», lui faisant craindre la «mauvaise foi». Par exemple, on naurait pas respecté les règles de rédaction des dossiers médicaux. [26] La demanderesse souligne également que les explications sur les circonstances du décès de son fils ne sont pas cohérentes. Les causes du décès indiquées dans le bulletin de décès (O-3) sont subséquemment contredites dans la lettre du Dr Isabelle Amyot du 3 juin 2005, pièce D-4. La Dr Amyot répondait à la plainte déposée par la demanderesse à légard des trois (3) médecins ayant participé à lintervention du 17 octobre 2004.
04 18 34 Page : 5 [27] Selon la demanderesse, il y a lieu de se questionner avec tant de choses inexactes dans son dossier. Pour illustrer une contradiction, elle produit le formulaire de consentement signé le 17 octobre 2004, pièce D-5. Il indique bien quelle a consenti à la césarienne, contrairement à ce quon lui a laissé entendre à lhôpital. [28] En somme, la demanderesse soumet que tous ces questionnements justifient de lui donner accès au dossier de son fils. ARGUMENTS [29] La procureure de lorganisme rappelle que, dans lapplication des dispositions pertinentes de la L.S.S.S.S., la responsable de lorganisme na pas de discrétion. Elle doit respecter des règles très sévères. Lavocate tient cependant à souligner que lorganisme nest pas nécessairement à laise avec cette rigueur qui ne permet pas de tenir compte de circonstances particulières. [30] Concernant laccès au dossier de lenfant décédé, lorganisme a appliqué rigoureusement les articles 19 et 23 de la L.S.S.S.S. Le principe de la confidentialité a été appliqué puisque la communication ne pouvait pas être permise par lune ou lautre des situations dexception décrites à larticle 23 de la L.S.S.S.S. 2 [31] Concernant laccès au dossier médical de la demanderesse, la procureure de lorganisme plaide que larticle 18 de la L.S.S.S.S. est impératif. En labsence dun consentement écrit, les renseignements fournis par un tiers doivent demeurer confidentiels. À linsu des tiers, lorganisme ne peut pas exercer de discrétion à ce sujet. [32] La procureure de lorganisme complète ses représentations en soulignant que la Commission daccès à linformation na pas le rôle dapprécier la véracité des déclarations des membres du personnel de lorganisme dans lexercice de leurs fonctions. La Commission na pas davantage à se prononcer sur la bonne ou mauvaise foi des intervenants ou sur la possibilité que des erreurs aient été commises. 2 B c. Hôpital Louis-Hypolite-Lafontaine, CAI 92 09 06. Grignet c. Hôpital St-Charles-Borromée, CAI 95 02 11. X c. Hôpital du St-Sacrement, [1996] CAI 33. X c. Centre hospitalier affilié universitaire de Québec (Hôpital du St-Sacrement), CAI 03 05 89.
04 18 34 Page : 6 DÉCISION [33] Dans des situations aussi tristes et douloureuses que celles que la demanderesse, son conjoint et les membres du personnel de lorganisme ont vécues le 17 octobre 2004, il mest essentiel dexprimer lémotion et la compassion que provoque cette épreuve. [34] Lorsquil sagit de déterminer laccessibilité dun renseignement de santé détenu par un établissement, les articles 17 à 27 de la L.S.S.S.S. ont préséance sur les règles établies par la Loi sur laccès. [35] Le principe fondamental de la confidentialité des renseignements de santé établi par larticle 19 nest atténué que par de rares exceptions. 19. Le dossier dun usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce nest avec le consentement de lusager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur lordre dun tribunal ou dun coroner dans lexercice de ses fonctions, dans le cas la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise dun établissement ou dans le cas un renseignement est communiqué pour lapplication de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2) 3 . [36] La demanderesse veut avoir accès au dossier médical de son bébé décédé. Quelque soit lâge de lindividu, laccès au dossier médical de lusager décédé ne peut avoir lieu que dans les circonstances énoncées à larticle 23 de la L.S.S.S.S. : 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux dun usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire à lexercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement dune prestation en vertu dune police dassurance sur la vie de lusager ou dun régime de retraite de lusager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs dun usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que lusager décédé nait consigné par écrit à son dossier son refus daccorder ce droit daccès. 3 Larticle 19 a subséquemment été modifié (2005, c. 32, a.1).
04 18 34 Page : 7 Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire pour vérifier lexistence dune maladie génétique ou dune maladie à caractère familial. 4 [37] Les témoignages de la demanderesse et de son conjoint mont convaincu quils cherchent dabord et avant tout des réponses à leurs questions. Comme lexprime avec beaucoup démotions le père : «je vais rester toute ma vie avec des doutes». [38] Pour les fins de lapplication de larticle 23 de la L.S.S.S.S., la communication des renseignements serait-elle nécessaire à lexercice de droit à titre dhéritier ou de représentant légal? Il ny a pas de recours en responsabilité civile à ce stade-ci. Les parents ont fait uniquement des démarches téléphoniques pour sinformer. Aucun procureur na été rencontré. [39] En fait, la preuve présentée à la Commission à ce sujet concerne des erreurs alléguées qui seraient survenues. La demanderesse réfère à des erreurs sans spécifier quels sont les faits ou gestes concernés. [40] Quelles sont les conséquences de ces erreurs? Est-il raisonnable de penser quelles pourraient donner ouverture à un recours en responsabilité? La preuve ne permet pas de répondre. [41] Les démarches téléphoniques auprès des cabinets davocats, telles quelles sont décrites à laudience, ne sont pas suffisantes, compte tenu des exigences de larticle 23 de la L.S.S.S.S. En fait, il ny a pas délément permettant daffirmer quun recours en responsabilité aurait été concrètement envisagé. [42] À ce stade-ci, aucun fait objectif ne permet de supposer raisonnablement que la demanderesse a le droit de recevoir communication des renseignements contenus au dossier de son fils décédé pour lexercice de ses droits à titre dhéritière ou de représentante légale. 5 [43] Larticle 23 de la L.S.S.S.S. prévoit aussi que les ascendants, notamment, ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de décès. Cest pour cette raison que le bulletin de décès «SP-3» a été communiqué à la demanderesse. Le rapport dautopsie a été rendu disponible. [44] Au cours de laudience, la procureure de lorganisme a invité la Commission à examiner dans quelle mesure les documents faisant partie du dossier de lenfant 4 Larticle 23 a subséquemment été modifé (2005, c. 32, a.5). 5 X c. Hôpital du St-Sacrement [1996] CAI 33.
04 18 34 Page : 8 décédé peuvent être en lien avec la cause du décès. Sils le sont, ils pourraient être communiqués en vertu du deuxième alinéa de larticle 23 de la L.S.S.S.S. 6 [45] Jai examiné chacun des documents faisant partie du dossier médical de lenfant décédé. Mon examen ma conduit à considérer que certains documents en relation avec la cause du décès de lenfant doivent être communiqués. [46] Ainsi, comme la souligné lorganisme, la demanderesse a le droit de recevoir les documents suivants : rapport dautopsie préliminaire, 2004-10-18; rapport dautopsie histologique, 2004-10-18. [47] Il ny a pas lieu de considérer le troisième alinéa de larticle 23 de la L.S.S.S.S. concernant lexistence dune maladie génétique ou dune maladie à caractère familial. [48] Jen viens à la conclusion que le dossier de bébé Y doit être communiqué dans la mesure décrite précédemment. [49] Concernant laccès au dossier médical de la demanderesse, larticle 18 de la L.S.S.S.S. doit être considéré : 18. Un usager na pas le droit dêtre informé de lexistence ni de recevoir communication dun renseignement le concernant et contenu dans son dossier qui a été fourni à son sujet par un tiers et dont linformation de lexistence ou la communication permettrait didentifier le tiers, à moins que ce dernier nait consenti par écrit à ce que ce renseignement et sa provenance soient révélés à lusager. Le premier alinéa ne sapplique pas lorsque le renseignement a été fourni par un professionnel de la santé ou des services sociaux ou par un employé dun établissement dans lexercice de leurs fonctions. Aux fins du présent alinéa, un stagiaire, y compris un résident en médecine, est assimilé à un professionnel de la santé ou des services sociaux. [50] Seulement certains passages du dossier de la demanderesse ont été masqués. Ils concernent des renseignements fournis par des tiers. 6 X c. Centre hospitalier universitaire de Québec (Hôpital du St-Sacrement) CAI 03 05 89.
04 18 34 Page : 9 [51] Larticle 18 de la L.S.S.S.S. tient compte du lien de confiance essentiel entre les professionnels de la santé et la population. Que ce soit à titre dusager ou de proche dun usager, il est reconnu que les renseignements personnels communiqués à un professionnel de la santé sont confidentiels. [52] Grâce à ce lien de confiance, les professionnels de la santé peuvent traiter les usagers en disposant, notamment, des renseignements fournis par des tiers, parfois essentiels à leurs analyses. [53] Si la confidentialité de ces renseignements provenant de tiers était remise en question, le lien de confiance, essentiel à la confidence, pourrait être brisé. Les professionnels de la santé pourraient être privés de renseignements indispensables à lexercice de leurs activités. [54] Non seulement le renseignement que le tiers a communiqué à un professionnel de la santé doit être gardé confidentiel, mais, de plus, le fait quun tiers a communiqué un renseignement ne doit pas être divulgué à son insu. Le cas échéant, le tiers peut consentir à la communication. [55] Dans ces circonstances, jen viens à la conclusion que la décision de la responsable de laccès de lorganisme, à légard du dossier médical de la demanderesse, doit être maintenue. [56] En terminant, je dois mentionner que larticle 23 de la L.S.S.S.S. a été modifié par la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et dautres dispositions législatives (2005, c. 32, a.5), par lajout de lalinéa suivant : Le titulaire de lautorité parentale a le droit de recevoir communication des renseignements contenus au dossier dun usager âgé de moins de 14 ans même si celui-ci est décédé. Ce droit daccès ne sétend toutefois pas aux renseignements de nature psychosociale. [57] Ainsi, pour une demande daccès postérieure au 30 novembre 2005, date dentrée en vigueur de cette modification législative (2005, c. 32, a.341), le dossier de lenfant de moins de quatorze (14) ans décédé pourrait être accessible, dans certaines circonstances.
04 18 34 Page : 10 POUR CES MOTIFS, la Commission : ACCUEILLE partiellement la demande de révision du 23 novembre 2004; ORDONNE la communication, pour le dossier de Y, du rapport dautopsie préliminaire du 18 octobre 2004 et du rapport dautopsie histologique du 18 octobre 2004; ORDONNE à la Commission de ne pas divulguer, sauf à légard des parties, les pièces déposées sous les cotes O-3, D-1, D-3, D-4 et D-5; REJETTE la demande concernant le dossier médical de la demanderesse. M e Jacques Saint-Laurent Président M e Anne de Ravinel Procureure de lorganisme
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.