Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 01 95 Date : Le 22 février 2005 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. SOCIÉTÉ DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RECTIFICATION [1] Le demandeur conteste la décision de la Société de l’assurance automobile du Québec (la « SAAQ ») refusant d’« enlever et détruire » le rapport d’enquête le concernant réalisé les 3, 4 et 6 avril 2002 par Investigations Impérial. [2] La Commission d’accès à l’information (la « Commission ») autorise la SAAQ, le 21 décembre 2004, à fournir aux parties une preuve par affidavit, au plus tard le 14 janvier 2005, décrivant les motifs au soutien de son refus de rectifier le rapport.
04 01 95 Page : 2 [3] Une audience se tient à Amos le 19 janvier 2005 en présence du demandeur et de la procureure de la SAAQ. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [4] Le demandeur confirme son exigence de voir détruire la cassette vidéo le filmant les 3, 4 et 6 avril 2002 (pièce O-1) et le rapport rédigé par les enquêteurs d’Investigations Impérial, le 12 avril suivant, lié à ce vidéo (pièce O-2). B) LA PREUVE [5] Les parties consentent au dépôt des documents suivants : Pièce O-3 : Affidavit du 12 janvier 2005 de M. Jean Mathieu; Pièce O-4 : Lettre de la SAAQ au demandeur datée du 5 février 2004; Pièce O-5 : Courriel de la conseillère en indemnisation daté du 5 janvier 2004; Pièce O-6 : Affidavit du 11 janvier 2005 de M. Daniel Marceau; Pièce O-7 : Extrait du calendrier de conservation de la SAAQ; Pièce O-8 : Extrait de notes prises au dossier au mois de juillet 2002; Pièce O-9 : Lettre de la SAAQ au demandeur datée du 9 juillet 2002; Pièce D-1 : Décision rendue le 25 avril 2003 par M me Judith Cardinaels de la Direction de la révision. i) De la SAAQ Le demandeur [6] Le demandeur confirme avoir été indemnisé par la SAAQ à la suite d’un accident d’automobile survenu le 17 juillet 1990. Il travaillait à l’époque comme homme d’entretien. En 1999, il était installateur d’antennes paraboliques lorsque la SAAQ a reconnu une rechute de son état de santé. Il spécifie qu’au moment de
04 01 95 Page : 3 la filature en 2002, il recevait une indemnité pour un emploi équivalant à celui d’installateur d’antennes paraboliques. M. Jean Mathieu [7] M. Mathieu, adjoint aux opérations à la vice-présidence aux services aux accidentés, affirme, par déclaration assermentée le 12 janvier 2005, ce qui suit : • J’ai pris personnellement connaissance du dossier d’indemnisation [du demandeur] dans lequel il y a eu une filature les 3, 4 et 6 avril 2002; • Cette filature a eu lieu à la demande de madame José Leduc Dallaire, agente d’indemnisation à la SAAQ, responsable du dossier [du demandeur] à ce moment; • Madame Leduc Dallaire a fait cette demande de filature suite à la réception d’une dénonciation à l’effet que [le demandeur] installait et réparait des antennes paraboliques au noir alors qu’il recevait une indemnité de remplacement de revenu de la SAAQ en raison de son incapacité à travailler suite à un accident d’automobile; • Cette filature était nécessaire afin d’évaluer la véracité de la dénonciation sur un travail non déclaré à la SAAQ et de vérifier si les comportements [du demandeur] dans la vie de tous les jours dans un contexte de tableau médical clinique inhabituel et incompréhensible; • La filature a permis de constater que [le demandeur] se déplaçait avec agilité et sans canne; • Les renseignements obtenus lors de la filature, tant dans le rapport d’enquête que sur la cassette vidéo, ont servi à l’agente d’indemnisation à rendre une décision mettant fin à l’indemnité de remplacement de revenu; • Ils ont été versés au dossier d’indemnisation de ce dernier et doivent être conservés conformément au calendrier de conservation;
04 01 95 Page : 4 • De plus, ces documents ont été conservés pour évaluer les capacités résiduelles de travail [du demandeur], i.e. son aptitude à exercer son emploi ou un autre emploi et la décision a été rendue le 5 février 2004, soit après la demande de rectification. (pièce O-3) M. Daniel Marceau [8] M. Marceau, responsable des enquêtes, déclare, le 11 janvier 2005, ce qui suit : • J’ai confié le mandat de filature des 3, 4 et 6 avril 2002 à la firme Investigations impérial dans le dossier [du demandeur]; • La copie de la cassette vidéo produite en preuve est conforme à l’original reçu de la firme Investigations impérial sur laquelle la Société de l’assurance automobile du Québec s’est basée pour prendre une décision dans le dossier [du demandeur]. (pièce O-6) ii) Du demandeur [9] Le demandeur reproche à la SAAQ la façon avec laquelle elle a traité son dossier d’indemnisation, laissant croire qu’il est un fraudeur. Il prétend que l’enquête est incomplète, les enquêteurs d’Investigations Impérial n’ayant enregistré que partiellement ses déplacements les 3, 4 et 6 avril 2002. Il avance que les enquêteurs n’ont filmé que les parties compromettantes, omettant d’enregistrer les images de l’utilisation de sa canne le 6 avril 2002. [10] Le demandeur fait remarquer un passage de la décision rendue en révision par M me Cardinaels, le 25 avril 2003, mentionnant que : […] ces images ne constituent pas une preuve prépondérante quant à votre capacité de reprendre votre emploi d’installateur d’antennes. (pièce D-1)
04 01 95 Page : 5 [11] Le demandeur nomme une personne qui, à son avis, est l’auteure de la dénonciation à son sujet. D’ailleurs, il ne conteste pas, spécifie-t-il, le droit de la SAAQ d’effectuer une filature le concernant, se disant même apte à passer au détecteur de mensonge. [12] Le demandeur reconnaît que les rapports médicaux versés au dossier de la SAAQ ont des diagnostics différents. Cependant, il exprime sa réprobation de voir la SAAQ se servir d’un enregistrement vidéo effectué en 2002 (pièce O-1) pour décider, en 2004, du type d’emploi qu’il peut assumer (pièce O-4). D) LES ARGUMENTS i) De la SAAQ [13] La procureure de la SAAQ, M e Annie Rousseau, fait valoir que la filature du demandeur a été requise aux fins d’aider la SAAQ à prendre une décision, l’agente d’indemnisation ayant : 1) reçu une dénonciation selon laquelle le demandeur travaillait et recevait des prestations de la SAAQ; 2) observé que les évaluations médicales contenues au dossier sur les aptitudes du demandeur d’assumer un emploi étaient contradictoires, notamment sur sa mobilité (pièce O-8). [14] M e Rousseau prétend que les pièces O-1 et O-2 renferment des renseignements au sujet du demandeur et que cette collecte de renseignements était nécessaire à la SAAQ dans l’exercice de ses fonctions. [15] M e Rousseau remarque que la SAAQ a d’abord évalué le corps d’emploi auquel appartenait le demandeur et, conséquemment, établi l’indemnité de remplacement de revenu. Par la suite, les pièces O-1 et O-2 ont été versées au dossier d’indemnisation pour déterminer, après trois ans de versements de prestations, l’emploi résiduel que pouvait assumer le demandeur. Il a donc été décidé par l’agente d’indemnisation, le 5 février 2004, que le demandeur pouvait assumer un autre type d’emploi qu’installateur d’antennes paraboliques, soit celui de téléphoniste en télémarketing (pièce O-4). Elle conclut donc que la collecte des documents en litige était nécessaire à la SAAQ pour évaluer la véracité d’une dénonciation et la capacité du demandeur d’exercer un emploi 1 , et ce, selon les 1 Éppelé c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2000] C.A.I. 194; Morin c. Société de l’assurance automobile du Québec, [1998] C.A.I. 233; X… c. Montréal (Ville de), [2003] C.A.I. 306.
04 01 95 Page : 6 termes des articles 14, 24, 26, 45, 46 et 49 de la Loi sur l’assurance automobile du Québec 2 : 14. La victime qui, lors de l'accident, exerce habituellement un emploi à temps plein a droit à une indemnité de remplacement du revenu si, en raison de cet accident, elle est incapable d'exercer son emploi. 24. La victime qui, lors de l'accident, n'exerce aucun emploi tout en étant capable de travailler a droit à une indemnité de remplacement du revenu durant les premiers 180 jours qui suivent l'accident dans les cas suivants: 1° en raison de cet accident, elle est incapable d'exercer un emploi qu'elle aurait exercé durant cette période si l'accident n'avait pas eu lieu; 2° en raison de cet accident, elle est privée de prestations régulières ou de prestations d'emploi ayant pour objet d'aider à acquérir par un programme de formation des compétences liées à l'emploi, prévues à la Loi concernant l'assurance-emploi au Canada (Lois du Canada, 1996, chapitre 23) auxquelles elle avait droit au moment de l'accident. La victime a droit, durant cette période, à cette indemnité, dans le cas prévu au paragraphe 1° du premier alinéa, tant que l'emploi aurait été disponible et qu'elle est incapable de l'exercer en raison de l'accident et, dans le cas prévu au paragraphe 2° du premier alinéa, tant qu'elle en est privée pour ce motif. Toutefois, si la victime est à la fois visée aux paragraphes 1° et 2° du premier alinéa, elle ne peut cumuler les indemnités et, tant que cette situation demeure, elle reçoit la plus élevée. 26. À compter du cent quatre-vingt-unième jour qui suit l'accident, la Société détermine à la victime un emploi conformément à l'article 45. La victime a droit à une indemnité de remplacement du revenu si, en raison de cet accident, elle est incapable d'exercer l'emploi que la Société lui détermine. 2 L.R.Q., c. A-25.
04 01 95 Page : 7 Cette indemnité est calculée conformément au troisième alinéa de l'article 21 . Le premier alinéa ne s'applique pas à la victime qui a droit à une indemnité pour frais de garde conformément à l'article 80. 45. Lorsque la Société est tenue de déterminer un emploi à une victime à compter du cent quatre-vingt-unième jour qui suit l'accident, elle doit tenir compte, outre les normes et modalités prévues par règlement, de la formation, de l'expérience de travail et des capacités physiques et intellectuelles de la victime à la date de l'accident. Il doit s'agir d'un emploi que la victime aurait pu exercer habituellement, à temps plein ou, à défaut, à temps partiel, lors de l'accident. 46. À compter de la troisième année de la date de l'accident, la Société peut déterminer un emploi à une victime capable de travailler mais qui, en raison de l'accident, est devenue incapable d'exercer l'un des emplois suivants: 1° celui qu'elle exerçait lors de l'accident, visé à l'un des articles 14 et 16; 2° celui visé à l'article 17; 3° celui que la Société lui a déterminé à compter du cent quatre-vingt-unième jour qui suit l'accident conformément à l'article 45. 49. Une victime cesse d'avoir droit à l'indemnité de remplacement du revenu: 1° lorsqu'elle devient capable d'exercer l'emploi qu'elle exerçait lors de l'accident; 2° lorsqu'elle devient capable d'exercer l'emploi qu'elle aurait exercé lors de l'accident, n'eût été de circonstances particulières; 3° lorsqu'elle devient capable d'exercer l'emploi que la Société lui a déterminé conformément à l'article 45; 4° un an après être devenue capable d'exercer un emploi que la Société lui a déterminé conformément à l'article 46 ou à l'article 47; 4.1° lorsqu'elle exerce un emploi lui procurant un revenu brut égal ou supérieur à celui à partir duquel la Société a calculé l'indemnité de remplacement du revenu;
04 01 95 Page : 8 5° au moment fixé par une disposition de la section I du présent chapitre qui diffère de ceux prévus aux paragraphes 1° à 4°; 6° à son décès. [16] M e Rousseau allègue que la SAAQ ne peut détruire les pièces O-1 et O-2, étant nécessaires à la prise de décision. La SAAQ doit donc les conserver conformément à son calendrier de conservation 3 et dans le respect des articles 64, 71 et 73 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 4 (la « Loi ») : 64. Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire à l'exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en oeuvre d'un programme dont il a la gestion. 71. Un organisme public doit verser dans un fichier de renseignements personnels établi conformément à la présente sous-section tout renseignement nominatif qui: 1o est identifié ou se présente de façon à être retrouvé par référence au nom d'une personne ou à un signe ou symbole propre à celle-ci; ou 2o lui a servi ou est destiné à lui servir pour une décision concernant une personne. 73. Lorsque l'objet pour lequel un renseignement nominatif a été recueilli est accompli, l'organisme public doit le détruire, sous réserve de la Loi sur les archives (chapitre A-21.1). [17] M e Rousseau explique que le dossier du demandeur est encore actif à la SAAQ et que tous les documents numérisés, notamment la pièce O-2, doivent être conservés. Elle ajoute que le calendrier de conservation prévoit que la SAAQ doit conserver les divers documents liés à demande d’indemnisation pour une période de 40 ans, après la fermeture du dossier (pièce O-7). 3 Trudel c. Saint-Lambert (Ville de), [1995] C.A.I. 332; X c. Hôpital-Hôtel Dieu de Montréal, [1995] C.A.I. 37; Galipeau c. Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu du Québec, [1989] C.A.I. 1; X… c. Régie de l’assurance-maladie du Québec, [2000] C.A.I. 70. 4 L.R.Q., c. A-2.1.
04 01 95 Page : 9 ii) Du demandeur [18] Le demandeur réplique qu’il ne conteste pas la détention par la SAAQ des pièces O-1 et O-2, mais plutôt qu’elle les utilise, deux ans plus tard, pour décider du type d’emploi qu’il peut maintenant assumer. DÉCISION [19] Le demandeur a déclaré qu’il veut prouver devant le Tribunal administratif du Québec (le « TAQ ») que l’enregistrement vidéo ne peut être utile pour établir le type d’emploi résiduel qu’il peut assumer, notamment parce que les enquêteurs d’Investigations Impérial n’ont enregistré que les images lui étant défavorables. [20] La Commission réitère qu’elle n’est pas le bon forum pour contester un rapport d’enquête ou décider du type d’emploi résiduel que peut assumer ou non le demandeur. C’est à la SAAQ ou, le cas échéant, au TAQ, à trancher cette question, selon les critères législatifs et normatifs les régissant. [21] La Commission peut-elle accéder à la requête du demandeur qui veut, selon sa demande de rectification initiale, la destruction des pièces O-1 et O-2? [22] Il n’est pas contesté que l’enregistrement vidéo et le rapport d’enquête ont été utilisés par la SAAQ aux fins de prendre une décision au sujet du demandeur (pièces O-3 et D-1). D’ailleurs, le demandeur veut lui-même s’en servir pour appuyer sa thèse qu’un enregistrement vidéo datant de 2002 est inutile pour décider aujourd’hui du type d’emploi qu’il peut effectuer. [23] Les parties ont aussi admis que le dossier d’indemnisation du demandeur est encore actif. Le calendrier de conservation prévoit que tous les documents doivent être gardés par la SAAQ : 11.12. Dossiers de réclamation des accidentés Documents contenant toutes les informations concernant une victime d’accident automobile, de sa demande d’indemnité en passant par la révision jusqu’aux paiements des indemnités et les lettres de plainte. Ils contiennent également certaines informations relatives à sa réadaptation. (pièce O-7)
04 01 95 Page : 10 [24] La Commission en arrive à la conclusion, vu la preuve, que la SAAQ a démontré de façon prépondérante que les documents en litige lui sont nécessaires dans l’exercice de ses fonctions et n’ont pas à être rectifiés. La SAAQ a donc satisfait les exigences de l’article 90 de la Loi : 90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [25] REJETTE la demande de rectification du demandeur visant la destruction des documents d’enquête le concernant réalisés les 3, 4 et 6 avril 2002. MICHEL LAPORTE Commissaire M e Annie Rousseau Procureure de l’organisme
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