Dossier : 02 02 20 Date : Le 16 février 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION formulée par un tiers en vertu de l’article 136 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . 1 L.R.Q., c. A-2.1 (la Loi). LES INDUSTRIES LÉGARÉ (1998) LTÉE (autrefois connue sous TRAITEMENT SOUS PRESSION L.D. ltée) Demanderesse c. MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT Organisme et CORPORATION D’AMÉNAGEMENT ET DE PROTECTION DE LA SAINTE-ANNE (CAPSA) Mise en cause
02 02 20 Page : 2 [1] Le 5 février 2002, la mise en cause formule une demande à l’organisme dans le but d’avoir accès à trois études de caractérisation du sol que la demanderesse a fournies à ce dernier. [2] Le même jour, l’organisme, jugeant que ces études contiennent en substance des renseignements visés par l’article 118.4 de la Loi sur la qualité de l’environnement 2 , informe la demanderesse que les études seront dévoilées à la mise en cause. L’article 118.4 de la LQE se lit comme suit : 118.4. Toute personne a droit d'obtenir du ministère de l'Environnement copie de tout renseignement disponible concernant la quantité, la qualité ou la concentration des contaminants émis, dégagés, rejetés ou déposés par une source de contamination ou, concernant la présence d'un contaminant dans l'environnement. Le présent article s'applique sous réserve des restrictions aux droits d'accès prévues à l'article 28 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). [3] Le 8 février 2002, la demanderesse écrit à l’organisme pour s’opposer à ce que les trois études qu’elle lui a fournies soient communiquées à la mise en cause, invoquant que ces études contiennent des renseignements de nature industrielle, commerciale et technique qui sont confidentiels et que ces mêmes renseignements seraient visés par l’article 28 de la Loi. [4] Le 12 février 2002, la responsable de l’accès (la Responsable) fait parvenir à la demanderesse sa décision de remettre une partie des renseignements contenus dans les trois études en raison du fait qu’ils sont visés par l’article 118.4 de la LQE et de refuser à la mise en cause l’accès au reste des renseignements fournis par la demanderesse au motif que ceux-ci seraient de la nature de ceux visés par les articles 23 et 24 de la Loi. Elle joint à cette décision les tables des matières des trois études et indique lesquels, parmi les différents chapitres de ces études, feront l’objet de la divulgation en vertu de l’article 118.4 de la LQE. 2 L.R.Q., c. Q-2, ci après appelée la « LQE ».
02 02 20 Page : 3 [5] Le 18 février 2002, la demanderesse requiert la Commission d’accès à l’information (la Commission) de réviser cette décision de la Responsable, exerçant à cet égard le recours prévu à l’article 136 de la Loi. Ce faisant, elle réfère la Commission à la lettre d’opposition qu’elle adressait à l’organisme le 8 février précédent dont copie est jointe à son envoi, laquelle faisait valoir des motifs fondés sur l’application des articles 23 et 24 de la Loi. Elle y ajoute ce qui suit : […] Vous constaterez qu’il existe un contexte particulier de plaintes, enquêtes, travaux correctifs et demandes de certificat d’autorisation au cours duquel les rapports en litige ont été remis à la Direction régionale du ministère de l’Environnement du Québec. Ainsi, si les renseignements que le ministère de l’Environnement s’apprête à divulguer sont de la nature de ceux mentionnés à l’article 118.4 de la [LQE], nous soumettons que les restrictions au droit d’accès prévues à l’article 28 de la [Loi] doivent s’appliquer. […] (Les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) [6] Le 16 janvier 2003, la Responsable modifie sa décision du 12 février 2002 et décide, nonobstant les prétentions de la demanderesse fondées sur les articles 23 et 24 de la Loi, de rendre accessible à la mise en cause un plus grand nombre de renseignements contenus au trois études au motif que ces renseignements additionnels sont aussi visés par l’article 118.4 de la LQE. [7] Le 23 janvier 2003, la demanderesse formule une requête en irrecevabilité de la décision de la Responsable datée du 16 janvier 2003 qui modifie sa première décision du 12 février 2002. Cette requête est entendue par la Commission lors de la séance du 29 janvier 2003. [8] Par décision interlocutoire de la Commission rendue le 11 juillet 2003, cette requête en irrecevabilité est accueillie. [9] En conséquence, la décision de la Responsable faisant l’objet de la révision est celle datée du 12 février 2002 et la demande introductive d’instance est la lettre de la demanderesse du 18 février 2002 et ses annexes. [10] L’audience se poursuit les 18 décembre 2003 et 18 mars 2004. [11] La presque totalité de ces deux dernières séances se déroulent ex parte et à huis clos à la requête de la demanderesse et de l’organisme. Ces derniers,
02 02 20 Page : 4 conjointement ou séparément, selon le cas, font valoir que les témoignages porteront sur les renseignements contenus dans les documents en litige, que ces derniers seraient examinés en détail au cours de ces témoignages, que la preuve à être administrée portera sur la confidentialité des renseignements que ces documents contiennent et sur le fait que ces renseignements sont en lien avec le contexte d’infraction possible à la LQE pour ainsi faire valoir l’application de l’article 28 de la Loi. [12] Compte tenu de ce qui précède et vu le consentement de la mise en cause relativement à la procédure proposée par les deux autres parties, la Commission accède à la requête de ces dernières pour procéder à l’audition de certains témoignages à huis clos et ex parte. La Commission a pu, par la suite, constater le bien-fondé de cette requête considérant que contenu de la presque totalité des témoignages entendus les 18 décembre 2003 et 18 mars 2004 selon cette procédure était bien de la nature de celle annoncée. [13] À la fin de la dernière séance, l’avocat de la demanderesse formule à la Commission la requête, à laquelle souscrit l’avocat de l’organisme le 24 mars suivant, que celle-ci suspende son délibéré compte tenu du débat qui se fait devant les tribunaux supérieurs au sujet de la décision de la soussignée dans une affaire mettant en cause des faits semblables à ceux en cause ici, l’affaire Osram Sylvania ltée (CAI 00 13 82) rendue le 9 août 2002. [14] Le 2 juin 2004, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, la Commission a refusé se suspendre son délibéré compte tenu que les derniers développements dans l’affaires Osram Sylvania ltée risquaient vraisemblablement de voir le débat se prolonger jusque devant la Cour d’appel du Québec, ce qui s’est plus tard avéré. [15] Le délibéré qui devait commencer le 2 juin 2004 est tout de même suspendu en raison de l’absence de temps à la disposition de la soussignée pour ce faire vu sa nomination par l’Assemblée nationale à la fonction de présidente par intérim de la Commission, l’exercice de cette fonction qui s’est prolongé jusqu’au 24 septembre 2004 et les vacances annuelles qui ont suivi jusqu’au 12 octobre 2004. Ce délibéré, comme tous les autres délibérés suspendus dans d’autres causes pour cette même raison, a pu commencer ou recommencer le 12 octobre 2004, en même temps que tous les autres. L’AUDIENCE A. LA PREUVE
02 02 20 Page : 5 i) de l’organisme Témoignage de monsieur Gilles Thibault [16] Monsieur Thibault est le répondant en matière d’accès à l’information à la Direction régionale de la Capitale-Nationale de l’organisme. [17] C’est lui qui a traité la demande d’accès de la mise en cause datée du 5 février 2002 et qui a repéré les trois documents faisant l’objet de la demande d’accès. [18] Il déclare que ces trois documents sont les seuls qui répondent à cette demande d’accès et que l’organisme détienne. [19] Il dépose entre les mains de la Commission, sous pli confidentiel, une copie de chacun des trois documents demandés qui sont en litige, savoir : Document 1 Document de travail préliminaire en vue de la préparation éventuelle d’une étude de caractérisation à l’usine de bois traité de Saint-Raymond-de-Portneuf préparé par ADS Associés ltée (ADS) le 14 décembre 1990 pour la société Traitement sous pression L.D. ltée comprenant une lettre de transmission du 14 décembre 1990 par ADS : 1 page; la table des matière : 2 pages; le texte : 28 pages dont 5 figures, 7 tableaux; et les 3 annexes : Annexe A (description des puits d’observation et des sondages), Annexe B (Essais de perméabilité) et Annexe C (Résultats analytiques). Document 2 Caractérisation préliminaire des sols et de l’eau souterraine préparée par S.N.C. Lavalin (SNC) en octobre 1994 pour la société Traitement sous pression L.D. ltée, comprenant la table des matières : 4 pages; le texte : 30 pages dont 19 tableaux et 1 figure; et les deux annexes : Annexe A (Description de la statigraphie …et schémas d’installation des puits d’observation : 12 pages ) et Annexe B (3 rapports -- 24 pages-- et 3 certificats d’analyse chimique : 1 page chacun). Document 3 Caractérisation environnementale complémentaire, rapport final préparé par Groupe Cartier (Cartier) en mars 1996 pour la société Traitement sous pression L.D. ltée comprenant la lettre de transmission du 5 mars 1996 par Cartier : 1 page; la table
02 02 20 Page : 6 des matières et la page de couverture : 3 pages; le texte : 42 pages dont 16 tableaux et 8 figures; et les 4 annexes : Annexe A (Rapports de forage – 17 feuillets recto/verso), Annexe B (Essais de perméabilité – 8 pages), Annexe C (Résultats des essais granulométriques et sédimentométriques – 5 pages) et Annexe D (certificats d’analyses chimiques – 40 pages). Témoignage de Monsieur Pierre Verreault [20] Monsieur Verreault est ingénieur civil à l’emploi de l’organisme depuis 1977. Il y travaille depuis de nombreuses années à l’analyse des dossiers de demande de certificat d’autorisation en vertu de la LQE. Il reconnaît et dépose son curriculum vitae sous la cote O-1. [21] Il a une connaissance étendue du dossier dont font partie les documents en litige. Il y est impliqué depuis 1999. [22] Après examen du dossier, il en a confectionné un relevé chronologique des faits saillants depuis les toutes premières interventions de l’organisme en 1989 jusqu’au 30 mai 1996 et ce, à partir de la correspondance et des autres pièces qui le composent. Il confirme d’ailleurs que plusieurs des documents déposés sous les cotes D-1 à D-41, et qu’il a eu le loisir d’examiner, font partie intégrante des documents consultés pour la confection de ce relevé. [23] À partir de ce moment, l’avocat de l’organisme demande que le témoignage de monsieur Verreault puisse se continuer ex parte et à huis clos et, comme ci-devant mentionné et pour les même motifs, cette requête est accueillie par la Commission. La mise en cause ne s’oppose pas à cette façon de procéder et l’avocat de la demanderesse y consent. [24] Il dépose ce relevé chronologique sous la cote O-2 alors qu’il rend son témoignage ex parte et à huis clos. À la demande de l’organisme et de la demanderesse, la soussignée frappe ce document O-2 d’un interdit de publication, de divulgation et de diffusion par la Commission, compte tenu du contexte décrit plus haut à l’occasion de la requête en ex parte et huis clos, tel interdit devant valoir même à l’encontre de la mise en cause. [25] Le témoin explique les fonctions d’inspection et d’enquête attribuées à l’organisme en vertu de la LQE.
02 02 20 Page : 7 [26] Les inspections sont faites par des équipes techniques. Elles peuvent être effectuées de façon systématique lors de la mise en œuvre de certains programmes. Elles peuvent aussi s’effectuer dans le cadre de vérification par échantillonnage, lorsque l’organisme décide de cibler spécifiquement certains milieux, comme par exemple, dans le milieu du commerce des voitures usagées. Elles peuvent enfin être effectuées pour des motifs de vérification de conformité à la suite de plaintes concernant le non-respect de la LQE et de ses règlements d’application. Les inspections peuvent mener à des constats et à des avis d’infraction requérant notamment l’exécution de correctifs précis à l’intérieur d’un certain délai. [27] Le témoin explique que les enquêtes sont effectuées par des personnes ayant une formation qui sera plus axée sur la cueillette d’éléments de preuve afin d’étayer un dossier qui servira de base à des poursuites pénales, le cas échéant. Monsieur Verreault ajoute que le dossier de la demanderesse n’a jamais été traité par des enquêteurs au sein du Ministère. [28] Toujours au cours de son témoignage ex parte et à huis clos, le témoin Verreault note l’existence d’un avis d’infraction entre le moment de la première inspection, en 1989, et la date en 1996 du troisième document en litige. En réponse aux questions de l’avocat de la demanderesse, il ajoute à ce même témoignage qu’il savait qu’un autre avis d’infraction avait été émis en janvier 2002 à la suite d’une inspection, mais qu’il n’avait pas participé directement à cette action de l’organisme. [29] Le témoin Verreault explique, toujours ex parte et à huis clos, chacune des étapes du cheminement du dossier jusqu’en 1996 en référant constamment à son relevé O-2 et en référant longuement à chacun des renseignements en litige qui sont, selon lui, visés par l’article 118.4 de la LQE et dont l’emplacement a été noté par la Responsable en annexe à sa décision du 12 février 2002 (aux tables des matières des trois études). [30] Il rappelle que la première intervention de l’organisme est une inspection qui a eu lieu sur le site de la demanderesse le 28 juillet 1989 à la suite d’une plainte. Cette plainte est à la source de toutes les interventions ultérieures de l’organisme dans ce dossier. ii) du demandeur Témoignage de madame Isabelle Légaré, présidente de la corporation demanderesse
02 02 20 Page : 8 [31] Madame Légaré est présidente de la corporation demanderesse et témoigne sur l’existence de certaines conditions d’application des articles 23 et 24 de la Loi, notamment de la confidentialité subjective des renseignements en litige ainsi que sur le milieu industriel à laquelle la demanderesse appartient, ses compétiteurs et la notion de compétition dans ce milieu. [32] Madame Légaré produit sous la cote D-52 une photocopie d’un article paru le 2 mars 2002 dans le journal « Courrier de Portneuf » écrit par Steeve Alain et intitulé « Les cours d’eau en milieu agricole en mauvais état » et déclare que le contenu de cet article a terni l’image de son entreprise et entaché la crédibilité de cette dernière. Cet article fait référence au dossier « actif » de la demanderesse chez l’organisme. Elle craint que la divulgation des renseignements convoités ait le même effet. [33] Dans le but d’établir notamment que les conditions d’application de l’article 28 de la Loi sont réunies, la demanderesse produit en preuve par le témoignage de monsieur Pierre Verreault, sous les cotes D-1 à D-49, les 49 documents suivants, de consentement avec l’avocat de l’organisme qui, tout en admettant leur existence, se réserve d’en tirer des conclusions autres que celles auxquelles en arrive la demanderesse : D-1 26 septembre 1989 Lettre du ministère de l’Environnement (orgasnisme) à Traitement sous pression L.D. ltée (Demanderesse) D-2 23 octobre 1989 Lettre réponse de la demanderesse à l’organisme D-3 7 mars 1990 Lettre de l’organisme à la demanderesse D-4 17 août 1990 Lettre de l’organisme à la demanderesse D-5 15 octobre 1990 Lettre de l’organisme à la demanderesse D-6 3 décembre 1990 Lettre de l’organisme à la demanderesse D-7 14 décembre 1990 Lettre des procureurs de la demanderesse à l’organisme D-8 8 janvier 1991 Lettre des procureurs de la demanderesse à l’organisme
02 02 20 Page : 9 D-9 9 janvier 1991 Lettre de l’organisme à la demanderesse D-10 14 janvier 1991 Lettre des procureurs de la demanderesse à l’organisme D-11 25 avril 1991 Lettre des procureurs de la demanderesse à l’organisme D-12 8 juillet 1993 Avis d’infraction émis par l’organisme D-13 27 août 1993 Lettre de la demanderesse à l’organisme D-14 2 mars 1994 Lettre de l’organisme à la demanderesse D-15 22 avril 1994 Lettre de la demanderesse à l’organisme D-16 29 avril 1994 Lettre des procureurs de la demanderesse à l’organisme D-17 5 mai 1994 Lettre de l’organisme à la demanderesse D-18 5 mai 1994 Lettre de l’organisme au procureur de la demanderesse D-19 9 mai 1994 Lettre de la demanderesse à l’organisme D-20 18 mai 1994 Lettre des procureurs de la demanderesse à l’organisme D-21 7 juin 1994 Lettre de l’organisme à la demanderesse D-22 28juin 1994 Télécopie des procureurs de la demanderesse à l’organisme D-23 20 octobre 1994 Demande de certificat d’autorisation D-24 12 décembre 1994 Lettre de l’organisme au procureur de la demanderesse D-25 20 décembre 1994 Lettre des procureurs de la demanderesse à l’organisme
02 02 20 Page : 10 D-26 19 janvier 1995 Lettre de l’organisme au procureur de la demanderesse D-27 24 janvier 1995 Lettre des procureurs de la demanderesse à l’organisme D-28 25 janvier 1995 Lettre de l’organisme au procureur de la demanderesse D-29 2 février 1995 Lettre de la demanderesse à l’organisme D-30 17 février 1995 Lettre du Groupe Cartier à l’organisme D-31 18 septembre 1995 Information à propos du certificat d’autorisation pour l’exploitation de nouveaux équipements D-32 6 février 1996 Lettre des procureurs de la demanderesse à l’organisme D-33 20 février 1996 Lettre de l’organisme au procureur de la demanderesse D-34 13 mars 1996 Lettre des procureurs de la demanderesse à l’organisme D-35 18 mars 1996 Lettre de l’organisme au procureur de la demanderesse D-36 27 mai 1997 Lettre de la demanderesse à l’organisme D-37 12 août 1999 Demande de certificat d’autorisation D-38 18 août 1999 Lettre de l’organisme au procureur de la demanderesse D-39 28 octobre 1999 Certificat d’autorisation pour l’aménagement d’un canal de drainage D-40 28 octobre 1999 Lettre de l’organisme à la demanderesse D-41 18 janvier 2002 Avis d’infraction
02 02 20 Page : 11 D-42 5 février 2002 Demande d’accès par la CAPSA D-43 5 février 2002 Lettre de M. Gilles Thibault répondant de l’accès à la demanderesse D-44 8 février 2002 Lettre des procureurs de la demanderesse à M. Gilles Thibault D-45 12 février 2002 Lettre de la responsable de l’Accès à l’information de l’organisme au procureur de la demanderesse D-46 12 février 2002 Lettre de la responsable de l’Accès à l’information de l’organisme au représentant de la CAPSA D-47 18 février 2002 Lettre des procureurs de la demanderesse à la Commission d'accès à l'information D-48 19 février 2002 Lettre de la responsable de l’accès à l’information de l’organisme au procureur de la demanderesse D-49 19 mars 2003 Extrait du répertoire des terrains contaminés de l’organisme. [34] La demanderesse produit également les documents suivants : D-50 Copie des tables des matières des trois études en litige annotées des dispositions applicables, selon l’organisme, et annexées à la décision de la Responsable du 12 février 2002; D-51 Copie de la Fiche technique extraite du système de gestion des terrains contaminés de la direction régionale de la Capitale-Nationale de l’organisme concernant les terrains de la demanderesse à Saint-Raymond-de-Portneuf. Appelé par l’avocat de la demanderesse à témoigner sur cette fiche, le témoin Gilles
02 02 20 Page : 12 Thibeault de l’organisme affirme que ces fiches sont accessibles au public et contiennent un peu plus de renseignements que le répertoire des terrains contaminés publiés sur le site internet de l’organisme (D-49). D-52 Photocopie d’un article de Steeve Alain paru le 2 mars 2002 dans le journal « Courrier de Portneuf » intitulé « Les cours d’eau en milieu agricole en mauvais état ». [35] À la demande de l’avocat de la demanderesse et de celui de l’organisme, compte tenu de la nature des renseignements en litige, du litige lui-même et du lien direct entre ceux-ci et le contenu des documents D-1 à D-41 inclusivement déposés à l’occasion du témoignage ex parte et à huis clos de monsieur Verreault, la Commission frappe ces dits documents D-1 à D-41 inclusivement d’un interdit de publication, de divulgation et de diffusion, par la Commission, tel interdit devant valoir également à l’encontre de la mise en cause. B. LES ARGUMENTS i) de la demanderesse [36] L’avocat de la demanderesse plaide que les renseignements contenus aux trois documents en litige sont, en substance, visés tant par les paragraphes 5° et 9° du premier alinéa de l’article 28 de la Loi que par ses articles 23 et 24 : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; […] ou 9° de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. […]
02 02 20 Page : 13 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. L’article 28 de la Loi [37] L’avocat de la demanderesse soutient que le contenu des pièces D-1 à D-41 ainsi que les témoignages de messieurs Verreault et Thibault établissent que toutes les relations de l’organisme avec sa cliente sont nées d’une plainte sur une possible contravention par sa cliente à la LQE et à ses règlements en 1989 (O-2 et D-1) et se sont poursuivies jusqu’au dernier avis d’infraction de janvier 2002 (D-41), donc durant plus de 12 ans. Toutes ces relations sont survenues dans un contexte de surveillance, d’inspection et d’avis d’effraction par l’organisme, ainsi que d’actions correctives par sa cliente. [38] Il souligne que l’avis d’infraction du 18 janvier 2002 (D-41) se conclut par une demande d’actions correctives à prendre par sa cliente dans un délai précis, s’étendant sur quelques mois. [39] Il plaide que la demande d’accès du 5 février 2002 et la réponse sous révision du 12 février 2002 s’insèrent dans un contexte particulier de surveillance de plusieurs années par l’organisme et, de surcroît, étaient contemporaines à un processus où les agissements de sa cliente et leur conformité à la LQE étaient sous examen et subissaient un suivi serré par l’organisme dans l’exercice de ses pouvoirs liés à la protection de l’environnement. Le dernier avis d’infraction du 18 janvier 2002 n’est pas une action que l’organisme pose dans l’administration courante de ses affaires, comme le prétend l’avocat de l’organisme.
02 02 20 Page : 14 [40] Il soutient que les trois documents demandés ont été produits au cours de ces 12 années par la demanderesse à une personne chargée, au sein de l’organisme, de prévenir ou de détecter des infractions à la LQE et à ses règlements. [41] Il soutient également que cette personne est une de celles visées par le paragraphe introductif de l’article 28 de la Loi. [42] L’avocat de la demanderesse argue que la preuve démontre que la divulgation des renseignements demandés, au moment du traitement de la demande d’accès et de la réponse sous examen en février 2002, risquait vraisemblablement d’avoir les effets prévus aux paragraphes 5° et 9° du premier alinéa de cet article 28, compte tenu du lien entre les renseignements contenus aux trois études en litige et les faits relevés dans l’avis d’infraction émis le 18 janvier 2002 et compte tenu du délai de quelques mois donné à sa cliente pour remédier à l’infraction faisant l’objet de l’avis. [43] Il plaide que les faits dans la présente cause sont très similaires à ceux considérés par les trois juges de la Cour du Québec dans l’affaire Goodfellow 3 qui avaient statué que l’organisme avait obtenu l’étude en litige sur la caractérisation des sols dans le but de « prévenir, de détecter ou de réprimer » une infraction à la LQE et que la divulgation des renseignements y contenus fournis par Goodfellow risquait de causer un préjudice à cette dernière, objet des renseignements, et de porter atteinte à ses droits ou à l’audition impartiale de sa cause. [44] En conclusion, l’avocat de la demanderesse prétend que l’ensemble des renseignements contenus aux trois études faisant l’objet de la demande d’accès étant visés par les paragraphes 5° et 9° du premier alinéa de l’article 28 de la Loi, l’article 118.4 LQE ne peux s’appliquer à ceux-ci, lesquels sont, en conséquence, totalement inaccessibles à la mise en cause : 118.4. Toute personne a droit d'obtenir du ministère de l'Environnement copie de tout renseignement disponible concernant la quantité, la qualité ou la concentration des contaminants émis, dégagés, rejetés ou déposés par une source de contamination ou, concernant la présence d'un contaminant dans l'environnement. 3 Goodfellow c. Goulet, [1995] CAI 444, 446 et 447 (C.Q. Montréal 500-02-024053-907 le 18 octobre 1995, juges Jean Dionne, Jean Longtin et Raoul P. Barbe).
02 02 20 Page : 15 Le présent article s'applique sous réserve des restrictions aux droits d'accès prévues à l'article 28 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). Les articles 23 et 24 de la Loi [45] L’avocat de la demanderesse plaide également, mais de façon plus élaborée, que preuve est faite que l’article 118.4 de la LQE ne s’applique pas en l’espèce et que tous les renseignements contenus aux documents en litige sont visés par les article 23 et 24 de la Loi et doivent, par conséquent, bénéficier de la protection que lui accorde la Loi. ii) de l’organisme L’article 28 de la Loi [46] L’avocat de l’organisme plaide que l’article 28 de la Loi ne peut s’appliquer en l’espèce puisque que les renseignements n’ont pas été obtenus par un enquêteur de l’organisme dans un processus de cueillette d’éléments de preuve devant étayer un dossier de poursuites pénales. Il prétend que seul ce processus répond aux critères du test de l’intensité spécifique avalisé par la Cour du Québec dans l’affaire Office du crédit agricole du Québec c. Butt 4 . [47] Il rappelle que la considération de ces critères a pour effet d’écarter l’application de l’article 28 de la Loi lorsque les renseignements sont obtenus par un organisme dans le cours de l’administration courante de ses affaires par opposition à la situation où ils sont obtenus dans un processus spécifique de détection, prévention ou répression du crime ou d’une infraction à une loi. [48] Il estime que l’examen des pièces D-1 à D-41 devrait convaincre la Commission que les documents en litige n’ont pas été obtenus dans le cadre de ce dernier processus spécifique. [49] À son avis, les renseignements obtenus dans le processus d’inspection menant occasionnellement à l’émission d’avis d’infraction par l’organisme ne sont pas des renseignements visés par l’article 28 de la Loi puisqu’ils ont été obtenus par les employés de l’organisme dans le cadre de travaux qui relèvent 4 [1988] CAI 104 (C.P.) 108.
02 02 20 Page : 16 de l’administration courante de ce dernier, c’est-à-dire vérifier la conformité de certaines installations ou lieux aux prescriptions de la LQE et de ses règlements. Les articles 118.4 de la LQE et les articles 23 et 24 de la Loi [50] En résumé, la plaidoirie principale élaborée par l’avocat de l’organisme a pour objet l’application de l’article 118.4 de la LQE à tous les renseignements en litige. En conséquence, il prétend que ceux-ci sont accessibles à la mise en cause qu’ils soient visés ou non par les articles 23 et 24 de la Loi. [51] Il soutient que les motifs à l’appui de la décision de la Commission dans l’affaire Goodfellow 5 sur la portée de l’article 118.4 LQE sont toujours valables. Il rappelle que cette décision n’a pas été renversée par la Cour du Québec 6 à cet égard. La Cour avait infirmé la décision de la Commission quant à l’applicabilité de l’article 28 de la Loi seulement. À ce chapitre, la Cour avait décidé que les renseignements demandés étaient visés par les paragraphes 5° et 9° de l’article 28 de la Loi. DÉCISION [52] La Commission a pris connaissance des documents 1, 2 et 3 ci-haut décrits. [53] Les témoignages de messieurs Verreault et Thibault, l’examen du résumé historique O-2 et des pièces D-1 à D-41 illustrant le cheminement du dossier de la demanderesse au sein de l’organisme au cours des années comprises entre 1989 et 2002 convainquent la Commission que les renseignements contenus aux trois rapports en litige ont été obtenus de la demanderesse par l’organisme dans un processus d’examen de conformité des installations de cette dernière à la LQE et à ses règlements, et ce, dans le but de prévenir, détecter ou réprimer des infractions à cette LQE et à ses règlements. [54] Dans le jugement concernant l’affaire Goodfellow 7 , où les faits et l’objet du litige sont substantiellement de même nature que ceux en cause ici, la Cour du Québec analyse en ces termes l’application conjuguée des articles 118.4 de la 5 Goodfellow inc. c. (Québec) Ministère de l’Environnement, [1990] CAI 163 (168 à 171). 6 Op. cit. supra note 3. 7 Ib. Id. page 446.
02 02 20 Page : 17 LQE et 28 de la Loi dans le contexte de l’obtention d’une étude sur la caractérisation des sols par le même organisme que celui qui est en cause ici : […] Tous sont d’accord pour reconnaître le caractère impératif de l’article 118.4 L.Q.E. et sa préséance sur la Loi sur l’accès. Le législateur a voulu qu’en cette matière les citoyens puissent exercer leur droit à la qualité de l’environnement. Il y a cependant une restriction à ce droit, tel que le prévoit le deuxième alinéa de cet article. Pour que l’exception prévue à l’article 28 s’applique, deux conditions doivent être réunies : le renseignement dont on veut obtenir communication doit avoir été obtenu par une personne chargée de « prévenir, détecter ou réprimer le crime » et sa divulgation « serait susceptible » entre autres « de causer un préjudice » à un tiers. Si l’organisme public, en l’instance le MEMVIQ, décide de donner communication d’un rapport, le tiers Goodfellow, qui a fourni ce rapport, peut s’objecter à sa divulgation. Il a un droit fondamental à faire valoir ses arguments. Il s’agit de l’application d’un principe élémentaire de justice naturelle, soit la règle audi alteram partem. Dans le présent cas, la question qui se pose est de déterminer si le MEMVIQ a obtenu le rapport dans le but de « prévenir, détecter ou réprimer le crime ». Il y a, selon nous, trois possibilités qui permettent au MEMVIQ de constater une infraction à la L.Q.E., soit : 1° dans le cadre d’une demande de Goodfellow, un fonctionnaire se rend sur les lieux pour contrôler les faits et découvre une infraction à la loi; 2° lors d’une enquête administrative de routine, dans le but, par exemple, de vérifier si l’entreprise se conforme à un règlement sur la tenue de statistiques, un fonctionnaire découvre une infraction à la L.Q.E. qui n’a rien à voir avec la tenue des statistiques; 3° à la suite d’une plainte ou carrément dans le but de vérifier si l’entreprise se conforme à toutes les règles environnementales décrétées tant par la loi que par le règlement, un fonctionnaire découvre des infractions. (La Commission a souligné)
02 02 20 Page : 18 [55] Nous l’avons vu, la preuve démontre ici qu’il y avait eu une plainte en 1989 qui avait déclenché le processus d’intervention de l’organisme en 1989, lequel s’est étendu jusqu’en 2002 (D-1 à D-41), processus dont font partie les avis d’infraction (D-12 et D-41). [56] Dans l’affaire Goodfellow, la Cour du Québec ne laisse nullement entendre que l’inspecteur de l’organisme ne serait pas une personne visée par le premier alinéa de l’article 28, comme le prétend ici l’avocat de l’organisme. Elle ne distingue pas l’intervention des inspecteurs de l’organisme de celle de ses enquêteurs. [57] Pour la Cour, il suffirait donc que les renseignements soient obtenus dans le but de prévenir, détecter ou réprimer une infraction à la LQE ou à ses règlements pour que cette action de l’organisme soit revêtue du caractère d’intensité spécifique requis par la jurisprudence dans l’affaire Butt 8 et ainsi donner ouverture à l’application de l’alinéa introductif de cet article. [58] La Commission est d’avis que cette conclusion est raisonnable, en l’espèce. [59] Le témoignage de madame Légaré établit que la divulgation des renseignements en litige risquerait vraisemblablement de causer préjudice à la demanderesse, l’entreprise qu’elle dirige, qui est l’objet de ces renseignements, le tout au sens du paragraphe 5° de l’article 28 de la Loi. [60] La Commission conclut que les conditions d’application du paragraphe 5° de l’article 28 sont réunies et qu’en conséquence, l’article 118.4 de la LQE ne peut recevoir application. [61] La preuve démontre de plus que les conditions d’application de l’article 28 de la Loi sont présentes au moment de la demande d’accès et de la réponse du Responsable sous révision, soit en février 2002 puisque, entre autres, la demanderesse se trouve alors sous le coup d’un avis d’infraction à la LQE daté du 18 janvier 2002 (D-41), avis par lequel l’organisme exige des correctifs précis qui doivent être exécutés au cours d’un certain délai dont l’échéance n’est pas encore arrivée. [62] La Commission est d’avis que la décision sous révision de l’organisme de donner à la mise en cause accès à la plus grande partie des documents en litige en raison de l’applicabilité de l’article 118.4 LQE n’est pas bien fondée puisque, au moment de cette décision, les renseignements formant la totalité des trois études en cause sont des renseignements qui avaient été obtenus par une 8 Op. cit. supra note 4.
02 02 20 Page : 19 personne visée par le premier alinéa de l’article 28 de la Loi et que leur divulgation risquait vraisemblablement de causer préjudice à la demanderesse qui est l’objet de ces renseignements au sens du paragraphe 5° de cet alinéa. [63] POUR CES MOTIFS, la Commission FRAPPE les documents O-2, D-1 à D-41 inclusivement d’un interdit de publication, de divulgation et de diffusion, par la Commission, tel interdit devant valoir également à l’encontre de la mise en cause; ACCUEILLE la demande de révision faite en vertu de l’article 136 de la Loi; et ORDONNE à l’organisme de ne pas divulguer à la mise en cause les renseignements qu’elle a demandés. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de la requérante : M e Guy Godreau (Pouliot L’Écuyer s.e.n.c.) Avocat de l’organisme : M e Jonathan Branchaud (Saint-Laurent, Gagnon)
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