Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 01 32 Date : Le 14 mars 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. PACCAR CANADA LTÉE Entreprise DÉCISION L’OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE en vertu de l’article 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [1] Le 12 décembre 2004, le demandeur transmet à son employeur, Paccar Canada ltée, une demande de rectification à son dossier médical détenu par l’entreprise. 1 L.R.Q., c. P-39.1, ci-après appelée « Loi sur le privé ».
05 01 32 Page : 2 [2] La demande est rédigée comme suit : « En vertu de l’article 40 du Code civil du Québec et l’article 28 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, je désire que vous (corrigiez ou détruisiez) : Toute information qui a trait à la cicatrice au poignet gauche. Que j’ai eu à l’âge de cinq ans, (il y a de 38 ans). Non pertinent dans mon métier de peintre, qui pourrait me porter préjudice, où interpréter de façon équivoque. (Témoin, mère). Et aussi la mention de la léger dépression, en 1988. (16 ans) non diagnostiqués par un médecin. Causé par un décès d’un proche. Autres élément non pertinent dans mon métier de peintre. Qui pourrait porté à confusion. Et mal interprété hors contexte. Comme antécédent ou maladie psychiatrique. Laboratoir Biron. Prise de sang effectué chez Paccar le 2003-04-15, demandé par mon médecin. Non pertinent dans mon dossier. Et sans indication de la provenance de ce document. Centre hospitalier Pierre-Le Gardeur, prise de sang à l’urgence en date du 2003-04-30. Personnel, rien avoir avec Paccar et non pertinent dans ma fonction de peintre chez Paccar, et sans indication de la provenance et autorisation de ma part. L’expertise médical de Alain Roy, (17 novembre 2004) qui était destiné pour la SSQ, pour l’assurance salaire, sous condition que ce dossier resterait à l’usage exclusif de la SSQ. Ce que le médecin Alain Roy m’a confirmé avant l’expertise. [sic]. [3] L’entreprise n’ayant pas répondu à la demande de correction, le demandeur transmet une demande d’examen de mésentente à la Commission d’accès à l’information (la Commission), le 15 janvier 2005.
05 01 32 Page : 3 L’AUDIENCE [4] L’audience est tenue en présence des parties, à Montréal, le 20 février 2007. [5] Au début de l’audience, le demandeur déclare se désister de la demande relative à « l’expertise médicale de Alain Roy, du 17 novembre 2004 ». Il déclare maintenir les quatre autres demandes de correction. A) LA PREUVE i) De l’entreprise [6] Le procureur de l’entreprise dépose un document intitulé « Entente de principe ». Cette « entente de principe » est intervenue entre le Syndicat national de l’automobile « Canada TCA », le demandeur et l’entreprise, le 16 février 2005. Elle faisait suite à une absence prolongée du demandeur. [7] En plus de prévoir des mesures pour faciliter le retour au travail du demandeur dans un poste pouvant convenir à ses limitations fonctionnelles, cette entente prévoyait à ses paragraphes 5, 6, 8 et 9 : 5. En contrepartie de ce qui précède, le travailleur convient de produire des désistements relativement à toutes les contestations ou plaintes pendantes « y compris celles devant la CSST, la CLP, la CNT, la CRT, la CAI, etc. ». 6. Plus particulièrement, le travailleur convient de produire des désistements dans les dossiers CLP 2-239338-63-0407 / CASCM-2001-3752 / CM-2001-4602 / CM-2001-5706 / CSSTLAV04-105 / CAI 04-13-001. 8. Les parties considèrent le présent règlement équitable et raisonnable pour chacune d’entre elles; 9. Les parties déclarent comprendre la portée de la présente entente et déclarent avoir signé en présence d’une conciliatrice de la Commission des relations du travail avant de la conclure; […] (Les soulignés sont reproduits tels quels.)
05 01 32 Page : 4 [8] Cette entente de principe a été déposée « pièce E-1 ». Le demandeur reconnaît le document et sa signature mais prétend que ce document ne règle que le dossier CAI 04 13 00 alors que la présente affaire porte le numéro CAI 05 01 32. [9] Le procureur de l’entreprise prétend que la présente demande devant la Commission est irrecevable puisqu’une transaction est intervenue le 16 février 2005, prévoyant le désistement du demandeur à toutes les contestations ou plaintes pendantes. Or, rappelons qu’au 16 février 2005, la demande d’examen de mésentente du 15 janvier 2005 avait déjà été produite par le demandeur. [10] En conséquence, l’entreprise prétend que le demandeur s’était engagé à se désister de la demande dont le soussigné est saisi et qu’une transaction est intervenue. [11] Les versions sont contradictoires en ce qui concerne l’impact et la portée de l’entente du 16 février 2005. LA DÉCISION [12] L’entreprise a-t-elle raison de prétendre qu’une transaction a réglé la demande actuellement sous étude ? [13] L’article 2631 du Code civil du Québec 2 définit ainsi la transaction : 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques. Il est indivisible quant à son objet. [14] L’article 2633 du Code civil du Québec précise l’effet d’une transaction : 2633. La transaction a, entre les parties, l’autorité de la chose jugée. La transaction n’est susceptible d’exécution forcée qu’après avoir été homologuée. 2 L.Q., 1991, c. 64.
05 01 32 Page : 5 [15] « L’autorité de la chose jugée » est une expression qui a une connotation très juridique. La version anglaise de l’article 2633 du Code civil du Québec nous éclaire sur le sens qu’il faut donner à cette expression : 2633. A transaction has, between the parties, the authority of a final judgment “res judicata”. A transaction is not subject to compulsory execution until it is homologated. (Les soulignés sont du soussigné). [16] S’il est vrai que les parties ont voulu mettre un terme à l’ensemble des litiges qui les opposent, ce document a l’autorité d’un jugement final et chacune des parties signataires s’est engagée à en respecter les termes et les obligations. [17] Le paragraphe 6 de cette entente « pièce E-1 » contient une énumération des dossiers dans lesquels des désistements devaient être produits par le demandeur. Cette énumération est-elle limitative et exclusive ? [18] La Commission ne le croit pas. D’abord parce que le paragraphe 6 débute par les mots « plus particulièrement ». Ces termes démontrent, sans l’ombre d’un doute, que les parties n’ont pas voulu limiter, par cette disposition, la généralité de l’entente. De plus, le paragraphe 5 indique que le demandeur consent à produire des désistements dans « toutes les contestations ou plaintes pendantes ». (Le souligné a été ajouté par les parties). [19] Il est également remarquable de constater au paragraphe 5 que la Commission d’accès à l’information, « la CAI », y est expressément désignée. [20] Enfin, la demande d’examen de mésentente, produite par le demandeur dans la présente affaire, porte la date du 15 janvier 2005. L’accusé de réception transmis par la Commission au demandeur et à l’entreprise porte la date du 3 février 2005. [21] On doit donc considérer qu’au moment où le demandeur appose sa signature à l’entente du 16 février 2005, la demande d’examen de mésentente dans le présent dossier est une « contestation pendante » au sens du paragraphe 5 de cette entente.
05 01 32 Page : 6 [22] En conséquence, la Commission conclut qu’une transaction est intervenue par laquelle le demandeur s’est engagé à produire des désistements dans toutes les contestations ou plaintes pendantes devant diverses instances, y compris devant la Commission d’accès à l’information. [23] Aucun désistement n’a été produit dans la présente affaire par le demandeur mais son engagement contient une renonciation implicite à chacun de ces recours. Il est évident que les parties entendaient régler la totalité de leurs mésententes. [24] Dans une affaire semblable, la Commission s’est demandé si le demandeur pouvait renoncer dans une transaction aux droits reconnus par la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 3 . La Commission répond à cette interrogation 4 : « L’article 44 de la Charte des droits et libertés prévoit bien le droit à l’information; il s’agit d’un droit fondamental au même titre, par exemple, que le droit au secret professionnel, prévu à l’article 9 de la Charte. Le client peut toutefois renoncer au privilège du secret professionnel. Il en est de même pour le droit à l’information, si je lis bien le juge L’Heureux Dubé : Lorsque la règle touche l’ordre public de protection, il est logique, pour précisément assurer la réussite du but poursuivi, que seul celui que la règle a pour but de protéger puisse invoquer la nullité. D’où la question qui vient immédiatement à l’esprit : à quel moment une telle renonciation peut-elle être exercée ? […] Dans le cas qui nous occupe, le demandeur avait déjà exercé son droit à l’information en présentant une demande d’accès à l’organisme puis, en introduisant devant la Commission, une demande de révision. Lors de la négociation, il a choisi de renoncer à son recours en acceptant de se désister des procédures déjà engagées en ce sens. Cette renonciation, a été à mon avis, valablement exercée. 3 L.R.Q., c. A-2.1. 4 Grignon c Centre d’hébergement et de soins longue durée Émilie-Gamelin, [1996] C.A.I. 195.
05 01 32 Page : 7 Cette transaction a maintenant l’autorité de la chose jugée. C’est un moyen de non-recevabilité qui peut être soulevé en tout état de cause. » [25] La loi sur le privé comporte des dispositions de même nature que la Loi sur l’accès en matière de « droit à l’information » pour les renseignements qui concernent une personne. Selon la décision précitée, il est possible de renoncer à ce droit en acceptant de se désister des procédures déjà engagées en ce sens. [26] C’est également la conclusion à laquelle le soussigné en est venu après l’étude des documents déposés par les parties. Lors de la négociation, le demandeur a choisi de renoncer à toutes les demandes engagées. [27] À l’audience, une preuve a été faite concernant les motifs de refus de l’entreprise suite aux demandes de corrections du demandeur. Il n’est pas utile d’examiner ces motifs considérant la transaction intervenue. [28] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [29] REJETTE la demande d’examen de mésentente du demandeur. JEAN CHARTIER Commissaire M e Carl Lessard Lavery, De Billy Procureur de l’entreprise
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.