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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 03 21 99 Date : 3 février 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. Croix Bleue, Assurance collective Entreprise DÉCISION LOBJET DU LITIGE LA DEMANDE DEXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 29 octobre 2003, le demandeur sadresse à la Croix Bleue, Assurance collective (l «entreprise ») afin que celle-ci lui communique une copie de tous les documents quil lui avait transmis afin de considérer sa candidature au poste de « préposé service aux assurés et Règlements santé/dentaire ». Il requiert une copie des notes contenues au dossier ainsi que les tests auxquels il a participé. [2] De plus, le demandeur réclame de lentreprise un montant de mille dollars à titre de dommages, celle-ci lui ayant refusé ledit poste.
03 21 99 Page : 2 [3] Le 19 novembre suivant, par lentremise de M e Louis Leclerc, de la firme davocats Heenan Blaikie, lentreprise lui refuse laccès auxdits documents. Elle invoque le 2 e paragraphe de larticle 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la « Loi sur le privé »). [4] Le 9 décembre 2003, le demandeur sollicite lintervention de la Commission daccès à linformation (la « Commission ») pour quelle statue sur cette mésentente. LAUDIENCE [5] Laudience de la présente cause se tient à Montréal, le 15 octobre 2004, en présence du demandeur. Lentreprise, pour sa part, est représentée par M e Richard Gaudreault de la firme davocats précitée. LA PREUVE DE LENTREPRISE A) TÉMOIGNAGE DE M me NADIA GRONDIN [6] M e Gaudreault fait témoigner, sous serment, M me Nadia Grondin. Celle-ci déclare être directrice des ressources humaines. Elle affirme que le demandeur a posé sa candidature pour le poste de « préposé service aux assurés et Règlements santé/dentaire ». Elle affirme également que le dossier le concernant comprend, entre autres, son curriculum vitae, les notes prises par la représentante de lentreprise lors dune entrevue téléphonique, les tests visant la personnalité, laspect technique, laptitude « à résoudre des problèmes » et « une lettre de référence » que lui a fournie le demandeur, etc. [7] M me Grondin ajoute que celui-ci a participé à un test dans la langue française, un test dans la langue anglaise et un autre touchant laspect technique du travail à être effectué. Elle indique que ce dernier a été préparé par des gestionnaires de lentreprise à la demande de celle-ci. Le test visant la personnalité dun candidat, dont le demandeur, a été préparé selon une entente intervenue avec une firme externe. [8] Selon M me Grondin, sur chaque document, « les droits de reproduction sont interdits ». La grille dévaluation contient les notes prises par les gestionnaires ayant rencontré le demandeur à lentrevue. Elle dépose, sous le sceau de la confidentialité, les documents en litige. 1 L.R.Q., c. P-39.1
03 21 99 Page : 3 [9] M me Grondin précise quayant refusé dembaucher le demandeur dans le poste convoité, elle savait quun recours judiciaire était imminent. Il a donc intenté trois recours contre lentreprise, dont un exemplaire pour chacun deux est déposé en preuve (pièce E-1 en liasse). Elle affirme que la date de laudience devant la Cour du Québec est inconnue pour le moment. B) TÉMOIGNAGE DU DEMANDEUR [10] Après avoir été assermenté, le demandeur déclare quil souhaite obtenir une copie des documents visés dans sa demande, car il napprécie pas la manière selon laquelle lentreprise a agi à son égard. [11] Par ailleurs, il décrit un entretien téléphonique quil a eu avec M me Johanne Ricard, conseillère en ressources humaines pour lentreprise, au cours duquel elle la avisé « de ne plus chercher demploi ». Il prétend que M me Ricard était convaincue quil rencontrait les qualités requises pour occuper le poste. [12] Le demandeur précise de plus que les renseignements contenus dans les documents en litige lui sont nécessaires, afin quil puisse faire sa preuve lors de laudience devant se tenir à une date ultérieure devant la Cour du Québec (Division des petites créances). Il ajoute vouloir démontrer au juge de cette cour que lentreprise lavait embauché, mais quelle a, par la suite, changée didée. En conséquence, celle-ci ne devrait conserver aucun document le concernant. LES ARGUMENTS [13] M e Gaudreault plaide que lentreprise doit refuser de communiquer au demandeur une copie des documents en litige selon les termes du 2 e paragraphe de larticle 39 la Loi sur le privé. [14] M e Gaudreault argue quil a été démontré à laudience, que nayant pas été embauché par lentreprise, le demandeur a intenté contre celle-ci trois procédures judiciaires devant la Cour du Québec (Division des petites créances); les parties ne connaissent toujours pas la date à laquelle elles seront entendues devant un juge de cette cour. [15] De plus, M e Gaudreault rappelle le témoignage du demandeur selon lequel celui-ci a indiqué quil a besoin des documents en litige, afin quil puisse faire sa preuve lors de laudience devant se tenir devant la Cour du Québec.
03 21 99 Page : 4 [16] M e Gaudreault cite et commente un extrait de la décision X c. Prudentielle dAmérique 2 qui, à son avis, est similaire à la présente cause : […] La preuve révèle que le demandeur a déposé une plainte devant la Commission des normes du travail pour congédiement sans cause et suffisante. Dans son témoignage, M. Chrétien, auteur de la lettre en litige, a expliqué les circonstances de sa rédaction. À mon avis, cette lettre pourrait avoir un effet déterminant sur la procédure entreprise par le demandeur relativement à lappréciation du caractère juste et suffisant de la cause du congédiement. À cet égard, comme la affirmé le procureur de lentreprise, le demandeur pourra exiger la production de cette lettre lors de laudience devant le commissaire du travail. Dici , cependant, lentreprise possède la discrétion voulue pour en refuser laccès au demandeur en vertu du paragraphe 2 de larticle 39 de la Loi sur le secteur privé. […] [17] Le demandeur, pour sa part, réitère les éléments essentiels de son témoignage et les motifs pour lesquels il cherche à obtenir les documents en litige. LA DÉCISION [18] Les dispositions législatives pertinentes dans la présente instance sont : articles 1, 2, 27, 30, 39, 42 de la Loi sur le privé. 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. 2 [1994] C.A.I. 258.
03 21 99 Page : 5 Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique, historique ou généalogique à une fin d'information légitime du public. 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. 30. Une demande d'accès ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier, de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'une assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale. 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: 1° de nuire à une enquête menée par son service de sécurité interne ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi ou, pour son compte, par un service externe ayant le même objet ou une agence d'investigation ou de sécurité conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (chapitre A-8); 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. 42. Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission d'accès à l'information une demande d'examen de mésentente relative à l'application d'une disposition législative portant sur l'accès ou la rectification d'un renseignement personnel ou sur l'application de l'article 25.
03 21 99 Page : 6 [19] Larticle 1 de la Loi sur le privé qui renvoie à larticle 1525 du Code civil du Québec (le « C.c.Q. ») définit ce quest une « entreprise »: 1525. […] Constitue l'exploitation d'une entreprise l'exercice, par une ou plusieurs personnes, d'une activité économique organisée, qu'elle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services. [20] La Commission constate que lors du refus de lentreprise, le 19 novembre 2003, à communiquer au demandeur les documents en litige, les procédures judiciaires étaient imminentes. En effet, elles datent du 29 décembre suivant. [21] La preuve non contredite démontre que lentreprise détient dans un dossier des renseignements personnels sur le demandeur selon les termes de larticle 2 de la Loi sur le privé. Celui-ci a formulé une demande, par écrit, en vertu de larticle 30 de ladite loi, pour avoir accès aux documents. Sa demande dexamen de mésentente est adressée à la Commission en vertu de larticle 42 de cette loi. Lentreprise doit lui en donner communication au sens de larticle 27 de ladite loi, sous réserve de certaines restrictions législatives. [22] Le demandeur reconnaît solennellement, à laudience, avoir intenté des recours en dommages contre lentreprise (pièce E-1 en liasse) parce que celle-ci refuse de lembaucher au poste convoité. Ces recours portent un n o : 500-32-079693-034. Il y est notamment indiqué que : […] Le demandeur réclame 1000.00$ pour abus du droit de gérance, stress causé et avoir été intimidé. Ce même montant inclut également le coût du temps passé au bureau de La Croix Bleue ainsi quun dédommagement pour avoir été insulté par la directrice des ressources humaines […] [23] Les documents déposés confidentiellement à laudience sont :
03 21 99 Page : 7 a) Un « Suivi candidature » contenant des notes manuscrites recueillies lors dune entrevue téléphonique. À ce document est annexé le curriculum vitae du demandeur et une lettre laccompagnant; b) Une « Évaluation » portant len-tête du nom de lentreprise ainsi que les commentaires manuscrits; c) Un « Test de français » contenant les corrections apportées et la note finale; d) Un « Answer sheet » comprenant les corrections apportées et la note finale; e) Des notes manuscrites; f) Deux documents intitulés « The predictive index »; g) Un test titré « Test Wonderlic Destiné Au Personnel »; h) Deux documents intitulés chacun « Grille dévaluation sac »; i) Un document titré « Références » auquel est attachée une lettre transmise par le demandeur à M me Ricard; j) Une lettre portant la signature de M me Ricard adressée au demandeur. [24] Lexamen de ces documents et la preuve recueillie permettent à la Commission de constater que la plupart dentre eux ne peuvent pas être communiqués au demandeur. La Commission est davis que leur divulgation risquerait vraisemblablement davoir un impact sur les procédures judiciaires présentement en cours devant la Cour du Québec (Division des petites créances). Le 2 e paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé précité sapplique dans la présente cause, tel quindiqué par la Commission notamment dans laffaire X c. Assurances générales des Caisses Desjardins 3 . [25] Toutefois, la Commission considère que lentreprise devra communiquer au demandeur les documents suivants : a) Son curriculum vitae, la page frontispice laccompagnant ainsi que la lettre datée 9 septembre 2003; 3 [2003] C.A.I. 266.
03 21 99 b) La lettre de référence datée du 12 octobre 2000 signée par M la page frontispice; c) La lettre datée du 17 octobre 2003 que M [26] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande dexamen de mésentente du demandeur contre la Croix Bleue, Assurance collective; ORDONNE à lentreprise de lui communiquer les documents mentionnés au paragraphe 25; REJETTE, quant au reste, la demande dexamen de mésentente; FERME le présent dossier portant le n M e Richard Gaudreault Heenan Blaikie Procureurs de lentreprise Page : 8 me M-P. B. et me Ricard lui a adressé. o 03 21 99. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire
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