Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 18 13 Date : Le 3 février 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X. Demanderesse c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC Organisme DÉCISION L'OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] La demanderesse requiert de l’organisme, le 3 septembre 2003, l’accès à des documents dont les renseignements sont répartis en cinq points. Ceux-ci sont relatifs à une « […] plainte de harcèlement et de faute grave de Caroline Vachon, déléguée syndicale et responsable locale pour le harcèlement ». Elle souhaite de plus obtenir les renseignements contenus au dossier de M me Diane Brière concernant le nom de témoins et leurs déclarations, le rapport d’enquête intégral, le rapport final ainsi que les recommandations émises par le comité ayant procédé à cette enquête.
03 18 13 Page : 2 [2] Le lendemain, l’organisme, par l’entremise de M. André Marois, communique à la demanderesse un accusé de réception et l’avise qu’un délai de trente jours est nécessaire pour le traitement de la demande. [3] L’organisme lui transmet, le 3 octobre suivant, une copie élaguée du rapport d’enquête. Pour la partie en litige, l’organisme invoque comme motif de refus les articles 9, 14, 37, 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l’accès »). [4] La demanderesse sollicite, le 17 octobre 2003, une demande auprès de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour que soit révisée la décision de l’organisme. L'AUDIENCE [5] Le 25 octobre 2004, l’audience de la présente cause se tient en la Ville de Gatineau, en présence de la demanderesse et des témoins de l’organisme, celui-ci étant représenté par M e Dominique Legault, du cabinet d’avocats Bernard, Roy (Justice-Québec). LA PREUVE A) DE L’ORGANISME [6] M me Francine Boudreault est la témoin de l’organisme. Elle déclare solennellement qu’au moment du dépôt de la plainte, M me Diane Brière était coordonnatrice pour la mise en application de la « Politique visant à contrer toute forme de harcèlement ou d’abus d’autorité » (la « politique »), en vigueur à compter de l’année 2001 mais abolie au cours de l’année 2003. Elle indique que M me Brière a procédé au traitement de la demande d’accès. Elle la remplace dans ses fonctions et dépose, en preuve, ce document (pièce O-1). [7] M me Boudreault précise que la demanderesse est une employée à la Direction générale des services correctionnels du Québec (les « Services correctionnels ») relevant de l’organisme. Elle ajoute que le rapport d’enquête en litige vise une plainte qui a été déposée contre la demanderesse, au niveau provincial, par M me Caroline Vachon, représentante locale sur le harcèlement. Elle réfère la Commission, entre autres, à la section « Définitions » qui décrit 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 18 13 Page : 3 notamment les tâches et les objectifs généraux prévus à cette politique. La Direction de l’établissement et les membres du personnel sont au courant de l’existence de ce document. Elle ajoute que le « traitement des plaintes de harcèlement ou d’abus d’autorité doit se faire avec un maximum de confidentialité ». [8] M me Boudreault souligne l’importance pour toutes les personnes impliquées dans ce processus de respecter la procédure liée à l’enquête, tel le cas sous étude. Ce processus est administratif et confidentiel. [9] M me Boudreault indique que les personnes désignées pour examiner la plainte n’entendent pas de témoins. Celles-ci avisent verbalement la coordonnatrice de leur décision en regard de la recevabilité de cette plainte. Par la suite, cette dernière communique verbalement cette décision à la plaignante, au gestionnaire de celle-ci ainsi qu’à la personne visée par ladite plainte. [10] Par ailleurs, suivant les dispositions prévues à la politique, la coordonnatrice nomme les deux membres du comité d’enquête, en tenant compte notamment de leur expérience; un membre provient des Services correctionnels et un autre de l’extérieur de ce Service. Ceux-ci ont pour mandat, entre autres, de statuer sur le bien-fondé de ladite plainte. Ce comité procède, par écrit, à la convocation de témoins; ceux-ci signent un engagement à la confidentialité et témoignent à huis clos. [11] Selon M me Boudreault, les membres du comité d’enquête colligent la preuve et apposent leur signature respective au rapport. Ce dernier, qui contient, entre autres, une conclusion et des recommandations, est soumis aux Services correctionnels de l’organisme. M me Boudreault indique qu’elle-même et le directeur régional en ont reçu une copie intégrale, tandis que le supérieur hiérarchique de la demanderesse ne reçoit que la conclusion et les recommandations formulées dans ledit rapport. Elle signale que les membres de ce comité doivent alors détruire toutes les notes qu’ils avaient prises. B) TÉMOIGNAGE DE M. ANDRÉ MAROIS [12] M. Marois, qui témoigne sous serment, déclare être notamment responsable de l’accès aux documents. Il a reçu la demande formulée par la demanderesse et l’a acheminée aux Services correctionnels, afin d’obtenir les documents en litige. Il affirme que, le 3 octobre 2003, l’organisme a communiqué à celle-ci une copie élaguée du rapport d’enquête. Il précise qu’en vertu de la politique mentionnée par M me Boudreault, les membres siégeant au comité
03 18 13 Page : 4 d’enquête ont procédé à l’enquête dans une affaire impliquant la demanderesse et la déléguée syndicale et responsable locale pour le harcèlement. [13] M. Marois indique ce qui suit : • Les dates et les notes inscrites sur les cinq premières pages d’un document manuscrit, sous forme télégraphique, sont celles de M me Brière. Elles réfèrent aux informations recueillies et communications échangées avec d’autres personnes dans ce dossier. M. Marois invoque le 2 e alinéa de l’article 9 de la Loi sur l’accès; • La majeure partie des renseignements contenus aux pages 6 à 33 du rapport d’enquête numérotées manuellement devrait être inaccessible à la demanderesse, car ce sont des renseignements nominatifs visant des personnes physiques et la version des faits de celles-ci relative à un événement précis impliquant la demanderesse. Les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès devraient s’appliquer dans la présente instance. • Les aspects visant les « avis, opinions et recommandations » qu’ont émis les enquêteurs ne sont pas en lien avec la demanderesse, mais plutôt avec d’autres personnes. Ils ne devraient pas lui être accessibles, et ce, en vertu des articles 37 et 53 de ladite loi. L’organisme n’a toujours pas pris de décision à cet égard. C) TÉMOIGNAGE DE LA DEMANDERESSE [14] La demanderesse, pour sa part, affirme solennellement qu’elle connaît l’identité des personnes (au nombre de huit) qui ont témoigné à l’enquête. Elle devrait avoir une copie de leur déclaration respective, car, à son avis, celles-ci ont fait ressortir des éléments factuels relatifs à la plainte déposée contre elle. Elle considère que les renseignements qu’elles ont alors fournis ne sont pas confidentiels. [15] La demanderesse souligne vouloir obtenir une copie des notes de M me Brière et le rapport d’enquête intégralement, car, à la lecture des documents obtenus, elle constate que les renseignements communiqués à l’organisme ne s’y trouvent pas. Elle dit contester « l’équité procédurale », car « les règles de justice naturelle » la concernant n’ont pas été respectées par l’organisme. À son avis, elle a le droit de connaître les propos tenus par les personnes ayant témoigné à l’enquête. Elle indique de plus que les renseignements manquants lui sont nécessaires pour contester les éléments contenus audit rapport devant la Cour supérieure.
03 18 13 Page : 5 LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [16] M e Legault argue qu’il est faux de prétendre que la demanderesse connaît l’identité des témoins rencontrés par le comité au cours de son enquête et que les renseignements fournis par ceux-ci ne seraient pas confidentiels. Elle plaide que la preuve a plutôt démontré que ces témoins ont émis des commentaires personnels qui leur sont propres en regard de la plainte déposée par la représentante syndicale au niveau local contre la demanderesse. Ce sont des renseignements nominatifs qui ne peuvent être communiqués à celle-ci en vertu des articles 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès. [17] M e Legault rappelle par ailleurs que les membres du comité ont mené une enquête de nature administrative; les renseignements recueillis par celui-ci sont confidentiels. Elle plaide que la preuve a démontré que cette enquête « n’est pas un processus judiciaire ». La preuve a également démontré que les recommandations concernant la demanderesse ont été communiquées à celle-ci, mais que celles visant d’autres personnes ne peuvent lui être transmises pour les motifs ci-dessus mentionnés. [18] M e Legault plaide de plus que ce rapport contient des avis et des opinions émises par les membres de ce comité qui ont soumis des recommandations à l’égard desquelles l’organisme n’a pas donné suite. [19] La demanderesse, pour sa part, réitère son désir d’obtenir tous les documents faisant l’objet du présent litige, car elle est directement concernée. LA DÉCISION [20] La demanderesse cherche à obtenir, dans leur intégralité, un rapport d’enquête ainsi que tous documents relatifs à l’enquête effectuée par l’organisme dans le cadre d’une plainte déposée contre elle. Elle formule sa demande selon les termes de l’article 83 de la Loi sur l’accès, sous réserve de certaines dispositions législatives : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. […]
03 18 13 Page : 6 [21] Les documents en litige déposés à l’audience, sous le sceau de la confidentialité, sont les suivants : • Les notes prises par M me Diane Brière, sous forme télégraphique, dans le cadre de la plainte sur le harcèlement entre des membres du personnel formulée par la représentante syndicale, au niveau local, envers la demanderesse. La première inscription desdites notes remonte au 4 septembre 2002, alors que la dernière date du 3 octobre 2002. Décision : La Commission considère que ces notes (5 pages) sont inaccessibles à la demanderesse. De plus, il n’a pas été démontré à l’audience que M me Brière consent à la communication des renseignements qu’elles contiennent. L’article 88 de la Loi sur l’accès s’applique. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. Par ailleurs, l’article 9 de la Loi sur l’accès ne s’applique pas dans la présente cause, car les renseignements nominatifs recueillis par M e Brière concernant la demanderesse sont régis par les articles 83 et suivants de ladite loi. • Les pages 2 et 22 du rapport d’enquête contenant une liste de noms de personnes rencontrées par le comité, les dates et le lieu où ces rencontres ont été tenues. On y trouve également la version des faits ainsi que les commentaires émis par ces personnes. Décision : La Commission est d’avis que l’organisme était fondé à refuser à la demanderesse les renseignements ci-dessus mentionnés, car ils sont nominatifs. D’ailleurs, rien dans la preuve n’a démontré que les personnes identifiées ont consenti à la communication des renseignements qu’elles ont fournis au comité dans le cadre de son enquête. Les articles 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès s’appliquent, et
03 18 13 Page : 7 ce, tel qu’il est notamment indiqué dans l’affaire Bouchard c. Ministère de la Sécurité publique 2 . 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. • Le rapport d’enquête contenant cinq conclusions, dont trois sont des avis selon les termes de l’article 37 de la Loi sur l’accès. 37. Une personne qui exploite une entreprise de services professionnels dans le domaine de la santé peut refuser momentanément à une personne concernée la consultation du dossier qu'elle a constitué sur elle si, de l'avis d'un professionnel de la santé, il en résulterait un préjudice grave pour sa santé. La personne qui exploite un autre type d'entreprise et détient de tels renseignements peut en refuser la consultation à une personne concernée à la condition d'offrir à celle-ci de désigner un professionnel du domaine de la santé de son choix pour recevoir communication de tels renseignements et de les communiquer à ce dernier. Le professionnel du domaine de la santé détermine le moment où la consultation pourra être faite et en avise la personne concernée. Décision : La Commission constate que ces trois avis ont été émis par les deux membres du comité chargés par l’organisme de mener une enquête visant la demanderesse, laquelle fait suite à une plainte qui remonte au 28 juin 2002. De plus, ces avis concernent des personnes 2 [2003] C.A.I. 35; désistement en appel, C.Q. Québec, n o 200-80-000338-028.
03 18 13 Page : 8 autres que la demanderesse. Tel qu’indiqué par les auteurs Doray Charrette 3 , l’organisme ne peut invoquer l’article 37 de la Loi sur l’accès à l’égard des avis et recommandations concernant une personne physique. Ainsi, lorsque cette personne, en l’occurrence le demandeur, désire obtenir communication des renseignements nominatifs qui le concernent, c’est l’article 86.1 de ladite loi qui s’applique. La preuve a cependant démontré que l’organisme n’a toujours pas pris de décision finale en regard de la plainte sur le harcèlement faisant l’objet de ces avis et recommandations selon les termes de cet article. 86.1 Un organisme public peut refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, lorsque ce renseignement est contenu dans un avis ou une recommandation fait par un de ses membres ou un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions, ou fait à la demande de l'organisme par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence et que l'organisme n'a pas rendu sa décision finale sur la matière faisant l'objet de cet avis ou de cette recommandation. [22] Par ailleurs, tel qu’il est indiqué par la Commission dans l’affaire Venne c. Ministère de la Santé et des Services sociaux 4 : […] Les conditions d’application de l’article 37 sont les suivantes : il doit s’agir d’avis et/ou de recommandations, ceux-ci doivent avoir été formulés depuis moins de 10 ans, et ce, par les personnes physiques mentionnées au premier alinéa ou par un consultant ou un conseiller compétent mentionné au deuxième alinéa, ce dernier agissant à la demande de l’organisme. Cet article constitue une exception à la règle générale du droit à l’accès et, à ce titre, appelle une interprétation restrictive. […] 3 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l’information, Loi annotée, Editions Yvon Blais, 2001, volume 1, III/86.1-2. 4 [1999] C.A.I. 29.
03 18 13 Page : 9 [23] À la section « Recommandations », les membres dudit comité en ont formulé trois, dont deux visent directement une personne autre que la demanderesse. Décision : La Commission est d’avis que cette section est inaccessible à la demanderesse pour les motifs mentionnés au paragraphe 21. [24] Quant à la section « Annexes », on y trouve la plainte datée du 28 juin 2002, dont une partie importante est masquée. Décision : Ce document est truffé de renseignements personnels et de commentaires émis par des personnes identifiées. La Commission considère que l’organisme était fondé de ne pas les communiquer à la demanderesse, et ce, selon les dispositions législatives prévues aux articles 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès. [25] De ce qui précède, il y a lieu d’ordonner la non divulgation des nom et prénom de la demanderesse. [26] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : PREND ACTE que l’organisme a communiqué à la demanderesse une partie élaguée du rapport d’enquête la concernant; REJETTE, quant au reste, la demande de révision de la demanderesse. FERME le présent dossier portant le n o 03 18 13. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC) (M e Dominique Legault) Procureurs de l’organisme
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