Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 02 17 97 Date : Le 28 juillet 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot [X] Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 15 septembre 2002, le demandeur, policier à l’emploi de la Sûreté du Québec, s’adresse au Directeur général de la Sûreté du Québec, monsieur Florent Gagné, afin d’obtenir, entre autres, copie des documents qui font état des réponses qu’il a données aux membres du comité qui l’ont reçu en entrevue aux fins de la qualification pour le concours de caporal, ou copie de leur consignation ou appréciation de ces réponses. Sa lettre porte, en objet, la rubrique suivante : « Demande d’accès » 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci après appelée « la Loi ».
02 17 97 Page : 2 [2] Le 22 octobre 2002, le responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) avise le demandeur que la demande d’accès a été reçue à son bureau le 15 octobre précédent et qu’il doit se prévaloir des 10 jours supplémentaires prévus par la Loi en raison de certaines contraintes. [3] Le 30 octobre 2002, le Responsable refuse de communiquer au demandeur ces documents au motif qu’ils sont visés par l’article 40 de la Loi. En effet, mentionne-t-il, ces épreuves sont susceptibles d’être utilisées de nouveau. Il lui remet, par ailleurs, une évaluation globale de sa performance qui fait état du consensus intervenu entre les intervieweurs à la suite de l’entrevue. [4] Le 16 novembre 2002, le demandeur requiert la Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission) de réviser cette décision quant au refus de lui communiquer les feuilles du formulaire d’évaluation que chacun des trois évaluateurs a remplies en consignant ses réponses aux diverses questions de l’entrevue, au fur et à mesure de son déroulement. [5] Une audience débute le 25 février 2005 en la ville de Trois-Rivières et se continue par la production de plaidoiries écrites de part et d’autre jusqu’au 18 avril 2005, date à laquelle le délibéré peut commencer. L’AUDIENCE A. LE LITIGE [6] Les parties et la Commission ont convenu que cette dernière entendra la preuve et les arguments pertinents à la détermination, en premier lieu, de la question de savoir à quelle date, en l’espèce, débute la computation du délai de 20 jours prévu à l’article 47 de la Loi. La réponse à cette question est essentielle pour déterminer si le Responsable a respecté ou non les délais de réponse et d’exercice de son droit de prorogation de 10 jours prévu également à cette même disposition et, dans la négative, s’il lui est néanmoins permis d’invoquer tardivement le motif facultatif de refus basé sur l’article 40 de la Loi : 40. Un organisme public peut refuser de communiquer une épreuve destinée à l'évaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de l'expérience d'une personne, jusqu'au terme de l'utilisation de cette épreuve.
02 17 97 Page : 3 [7] Ils ont également convenu, que la preuve de l’organisme concernant l’applicabilité de l’article 40 au cas qui nous occupe serait entièrement entendue au cours de la séance du 25 février 2005 et que l’audition de la preuve du demandeur et des arguments des parties à ce sujet, pour appréciation, serait suspendue jusqu’à la prochaine séance, qui se tiendrait si la Commission conclut qu’il est permis à l’organisme d’invoquer tardivement l’article 40 de la Loi. [8] Le document en litige est un formulaire émanant du Centre d’appréciation du personnel de la police de l’École nationale de police du Québec complété par les trois évaluateurs R. Turcotte, R. Lamothe et Y. Bilodeau, pendant et à la suite de l’entrevue structurée de classification au grade de caporal, accordée au demandeur, le 10 juin 2002. [9] Ce document contient 53 pages dont les deux premières résument le consensus des trois évaluateurs, la troisième révèle les notes globales accordées selon le consensus et les 50 dernières contiennent les grilles utilisées par chacun des évaluateurs. Ces grilles dévoilent les questions, les indicateurs de performance visés par chaque question, les commentaires écrits de chacun des évaluateurs et les notes accordées par chacun d’eux à chacune des réponses du demandeur. B. LA PREUVE i) de l’organisme Témoignage de monsieur André Marois [10] Monsieur Marois est le Responsable de l’organisme aux termes de la délégation des pouvoirs que lui a conférés le ministre de la Sécurité publique conformément à l’article 8 de la Loi. [11] La Commission, qui est en possession d’une copie de la demande d’accès du 15 septembre portant deux (2) sceaux de réception dont l’un mentionne la date du 16 septembre 2002 et l’autre mentionne la date du 26 septembre 2002, s’interroge sur la signification de ces sceaux et la date effective de la réception de la demande d’accès, compte tenu de l’article 47 de la Loi. [12] À la demande de la Commission, le témoin examine cette copie et déclare ce qui suit : • La demande d’accès est reçue d’abord le 16 septembre 2002. Il remarque que le sceau attestant de cette date est incomplet. Le nom de la direction qui l’a apposé n’y apparaît pas clairement. Il ne peut affirmer quel service a reçu la demande ce 16 septembre.
02 17 97 Page : 4 • La demande porte un autre sceau de réception daté du 26 septembre 2002. Il affirme qu’il s’agit du sceau apposé par la répondante de l’accès au Service de l’accès de la Sûreté du Québec. • Cette dernière lui a acheminé cette même demande le 15 octobre 2002 avec les documents qu’elle avait identifiés et repérés au sein de la Sûreté du Québec comme faisant l’objet de la demande d’accès. [13] Il convient de déposer en preuve cette copie de la demande d’accès portant les deux sceaux sous la cote O-1. [14] Le témoin continue à témoigner sur le traitement d’une demande d’accès dirigée à la Sûreté du Québec : • Lorsque la demande parvient à un poste de la Sûreté du Québec, elle transite par le district où est situé ce poste; • Les gens du district l’acheminent au Service de l’accès de la Sûreté du Québec situé à Montréal; • Le Service de l’accès de la Sûreté du Québec s’assure de repérer tous les documents qui sont visés par la demande et les expédie au témoin, le Responsable, pour analyse et décision. [15] Par son avocat, l’organisme dépose d’ailleurs entre les mains de la Commission, sous pli confidentiel, le seul document qui, de l’avis de monsieur Marois, est en litige et qui est décrit plus haut au chapitre A. [16] Le témoin Marois déclare avoir remis au demandeur, en partie seulement le document en litige. [17] Il affirme que les parties soustraites de l’accès l’ont été en application du seul article 40 de la Loi. Témoignage du demandeur [18] Le demandeur déclare que la Sûreté du Québec a émis une directive que tous les policiers de ce corps de police doivent appliquer dès qu’ils reçoivent une demande d’accès afin que les délais prévus à la Loi puissent être respectés : chaque policier doit faire suivre toute demande d’accès au répondant de l’accès de la police.
02 17 97 Page : 5 C. LES ARGUMENTS i) de l’organisme [19] L’avocat de l’organisme prétend que la réception de la demande qui rencontre les critères de la Loi et de ceux développés par la jurisprudence est celle reconnue par le Responsable dans sa lettre du 22 octobre 2002. [20] Dans cette lettre, le Responsable affirme avoir reçu la demande d’accès le 15 octobre 2002. [21] L’avocat de l’organisme plaide que le demandeur n’a pas dirigé sa demande d’accès à la plus haute autorité de l’organisme, le ministre de la Sécurité publique, ou à son délégué ministériel, le Responsable de l’accès, comme le requiert l’article 43 de la Loi. [22] Il souligne qu’une demande d’accès transmise à une autre personne, fut-elle le Directeur général de la Sûreté du Québec, est irrecevable à sa face même. [23] Il rappelle que la demande a tout de même été référée au Responsable. Il argue toutefois que même si la réponse de celui-ci vient régulariser la situation, on ne peut lui opposer ou lui attribuer le délai écoulé avant sa réception de la demande. [24] Il soutient que le délai de réponse ne saurait courir à l’encontre du Responsable avant que ce dernier n’ait reçu copie de la demande qu’il doit traiter. Ainsi s’exprime-t-il aux pages 4 et 5 de son argumentation écrite du 18 mars 2005 : L’article 47, nous le rappelons, indique que le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de réception d’une demande, donner accès au document ou indiquer les motifs de son refus. En aucun cas le délai ne devrait donc commencer à courir avant que le responsable n’ait lui-même obtenu copie de la demande. À cet égard, la doctrine et la jurisprudence sont très claires. Nous référons particulièrement la Commission au texte de M e Doray et Cha[…]rette, de même qu’aux décisions qui accompagnent la présente 2 . Nous avons pris soin de souligner les extraits pertinents de ces décisions, qui concluent toutes que le délai doit se calculer à partir de la réception par le responsable. 2 Doray, Raymond et Charette, François, Accès à l’information, Loi annotée, volume 1, pp.II/43-1 à 43-3, mise à jour du 15 novembre 2004; Parenteau c. Québec (Ministère de l’Industrie, Commerce, Science et Technologie), [1995] CAI 47 (94 06 84); L. c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal, [1989] CAI 317 (80 00 76); Mongeau c. Régie de l’assurance-maladie du Québec, [1996] CAI 365 (96 08 42); Caron c. Ministère des Transports, [1996] CAI 259 (95 13 31); Plastique M&R inc. c. Québec (ministère du Travail), [1992] CAI 372 (C.Q.); Fabrikant c. Commission scolaire du Val-des-Cerfs, CAI Montréal 01 01 01, le 23 mai 2002.
02 17 97 Page : 6 Nous précisons de plus que la Loi ne contient aucune obligation pour un fonctionnaire qui reçoit une demande de transmettre cette dernière dans un délai précis au responsable de l’organisme. Bien entendu, nous considérons que la diligence est de mise, et que les délais écoulés dans le présent dossier sont loin d’être déraisonnables, compte tenu de la structure importante du ministère de la Sécurité publique. […] Vu l’importance et la sensibilité des documents et des informations qui peuvent circuler au ministère de la Sécurité publique et à la Sûreté du Québec, il est tout à fait normal que les répondants aient un rôle actif de soutien auprès du responsable de l’accès du ministère. Cependant, les pouvoirs et obligations du responsable ne font pas l’objet d’une délégation formelle envers les répondants. Ainsi, le texte impératif des articles 43 et 47 de la Loi ne peut être écarté ou modifié. (sic) [25] L’avocat de l’organisme porte enfin à la connaissance de la Commission le jugement de la Cour du Québec dans l’affaire Service anti-crime des assureurs c. Ménard 3 qui infirme la décision de la Commission de déclarer l’entreprise forclose d’invoquer un motif facultatif de refus hors délai. ii) du demandeur [26] Le demandeur prétend que la plus haute autorité au sein de l’organisme est le Directeur général de la Sûreté du Québec à qui il a adressé sa demande d’accès le 15 septembre 2002. [27] Il prétend donc que le délai de réponse doit se computer à compter de cette date. [28] Il soutient que la réponse donnée le 30 octobre suivant est hors délai et que l’organisme ne peut alors soulever l’article 40 de la Loi qui est un motif facultatif de refus. DÉCISION [29] Les dispositions de la Loi qui sont utiles à la détermination préliminaire qui nous occupe sont les articles 8, 40, 43, 47, 50, 52, 135 de la Loi et l’article 50 de la Loi sur la police 4 . 3 [2004] CAI 630 (C.Q.) 638 à 644. 4 L.R.Q., c. P-13.1
02 17 97 Page : 7 8. La personne ayant la plus haute autorité au sein d'un organisme public exerce les fonctions que la présente loi confère à la personne responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels. Toutefois, cette personne peut désigner comme responsable un membre de l'organisme public ou de son conseil d'administration, selon le cas, ou un membre de son personnel de direction et lui déléguer tout ou partie de ses fonctions. Cette délégation doit être faite par écrit. Celui qui la fait doit en donner publiquement avis. 43. La demande d'accès peut être écrite ou verbale. Elle est adressée au responsable de l'accès aux documents au sein de l'organisme public. Si une demande écrite d'accès est adressée à la personne ayant la plus haute autorité au sein de l'organisme public, cette personne doit la transmettre avec diligence au responsable qu'elle a désigné en vertu de l'article 8, le cas échéant. 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande: 1° donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit; 2° informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant; 3° informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte;
02 17 97 Page : 8 5° informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou 6° informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. [30] Aux termes de l’article 50 de la Loi sur la police (précitée), la plus haute autorité de l’organisme est le ministre de la Sécurité publique : 50. La Sûreté du Québec, corps de police national, agit sous l'autorité du ministre de la Sécurité publique et a compétence pour prévenir et réprimer les infractions aux lois sur l'ensemble du territoire du Québec. La Sûreté a également compétence pour prévenir et réprimer les infractions aux règlements municipaux applicables sur le territoire des municipalités sur lequel elle assure des services policiers. [31] Le seul Responsable désigné par le ministre était lors du traitement de la demande d’accès, selon la connaissance spécialisée de la Commission, et il l’est toujours, le témoin André Marois, lequel exerce donc sa compétence sur les documents détenus par la Sûreté du Québec. [32] De par le nom et la fonction de la personne à qui cette lettre du 15 septembre 2002 est adressée, monsieur Florent Gagné, Directeur général, il est raisonnable de conclure que le sceau du 16 septembre 2002 a été apposé par le bureau de la direction générale de la Sûreté du Québec. [33] Tous les témoignages entendus concordent pour établir que la demande d’accès commence à être traitée de façon centrale par la répondante de l’accès au Service de l’accès de la Sûreté du Québec à Montréal.
02 17 97 Page : 9 [34] À l’instar du Responsable, le demandeur est même venu déclarer qu’une politique exigeait que toute demande d’accès reçue à un poste de police devait être acheminée chez le répondant de l’accès au bureau central de la police sis à Montréal afin de s’assurer que la demande soit traitée dans les délais impartis par la Loi. [35] La Commission a manifesté de l’intérêt pour que soient produits le ou les documents constatant cette politique, ce que l’avocat de l’organisme s’était engagé à faire. [36] L’avocat de l’organisme n’a toutefois pas produit ce ou ces documents. [37] Par ailleurs, la preuve démontre que la répondante de l’accès à l’information de la Sûreté du Québec recherche, repère et s’assure que tous les documents visés par la demande d’accès sont réunis et rassemblés aux fins d’analyse et de décision par le Responsable. [38] Elle s’empresse d’ailleurs de documenter sa réception de la demande en y apposant un sceau de réception portant la mention « Sûreté du Québec – Accès à l’information ». [39] Le calcul du délai de réponse et le traitement de la demande par le Responsable s’en trouvent donc facilités. [40] L’avocat de l’organisme a souligné, avec raison, qu’il était normal que les autorités de l’organisme aient accordé un rôle de soutien important aux répondants vu « l’importance et la sensibilité des documents […] qui peuvent circuler au ministère de la Sécurité publique et à la Sûreté du Québec. Je rappelle toutefois que la mise en place de cette structure ne peut avoir pour effet de modifier la Loi. [41] La preuve établit que la demande d’accès en cause a été reçue par la répondante du Service de l’accès de la Sûreté du Québec le 26 septembre 2002 puis acheminée au Responsable, le 15 octobre 2002, avec tous les documents visés par la demande d’accès. [42] Je suis d’avis que le traitement d’une demande d’accès commence dès que le Responsable la reçoit ou dès qu’une personne mandatée par l’organisme pour rechercher, repérer et rassembler des documents pour le compte du Responsable la reçoit, et ce, malgré le fait qu’au départ, cette demande ait été adressée à une autre personne que l’une de celles visées à l’article 43. [43] Cette position ne vient pas contredire la jurisprudence, plus haut citée, à laquelle réfère l’avocat de l’organisme dans son argumentation. En instaurant ce système de traitement par le répondant, pour et au nom du Responsable,
02 17 97 Page : 10 l’organisme ne peut plus raisonnablement invoquer l’irrecevabilité d’une demande dès que celle-ci est traitée par ce répondant. En mettant sur pied une telle procédure, l’organisme accepte que le délai de traitement de la demande commence à s’écouler à partir de la réception de la demande par ce répondant, nonobstant le fait que le Responsable appose sa propre date de réception. [44] Les mêmes règles développées par cette jurisprudence peuvent s’appliquer en faisant les ajustements nécessaires. [45] Par analogie aux motifs de la décision récente de mon collègue, le commissaire Michel Laporte, dans X. c. Société d’assurance automobile du Québec 5 , je considère que l’apposition, par le Responsable, d’une date de réception ultérieure à la date réelle du début du traitement par le répondant, n’est pas respectueuse de l’esprit des articles 46 et 47 de la Loi. [46] Le traitement de la demande d’accès pour fins de recherche, de repérage et de rassemblement de documents, puis d’analyse et de décision par le Responsable a donc commencé, en l’espèce, le jour suivant la réception du 26 septembre, soit le 27 septembre 2002. [47] Le délai de 20 jours expirait donc le 16 octobre 2002. [48] La preuve et les documents constitutifs d’instance établissent que le Responsable a requis le délai supplémentaire de dix jours le 15 octobre 2002, soit à l’intérieur du premier délai de 20 de vingt jours, comme le prescrit le dernier alinéa de l’article 47. [49] La computation du délai de 30 jours fixe son expiration au samedi 26 octobre 2002, jour non juridique. L’expiration du délai doit donc être prorogé au premier jour juridique suivant, soit le lundi 28 octobre 2002. [50] Le Responsable devait donc, au plus tard le 28 octobre 2002, informer le demandeur que l’accès ne pouvait lui être donné. [51] Les documents constitutifs d’instance démontrent qu’il l’a fait le 30 octobre 2002. [52] Même si le retard n’est que de deux jours, la Commission ne peut être permissive et étirer ce délai pour la simple raison de la légèreté du retard. En effet, quand un retard à répondre cesse-t-il d’être minime, si on exclut l’examen de 5 CAI Montréal 03 14 39, 03 20 27, 03 20 26, 03 21 85, 04 00 28, 04 00 27 et 04 02 93, le 2 février 2005.
02 17 97 Page : 11 circonstances exceptionnelles? Poser la question, c’est constater l’impossibilité d’instaurer une norme raisonnable applicable à un nombre significatif de cas. [53] Selon la jurisprudence de la Cour du Québec dans l’affaire Québec (ministère de la Justice) c. Schulze 6 , il est établi que la Commission a la discrétion pour autoriser des nouveaux motifs de refus mais […] qu’elle doit exercer judicieusement cette discrétion eu égard aux circonstances dans chacun des dossiers […] [54] En l’espèce, l’organisme n’a apporté aucune preuve qui tende à établir des circonstances exceptionnelles qui auraient pu justifier le retard en cause. [55] En l’absence de circonstances exceptionnelles ayant empêché l’organisme de répondre dans les délais impartis par la Loi, je déclare que l’organisme ne peut invoquer le motif facultatif de refus basé sur l’article 40 de la Loi : 40. Un organisme public peut refuser de communiquer une épreuve destinée à l'évaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de l'expérience d'une personne, jusqu'au terme de l'utilisation de cette épreuve. [56] La Commission peut, sans pour autant refuser d’exercer sa compétence ni l’excéder, si les circonstances le permettent, déclarer qu’un organisme public ne peut invoquer des motifs facultatifs de refus pour les raisons qui suivent. Je rappelle que cette position de la Commission a été confirmée, à l’occasion, par la Cour du Québec qui n’a pas encore atteint l’unanimité sur cette question 7 . [57] Ce qui suit est une autre façon d’exprimer les raisons qui motivent certains commissaires, dont je fais partie, de continuer à déclarer qu’un organisme public ne peut invoquer hors délai des motifs facultatifs de refus basés sur des faits qui existaient pourtant lors de l’examen de la demande, et ce, sans que des circonstances exceptionnelles ne le justifient. 6 [2000] CAI 413 (C.Q.) 415. 7 Lire aussi Paul Revere , compagnie d’assurance-vie c. Chaîné, [2002] CAI 394 (C.Q.); Société de développement industriel du Québec c. Construction du St-Laurent ltée [1998] CAI 495 (C.Q.) 499; Conseil des assurances de personnes c. Dubord, [1997] CAI 434 (C.Q.) 436; Procureur général du Québec c. Bernier [1991] C.A.I. 378 (C.Q.); English c. Centre hospitalier de l’Hôtel-Dieu de Gaspé, [1991] CAI 385 (C.Q.) 386; Office du crédit agricole du Québec c. Butt, [1988] C.A.I. 104 (C.P.); Office du crédit agricole du Québec c. Talbot, [1989] C.A.I. 157 (C.Q.); Collège Dawson c. Beaudin, [1989] C.A.I. 94 (C.Q.).
02 17 97 Page : 12 [58] L’objet du chapitre II de la Loi est de consacrer et de mettre en œuvre le droit fondamental d’accès aux documents d’un organisme public à toute personne qui le demande. [59] Comme l’exprime mon collègue, le commissaire Michel Laporte, dans Noël c. Régie des installations olympiques 8 : Le droit à la communication prévu à l’article 9 de la loi est un droit fondamental, impératif et ayant un caractère prépondérant aux termes de l’article 168 de la loi : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. […] 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. [60] Ce droit statutaire fondamental, impératif et prépondérant est toutefois sujet à des exceptions dont certaines sont d’application obligatoire et d’autres d’application facultative. [61] Ainsi, les organismes doivent refuser l’accès à certains documents administratifs (lire, par exemple, les articles 23, 24, 28, 29, 29.1 al. 2, 33, 34). À l’occasion, ils peuvent en refuser l’accès en exerçant une discrétion qui leur est totale (lire les articles 21, 22, 27, 30, 31, 32, 35, 36, 37, 38, 39, 40 et 41). [62] Le terme « doit » est d’ailleurs utilisé par le législateur pour les exceptions à l’accès à caractère impératif et le terme « peut » l’est pour les exceptions à caractère facultatif. [63] Le droit d’accès est un droit fondamental qui n’est certes pas absolu, mais qui crée en principe une obligation tout autant fondamentale, pour l’organisme, de livrer copie des documents demandés. [64] Lorsque le Responsable étudie une demande d’accès, il est, a priori, en position d’exécutant d’une obligation impérative de communiquer le document. 8 [2001] CAI 376, 387.
02 17 97 Page : 13 [65] Lorsqu’il se tait, ne répond pas ou refuse l’accès, avec ou, malgré l’article 50 de la Loi, sans motif, à l’intérieur du délai imparti par l’article 47 (précité), il crée un événement donnant ouverture à l’intervention de la Commission, en révision, en vertu de l’article 135 de la Loi. En cas de silence de l’organisme, la loi le considère comme un refus réputé (et non présumé). Cet événement est décrit à l’article 52 de la Loi : 50. Le responsable doit motiver tout refus de donner communication d'un renseignement et indiquer la disposition de la loi sur laquelle ce refus s'appuie. 52. À défaut de donner suite à une demande d'accès dans les délais applicables, le responsable est réputé avoir refusé l'accès au document. Dans le cas d'une demande écrite, ce défaut donne ouverture au recours en révision prévu par la section I du chapitre V, comme s'il s'agissait d'un refus d'accès. 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. [66] Lorsque le demandeur exerce le recours prévu à l’article 135 de la section 1 du chapitre V, il demande en fait à la Commission de réviser, entre autres, la
02 17 97 Page : 14 décision de l’organisme sur le refus d’exécuter l’obligation de communiquer ce qui a été demandé ou sur le délai de traitement de cette demande. [67] En exerçant sa juridiction en matière de révision, la Commission ne doit pas interpréter la Loi strictement comme le ferait un juriste dans une cause de droit civil pur. Elle interprète un statut qui a la particularité d’être une loi générale prépondérante et d’ordre public. [68] L’organisme n’est pas à proprement parler en « défense » comme on l’entend habituellement devant un tribunal de droit civil, où la forclusion des droits d’un défendeur dans une poursuite en justice est, avec raison, déclarée avec grande circonspection et prudence. [69] L’organisme doit simplement convaincre la Commission du bien-fondé de sa décision de ne pas communiquer un document auquel le demandeur a un droit fondamental d’accès ou de celle de ne pas respecter les délais de traitement de sa demande, par exemple. [70] L’obligation de convaincre du bien-fondé de sa décision ne fait pas de l’organisme un «défendeur» comme dans une action civile. [71] Il est primordial de rappeler ici, suivant en cela les enseignements de la Cour d’appel 9 , que la Commission exerce sa compétence en révision d’une décision d’un responsable de l’accès en appréciant le bien-fondé de cette décision sur la base des faits existant au moment de l’examen qu’en a fait le responsable. [72] Lorsque le refus de communiquer est réputé et que le silence de l’organisme s’accompagne d’une non-communication, contrairement à ce que la Loi exige de lui en principe, le demandeur peut se prévaloir de l’ouverture à la révision que la Loi lui accorde. L’organisme doit toutefois voir à ce que les restrictions impératives à la communication ou les interdictions formelles de communiquer soit soulevées devant la Commission, que ces restrictions ou interdictions soient prévues à la Loi ou ailleurs, par exemple à l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 10 . 9 Fraternité des chauffeurs d’autobus. Opérateurs de métro et employés des services connexes au transport de la CTCUM c. Tremblay, (1981) CA 157; Fraternité des policiers-pompiers de La Pocatière c. Ville de La Pocatière, CAI n° 87 04 27 Montréal, le 25 août 1988, commissaire Thérèse Giroux; Cinq-Mars c. CARRA, [1986] CAI 187; J. c. Commission scolaire Jacques-Cartier, (1984-86) 1 CAI 82; Dufour c. Commission scolaire Beauport, [1986] CAI 194. 10 L.R.Q., c. C-12, ci-après appelé la « Charte ».
02 17 97 Page : 15 [73] La Commission doit d’ailleurs soulever d’office la discussion sur ces restrictions impératives ou ces interdictions. [74] Permettre à l’organisme de soulever tardivement des motifs facultatifs de refus, qu’il était possible de soulever lors de la préparation de la réponse sous révision, ouvre finalement la porte à l’invocation par l’organisme public, en tout temps, même durant l’audience, d’un nombre supplémentaire significatif de ces restrictions à l’accès, modifiant par le fait même la décision sous révision. [75] Cette façon de faire serait difficilement conciliable avec l’exercice de la compétence de la Commission en révision. Le rôle de la Commission en révision se verrait alors transformé en examen de novo. Ce faisant, la Commission outrepasserait sa compétence. [76] Dans ces conditions, l’exercice du droit d’accès fondamental, impératif et prépondérant du demandeur deviendrait presque dérisoire alors que l’obligation impérative de communication qui échoit à l’organisme serait atténuée de façon importante, malgré l’utilisation des mots « doit, avec diligence et au plus tard » de l’article 47. [77] Le droit à l’accès, dans les délais que vise l’esprit de la Loi, s’en trouverait vraisemblablement limité de façon substantielle. [78] L’énoncé « La procédure doit faire apparaître le droit dont elle n’est que la servante » trouve tout son sens en l’espèce lorsque l’objet premier et essentiel du chapitre II de la Loi est vraiment considéré, savoir, le droit fondamental, impératif et prépondérant de toute personne à se voir communiquer les documents des organismes publics exprimés à son article 9 (précité). [79] En effet, l’objet premier et essentiel de ce chapitre II ne vise pas le respect du droit d’un organisme public à invoquer les exceptions à ce principe hors du délai statutaire et obligatoire. Étirer le délai statutaire ou en faire fi produirait l’effet contraire visé par cet énoncé : le droit d’accès risquerait plutôt de disparaître. [80] Il est à noter que lorsque le législateur a voulu qu’un délai ne soit pas interprété de façon restrictive, il n’a pas hésité à prévoir la possibilité, pour le retardataire, de soulever des motifs raisonnables pour ne pas les avoir respectés, comme il l’a fait par exemple à l’article 135 in fine. [81] Il ressort de ce qui précède qu’en l’absence de circonstances exceptionnelles empêchant l’organisme public de le faire en temps opportun, il est raisonnable de déclarer que ce dernier ne peut invoquer tardivement des motifs facultatifs de refus, motifs que ce dernier avait d’abord choisi, en toute connaissance de cause, de ne pas invoquer.
02 17 97 Page : 16 [82] Cette interprétation de la Loi est propre à sauvegarder les droits du demandeur. [83] En conséquence, le Responsable ne pouvait pas invoquer l’article 40 de la Loi hors délai, comme il l’a fait, sans soulever et établir l’existence de circonstances exceptionnelles qui l’ont amené à le faire. [84] L’organisme a admis qu’il n’avait aucun autre motif de refus à opposer au demandeur que celui fondé sur l’article 40 de la Loi. [85] J’ai examiné le document en litige et je n’y ai décelé aucun motif de refus que je devrais soulever d’office en vertu de la Loi ou de toute autre loi. [86] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission CONSTATE qu’aucune preuve ayant pour but d’établir l’existence de circonstances exceptionnelles ci-haut mentionnées n’a été présentée par l’organisme; DÉCLARE qu’en l’absence de cette preuve, l’organisme ne peut invoquer le motif facultatif de refus basé sur l’article 40 de la Loi après l’expiration du délai statutaire prévu par l’article 47 de la Loi; ACCUEILLE la demande de révision compte tenu de l’absence d’autres motifs restreignant impérativement le droit d’accès du demandeur; et; ORDONNE à l’organisme de remettre au demandeur la totalité du document en litige. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l’organisme : M e Jonathan Branchaud (Chamberland Gagnon, avocats - Justice-Québec)
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