Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 22 61 Date : Le 23 mars 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demandeur c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 26 octobre 2005, M e Élaine Bissonnette écrit à un avocat du nom de « M e Bousquet » et l’informe que, dans le dossier de [M. D.], le coroner n’a pas le rapport de police dont son client a besoin. Elle demande à M e Bousquet de lui en faire parvenir une copie. 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
05 22 61 Page : 2 [2] Le 1 er novembre 2005, M e Yves Charette, directeur adjoint, chef de la Direction stratégique et responsable de l’accès à l’information du Service de police de la Ville de Montréal par intérim, répond à M e Bissonnette. Il accuse réception de la demande d’accès du 26 octobre 2005 et répond qu’il ne peut y donner suite en vertu des articles 28 et 53 de la Loi sur l’accès. [3] Le 15 novembre 2005, M e Bissonnette demande la révision de cette décision à la Commission d’accès à l’information (la Commission). Elle explique que son client, « victime d’une balle perdue lors d’un meurtre », a besoin du rapport de police pour faire une demande d’indemnisation à « l’IVAC » 2 . [4] Une audience est tenue à Montréal le 20 décembre 2006. L'AUDIENCE LA PREUVE DE L’ORGANISME [5] L’organisme explique que M e Suzanne Bousquet était responsable de l’accès aux documents au Service de police de l’organisme jusqu’au 5 mai 2005. C’est à ce titre qu’elle a agi dans le dossier au début des événements lorsque, pour la toute première fois, M e Bissonnette a présenté une demande de rapport d’événement à Accès Montréal, le 25 janvier 2005. M e Bousquet ayant été nommée à d’autres fonctions le 5 mai 2005, M e Paul Quezel a ensuite assuré l’intérim de la fonction de responsable de l’accès de l’organisme. [6] Dans une lettre du 25 janvier 2005, M e Bissonnette écrit à Accès Montréal, au nom du demandeur, pour obtenir copie d’un rapport d’événement dans un dossier de meurtre, dont elle précise le numéro. Elle ajoute que le demandeur a été blessé lors de cet événement et qu’il demande copie de ce rapport parce que « l’IVAC » le lui réclame. [7] Le 21 février 2005, l’organisme informe verbalement M e Bissonnette que, la demande d’accès du 25 janvier 2005 ayant été présentée au mauvais endroit, celle-ci est transférée aux « archives » de l’organisme. Le chef des archives de l’organisme informe ensuite M e Bissonnette que cette demande d’accès relève plutôt de la responsable de l’accès à l’information, M e Suzanne Bousquet. 2 L’Indemnisation des victimes d’actes criminels.
05 22 61 Page : 3 [8] Ce n’est donc que le 23 février 2005 que M e Bousquet, chef du Service des affaires juridiques et responsable de l’accès à l’information, reçoit la demande d’accès du 25 janvier précédent. Dans une lettre du 24 février 2005 (O-1) signée par M me Line Trudeau pour M e Bousquet, cette dernière accuse réception de la demande et informe M e Bissonnette qu’elle recevra une réponse au plus tard le 15 mars 2005. [9] Le 10 mars 2005, M e Bousquet aurait écrit à M e Bissonnette pour l’informer qu’elle désire se prévaloir du délai additionnel de 10 jours prévu par l’article 47 de la Loi sur l’accès. Cette lettre n’a cependant pas été produite à la Commission. [10] Dans une lettre du 9 mai 2005 (O-2), M e Paul Quezel, à titre de responsable de l’accès par intérim, répond finalement à la demande d’accès en litige. Il informe M e Bissonnette qu’il ne peut donner suite à la demande d’accès : […] [les documents] ont été transmis au coroner conformément à la Loi sur la recherche des causes et circonstances de décès. Or, en vertu de l’article 101 de cette loi, seul le coroner en chef, avec la permission expresse du ministre de la Sécurité publique, peut donner accès aux documents annexés à un rapport d’investigation. En conséquence, je vous invite donc à adresser votre demande au coroner en chef, M e Daniel Bellemare […] [11] Le 26 octobre 2005, M e Bissonnette écrit au bureau du coroner, à un avocat du nom de M e Morin, pour obtenir le rapport de police en litige. [12] C’est dans ce contexte que, le 26 octobre 2005 également, M e Bissonnette transmet à M e Bousquet la demande d’accès en litige (O-3) 3 , dans laquelle elle l’informe que le coroner n’est plus en possession du rapport de police. Cette seconde demande donne lieu à la réponse de l’organisme en litige, celle du 1 er novembre 2005 signée par M e Charette (O-4). [13] Le 25 janvier 2006 (O-5), l’organisme, sous la signature de M e Charette, réitère le refus de divulguer le document demandé pour les mêmes motifs que ceux exprimés dans la lettre du 1 er novembre 2005 (O-4). Il transmet cependant à M e Bissonnette copie de la déclaration que le demandeur a faite aux policiers le 8 novembre 2003. 3 Par. 1 des présentes.
05 22 61 Page : 4 [14] L’organisme fait entendre M me Line Trudeau, conseillère au responsable de l’accès du Service de police de l’organisme. À ce titre, elle traite les demandes d’accès transmises à ce service. Elle a notamment traité les demandes d’accès formulées au nom du demandeur par M e Bissonnette. Elle dépose les lettres O-1 à O-5 mentionnées précédemment. [15] M me Trudeau explique qu’elle a traité la lettre que M e Bissonnette a adressée à M e Bousquet le 26 octobre 2005 (O-3) comme une nouvelle demande d’accès. [16] Concernant la réponse du 1 er novembre 2005 (O-4), M me Trudeau explique que l’organisme a invoqué l’article 28 de la Loi sur l’accès parce que l’enquête était toujours en cours à ce moment. L’organisme a également invoqué l’article 53 de cette loi qui prévoit la nécessité du consentement des personnes concernées par des renseignements personnels pour les communiquer. Le témoin ignore si l’enquête est terminée. [17] Le témoin ajoute que la déclaration transmise avec la lettre du 25 janvier 2006 (O-5) est le seul document transmis à l’avocate du demandeur. Elle précise que ce document a été transmis au demandeur afin de lui permettre de faire valoir ses droits relativement à sa réclamation à « l’IVAC ». [18] L’organisme ajoute qu’il ne détient pas le rapport en litige puisqu’il a été transmis au coroner en vertu de la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès 4 . DU DEMANDEUR [19] Le demandeur explique qu’il fait de l’infiltration pour des corps policiers, notamment celui de l’organisme. C’est dans ce contexte qu’il se trouvait sur les lieux au moment où une personne a été victime de meurtre et lui-même blessé. Le rapport d’événement en litige a été rédigé par un policier du Service de police de l’organisme concernant ces événements. RÉOUVERTURE D’ENQUÊTE [20] Après l’argumentation des parties, la soussignée procède à une réouverture d’enquête pour entendre une preuve en l’absence du demandeur, conformément à l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 5 . 4 L.R.Q., c. R-0.2, la Loi sur les coroners. 5 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2, D. 2058-84.
05 22 61 Page : 5 [21] De retour en audience publique, M me Trudeau explique qu’à compter du moment où l’organisme constate qu’il y a mort violente, c’est la Loi sur les coroners qui s’applique. Cela fait en sorte que les policiers de l’organisme continuent leur enquête mais, cette fois, pour le coroner afin de déterminer les circonstances du décès. Dans ce type de dossiers, l’organisme refuse alors systématiquement l’accès aux documents et renvoie les parties au coroner en raison des dispositions de la Loi sur les coroners. DÉCISION [22] Le demandeur désire obtenir le rapport d’événement au soutien de sa demande d’indemnisation présentée en vertu de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels 6 . Il ajoute que le rapport ne contient aucune information qu’il ne connaisse pas déjà. Il n’y a donc aucune raison pour qu’il n’en obtienne pas de copie. [23] Le demandeur a fait une demande d’accès en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’accès qui prévoit ce qui suit : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [24] L’organisme refuse de lui communiquer ce rapport d’événement. Il reprend d’abord les objections à la divulgation du rapport invoquées dans la réponse du 1 er novembre 2005 (O-4). Il invoquait alors la restriction prévue à l’article 28 de la Loi sur l’accès (renseignements détenus par une personne chargée de détecter le crime) ainsi que la protection des renseignements personnels prévue à l’article 53 de celle-ci (nécessité du consentement des tiers visés par des renseignements personnels contenus dans un document). [25] Sur cette question, la soussignée considère que, l’organisme ne lui ayant pas produit une copie de ce rapport d’événement puisqu’il allègue l’avoir transmis au coroner, il n’a pas fait la preuve de ces restrictions. Elle ne peut donc retenir ces arguments, n’étant pas en mesure d’en apprécier le bien-fondé. 6 L.R.Q., c. I-6.
05 22 61 Page : 6 [26] Cependant, l’organisme, bien qu’il n’ait pas réitéré cette objection dans sa réponse (O-4) à la demande d’accès en litige, soutient que les dispositions impératives de la Loi sur les coroners s’imposent en l’espèce et l’empêchent de communiquer au demandeur le rapport d’événement réclamé 7 . [27] La preuve non contredite a démontré que le rapport d’événement en litige, préparé par un agent de la paix, a été transmis au coroner. Il n’est pas contesté que ce rapport d’événement concerne un meurtre. [28] La Loi sur les coroners prévoit qu’en cas de décès survenu dans des circonstances « obscures ou violentes », le coroner doit en être avisé : 36. À moins qu'elle n'ait des motifs raisonnables de croire qu'un coroner, un médecin ou un agent de la paix en a déjà été averti, toute personne doit aviser immédiatement un coroner ou un agent de la paix d'un décès dont elle a connaissance lorsqu'il lui apparaît que ce décès est survenu dans des circonstances obscures ou violentes ou lorsque l'identité de la personne décédée lui est inconnue. [29] La Loi sur les coroners prévoit également que le rapport préparé par un agent de la paix concernant un tel événement doit être transmis au coroner, ce qui a été fait en l’espèce : 48. Tout agent de la paix enquêtant sur un cas dont le coroner est saisi doit avec diligence lui faire parvenir une copie de son rapport. [30] Un coroner doit faire une « investigation » chaque fois qu’il est avisé d’un décès survenu dans les circonstances que la loi précise, notamment celles prévues à l’article 36, et doit rédiger un rapport à la suite de celle-ci : 45. Il doit être procédé à une investigation chaque fois qu'un avis est donné au coroner conformément au chapitre II. 91. À la suite de son investigation, le coroner rédige son rapport avec diligence. 7 Association des résidants de Côte-des-neiges c. Ville de Montréal, C.A.I. n os 05 02 27 et 05 07 75, 13 février 2006, c. Laporte.
05 22 61 Page : 7 [31] La Loi sur les coroners prévoit que le rapport d’un agent de la paix fait partie des annexes au rapport que le coroner doit préparer et que le rapport du coroner est public, à l’exception des documents annexés à celui-ci : 93. Le coroner annexe à son rapport une copie de l'autorisation d'inhumer, d'incinérer, de transporter ou de remettre le corps, donnée en vertu de l'article 79 et, le cas échéant: 1° les rapports d'examen, d'autopsie et d'expertise; 2° le rapport d'un agent de la paix qui a procédé à une enquête sur le décès; 3° l'ordonnance d'exhumation; 4° la copie du procès-verbal de saisie; 5° les photographies du corps, des lieux visités et des objets examinés ou saisis ainsi que les photocopies des documents examinés ou saisis; 6° tout autre document demandé par le coroner en chef. 96. Le rapport du coroner, à l'exception des documents annexés et des parties du rapport qui ont fait l'objet d'une interdiction de publication ou de diffusion en vertu de la présente loi, est public et peut être consulté par toute personne. Une copie certifiée conforme peut en être obtenue sur paiement des droits prévus au règlement. [32] En vertu de la Loi sur les coroners, seul le ministre de la Sécurité publique, ou une personne qu’il autorise à cette fin, peut permettre la transmission ou la consultation du rapport d’un agent de la paix annexé au rapport d’un coroner : 100. Lorsque l'intérêt public le requiert, le ministre de la Sécurité publique ou le coroner en chef peut publier ou diffuser tout renseignement contenu dans le rapport et dans les documents annexés et qui n'est pas public. Le coroner en chef ne peut cependant publier ou diffuser le rapport d'un agent de la paix sans la permission expresse du ministre de la Sécurité publique ou d'une personne que celui-ci autorise à cette fin.
05 22 61 Page : 8 101. Malgré l'article 97, le coroner en chef ou un coroner permanent peut permettre la consultation du rapport non modifié ou des documents y annexés ou, après paiement des droits fixés par règlement, en transmettre des copies certifiées conformes: 1° à une personne, à une association, à un ministère ou à un organisme qui établit à sa satisfaction que ces documents lui serviront pour connaître ou faire reconnaître ses droits; 2° à un ministère ou à un organisme public qui établit à sa satisfaction que ces documents lui serviront dans la poursuite de l'intérêt public. Toutefois, le rapport d'un agent de la paix ne peut être consulté ou transmis sans la permission expresse du ministre de la Sécurité publique ou d'une personne qu'il autorise à cette fin. L'accès à un rapport ou à un document annexé ou leur réception ne constituent pas une autorisation de publier ou de diffuser les informations qu'ils contiennent et qui n'ont pas été rendues publiques à moins que cela ne s'avère nécessaire à la personne, à l'association, au ministère ou à l'organisme pour connaître ou faire reconnaître ses droits, ou à l'intérêt public lorsque le ministère ou l'organisme public l'a consulté ou reçu à cette fin. [33] La Loi sur l’accès prévoit qu’elle a préséance sur toute disposition d’une loi générale ou spéciale postérieure, à moins qu’une telle loi n’énonce expressément s’appliquer malgré la Loi sur l’accès : 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. [34] Or, la Loi sur les coroners contient une telle disposition : 180. Les dispositions de la présente loi concernant les rapports d'investigation ou d'enquête et les documents y annexés s'appliquent malgré les dispositions de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). [35] Je comprends des dispositions mentionnées ci-dessus que le rapport d’un agent de la paix devient, à compter du moment où il est transmis à un coroner en application de l’article 48 de la Loi sur les coroners, un document dont l’accès
05 22 61 Page : 9 est régi par cette loi. Ces dispositions m’empêchent de donner au demandeur accès au rapport d’événement en litige puisqu’elles prévoient que seul le ministre de la Sécurité publique, ou une personne qu’il autorise, peut permettre la consultation ou la transmission de ce rapport. [36] Par conséquent, le demandeur doit s’adresser au ministre de la Sécurité publique et non à la Commission s’il veut obtenir la transmission de ce document. [37] Par ailleurs, étant donné le contexte particulier de ce dossier, j’estime qu’il est nécessaire d’émettre une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de l’ensemble du dossier de la Commission, à l’exception de la présente décision, conformément à l’article 29.1 de la Loi sur l’accès, sous réserve du nom du demandeur qui doit être masqué. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [38] CONSTATE que le rapport en litige est visé par l’exception prévue à l’article 101 de la Loi sur les coroners; [39] REJETTE par conséquent la demande de révision visant à obtenir le rapport en litige; [40] ORDONNE à la Commission de ne pas divulguer, ni publier, ni diffuser le dossier de la Commission portant le n o 05 22 61, à l’exception de la présente décision. GUYLAINE HENRI Commissaire M e Lyne Campeau Avocate de l’organisme
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