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Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 01 09 52 Date : Le 20 janvier 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. VILLE DE CHICOUTIMI (maintenant connue sous le nom de Ville de Saguenay) Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DE RECTIFICATION (a. 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 ). [1] Le 19 avril 2001, le demandeur sadresse à la responsable de laccès de lorganisme (la Responsable) afin dobtenir la rectification des paragraphes 7a) et 7b) ainsi que la conclusion dune opinion juridique signée par lavocat M e Serge Simard le 19 mars 2001. Il produit avec sa demande de rectification la déclaration assermentée de lingénieur Jean Paquet du 5 avril 2001 au soutien de sa demande. Il prétend que le contenu de cette déclaration assermentée contredit le contenu de ces paragraphes 7a) et 7b). 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
01 09 52 Page : 2 [2] Le 9 mai 2001, la Responsable décide de ne pas accéder à la demande de rectification et réfère à larticle 91 de la Loi en ces termes : Notre interprétation de larticle 91 de la [Loi] vous permet dinscrire votre point de vue ou votre dissidence. Cest pourquoi nous déposons votre demande de rectification aux archives de la municipalité ainsi que dans votre dossier personnel. (Les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) [3] Le 31 mai 2001, insatisfait de cette réponse, le demandeur requiert la Commission daccès à linformation (la Commission) de réviser cette décision de la Responsable pour les motifs quil exprime en ces mots : 1. Lopinion légale de M e Serge Simard na pas été versée aux archives, ni dans mon dossier personnel; 2. On na pas donné à M e Serge Simard lopportunité de modifier son opinion légale suite à la demande de rectification des faits mentionnés à larticle 7; 3. Les membres du conseil de Ville de Chicoutimi nont pas eu lopportunité de prendre connaissance de lavis juridique et de la demande de rectification. [4] Une audience se tient en la ville de Saguenay les 26 août 2003 et 22 juin 2004. Le délibéré qui devait commencer à cette dernière date est alors suspendu en raison de la nomination par lAssemblée nationale de la soussignée à la fonction de présidente par intérim de la Commission, de lexercice de cette fonction quelle a occupée jusquau 24 septembre 2004 et des vacances annuelles qui ont suivi jusquau 12 octobre 2004. Le délibéré a pu commencer le 12 octobre 2004. LAUDIENCE A. DÉTERMINATION DU LITIGE ET PRÉCISIONS PRÉLIMINAIRES [5] Il sagit de savoir si la Responsable est fondée, le 9 mai 2001, de refuser la rectification demandée concernant certains faits relatés aux paragraphes 7a) et 7b) et la conclusion de lopinion juridique de M e Simard datée du 19 mars 2001. [6] La Commission a, par subpoena, requis M e Serge Simard, lauteur de lopinion juridique en litige, de comparaître devant elle pour témoigner sur la
01 09 52 Page : 3 demande de rectification de ce document, estimant que son témoignage est essentiel à la solution du litige. [7] La Commission a par ailleurs assuré M e Simard quelle entendrait dabord toutes les objections quil jugerait opportun de soulever au sujet de la délivrance de ce subpoena ou de sa pertinence. La Commission a aussi informé M e Simard quelle entendrait toutes les représentations que lui-même ou son client, lorganisme, voudrait faire valoir sur le droit au respect du secret professionnel, sil en est. [8] Il convient de déclarer immédiatement que les motifs de rectification 1. et 3. énoncés à la demande de révision (savoir 1. le défaut du versement de lopinion juridique en question aux archives et au dossier personnel du demandeur ainsi que 3. le fait que le conseil de ville nait pas pu prendre connaissance de sa demande de rectification et de lopinion juridique en cause) ne peuvent être considérés par la Commission dans le cadre du présent examen en révision. [9] En effet, ces deux motifs ne sont pas pertinents à lappréciation du bien-fondé de la présente demande en matière de révision dun refus de rectifier un document. De toute manière, dune part, il nest pas de la compétence de la Commission, en matière de révision, dordonner à un organisme public de classer un document à tel endroit plutôt quà un autre; dautre part, il nest pas de la compétence du conseil de ville de se prononcer sur le bien-fondé dune demande de rectification et conséquemment, celui-ci na pas qualité pour prendre connaissance des informations que le demandeur mentionne. [10] À ce dernier sujet, la Commission rappelle dailleurs que la demande de rectification est un document contenant des renseignements nominatifs concernant le demandeur et quà ce stade de la procédure en rectification, la responsable de laccès, qui seule est investie de la compétence pour trancher le bien-fondé de cette demande, ne doit pas communiquer ce renseignement à des personnes qui nont pas qualité pour les recevoir à moins que le demandeur ny consente. B. LA PREUVE i) preuve du demandeur [11] Le demandeur dépose sous la cote D-1, lopinion juridique dont il cherche à faire rectifier les paragraphes 7a) et 7b), savoir celle rédigée et signée le 19 mars 2001 par M e Serge Simard, avocat et adressée par ce dernier à la Ville de Chicoutimi à lattention de son maire M e Jean Tremblay.
01 09 52 Page : 4 [12] Lorganisme ne soppose pas au dépôt de cette opinion juridique en preuve ni ninvoque le droit au respect du secret professionnel qui pourrait découler du contenu de ce document. [13] Dans sa demande de rectification, le demandeur déclare que copie de cette opinion juridique lui a été remise par le monsieur le maire Tremblay et M e Simard au début du mois davril 2001. Témoignage de monsieur Jean Paquet [14] Monsieur Paquet est ingénieur à lemploi de lorganisme. [15] Il est impliqué dans les faits faisant lobjet de lopinion juridique en cause ici. [16] Il est le signataire de la déclaration solennelle faite le 5 avril 2001 dont fait mention la demande de révision et reconnaît comme tel la déclaration que lui exhibe le demandeur. [17] Il réitère la véracité des faits mentionnés dans cette déclaration, en particulier, il réitère quil est convaincu que les faits relatés aux paragraphes 7a) et 7b) du chapitre intitulé LES FAITS de lopinion juridique ne sont pas exacts et que lauteur de cette opinion aurait ignorer ces faits et plutôt considérer comme étant exacts les faits quil mentionne dans sa déclaration assermentée. [18] Le demandeur dépose sous la cote D-2 cette déclaration solennelle de Jean Paquet datée du 5 avril 2001. ii) preuve et admissions de lorganisme [19] Lavocat de lorganisme admet que le document D-1 est bien une copie exacte de loriginal de ce document. Témoignage de madame Hélène Savard [20] Madame Hélène Savard était la Responsable de laccès ainsi que la greffière de lorganisme lors des événements. Elle a traité la demande de rectification en cause. [21] Après avoir reçu la demande de rectification, elle déclare quelle na pas consulté lauteur du document, M e Serge Simard, pour senquérir auprès de lui
01 09 52 Page : 5 sil acceptait ou non de rectifier le document en litige. Elle estimait que cette démarche devait être effectuée par le conseil de ville. Elle précise que le conseil de ville na toutefois pas fait cette démarche puisque la question na jamais été inscrite à lordre du jour daucune de ses assemblées. [22] Madame Savard affirme que le document dont il est demandé rectification est détenu par lorganisme. [23] Elle déclare que cette opinion juridique na pas été déposée au conseil de ville lors dune de ses assemblées publiques. Le maire a toutefois fait part verbalement, aux membres du conseil de ville réunis en assemblée, des conclusions de lopinion juridique, entre autres conclusions et commentaires, de la conclusion quil ny avait finalement rien dillégal dans les agissements du demandeur. [24] Elle dépose certains documents relatifs à cette demande daccès et au contexte qui a entouré la confection de lopinion juridique en cause (D-1) sous les cotes O-1 à O-8, dont les documents suivants : O-4 Demande de rectification que lui a adressée le demandeur le 19 avril 2001; O-6 Décision de la Responsable du 9 mai 2001 de refuser de rectifier lopinion juridique; O-8 Demande de révision adressée le 31 mai 2001 par le demandeur à la Commission. Témoignage de M e Serge Simard [25] M e Simard ne fait aucune référence au fait que lopinion juridique en cause (D-1) pourrait faire lobjet dune protection en vertu de larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 . [26] Il déclare avoir pris connaissance de la déclaration assermentée de monsieur Jean Paquet (D-2) qui visait à lui faire rectifier certains faits apparaissant aux paragraphes 7a) et 7b) de son opinion juridique (D-1), et conséquemment, de lui faire modifier sa conclusion. [27] Il déclare que préalablement à la rédaction de cette opinion juridique datée du 19 avril 2001, il avait pris connaissance dun grand nombre de faits et de déclarations quil avait minutieusement analysés. 2 L.R.Q., c. C-12.
01 09 52 Page : 6 [28] Il affirme que lorsquil a émis cette opinion juridique, le 19 avril 2001, il ny avait aucun doute dans son esprit que les faits relatés en ses paragraphes 1 à 8, y compris en ses paragraphes 7a) et 7b), étaient tout à fait fidèles aux faits contenus au dossier quil avait alors devant lui. [29] Il déclare avoir émis une opinion juridique compte tenu de ces faits-là et, en conséquence, il refuse de modifier cette opinion. [30] Il rappelle que les faits relatés à la déclaration assermentée de monsieur Paquet (D-2) du 5 avril 2001 sont nouveaux pour lui et ne se trouvaient pas au dossier quil a analysé avant den arriver à sa conclusion du 19 avril 2001. [31] Il ajoute quil ne peut demblée déterminer de façon certaine quelles auraient été ses conclusions si les faits relatés au document D-2 avaient été au dossier à lépoque il la étudié. À tout le moins, une fois leur crédibilité établie, il aurait vraisemblablement été nécessaire de réévaluer la crédibilité de tous les autres témoignages à la lumière de ces nouveaux faits, avant de tirer une conclusion finale, ce quil na pas fait et quil naurait de toute façon jamais fait sans nouveau contrat de service provenant de son client, lorganisme, pour ce faire. [32] Il estime quon ne peut lui demander aujourdhui de modifier son opinion juridique sans lui permettre de refaire ce nouveau travail danalyse de la crédibilité de la preuve. Ce serait alors une autre opinion et non une opinion rectifiée. C. LES ARGUMENTS i) les arguments de lorganisme [33] Lavocat de lorganisme ne soppose pas à la production de lopinion juridique sous la cote D-1 par le demandeur ni ne prétend ou ne mentionne que ce document doit bénéficier de la protection de larticle 9 de la Charte. [34] La décision de la Responsable, sous examen, est le refus de rectifier lopinion juridique D-1 tant aux paragraphes 7a) et 7b) quà la conclusion. [35] Il plaide que la preuve démontre que lauteur de cette opinion juridique refuse de la modifier pour les raisons quil invoque dans son témoignage.
01 09 52 Page : 7 [36] Il rappelle la jurisprudence abondante unanime et constante établissant limpossibilité de rectifier une opinion, en particulier celle dun expert ou dun professionnel, lorsque lauteur de cette opinion refuse de le faire 3 . ii) les arguments du demandeur [37] Le demandeur rappelle le contenu du premier paragraphe de lopinion juridique D-1 adressée au maire de lorganisme, qui se lit comme suit : Nous avons pris connaissance de la résolution mentionnée en titre nous demandant une opinion, à partir des faits qui nous paraissent probants et pertinent dans votre enquête, sur les questions suivantes : […] [38] Il plaide que lauteur de lopinion juridique na pas pu apprécier lui-même la véracité ou la crédibilité des faits recueillis et pris en compte par le maire lorsque ce dernier a fait enquête et prétend quen ce faisant il na pas respecté certaines dispositions du code de déontologie qui doit le gouverner dans lexercice de sa profession. [39] Le demandeur est davis que cest avec raison que lauteur de lopinion refuse dentreprendre le réexamen du dossier denquête sans requête expresse du conseil de ville de le faire. [40] Il est davis que la Commission devrait ordonner à lorganisme doctroyer un nouveau contrat de service à M e Simard afin que ce dernier rectifie les conclusions de son opinion juridique en tenant compte des informations qui se trouvent à la déclaration assermentée de monsieur Paquet (D-2). DÉCISION [41] La Commission tient dabord à préciser quelle na pas à se prononcer sur la question de savoir si lauteur de lopinion juridique a contrevenu à son code de déontologie ou non, cette question nétant pas de sa compétence. 3 S. c. Communauté urbaine de Montréal, [1988] CAI 33, 34, 35; Thériault c. Centre hospitalier affilié universitaire de Québec (Pavillon de lEnfant-Jésus), [2003] CAI 518, 522, paragraphe 44.
01 09 52 Page : 8 [42] En matière de révision pour refus de rectifier un document, ni en aucune autre matière dailleurs, la Commission na aucune compétence pour ordonner à un conseil de ville doctroyer quelque mandat que ce soit à quiconque. [43] La Commission considère que telle que libellée, la réponse sous révision constitue un refus de rectifier. En effet, la référence qui y est faite à larticle 91 de la Loi implique vraisemblablement la volonté de la Responsable de ne pas acquiescer à la demande de rectification : 91. Lorsque l'organisme public refuse en tout ou en partie d'accéder à une demande de rectification d'un fichier, la personne concernée peut exiger que cette demande soit enregistrée. [44] La seule détermination que la Commission doit faire en lespèce est de savoir si lopinion juridique en litige doit être rectifiée. [45] La jurisprudence constante en cette matière établit quune opinion ne peut se modifier en présence du refus de lauteur de cette opinion de le faire 4 . [46] Lexamen du document en litige D-1 démontre quil constitue une opinion. [47] La preuve démontre que lauteur de lopinion refuse de la modifier. [48] De surcroît, la Commission estime que les motifs qui sous-tendent ce refus tels quils ont été exprimés lors du témoignage de lauteur de lopinion, M e Serge Simard, illustrent de façon limpide et éclatante le bien-fondé de cette position traditionnelle de la jurisprudence précitée. 4 M. c. Centre hospitalier régional de lOutaouais, (1984-86) 1 CAI 120; M. C.L.S.C. Normandie, [1986] CAI 87; M. c. Centre hospitalier régional de lOutaouais, (1984-86) 1 CAI 212; L. c. Centre hospitalier régional de lOutaouais, (1984-86) CAI 123; M. c. Communauté urbaine de Montréal, [1989] CAI 103; X c. Société des transports de la Communauté urbaine de Montréal, [1989] CAI 148, requête pour permission dappeler rejetée, jugement non rapporté, C.Q.M. n° 500-02-021560-896, 27 septembre 1989; Lambert c. École Mont-Saint-Antoine inc., [1989] CAI 300; Massicotte c. École Mont-Saint-Antoine inc., [1989] CAI 377; Tessier-Cyr c. Piopolis (Municipalité de), décision non rapportée, CAI, n° 01 01 54, le 17 juillet 2001; J. Clinique Roy-Rousseau, [1986] CAI 129; Dufour c. Québec (Ministère de la Justice), [1987] CAI 20; Tshiani-Bisumbulé c. Québec (Ministère de la Solidarité sociale, [2002] CAI 42.
01 09 52 Page : 9 [49] POUR CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande de révision du demandeur. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de lorganisme : M e Gaston Saucier
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