Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 19 17 Date : 3 décembre 2004 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] La demanderesse requiert, le 24 juillet 2003, du Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, ci-après nommé l’organisme, une copie des documents qu’il détient dans son dossier physique. [2] Le 25 août suivant, M me Pierrette Brie, responsable ministérielle de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels, l’informe, entre autres, que, le 7 mai précédent, l’organisme lui a communiqué une série de documents, à l’exception de ceux contenant des renseignements nominatifs qu’il a extraits, selon les termes des articles 53 et 88 de la Loi sur l’accès aux
03 19 17 Page : 2 documents et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l’accès »). Elle ajoute que l’organisme ne détient aucun autre document. [3] Le 31 octobre suivant, la demanderesse s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la « Commission »), pour que soit révisée la décision de l’organisme. L’AUDIENCE [4] L'audience de cette cause se tient en la Ville de Gatineau, le 23 novembre 2004, en présence du témoin de l’organisme qui est représenté par M e Michel Jarry, de la firme d’avocats Bernard Roy & Associés. La demanderesse est absente de l’audience. LA PREUVE [5] M e Jarry fait témoigner, sous serment, M. Shadi Wazen; celui-ci déclare qu’il est conseiller à l’accès aux documents auprès de M me Brie. Il affirme avoir pris connaissance de la demande; il a communiqué avec M. André Boivin, répondant régional de l’organisme, pour qu’il lui transmette le dossier de la demanderesse. [6] Il affirme qu’après avoir reçu ses documents, la demanderesse en a préparé un qu’elle a remis à M. Boivin pour que celui-ci appose sa signature (pièce O-1). Ce document se lit comme suit : […] Par ces initiales (AB), moi, Monsieur André Boivin, responsable de l’accès au sein du Ministère de la Solidarité Sociale, j’appose sur chaque document qui m’ont été remis par le Ministère et dont j’ai fait photocopie et remis à Mlle X le 8 mai 2003. Je confirme que toute copie de document, déclaration ou autre, etc… concernant Mlle X au sein du Ministère de la Solidarité Sociale lui ont été remis et qu’il n’y en a plus d’autre. […] (sic) Je confirme que les documents remis à Mlle X le 8 mai 2003 constitue l’ensemble du dossier physique de X au sein du Ministère de la Solidarité Sociale et qu’il n’existe aucun autre document, déclaration ou autre, etc… 1 L.R.Q., c.A-2.1.
03 19 17 Page : 3 concernant Mlle X au sein du Ministère de la Solidarité Sociale. […] (sic). [7] À la lecture de ce document, M. Wazen ajoute que la demanderesse savait déjà que l’organisme ne détient aucun autre document la concernant. [8] M. Wazen ajoute que le 10 juin 2003, M. Boivin a fait parvenir à la demanderesse une lettre (pièce O-2), par laquelle il indique, entre autres, qu’il lui avait transmis une copie des documents contenus à son dossier, à l’exception des renseignements concernant des tiers. M. Boivin a également indiqué à ce moment-là que l’organisme ne détient aucun autre document la concernant « (note ou déclaration) » ainsi que d’autres renseignements visant une personne qu’il identifie dans cette lettre. [9] Par ailleurs, M. Wazen fait part à la Commission d’une lettre datée du 14 mai 2003 (pièce O-3), par laquelle il réfère la demanderesse à celle que M. Boivin lui avait transmise (pièce O-2 précitée); celui-ci souligne que la demanderesse a mentionné que son « dossier serait incomplet. Afin de pouvoir répondre adéquatement à votre demande et de faciliter la recherche, vous serait-il possible de m’indiquer avec précision quel document ne figurerait pas à votre dossier. […] [10] Selon M. Wazen, ce document (pièce O-3 précitée) « a amené Mlle Boulenger à préparer » la déclaration (pièce O-1 précitée) qui a été signée, à sa demande, par M. Boivin. [11] De plus, M. Wazen indique que la demanderesse confirme avoir reçu les documents; elle réitère cependant sa demande (pièce O-4), en précisant qu’elle veut avoir une copie, entre autres, de l’ «ensemble des demandes d’aide, des avis de décision, des déclarations, de la correspondance, des rapports de visite, des rapports d’enquêtes, des rapports des rencontres avec les agents relatives au dossier, des documents fournis par des tiers, de la correspondance interne relatives au dossier etc…. C’est-à-dire l’entièreté de mon dossier physique jusqu’à ce jour. » […] (sic) [12] M. Wazen dépose, sous le sceau de la confidentialité, les documents en litige. Il précise, par ailleurs, qu’avant l’audience d’une autre cause qui devait être entendue au cours de l’année 2003 devant le Tribunal administratif du Québec (le « TAQ »), l’avocate de l’organisme d’alors, M e Claire Lemay, avait également communiqué à la demanderesse une copie des documents présentement en litige devant la Commission.
03 19 17 Page : 4 B) M me DIANE ALAIN [13] M me Alain déclare solennellement qu’elle occupe le poste de chef d’équipe au bureau local de Hull. Elle dit connaître très bien le dossier de la demanderesse; elle affirme que tous les documents concernant celle-ci lui ont été communiqués, à l’exception des renseignements concernant des tiers; elle faisait l’objet d’une enquête par l’organisme en regard de « sa situation et une preuve de résidence sur vie maritale; » elle a eu accès à son dossier. LES ARGUMENTS [14] M e Jarry rappelle le témoignage de M. Wazen, d’une part, et de celui de M me Alain, d’autre part, selon lesquels l’organisme a communiqué, en diverses occasions, à la demanderesse une copie des documents contenus à son dossier, à l’exception de ceux concernant des tiers. [15] L’avocat plaide que les renseignements refusés à la demanderesse visent ces tiers; ils sont nominatifs au sens des articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès; il plaide également qu’il n’a pas été démontré, à l’audience, que ceux-ci aient autorisé l’organisme à communiquer à la demanderesse les renseignements les concernant selon les termes de l’article 88 de ladite loi. LA DÉCISION [16] Les documents en litige (au nombre total de 10 pages) contiennent, entre autres, les noms de plusieurs personnes physiques avec des renseignements visant, par exemple, un montant d’argent qui serait facturé à chacune d’elles, etc. À ces documents, se retrouvent également un « Mémo/Mémorandum » émanant d’un employé de la municipalité de Chelsea à l’attention d’un autre employé en rapport avec la demanderesse. [17] La Commission considère que ces documents sont truffés de renseignements nominatifs qui, s’ils sont divulgués, permettraient d’identifier ces personnes selon les termes des articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès. De plus, comme l’ont indiqué les auteurs Duplessis Hétu 2 dans l’affaire Chambre des 2 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L’accès à l’information et la protection des renseignements personnels, Loi indexée, commentée et annotée, volume 3, publications CCH ltée, 2003, p. 157 104.
03 19 17 Page : 5 notaires c. Hydro-Québec 3 , « lorsque l’organisme est en présence de renseignements nominatifs, il doit en garantir la confidentialité ». 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [18] Par ailleurs, la Commission comprend que la demande formulée par la demanderesse est régie par les articles 83 et suivants de ladite loi, sous réserves de certaines restrictions législatives. Les documents qu’elle cherche à obtenir sont truffés de renseignements nominatifs concernant d’autres personnes physiques. Il n’a pas été démontré que celles-ci aient consenti à ce que l’organisme communique à la demanderesse les renseignements nominatifs les concernant au sens de l’article 88 de cette loi; la demanderesse ne peut donc pas y avoir accès. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement 3 [1984-86] 1 C.A.I. 306.
03 19 17 Page : 6 nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [19] Commentant la décision Rousseau c. Centre hospitalier régional de l’Outaouais 4 , les auteurs Duplessis et Hétu 5 indiquent, entre autres, que : […] l’article 83 pose le principe du droit d’accès, pour toute personne, à son dossier personnel détenu par un organisme public. Les article 86 et suivants prévoient toutefois certaines restrictions à ce droit, notamment lorsque la confidentialité de renseignements nominatifs concernant une autre personne physique serait compromise par cette divulgation (article 88). [20] Dans la présente cause, la preuve a démontré que la demanderesse reconnaît à plus d’une reprise que les documents consignés à son dossier lui ont été communiqués par l’organisme (les pièces O-1 et O- 2 précitées). La Commission est d’avis que, pour les motifs fournis par M. Wazen et par M me Alain à l’audience, le responsable de l’organisme était fondé de ne pas lui communiquer l’intégralité des renseignements contenus à son dossier; les renseignements nominatifs concernant d’autres personnes physiques lui sont inaccessibles. [21] Par ailleurs, le 22 novembre 2004, la demanderesse a requis de la Commission la remise de l’audience qui devait se tenir le lendemain. Cette demande lui fut refusée, parce que les motifs fournis ont été insuffisants; elle a donc décidé de ne pas se présenter à l’audience. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE l’absence de la demanderesse de l’audience; PREND ACTE que le Ministère de l’Emploi, de la Solidarité Sociale et de la Famille lui a communiqué les documents contenus à son dossier, à l’exception des renseignements nominatifs visant des tiers; 4 [1988] C.A.I. 35. 5 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L’accès à l’information et la protection des renseignements personnels, Loi indexée, commentée et annotée, volume 3, publications CCH ltée, 2003, p. 210 107.
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