Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 10 52 Date : Le 2 décembre 2004 Commissaire : M e Michel Laporte X Demanderesse c. CENTRE DE SANTÉ DES ETCHEMINS Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] La procureure de la demanderesse conteste la décision du Centre de santé des Etchemins (le « Centre ») alléguant avoir remis à la demanderesse « […] son dossier à titre de résidence de type familial (RTF) [et] respecté à tout point de vue les droits et obligations reliés à l’application des lois sur les services de santé et services sociaux, […]. » [2] Une audience a lieu à Magog le 3 novembre 2004.
03 10 52 Page : 2 L'AUDIENCE A) LE LITIGE [3] Les parties confirment à la Commission d’accès à l’information (la « Commission ») que le seul document demeurant en litige est l’accessibilité ou non d’une plainte anonyme datée du 23 décembre 2002. Le document d’une page est remis à la Commission sous pli confidentiel. B) LA PREUVE i) Du Centre M me Francine Laplante-Théberge [4] M me Laplante-Théberge, directrice générale par intérim et responsable de l’accès, fait valoir que le Centre a fourni à la demanderesse une copie de tous les documents contenus à son dossier (pièce O-1 en liasse), mais lui a toujours refusé la communication du document en litige lors de ses demandes d’accès des 31 janvier et 5 et 26 février 2003. Elle motive ce refus en vertu de l’article 18 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1 et des articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 (la « Loi »). Une relecture et une vérification du dossier entérinent, dit-elle, la justesse de son refus. [5] M me Laplante-Théberge signale que la demanderesse opère une résidence de type familial n’hébergeant que de quatre à six personnes ayant des déficiences intellectuelles. Elle confirme que la plainte en litige n’est pas signée et vise la façon dont fonctionne la résidence de la demanderesse. Elle soutient qu’il subsiste un risque que cette dernière identifie l’auteur de la plainte. [6] Interrogée par la procureure de la demanderesse, M e Louise Lachance, M me Laplante-Théberge atteste que la plainte est dactylographiée et qu’elle n’a pu identifier sa provenance. M me Johanne Maheu [7] M me Maheu, intervenante auprès des ressources familiales et travailleuse sociale, prétend qu’elle ne sait pas d’où provient le document en litige. 1 L.R.Q., c. S-4.2. 2 L.R.Q., c. A-2.1.
03 10 52 Page : 3 [8] Une preuve ex parte est soumise par le Centre en vertu de l’article 20 des Règlements 3 : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. ii) De la demanderesse [9] La demanderesse explique avoir été informée de l’existence d’une plainte anonyme lui reprochant une situation de cruauté mentale et d’abus financier. Elle signale qu’une rencontre a eu lieu le 27 janvier 2003 avec les représentantes du Centre à ce sujet. [10] La demanderesse nomme le nom de la mère d’un usager qu’elle soupçonne être l’auteure de la plainte, en raison des faits lui étant reprochés et des tensions avec l’entourage de cet usager. Elle évoque une discussion avec un bénévole d’un groupe d’entraide comme étant à la source de cette hypothèse. Elle croit qu’il n’y a pas d’autres personnes ayant pu porter plainte. [11] Interrogée par le procureur du Centre, M e Pierre Larrivée, la demanderesse confirme avoir rencontré les représentantes du Centre le 27 janvier 2003 à la suite de la plainte, dont M me Maheux, mais n’avoir jamais vu la plainte. Elle mentionne n’avoir fait l’objet que d’une plainte depuis les treize années qu’elle opère cette résidence de type familial. Elle confirme héberger les mêmes personnes depuis au moins dix ans. C) LES ARGUMENTS i) Du Centre [12] M e Larrivée prétend que la plainte elle-même constitue un renseignement nominatif, selon les termes de l’article 53 de la Loi et qu’il est impossible d’appliquer l’article 14 sans en altérer le sens ou la compréhension du texte 4 : 3 Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information, décret 2058-84. 4 Gaudreault c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, C.A.I. Montréal, n o 00 12 07, 16 juin 2003, c. Laporte; Caron c. Centre de services sociaux Laurentides-Lanaudière, [1990] C.A.I. 21.
03 10 52 Page : 4 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. [13] Le Centre ne pouvait donner accès à la demanderesse aux renseignements, à défaut de consentement, permettant vraisemblablement à celle-ci d’identifier une autre personne physique 5 , selon les termes de l’article 88 de la Loi 6 : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. 5 Doyon-Sénécal c. Commission scolaire de Montréal, C.A.I. Montréal, n o 02 19 25, 26 mars 2004, c. Constant; X c. Y, C.A.I. Québec, n o 03 02 58, 24 septembre 2003, c. Grenier; X c. Ville de Terrebonne, C.A.I. Montréal, n o 02 13 23, 28 juillet 2003, c. Constant; Morin c. Québec (Ministère de la main-d’œuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, [1993] C.A.I. 126. 6 X c. Centre de réadaptation en déficience intellectuelle Normand-Laramée, C.A.I. Montréal, n o 03 03 72, 31 mars 2004, c. Constant.
03 10 52 Page : 5 [14] M e Larrivée souligne que la Commission a, de façon constante, décidé que le nom d’une personne pouvant être associé à d’autres renseignements nominatifs, telle une plainte, selon l’article 56 de la Loi, revêt un caractère confidentiel et nominatif 7 : 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [15] M e Larrivée avance qu’il n’a pas eu de démonstration éloquente sur la capacité de la demanderesse d’identifier la partie plaignante. Dans les circonstances, le Centre était justifié de refuser l’accès à des renseignements sensibles touchant des usagers. ii) De la demanderesse [16] M e Lachance soumet que nous sommes en présence d’une plainte dactylographiée et anonyme dont même le Centre n’a pu identifier sa provenance. Elle mentionne que plusieurs sujets liés à cette plainte ont été discutés lors d’une rencontre avec les représentantes du Centre et la demanderesse. Elle opine qu’aucune personne ne peut identifier la partie plaignante, le document en litige devenant donc accessible à la demanderesse. De plus, elle plaide que la demanderesse a pu identifier à l’audience la personne qu’elle croit être l’auteure de la plainte. [17] M e Lachance soutient que la demanderesse peut être informée, selon les termes de l’article 83 de la Loi, des renseignements nominatifs la concernant 8 : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier 7 Rousseau c. Centre hospitalier régional de l’Outaouais, [1998] C.A.I. 35; Audy c. Centre de services sociaux du Québec, [1986] C.A.I. 518; Baril c. Régie de l’assurance-automobile du Québec, [1986] C.A.I. 300. 8 Lelièvre c. Québec (Ministère du Revenu), [1999] C.A.I. 221.
03 10 52 Page : 6 constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [18] M e Lachance soutient également que plusieurs faits et renseignements sont déjà connus de la demanderesse et peuvent, selon les articles 14 et 88 de la Loi, lui être communiqués 9 . DÉCISION [19] La demanderesse a déclaré desservir une clientèle d’usagers ayant des déficiences intellectuelles et n’a jamais cessé d’opérer la résidence de type familial. Elle a confirmé héberger les mêmes usagers depuis au moins dix ans. [20] La preuve non contredite démontre que le Centre a avisé la demanderesse de la teneur de la plainte, sans avoir fourni les détails ni identifié la provenance de celle-ci. La preuve me permet également d’en arriver au même constat que M e Larrivée lorsqu’il avance notamment qu’il n’a pas eu de démonstration éloquente sur la capacité de la demanderesse d’identifier la partie plaignante. [21] La demanderesse a bien exercé un droit lui étant reconnu à l’article 83 de la Loi. Cependant, ce droit n’est pas absolu et comporte des exceptions, notamment celle impérative de l’article 88 de la Loi. [22] La Commission a examiné attentivement le document en litige. Bien que le nom de la personne plaignante ne soit pas nommément identifié, le signalement évoqué au document en litige, la preuve et le contexte propre d’une ressource de type familial me convainquent que la communication de la plainte révélerait vraisemblablement à la demanderesse un renseignement au sujet d’une autre personne physique visé par l’article 88 de la Loi. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [23] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision de la demanderesse; [24] PREND ACTE que la demanderesse a reçu du Centre tous les documents la concernant, à l’exception de celui en litige. 9 Gélinas c. Center local de services communautaires de Hull, [2000] C.A.I. 327; Lina Desbiens et Diane Poitras, Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, textes annotés, SOQUIJ, p. 339.
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