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Dossier : 01 15 95 02 11 83 Date : Le 22 novembre 2004 Commissaire : M e Diane Boissinot X et Y Demandeurs c. CONSEIL DU TRÉSOR Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DACCÈS (a. 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 ). [1] Chacun des demandeurs a formulé une demande daccès, entre autres, aux documents ou parties de documents dont la description suit et qui sont relatifs à une « méthode de calcul » pour en arriver à la décision dérogatoire à la Directive concernant lattribution des taux de traitement ou taux de salaire et des bonis à certains fonctionnaires (C.T.194419 du 14 mars 2000), décision dérogatoire rendue par lorganisme le 24 avril 2001 par son C.T. 196359. Le responsable de laccès de lorganisme (le Responsable) a décidé, par des réponses adressées à 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
01 15 95 Page : 2 02 11 83 chacun deux, de leur en refuser laccès en vertu des articles 30 alinéa deuxième, 33 alinéa premier, paragraphe 5°, 53, 54, 59 alinéa premier et 14 de la Loi. Les demandeurs, chacun de leur côté, requièrent de la Commission daccès à linformation (la Commission) de réviser la décision que le Responsable leur a spécifiquement adressée. [2] Les motifs du refus de lorganisme de communiquer les trois documents qui restent en litige sont formulés par le Responsable comme suit 2 : […] nous refusons de vous donner accès au C.T. 196359. Les décisions du Conseil du trésor sont constituées des renseignements qui peuvent avoir des incidences sur des décisions administratives ou politiques. En conséquence, selon le deuxième alinéa de larticle 30 de la [Loi] le Conseil du trésor peut refuser den donner communication. De plus, la substance de cette décision est constituée de renseignements nominatifs. Le premier paragraphe de larticle 53, le premier alinéa de larticle 59 ainsi que le deuxième alinéa de larticle 14 de la [Loi] nous obligent donc à vous en refuser laccès. […] cette décision consigne, en annexe, notamment, lidentification des employés visés, leur taux de traitement respectif ainsi que leur centre de responsabilité. Or, la restriction prévue à larticle 30 de la [Loi] sapplique également à tous les documents qui sont annexés aux décisions du Conseil du trésor (Procureur général du Québec c. Légaré, J.E. 92-88 (C.Q.)). De plus, le taux de traitement accordé à chacun des employés concernés constitue un renseignement nominatif au sens de larticle 54 et du dernier alinéa de larticle 57 de la [Loi] […] Analyse préparée par le Secrétariat du Conseil du trésor en vue de la séance du 24 avril 2001 Selon larticle 14 de la [Loi], ce document peut vous être communiqué, à lexception de certains passages que nous avons élaguer. Parmi les renseignements élagués, certains consistent en une analyse effectuée au sein du Secrétariat du Conseil du trésor et portant sur une recommandation ou une demande faite par un ministre ou un organisme public. Or, en vertu du cinquième paragraphe de larticle 33 de la [Loi], ces renseignements ne peuvent être communiqués avant lexpiration dun délai de 25 ans de leur date. 2 Ces motifs sont extraits des lettres adressées à chacun des demandeurs les 26 juin 2001 et 15 juillet 2002.
01 15 95 Page : 3 02 11 83 De plus, ce document comporte des renseignements nominatifs au sens de larticle 54 et du dernier alinéa de larticle 57 de la [Loi]. Ils sont donc protégés par les articles 53 et 59 de la [Loi]. […] Lettre de François T. Tremblay à François Giroux, secrétaire associé au Secrétariat du Conseil du trésor, datée du 14 février 2001 Ce document fait notamment référence au cas particulier dun professionnel à lemploi du ministère du Revenu ainsi quà certains renseignements nominatifs le concernant. Bien que cet employé ne soit pas nommé dans la lettre, il est facilement identifiable à laide des informations y apparaissant. Le premier paragraphe de larticle 53, le premier paragraphe de larticle 59 ainsi que le deuxième alinéa de larticle 14 de la [Loi] nous obligent donc à extraire du document ces renseignements, auxquels laccès nest pas autorisé. De plus, ce document fait référence au contenu de la décision du Conseil du trésor portant le numéro C.T. 196359. Or, en vertu du deuxième alinéa de larticle 30 de la [Loi], le Conseil du trésor peut, sous réserve de la Loi sur ladministration financière, refuser de confirmer lexistence ou de donner communication de ces décisions. En conséquence, les passages de la lettre évoquant certains aspects de cette décision ont aussi été masqués. Le reste du document peut cependant vous être communiqué. (Lidentification des trois documents par le signe et le titre du deuxième document sont de la soussignée) [3] Une audience conjointe se tient en la ville de Québec les 14 mars 2003, 12 septembre 2003 et 26 avril 2004 aux fins de réviser le bien-fondé des motifs de refus. Laudience fut suspendue entre les deux dernières séances en raison de la requête des demandeurs à la Cour du Québec pour obtenir la permission dappeler dune décision interlocutoire de la Commission rendue le 12 septembre 2003. Cette permission leur a été refusée par jugement du 12 décembre 2003 dans la cause portant le numéro 200-80-000805-034. Le délibéré commence le 27 avril 2004. LAUDIENCE A. LE LITIGE [4] Au cours de laudience, les parties sentendent pour limiter le litige aux documents et aux parties de documents suivants, lesquels sont déposés par lorganisme entre les mains de la Commission et ce, sous pli confidentiel :
01 15 95 Page : 4 02 11 83 document 1. La totalité de la décision du Conseil du trésor C.T. 196359 du 24 avril 2001 concernant lattribution de taux de traitement à certains employés du ministère du Revenu (une page) et son annexe 1 sur laquelle sont listés les nom et prénom des employés non cadre visés par la décision, léchelon de leur reclassement, leur numéro dassurance sociale et leur traitement ou taux de traitement (une page) (motifs de refus : art 30 al. 2, 53 et 54) ; document 2. Les parties suivantes dun document présenté au Conseil du trésor et identifié J-1, A- AJOUT- Séance du 24 avril 2001 Ministère du Revenu contenant 2 pages : sous le titre COMMENTAIRES, la dernière phrase du premier paragraphe, la première phrase du deuxième paragraphe, tout le troisième paragraphe ainsi que lannexe 1 accompagnant ce document qui est la même que celle accompagnant le document 1; (motifs de refus : art. 33 - 5°, 53, 54); document 3. Les parties suivantes de la lettre de M e François T. Tremblay, sous-ministre adjoint au ministère du Revenu adressée à M. François Giroux, secrétaire associé le 14 février 2001 contenant deux pages : les troisième et quatrième paragraphes de la page 2 (motif de refus : 30 alinéa deuxième, 53, 54). B. LA PREUVE [5] Il est entendu entre les parties que la preuve présentée dans lun des deux dossiers est versée dans lautre. [6] Il est entendu entre les parties que la décision du Responsable datée du 13 septembre 2001 (dossier 011595) faisant référence à des motifs de refus invoqués antérieurement, le 26 juin 2001, et adressés au même demandeur et concernant les mêmes documents, intègre, ce faisant, les motifs invoqués le 26 juin 2001 comme sils y étaient reproduits au long.
01 15 95 Page : 5 02 11 83 i) preuve de lorganisme Témoignage de M e Robert Cavanagh [7] M e Cavanagh occupe les deux fonctions de greffier adjoint et de responsable de laccès de lorganisme depuis 1990. [8] Les demandeurs ne se sont pas opposés à la requête de lorganisme de faire témoigner M e Cavanagh hors leur présence et à huis clos lorsquil lui faudrait révéler des renseignements en litige pour faire valoir pleinement et entièrement le bien-fondé de son refus de les communiquer ou lorsquil lui faudrait autrement référer directement à ceux-ci aux mêmes fins. [9] M e Cavanagh affirme que, outre les documents ou parties de documents en litige 1, 2 et 3 ci-haut décrits et dont il confirme le contenu, lorganisme ne détient aucun autre document pouvant répondre à cet aspect des demandes daccès qui demeure en litige. [10] Le témoin explique longuement le rôle de lorganisme dans lappareil gouvernemental québécois et son processus décisionnel. [11] Il déclare que le C.T. en litige (document 1) et son annexe sont lexpression dune décision de lorganisme rendue à la demande du ministère du Revenu du Québec de déroger aux règles existantes en matière de traitement et reclassement de certaines personnes dun corps demploi à un autre. Il précise que le taux de traitement apparaissant à lannexe 1 est, en fait, le traitement exact de lemployé. [12] En ex parte et à huis clos, le témoin explique le rôle de lorganisme dans le contexte particulier de cette demande de dérogation du ministère du Revenu. Il décrit également lexamen des documents danalyse et des recommandations produits par ce ministère que lorganisme a considérer dans le cadre de son processus décisionnel. [13] Considérant le contenu des parties de documents en litige qui, au cours du processus de laudience en révision, a été dévoilé aux demandeurs, une partie de cette preuve livrée ex parte et à huis clos au tout début de laudience ne mérite plus cette protection. En effet, le témoin avait ainsi expliqué, en substance, des faits contenus aux parties des documents en litige qui, plus tard, ont été dévoilés aux demandeurs.
01 15 95 Page : 6 02 11 83 [14] En conséquence, il convient de lever le voile sur certains dires du témoin Cavanagh lesquels peuvent se résumer, en substance, comme suit : Le ministère du Revenu avait fait valoir à lorganisme quenviron quatre-vingt agents de recherche en droit fiscal quil employait effectuaient des fonctions de rédaction et dinterprétation des lois et devaient être reclassés à titre davocats et notaires. Cependant, selon le ministère du Revenu, trente-neuf de ces agents de recherche avaient droit, à ce titre et en plus de leur traitement, à des primes de fonction ou à une rémunération additionnelle. Or, toujours selon le ministère du Revenu, afin de protéger leur rémunération globale lors de leur reclassement, un calcul équivalant à lexpérience acquise et dautres éléments pertinents devaient être considérés dans létablissement du taux de traitement ou salaire après reclassement. Cette façon de faire nétait plus permise, selon les directives en vigueur à lépoque, à moins dune décision dérogatoire de lorganisme. [15] En contre-interrogatoire, Me Cavanagh affirme que lorganisme na pas élaboré de « méthode de calcul » pour en arriver à la décision dérogatoire en cause ici, savoir le C.T. 196359. [16] Il ajoute également que le document 2 a été préparé par des analystes de lorganisme dans le but den arriver aux recommandations apparaissant à la page 2 de ce document. [17] En réinterrogatoire, le témoin Cavanagh fait la déclaration formelle suivante : lorganisme ne détient aucun document qui réfère à une application ponctuelle et particulière de la « méthode de calcul » dont il est question au paragraphe précédent pour chacune des personnes concernées par le document 1; il ajoute que lorganisme ignore cette « méthode de calcul ». ii) preuve des demandeurs [18] Sur le fond du litige, les demandeurs ne présentent aucun élément de preuve. C. LES ARGUMENTS i) les arguments de lorganisme [19] Lavocate de lorganisme plaide que le refus de communiquer les documents ou parties de document 1, 2 et 3 est justifié.
01 15 95 Page : 7 02 11 83 Document 1 [20] En effet, le C.T. 196359 du 24 avril 2001 est une décision de lorganisme. Lannexe 1 dont il est fait mention dans le texte de la décision fait partie intégrante de cette décision et forme un tout avec elle 3 . Lalinéa 2 de larticle 30 permet à lorganisme de refuser laccès à lensemble de ces deux éléments du document 1. [21] De plus, elle est davis que lannexe 1 contient en substance des renseignements nominatifs puisque cette annexe énumère des nom et prénom demployés non cadres au regard de chacun desquels dautres renseignements sont accolés, comme le numéro dassurance sociale et le traitement exact de ces employés. Les articles 53, 54, 59 alinéa premier et le dernier alinéa de larticle 57 interdisent la divulgation de ces renseignements et, en particulier, le traitement exact dun membre du personnel non cadre dun organisme public 4 . Document 2 [22] Lavocate de lorganisme plaide en premier lieu que les parties du texte qui ont été retenues et qui demeurent en litige possèdent les caractéristiques dune analyse telles que développées par la jurisprudence magistralement résumée par le juge Simard de la Cour du Québec dans laffaire Bernier 5 . Elle est également davis que la preuve a clairement démontré que cette analyse émane du personnel de lorganisme en vue daider ce dernier à rendre la décision appropriée. Ces parties du document 2 sont donc visées par le paragraphe 5° de larticle 33 de la Loi. [23] En deuxième lieu, elle soutient que le traitement de laccessibilité à lannexe 1 du document 2, identique à celle annexée à la décision de lorganisme (document 1), doit être le même dans les deux cas 6 . Cette annexe fait 3 Université de Montréal c. Fédération des étudiants du campus de lUniversité de Montréal, [1995] CAI 390 C.Q. 393; Québec (Procureur général) c. Légaré, AZ-92031014, C.Q. 200-02-006570-917, Juge Alexandre J. Lesage, le 20 novembre 1991, page 7. 4 Picard c. Lavaltrie (Village de), [1997] CAI 362, 366. 5 Québec (Procureur général) c. Bernier, [1991] 378 C.Q. 381, 382. 6 Québec (Procureur général) c. Légaré, C.Q., 200-02-006570-917, rendu à Québec le 20 novembre 1991, juge Alexandre J. Lesage, pages 381, 383.
01 15 95 Page : 8 02 11 83 maintenant partie de la décision de lorganisme et ce dernier a choisi de ne pas la divulguer en vertu du deuxième alinéa de larticle 30. [24] Elle ajoute que largument de la confidentialité des renseignements nominatifs que cette annexe contient, en substance, et déjà évoquée plus haut sapplique également ici, puisquil sagit du même document. Document 3 [25] Lavocate de lorganisme soutient quà leur face même, le contenu des paragraphes retirés de laccès révèle, en substance, des renseignements nominatifs sur une personne physique quil est vraisemblablement facile didentifier, compte tenu du contexte. Pour elle, lapplication ses articles 53, 54, 59, al. 2 et 14 simpose. [26] Elle soutient enfin que les trois documents forment un tout puisquils font partie du processus décisionnel de lorganisme. À ce titre, ils doivent tous bénéficier de lexception à laccès stipulée à larticle 30. ii) les arguments des demandeurs [27] Lavocat des demandeurs prétend que les renseignements en cause sont revêtus dun caractère public et que, de ce fait, lorganisme ne peut soulever les exceptions prévues aux articles 30 et 33 de la Loi pour annuler ce caractère public, ni prétendre protéger les renseignements nominatifs. [28] En effet, plaide-t-il, le fait que des employés du ministère du Revenu aient bénéficié dun reclassement et dun ajustement à la hausse de leur traitement de façon dérogatoire à la règle établie par Directive concernant lattribution des taux de traitement ou taux de salaire et des bonis à certains fonctionnaires (C.T.194419 du 14 mars 2001) a été prouvé et cette preuve établit de façon claire quun avantage économique leur a été conféré en vertu dun pouvoir discrétionnaire au sens du paragraphe 4° de larticle 57. [29] Il en résulte donc, selon lavocat des demandeurs, que le nom de la personne qui bénéficie de cet avantage économique et les renseignements sur la nature de cet avantage sont revêtus dun caractère public 7 . 7 Parent c. École des hautes études commerciales, [1992] CAI 305, 307; Poulin c. Collège denseignement général et professionnel de Ste-Foy, [1995] CAI 173.
01 15 95 Page : 9 02 11 83 [30] Il estime que ce caractère public reconnu à certains renseignements personnels en vertu du paragraphe 4° de larticle 57 doit avoir préséance sur lapplication des exceptions à laccès prévues aux articles 30 et 33 de la Loi. En effet, argue-t-il, lobjectif du paragraphe 4° de larticle 57 est de permettre au citoyen de savoir à qui sont octroyés les fonds publics de façon discrétionnaire et la nature de cet avantage. Il en est de même pour lapplication des exceptions prévues aux articles 23 et 24 de la Loi qui doit céder le pas devant le caractère public des renseignements visés par les paragraphes 3° et 4° de larticle 57 8 . [31] Il cite, à lappui de sa position, les auteurs Doray et Charette 9 qui sexpriment en ces termes : Quen est-il justement de lapplication des restrictions contenues à la section II du chapitre II de la loi aux renseignements qui se voient conférer un caractère public par larticle 57 ? Lon sait que les renseignements qui ont un caractère public en vertu dune autre loi échappent à lapplication de ces restrictions, par le jeu de larticle 171, par. 1° de la Loi sur laccès. Voir à ce sujet […] le jugement de la Cour du Québec dans laffaire Bourque c. St-Romuald (Ville de), [2000] R.J.Q. 546 (C.Q.). [32] Enfin, lavocat des demandeurs conteste la position de lorganisme que les trois documents puissent constituer un tout et sont tous les trois visés par lalinéa deuxième de larticle 30. Les documents 2 et 3 ne sont pas « une décision » de lorganisme. Seul le document 1 constitue la décision de lorganisme. iii) réplique de lorganisme [33] Lavocate de lorganisme prétend que la jurisprudence citée par les demandeurs nest pas pertinente et ne sapplique pas aux faits en cause ici. [34] Elle estime que les demandeurs nont apporté aucun élément de preuve à lappui du caractère discrétionnaire de la décision concernant les 39 personnes en cause. Elle plaide quaucun élément de preuve na été présenté à lappui de lallégué que lattribution dun salaire en fonction des efforts fournis au travail constitue loctroi dun « avantage économique » visé par le paragraphe 4° de larticle 57. 8 Waxman c. Hydro-Québec, [1992] CAI 72, 76; Guénette c. Société de développement industriel du Québec, [1992] CAI 89, 90. 9 Doray, Raymond et Charette, François. Accès à linformation : loi annotée, jurisprudence, analyses et commentaires. Volume 1. Cowansville Y. Blais, p. III/57-6
01 15 95 Page : 10 02 11 83 [35] Et même si cela était établi, lavocate de lorganisme prétend que le caractère public de certains renseignements personnels ne peut préjudicier au droit de lorganisme de protéger de toute divulgation la totalité des documents qui les contiennent, lorsque la protection de la Loi aux articles 30 à 40 vise des documents caractérisés globalement par leur nature spécifique, comme, par exemple, des « décisions » ou des « analyses » ou des « recommandations » ou des « opinions juridiques ». DÉCISION [36] La Commission rappelle quelle na pas à se prononcer sur la question de savoir si lorganisme a exercé les pouvoirs de sa juridiction de façon satisfaisante ou non. Si elle le faisait, elle outrepasserait la sienne. [37] La seule détermination que la Commission doit faire est de savoir si les documents ou les parties de documents en litige sont accessibles ou non aux demandeurs. [38] La Commission rappelle que le contenu des parties accessibles des documents dont laccessibilité de certaines parties est par ailleurs contestée na pas été déposé en preuve. [39] Cependant, une bonne partie du témoignage ex parte et à huis clos du témoin Cavanagh reprend, en substance, le contenu de ces parties accessibles des documents en litige. La Commission est davis quil ny a pas de motifs suffisants justifiant le maintien de leffet de lex parte et du huis clos sur cette partie du témoignage puisque lorganisme a consenti à donner accès à ces mêmes renseignements sous une autre forme. La Commission doit en tenir compte dans lappréciation des faits pertinents à la solution de la question en litige. [40] Les dispositions de la Loi qui sont pertinentes à la discussion sont les articles 14, 30 alinéa deuxième, 33 paragraphe 5°, 53, 54, 55, 57 et 59 alinéa premier : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi.
01 15 95 Page : 11 02 11 83 Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 30. Le Conseil exécutif peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'une décision résultant de ses délibérations ou d'un décret dont la publication est différée en vertu de l'article 11.1 de la Loi sur l'exécutif (chapitre E-18). De même, le Conseil du trésor peut, sous réserve de la Loi sur l'administration financière (chapitre A-6), refuser de confirmer l'existence ou de donner communication de ses décisions. 33. Ne peuvent être communiqués avant l'expiration d'un délai de vingt-cinq ans de leur date: […] 5° les analyses effectuées au sein du ministère du Conseil exécutif ou du secrétariat du Conseil du trésor et portant sur une recommandation ou une demande faite par un ministre, un comité ministériel ou un organisme public, ou sur un document visé dans l'article 36; 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils
01 15 95 Page : 12 02 11 83 demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 1° le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2° le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; 3° un renseignement concernant une personne en sa qualité de partie à un contrat de service conclu avec un organisme public, ainsi que les conditions de ce contrat; 4° le nom et l'adresse d'une personne qui bénéficie d'un avantage économique conféré par un organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage. 5° le nom et l'adresse d'affaires du titulaire d'un permis délivré par un organisme public et dont la détention est requise en vertu de la loi pour exercer une activité ou
01 15 95 Page : 13 02 11 83 une profession ou pour exploiter un commerce. Toutefois, les renseignements prévus au premier alinéa n'ont pas un caractère public si leur divulgation est de nature à nuire ou à entraver le travail d'une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime. En outre, les renseignements prévus au paragraphe 2° ne peuvent avoir pour effet de révéler le traitement d'un membre du personnel d'un organisme public. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. […] [41] Après examen des documents et renseignements en litige, la Commission identifie certains renseignements qui font lobjet dun refus de communication fondé, selon le libellé des réponses sous examen, sur les articles 53, 54 et 59 alinéa premier de la Loi, donc sur leur caractère nominatif. [42] Aux termes de larticle 55 de la Loi, ces renseignements, peuvent à loccasion, perdre ce caractère nominatif et, partant, leur caractère confidentiel, pour être revêtu dun caractère public. [43] Les demandeurs prétendent que lensemble des renseignements en litige et des documents ou partie de documents qui les contiennent sont revêtus dun caractère public en vertu de lapplication du paragraphe 4° de larticle 57 de la Loi, précité. La réponse à la question de savoir si le paragraphe 4° de lalinéa premier de larticle 57 sapplique ou non en lespèce est donc nécessaire à la solution du litige. LARTICLE 57 ALINÉA PREMIER, PARAGRAPHE 4° [44] Les nom, prénom et identité de certaines personnes couplés au fait que celles-ci bénéficient d'un avantage économique sont, en principe, des renseignements nominatifs concernant ces personnes. [45] Or, les demandeurs veulent se voir communiquer les nom, prénom ou autres renseignements didentité des fonctionnaires se trouvant sur la liste annexée
01 15 95 Page : 14 02 11 83 au document 2 ou se trouvant au document 3 en litige ainsi que la nature de cet avantage par application du paragraphe 4° du premier alinéa de larticle 57 quil convient de citer à nouveau: 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: […] 4° le nom et l'adresse d'une personne qui bénéficie d'un avantage économique conféré par un organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage. [46] La Commission est davis que deux conditions doivent se retrouver réunies pour appliquer ce paragraphe, savoir lexistence dun « avantage économique » et celle dun « pouvoir discrétionnaire » à la source de cet avantage économique. [47] La preuve démontre que le but de la démarche entourant la décision en cause était dassurer, pour les personnes qui auraient vu leur rémunération diminuer pour les mêmes tâches à accomplir et ce, du seul fait du changement de corps demploi, le maintien de leur ancienne rémunération, laquelle était de toute façon la juste et exacte contrepartie du travail accompli. [48] En matière de rémunération pour un certain travail, le mot « avantage », dans le sens ordinaire quon lui donne, sous-entend un déséquilibre entre la quantité ou la qualité du travail fourni et le salaire versé et, partant de ce déséquilibre, on doit conclure à lexistence dune faveur ou dun cadeau. [49] La Commission ne voit pas en quoi une démarche destinée à assurer un juste salaire pour un travail accompli ou à accomplir peut, en elle-même, avoir pour effet, dans la décision qui suit cette démarche, de constituer un « avantage économique » en faveur du travailleur visé, avantage pouvant équivaloir à un « cadeau », une « gratification » ou une « libéralité » octroyée à ce travailleur. Le travail accompli ou à accomplir a ici la même valeur que la rémunération quon lui a versée ou quon sengage à lui verser. [50] Lexistence dun « avantage économique » nest pas établie. Cette lacune empêche lapplication du paragraphe 4° du premier alinéa de larticle 57 puisquelle consacre labsence de lune de ses deux conditions essentielles.
01 15 95 Page : 15 02 11 83 [51] Les nom, prénom ou les renseignements didentité et la rémunération des employés apparaissant à la liste annexée au document 2 ou au document 3 sont des renseignements nominatifs et ne sont pas revêtus dun caractère public. [52] Également, le fait que ces personnes physiques se retrouvent partie à cette liste ou à ce document 3 est un renseignement nominatif en soi puisquil révèle que leur cas méritait une attention particulière, vu les circonstances, circonstances qui révèlent une appréciation ciblée et comparée de la valeur de leur travail par rapport à celle dautres employés. Ces derniers renseignements ne sont pas visés par le paragraphe 2° du premier alinéa de larticle 57. [53] Et même si le paragraphe 4° du premier alinéa de larticle 57 sappliquait au cas qui nous occupe, les demandeurs nauraient pas droit à la communication de la rémunération de chacune des personnes apparaissant à la liste annexée au document 2. Ces renseignements ne sont pas visés par ce paragraphe qui rend publique la nature de lavantage et non lavantage économique lui-même dans le détail. [54] La nature de lavantage économique est la hausse du traitement, ce que les demandeurs savent déjà. Le paragraphe 4° de larticle 57 ne donne pas ouverture à la communication des détails de lavantage économique lui-même, cest-à-dire le montant exact de la hausse du traitement ou du nouveau traitement. Le montant du nouveau traitement est un renseignement nominatif dont la confidentialité est protégée par les articles 53, 54, le dernier alinéa de larticle 57 et le premier alinéa de larticle 59. [55] Le paragraphe 4° du premier alinéa de larticle 57 ne sappliquant pas en lespèce, leffet recherché par les demandeurs en linvoquant ne tient plus. Lorganisme nest donc pas libéré de son devoir de protéger les renseignements nominatifs visés par les articles 53, 54 et 59 alinéa premier et peut soulever les restrictions à laccès quil estime pertinentes. Dans le cas qui nous occupe, les restrictions à laccès invoquées sont le deuxième alinéa de larticle 30 et le paragraphe 5° du premier alinéa de larticle 33. LES ARTICLES 53, 54 ET 59 ALINÉA PREMIER [56] Lexamen des documents en litige révèle que la liste annexée au document 2 et le document 3 contiennent en substance des renseignements nominatifs que lorganisme doit protéger en vertu des articles 53, 54 et 59 alinéa premier.
01 15 95 Page : 16 02 11 83 [57] Ils doivent rester confidentiels, comme la décidé le Responsable. ARTICLE 30, ALINÉA DEUXIÈME [58] Lorganisme invoque cette disposition pour contrer la communication du document 1. [59] Lexamen du document 1, les arguments de lavocate de lorganisme à son sujet et la preuve entendue convainquent la Commission quil constitue, dans son ensemble, lannexe faisant partie intégrante du texte principal, une décision de lorganisme au sens du deuxième alinéa de larticle 30 de la Loi. [60] Ce document 1 est donc, avec son annexe, entièrement inaccessible aux demandeurs, comme la décidé le responsable. ARTICLE 33, ALINÉA PREMIER, PARAGRAPHE 5° [61] Lorganisme invoque cette disposition pour faire échec à la divulgation du document 2 (moins son annexe). [62] Lexamen de ce document tel que plus haut décrit, sauf son annexe, et la preuve entendue convainquent la Commission quil constitue en substance une analyse préparée par des employés de lorganisme en vue de constituer un dossier à son intention pour décision concernant une requête dun ministre, en loccurrence le ministre du Revenu. Cette analyse réfère clairement, de surcroît, à des opinions juridiques visées par larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 10 . [63] Ce document 2 tel que décrit plus haut (moins son annexe qui est déjà déclarée inaccessible en raison du caractère nominatif des renseignements quelle contient) est donc entièrement inaccessible aux demandeurs. 10 L.R.Q., ch. C-12.
01 15 95 Page : 17 02 11 83 LES DOCUMENTS, DANS LENSEMBLE, SONT-ILS VISÉS PAR LALINÉA DEUXIÈME DE LARTICLE 30? [64] En accord avec lavocat des demandeurs, la Commission est davis que seul le document 1 est une décision de lorganisme. Seul ce document peut bénéficier de la protection de larticle 30. Les documents 2 et 3 font partie du dossier constitué pour aider lorganisme à parvenir à sa décision. Ils ne font pas partie de la décision elle-même. [65] POUR CES MOTIFS, la Commission REJETTE les demandes de révision des demandeurs. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocate de lorganisme : M e Anne Robert Payne Avocat des demandeurs : M e Denis Gingras
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