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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 17 77 Date : Le 29 mars 2006 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demanderesse c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION OBJET : DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DACCÈS formulée en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 9 novembre 2004, la demanderesse sadresse au responsable de laccès de lorganisme (le Responsable) afin dobtenir une copie du rapport sur le sinistre survenu le 21 mai 2004, sinistre qui a fait lobjet dune réclamation pour dommages de sa part contre lorganisme (réclamation numéro GD040103791). Elle indique sur sa demande daccès que ses recours seront prescrits le 21 novembre 2004. [2] La demande est reçue par lorganisme le même jour, soit le 9 novembre 2004, et, le 16 novembre 2004, le Responsable refuse laccès aux documents demandés au motif que les renseignements quils contiennent sont visés par larticle 32 de la Loi. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée la « Loi ».
04 17 77 Page : 2 [3] Prématurément, soit le 12 novembre 2004, avant même de recevoir le refus motivé de lorganisme, la demanderesse requiert la Commission daccès à linformation dintervenir, invoquant que ses recours seront prescrits le 21 novembre 2004. [4] Le 8 novembre 2005, lavocat de lorganisme invoque un motif supplémentaire de refuser laccès des documents demandés. Il prétend que les renseignements quils contiennent sont visés par le secret professionnel et sont protégés par larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 . [5] Une audience se tient en la ville de Montréal, le 20 décembre 2005. Le dossier est complété par lorganisme, le 11 janvier 2006, par la production de certaines pièces au dossier et par lexécution de certains engagements quil avait pris au cours de laudience. Le délibéré peut donc commencer le 11 janvier 2006. L'AUDIENCE A. LIMITATION DU LITIGE CONCERNANT LES CERTIFICATS DÉVALUATION ET ENGAGEMENT DE LORGANISME [6] Il est admis par les deux parties que le deuxième rapport dexpertise en litige daté du 5 octobre 2004 comprend, en annexe, dans trois volumes (volumes I, II et III), les certificats dévaluation de la plus grande partie des œuvres dart faisant lobjet de la réclamation pour dommages. De même, il est admis que le troisième rapport dexpertise en litige, daté celui-là du 2 novembre 2004, comprend en annexe, dans un volume additionnel (volume IV) les certificats dévaluation du reste des œuvres dart faisant lobjet de la même réclamation pour dommages. [7] Il est admis également que chacun de ces certificats dévaluation est structuré de la même façon. [8] Chacun des certificats comprend, dans une première partie, le nom de lexpert et celui de la demanderesse, la photo de lœuvre, sa description, son tirage, le nom de lartiste, le pays dorigine, le titre, la date, la dimension de lœuvre ainsi que des informations sur lencadrement et, enfin, une description sommaire des dommages. 2 L.R.Q., c. C-12, ci-après appelée la « Charte ».
04 17 77 Page : 3 [9] Il comprend, dans une deuxième partie, la recommandation de lexpert quant à la nature des travaux à effectuer sur cette oeuvre, le montant estimé des coûts de la restauration, le montant estimé de la dépréciation, la somme de ces montants et la signature de lévaluateur. [10] De laccord des parties, il est convenu que la Commission se prononcera sur le premier certificat de chacun des quatre volumes annexés aux deuxième et troisième rapports et non sur tous et chacun des certificats contenus à ces quatre volumes. [11] À cette fin, lorganisme remet à la Commission, sous pli confidentiel, le premier certificat de chacun des quatre volumes, portant respectivement les numéros de page 1 (volume I), 100 (volume 2), 200 (volume 3) et la première page du volume IV. [12] Avec laccord de la demanderesse, lorganisme sengage à appliquer la décision de la Commission concernant ces quatre certificats à tous et chacun des autres certificats contenus aux quatre volumes. [13] La Commission prend acte de cet engagement. B. LA PREUVE i) Par admission [14] Les parties admettent que la demanderesse a signé, le 17 novembre 2004, une requête introductive dinstance (à parfaire) quelle a présentée devant la Cour supérieure du district de Montréal, cause numéro 500-17-023240-040, laquelle conclut à la condamnation de lorganisme aux dommages causés aux œuvres décrites aux certificats dévaluation en litige. [15] Cette requête a été signifiée à lorganisme le 17 novembre 2004 et a été subséquemment amendée et réamendée quant au montant des dommages réclamés. [16] Ces requêtes sont déposées par lorganisme, en liasse, sous la cote O-1. [17] Lorganisme admet que les photos des œuvres en cause fournies par la demanderesse aux experts en sinistre sont accessibles. Celles-ci ont dailleurs été remises à la demanderesse après la séance du 20 décembre 2005.
04 17 77 Page : 4 ii) De lorganisme Témoignage de monsieur André Lapointe [18] Monsieur Lapointe est le chef de la division du Bureau des réclamations de lorganisme depuis 1987. [19] Il explique que sa division traite environ 5 000 réclamations par année. Il distribue une partie des mandats denquête et dévaluation des dommages à des experts en sinistre externes. Cest ce quil a fait dans le cas qui nous occupe. [20] Ces experts en sinistre se prononcent sur le bien-fondé de la réclamation et, dans laffirmative, sur lévaluation des dommages subis. À cette fin, ils produisent à lorganisme des rapports écrits faisant état des faits pertinents, de lanalyse sur la responsabilité des dommages réclamés, des résultats de leur enquête, de lévaluation des dommages et des recommandations quant aux montants à payer, le cas échéant. [21] Dans le présent dossier, le témoin rapporte quun mandat avait été confié, par erreur, à deux experts en sinistre externes, savoir Yves Luc Perreault (Yves Luc Perreault inc.) et Roger Paré (Les Expertises R. P.). Le mandat de lexpert Perreault a été révoqué dès après la production dun premier rapport, le 8 juin 2004. [22] De son côté, lexpert Roger Paré a produit un premier rapport daté du 12 août 2004 (contenant 5 pages). Une copie élaguée de ce rapport a été remise à la demanderesse. Les parties divulguées à la demanderesse traitent des déclarations faites par cette dernière à lexpert en sinistre Paré. Les parties de ce premier rapport faisant état des déclarations des autres personnes rencontrées par lexpert ont été masquées et nont pas été divulguées à la demanderesse. [23] Le témoin mentionne quun deuxième rapport, daté du 5 octobre 2004, celui-là, a été produit par lexpert Paré. Ce rapport de deux pages est accompagné dun rapport dun autre expert en sinistre, monsieur Delano Boily (Évaluation Interart inc.), que lexpert Paré a mandaté pour établir des certificats dévaluation pour chacune des œuvres visées par la réclamation de la demanderesse. [24] Le rapport de lexpertise de Monsieur Boily adressé à Monsieur Paré est daté du 15 septembre 2004 et fait état, sur trois pages, de ses observations sur les circonstances dans lesquelles il a effectué lexpertise de chacune des œuvres.
04 17 77 Page : 5 [25] Le témoin ajoute que le rapport du 15 septembre 2004 de Monsieur Boily était accompagné des trois premiers volumes (volume I, volume II et volume III) contenant la description de chacune des œuvres, de lévaluation des dommages subis et de la valeur des réparations à effectuer à chacune de ces œuvres. [26] Un troisième et dernier (final) rapport est produit à lorganisme par lexpert Paré, le 2 novembre 2004, dans lequel il indique certains détails relatifs à la réclamation de la demanderesse et présente, en plus, le dernier volume (volume IV) des travaux dévaluation de lexpert Boily. [27] Le témoin dépose, sous pli confidentiel scellé, entre les mains de la Commission, la version intégrale des rapports des 8 juin 2004 (Perreault, 3 pages), 12 août 2004 (Paré, 5 pages), 15 septembre 2004 (Boily, 3 pages), 5 octobre 2004 (Paré, 2 pages), 2 novembre 2004 (Paré, 2 pages), ainsi que le premier certificat de chacun des quatre volumes (volumes I, II, III et IV) renfermant les certificats préparés par lexpert Delano Boily. Le refus daccès à ces documents constitue le présent litige. [28] Monsieur Lapointe déclare que ce type de documents dexpertise et tous les documents que son service réunit concernant une réclamation pour dommages ne sont, en général, jamais remis aux réclamants (sauf leur propre déclaration) et sont automatiquement transmis par son service au contentieux de lorganisme dès quune action en justice est intentée par le réclamant. [29] Monsieur Lapointe déclare quaucune copie de ces documents nest conservée par son service dès que le service du contentieux en prend possession. [30] Il affirme quen lespèce, tous les documents en litige ont été transmis aux avocats du service du contentieux de lorganisme dès que la demanderesse a pris action en justice contre celui-ci. iii) De la demanderesse [31] La demanderesse déclare que la confection des certificats réunis aux volumes I, II, III et IV a été faite à partir de ses déclarations et avec sa collaboration. Ces certificats ou du moins une partie de ceux-ci sont de la nature dune déclaration quelle aurait faite à lexpert en sinistre.
04 17 77 Page : 6 B. LES ARGUMENTS i) De lorganisme [32] Lavocat de lorganisme plaide que preuve est faite que lors du traitement de la demande daccès, en novembre 2004, le Responsable avait connaissance de limminence dune action en dommages de la part de la demanderesse, celle-ci invoquant elle-même larrivée prochaine de lextinction de ses recours, le 21 novembre 2004. [33] Il soutient également que preuve est faite quun lien étroit existe entre les faits faisant lobjet de la poursuite de la demanderesse (liasse O-1) et ceux analysés dans les rapports et les certificats en litige. [34] Il argue aussi que les documents en litige sont de la nature dune analyse. [35] Il est davis que toutes les conditions dapplication de larticle 32 de la Loi sont réunies. [36] Il prétend enfin que le contenu des documents en litige a été remis aux avocats de lorganisme afin que ceux-ci préparent la défense de lorganisme contre la poursuite intentée par la demanderesse. Les renseignements contenus dans ces documents sont visés par larticle 9 de la Charte. ii) De la demanderesse [37] La demanderesse prétend quelle a droit de consulter, en présence dune personne représentant lorganisme, les documents en litige. DÉCISION [38] Les dispositions législatives soulevées par lorganisme sont les articles 32 de la Loi et 9 de la Charte : 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel.
04 17 77 Page : 7 Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. [39] La jurisprudence unanime de la Commission et des tribunaux supérieurs consacre que dès quil y a imminence de poursuite judiciaire lors du traitement de la demande daccès, quil existe un lien entre les faits faisant lobjet de cette poursuite et lobjet des documents en litige et que les renseignements en litige constituent lessentiel dune analyse, les conditions dapplication de larticle 32 de la Loi sont réunies. [40] Sauf pour la première partie des certificats décrivant simplement les œuvres (jusquà et incluant les mots « ENCADREMENT FRAME »), la preuve et lexamen des rapports en litige et du reste des certificats en annexe me convainquent quils sont composés, en substance, de renseignements formant une analyse au sens de larticle 32 de la Loi, quune procédure judiciaire était imminente et même pendante durant la période de vingt jours qui était donnée au Responsable pour répondre à la demande daccès, soit du 10 novembre 2004 au 29 novembre 2004, et quun lien indéniable existait entre les faits allégués comme fondement de cette poursuite et ceux relatés aux documents en litige. [41] Sauf pour la première partie des certificats décrivant simplement les œuvres (jusquà et incluant les mots « ENCADREMENT FRAME »), la preuve et lexamen des documents en litige démontrent que durant cette même période de vingt jours, les renseignements ont été transmis par lorganisme à ses avocats en raison de la profession de ces derniers, à titre de confidence et dans le but de préparer la défense de lorganisme contre la poursuite judiciaire intentée par la demanderesse. Ces renseignements sont protégés par le secret professionnel de lavocat. [42] Je tiens à souligner que les renseignements en litige ne sont nullement protégés par le « secret professionnel » de lexpert en sinistre. En effet, ces derniers ne sont pas des personnes qui se voient communiquer des confidences en raison de leur profession ni des personnes appartenant à une profession
04 17 77 Page : 8 régie par le Code des professions 3 . Ces personnes ne sont pas assujetties aux obligations prescrites par larticle 9 de la Charte. La discrétion à laquelle ces personnes sont conviées résulte dune autre dynamique et dune nécessité autre que celle résultant de lessentielle confiance que doit ressentir un client envers le professionnel à qui il communique des confidences en raison de sa profession. [43] Pour ce qui est des renseignements contenus à la partie supérieure des certificats en litige, jusquà et incluant les mots « ENCADREMENT FRAME », et contenant une fiche strictement descriptive de chacune des œuvres, la preuve et le contenu des rapports dexpertise démontrent que ces fiches descriptives ont été confectionnées avec la collaboration étroite de la demanderesse. [44] Ces derniers renseignements ne sont pas de la nature dune analyse au sens de larticle 32 de la Loi puisque de nature purement descriptive. [45] De plus, ces derniers renseignements purement descriptifs sont de la nature dune déclaration de la demanderesse et devraient lui être communiqués au même titre que lont été certaines parties du rapport du 12 août 2004 relatant les déclarations quelle avait faites à lexpert Paré et au même titre que lont récemment été les photos des œuvres fournies par la demanderesse. [46] Le consentement de lorganisme à la communication des photos des œuvres et des renseignements relatant les déclarations de la demanderesse me convainc que lorganisme ne les considère pas comme étant visés par le secret professionnel de lavocat. [47] Étant donné ce qui précède, il est raisonnable de conclure que les renseignements purement descriptifs des oeuvres apparaissant à la partie supérieure des certificats en litige, jusquà et incluant les mots « ENCADREMENT FRAME », ne sont visés ni par le secret professionnel de lavocat ni par larticle 32 de la Loi et devraient faire lobjet dune communication à la demanderesse. [48] En conséquence, la soussignée est davis que la demande de révision est en partie fondée. 3 L.R.Q., c. C-26.
04 17 77 Page : 9 [49] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ORDONNE à lorganisme de communiquer à la demanderesse la partie supérieure de chacun des certificats en litige (jusquà et incluant les mots « ENCADREMENT FRAME ») décrivant les œuvres et faisant partie des volumes I, II, III, et IV ci-haut mentionnés; et REJETTE la demande de révision quant au reste. DIANE BOISSINOT commissaire Avocat de lorganisme : M e Philippe Berthelet (Charest, Séguin, Caron, avocats)
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