Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 11 10 Date : 29 octobre 2004 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA JUSTICE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le demandeur s’est adressé au responsable de l’accès aux documents de l’organisme le 29 mai 2003 pour obtenir, relativement à « la cause 115-021015-028 »: 1. tous les documents détenus « par les enquêteurs des crimes contre la personne en milieu carcéral. »; 2. « le dossier du procureur de la couronne attitré à ce dossier. ». [2] Le 16 juin 2003, le responsable lui répond que l’organisme ne détient pas les documents visés par la première partie de sa demande; il ajoute qu’à son avis ces documents relèvent de la compétence du ministère de la Sécurité
03 11 10 Page : 2 publique et il lui communique les coordonnées du responsable de ce ministère. L’accès au seul document détenu par l’organisme et visé par la deuxième partie de la demande est par ailleurs refusé en vertu des articles 31, 53, 54 et 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [3] Le 25 juin 2003, le demandeur requiert la révision de cette décision. Il précise sa requête le 11 août 2003 et exige alors la « mise en cause » du ministère de la Sécurité publique afin de contester le refus du responsable de ce ministère d’acquiescer totalement à sa demande d’accès au dossier d’enquête 115-021015-028. La Commission rejette cette requête les 20 février et 8 avril 2004, compte tenu des règles qui régissent l’exercice du recours en révision du refus d’un responsable et qui sont prévues par la loi précitée. [4] À l’audience du 23 septembre 2004, la Commission demande à l’avocat de l’organisme qui, généralement, représente aussi le ministère de la Sécurité publique, de transmettre à la Commission copie de la demande d’accès adressée par le demandeur au ministère de la Sécurité publique ainsi que copie de la décision du responsable de l’accès de ce ministère. Ces documents, joints à certains allégués de la requête du 11 août 2003 et transmis par l’avocat dès le 27 septembre 2004, permettent à la Commission de constituer un dossier de révision distinct qui s’appuie sur la décision du responsable du ministère de la Sécurité publique et de convoquer les parties à une audience dont la tenue est fixée au 11 septembre 2004. PREUVE i) de l’organisme Témoignage de M. Pierre Dion : [5] M. Pierre Dion, responsable de l’accès aux documents de l’organisme, témoigne sous serment. Il a traité la demande d’accès du 29 mai 2003 qui lui a été adressée en cette qualité par le demandeur (O-1, en liasse) et qu’il a reçue le 2 juin 2003. [6] Les documents détenus par les enquêteurs des crimes contre la personne ne sont pas détenus par l’organisme; ces documents relèvent du ministère de la Sécurité publique, vu le numéro de dossier de la Sûreté du Québec précisé dans la demande d’accès (O-1, en liasse). Les coordonnées du responsable de 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 11 10 Page : 3 l’accès de ce ministère ont, à cet égard, conséquemment été fournies au demandeur (O-1, en liasse). [7] Le dossier du substitut du procureur général constitué à partir du dossier d’enquête précité ne comprenait qu’un seul des documents visés par la demande d’accès du 29 mai 2003. Ce document est une opinion juridique d’une page que l’organisme peut refuser de communiquer en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels; il comprend des renseignements personnels confidentiels auxquels l’accès est, par surcroît, refusé en vertu des articles 53, 54 et 59 de la même loi. [8] L’organisme ne détient pas les autres documents qui constituaient le dossier du substitut. Généralement, lorsque le substitut n’intente pas de procédures, le dossier des enquêteurs leur est retourné. C’est le cas du dossier des enquêteurs visé par la demande d’accès, le substitut ayant décidé de ne pas intenter de procédures. Le dossier du substitut ne comprend donc qu’un seul document depuis le retour, aux enquêteurs, des documents qu’ils avaient soumis au substitut; ce document est l’opinion juridique du substitut à laquelle l’accès est refusé. Contre-interrogatoire de M. Pierre Dion : [9] Le bureau du procureur général n’a remis qu’un seul document à M. Pierre Dion et ce document est celui qui est en litige. Le dossier de M. Dion comprend pour sa part la première demande d’accès formulée par le demandeur et adressée au substitut le 12 mai 2003 (O-1, en liasse). M. Dion ne s’objecte pas à en donner copie au demandeur. [10] Le dossier de M. Dion contient aussi copie d’une lettre adressée au demandeur par le substitut le 11 juin 2003 (O-1, en liasse) pour l’informer que l’infraction alléguée par le demandeur contre un suspect, « si elle a été commise, aurait été l’objet d’un dossier pris par voie sommaire et était donc soumise à une prescription de six (6) mois à partir de l’événement en question. ». [11] La demande d’intenter des procédures est un document qui émane des enquêteurs et qui est adressé au substitut; ce document n’est pas au dossier du substitut vraisemblablement depuis que ce dernier a décidé de ne pas porter d’accusations et qu’il a retourné le dossier policier aux enquêteurs concernés. Il en est de même de la dénonciation.
03 11 10 Page : 4 ii) du demandeur [12] Le demandeur témoigne sous serment. Il connaît la décision que le substitut du procureur général a prise dans le dossier visé par sa demande d’accès; il sait que le substitut n’a pas entrepris de procédures puisque le délai de 6 mois à l’intérieur duquel des accusations pouvaient être portées était expiré. [13] Le demandeur se serait entretenu avec le substitut qui lui aurait dit, en avril 2003, que les documents des enquêteurs, la dénonciation, la demande d’intenter des procédures ainsi que la correspondance échangée entre eux étaient au dossier. Le substitut lui aurait par ailleurs fait parvenir copie de la demande d’intenter des procédures (D-1). [14] Le substitut a écrit au demandeur en mars 2003 pour lui indiquer que le délai pour intenter des procédures était prescrit; copie de cette lettre n’a pas été remise à la suite de la demande d’accès du 29 mai 2003 (O-1, en liasse). [15] La correspondance (2 lettres) intervenue entre le demandeur et le substitut aurait été échangée avant mai 2003; elle visait l’obtention de précisions sur la décision du substitut de ne pas intenter de procédures. [16] Le demandeur, qui est détenu, a porté plainte contre un agent de la paix en milieu carcéral. Une demande d’intenter des procédures, datée du 11 février 2003, a été produite (D-1) pour un délit qui serait survenu le 15 juillet 2002. Le demandeur souhaite obtenir tous les documents qu’il prétend être détenus par l’organisme pour les utiliser dans un recours qu’il exerce devant la Cour fédérale. À son avis, l’obtention de l’opinion juridique en litige lui permettrait de confirmer la lettre que le substitut lui a fait parvenir en mars 2003 et de compléter sa preuve. [17] Le demandeur détient déjà les documents suivants : la demande d’intenter des procédures datée du 11 février 2003 (D-1), la lettre que le substitut lui a fait parvenir en mars 2003 ainsi que le reste de la correspondance échangée entre le substitut et lui-même. À son avis, le responsable n’a pas adéquatement traité sa demande d’accès puisqu’il ne lui a pas communiqué tous les documents qui étaient détenus. [18] Le demandeur connaît l’identité de l’auteur du délit qui l’a amené à porter plainte ainsi que celle des témoins qui étaient alors présents; il nomme ces personnes séance tenante.
03 11 10 Page : 5 Contre-interrogatoire du demandeur : [19] Le demandeur s’est verbalement entretenu avec le substitut en mars 2003; le substitut lui a alors indiqué que son dossier comprenait des documents émanant de la Sûreté du Québec, incluant la dénonciation et la demande d’intenter des procédures de même qu’une lettre échangée entre le substitut et le demandeur. ARGUMENTATION i) de l’organisme [20] La preuve démontre que le responsable de l’accès a reçu le dossier détenu par le substitut du procureur général qui ne comprenait que l’opinion juridique en litige. [21] La preuve démontre que les documents de la Sûreté du Québec, incluant la dénonciation et la demande d’intenter des procédures, étaient détenus en mars 2003 et qu’ils ont été retournés à ce corps policier puisqu’ils lui appartiennent. [22] L’organisme n’aurait eu aucune objection à donner au demandeur copie de la correspondance échangée entre le demandeur et le substitut, notamment celle émanant du demandeur. L’organisme n’aurait pas, non plus, eu intérêt à ne pas le faire. [23] L’organisme est, en vertu de la loi, habilité à ne pas communiquer l’opinion juridique qui est en litige et que le demandeur prétend connaître. Il ne peut, non plus, en vertu des articles 53, 54 et 59, communiquer au demandeur les renseignements nominatifs que celui-ci prétend aussi connaître. ii) du demandeur [24] La dénonciation ainsi que la demande d’intenter des procédures font partie du dossier du substitut. Il en est de même de la correspondance échangée entre le demandeur et le substitut. La détention de ces documents à son dossier a été confirmée par le substitut.
03 11 10 Page : 6 [25] L’accès aux documents visés par la demande et détenus par l’organisme est protégé par les articles 9.1 et 23 de la Charte des droits et libertés de la personne. [26] Le 2ième paragraphe de l’article 68 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels autorise la Commission à ordonner la production des documents qui, de façon exceptionnelle, sont nécessaires au demandeur. [27] Les renseignements nominatifs auxquels l’accès est refusé sont reliés à la plainte portée par le demandeur contre un agent de la paix; le demandeur connaît ces renseignements qui, dès lors, ne sont pas nominatifs. [28] La preuve démontre que le demandeur connaît l’opinion juridique; l’organisme n’a pas de raison de refuser de lui en donner copie. DÉCISION La date de la demande d’accès : [29] La preuve confirme que la demande d’accès adressée au responsable de l’organisme est datée du 29 mai 2003 (O-1, en liasse). La lettre du 12 mai 2003 : [30] Ce document (O-2, en liasse) émane du demandeur et il est adressé au substitut; il vise l’obtention d’explications sur la décision du substitut de ne pas intenter de procédures dans le dossier 115-021015-028 ainsi que l’accès au dossier du substitut. La preuve démontre que le demandeur détient un exemplaire de cette lettre du 12 mai 2003; la Commission constate par ailleurs que le demandeur en avait produit une copie avec sa demande de révision. La Commission doit conclure que le demandeur ne conteste pas le refus de l’organisme de lui communiquer une copie de cette lettre qu’il détient déjà et qu’il peut utiliser aux fins de son procès devant la Cour fédérale; l’intervention de la Commission devant nécessairement être utile, ce document n’est pas en litige. La lettre du 11 juin 2003 : [31] Ce document (O-2, en liasse) constitue la réponse du substitut à la lettre du 12 mai 2003; il n’est pas en litige parce qu’il n’existait pas à la date de la
03 11 10 Page : 7 demande d’accès. La preuve démontre par ailleurs que le demandeur détient cette lettre. Les documents détenus par les enquêteurs : [32] La preuve démontre que les documents détenus par les enquêteurs des crimes contre la personne ne sont pas détenus par l’organisme parce qu’ils ont été retournés au ministère de la Sécurité publique avant la date de la demande d’accès. La preuve démontre spécifiquement que ces documents devaient, vu la décision du substitut de ne pas intenter de procédures, être retournés à ce ministère qui, par l’entremise de ses enquêteurs, les avait fournis à l’organisme. [33] La preuve démontre que la demande d’intenter des procédures et la dénonciation ont été retournées avec le dossier d’enquête au ministère de la Sécurité publique. [34] La preuve démontre qu’à la date de la demande d’accès, les documents détenus par les enquêteurs de la Sûreté du Québec relevaient du ministère de la Sécurité publique; la décision du responsable de l’organisme n’a pas à être révisée à cet égard. Le dossier du substitut : [35] La preuve démontre que la demande écrite d’explications sur la décision du substitut de ne pas intenter de procédures dans le dossier 115-021015-028 a été formulée par le demandeur le 12 mai 2003 (O-2, en liasse); la preuve démontre spécifiquement que le demandeur détient ce document dont il ne souhaite manifestement pas avoir copie et qui, pour les raisons exprimées plus haut, n’est pas en litige. [36] Le demandeur a affirmé détenir les documents constituant son échange de correspondance avec le substitut; la preuve démontre que cette correspondance se résume aux lettres du 12 mai et du 11 juin 2003 qui, pour les raisons exprimées plus haut, ne sont pas en litige. [37] La preuve démontre qu’un seul document est en litige. Ce document a été produit par le Bureau des substituts du procureur général avant le 29 mai 2003 et il concerne le dossier d’enquête visé par la demande d’accès; il constitue une opinion juridique parce qu’il porte sur l’application du droit à un cas particulier. L’organisme peut, en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’accès aux documents
03 11 10 Page : 8 des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, refuser de communiquer cette opinion juridique : 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. [38] La prétention du demandeur voulant qu’il connaisse le contenu de cette opinion juridique est sans effet sur l’application de l’article 31. [39] Les conditions d’application de l’article 31 étant réunies, la Commission ne peut, dès lors, ordonner à l’organisme d’exercer autrement le pouvoir discrétionnaire que lui attribue la loi concernant l’accès à une opinion juridique. La décision du responsable n’a pas à être révisée à cet égard. [40] Le demandeur dit avoir intenté un recours qui serait pendant devant la Cour fédérale et il prétend que la communication de l’opinion juridique en litige est nécessaire à l’exercice de ce recours. Le 3ième paragraphe de l’article 171 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels lui indique la voie à suivre puisqu’il appartient au juge du procès de se prononcer sur l’accessibilité de cette opinion juridique et, s’il le juge opportun et aux conditions qu’il détermine, d’ordonner au responsable de la communiquer : 171. Malgré les articles 168 et 169, la présente loi n'a pas pour effet de restreindre: 1° l'exercice du droit d'accès d'une personne à un document résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le 1 er octobre 1982, à moins que l'exercice de ce droit ne porte atteinte à la protection des renseignements personnels; 2° la protection des renseignements personnels ni l'exercice du droit d'accès d'une personne à un renseignement nominatif la concernant, résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le ler octobre 1982;
03 11 10 Page : 9 2.1° la protection d'un renseignement contenu dans un dossier fiscal prévue à la section VIII du chapitre III de la Loi sur le ministère du Revenu (chapitre M-31) à l'égard d'une personne visée par cette section; 3° la communication de documents ou de renseignements exigés par le Protecteur du citoyen ou par assignation, mandat ou ordonnance d'une personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur communication. [41] Le document en litige comprend très peu de renseignements nominatifs. Aucune preuve ne démontre que ces renseignements peuvent être divulgués en vertu des exceptions à la confidentialité prévues par l’article 53 de la Loi sur l’accès. Aucune preuve ne démontre, non plus, que ces renseignements peuvent être communiqués au demandeur en vertu de l’article 59 de la même loi. La seule prétention du demandeur voulant qu’il connaisse ces renseignements n’ajoute rien à l’application de ces articles. [42] La Commission n’a pas le pouvoir d’ordonner à l’organisme de communiquer, en vertu de l’article 68 de la Loi sur l’accès, des renseignements nominatifs au demandeur. [43] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Jonathan Branchaud Avocat de l’organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.