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Commission d’accès à l’information du Québec

Dossier : 04 19 76 Date : 8 mars 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri CAISSE DE DÉPÔT ET PLACEMENT DU QUÉBEC

et SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE CAMONT INC. Organismes-requérants c. X Demanderesse-intimée

DÉCISION OBJET REQUÊTE pour être autorisé à ne pas tenir compte d’une demande d’accès et pour que la Commission refuse ou cesse d’examiner un dossier en vertu des articles 126 et 130.1 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.

04 19 76 Page : 2 [1] Le 18 octobre 2004, la Commission d’accès à l’information (la Commission) tient une audience dans un autre dossier 2 impliquant les mêmes parties qu’en l’espèce. La commissaire saisie de ce dossier décide alors qu’une lettre du 29 septembre 2004, par laquelle la demanderesse modifiait la demande d’accès à l’origine de ce dossier, « […] constituait une nouvelle demande d’accès et […] donnait ouverture à un nouveau processus de traitement par la responsable de l’accès des organismes. » 3 . [2] À la suite de cette audience, la commissaire signe, le 19 octobre 2004, un « Constat » dans lequel elle rapporte l’entente qui suit :

1. La demanderesse présente à la responsable de l’accès de chacun des organismes sa nouvelle demande d’accès telle que celle-ci a été formulée par écrit le 29 septembre 2004 dans une volonté de restreindre sa demande originale;

2. La responsable de l’accès des organismes reconnaît avoir reçu ce jour cette nouvelle demande d’accès et la traitera comme telle;

3. La demanderesse retire sa demande d’accès originale du 22 janvier 2003 et abandonne toutes les procédures devant la Commission résultant de cette demande d’accès du 22 janvier 2003;

4. Les organismes abandonnent toutes les procédures déjà engagées devant la Commission en relation avec la demande d’accès originale du 22 janvier 2003, ces procédures étant devenues sans objet.

[3] La nouvelle demande d’accès, telle que formulée dans la lettre du 29 septembre 2004, vise les documents suivants :

[…] Toutes les factures, tous les contrats, bons de commande et autres documents concernant l’acquisition et la livraison de l’ameublement, la décoration, les ornements, les œuvres d’art, l’éclairage, le matériel informatique, les abris modulaires et l’équipement de restauration du nouveau

2 X c. Caisse de dépôt et de placement du Québec, C.A.I. Québec, n o 03 02 73, 19 octobre 2004, c. Boissinot. 3 Id., par. 2.

04 19 76 Page : 3 centre d’affaires de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, situé au 100, place Jean-Riopelle à Montréal. [Note : les mots « et autres documents » sont raturés dans la lettre]

[…] Je voudrais également obtenir copie des correspondances entre la Caisse de dépôt et les soumissionnaires de tous les éléments mentionnés ci-haut (ameublement, décoration, ornements, etc.) [Note : Ce paragraphe est raturé dans la lettre]

Enfin, j’aimerais avoir toutes les correspondances, factures et tous les contrats concernant l’entreposage de l’ameublement destiné au nouveau centre d’affaires de la Caisse de dépôt, avant qu’il n’y soit livré définitivement […] » [Note : le mot « correspondances » est raturé dans la lettre]

[4] Le 8 novembre 2004, la responsable de l’accès aux documents de la Caisse de dépôt et placement du Québec (la Caisse) et de la Société immobilière Camont inc. (Camont) 4 , répond à cette demande par une lettre à laquelle elle joint un tableau contenant les montants acquittés par les organismes et ventilés en fonction de divers items. Dans cette lettre, la responsable de l’accès allègue notamment ce qui suit :

lors de l’audience 18 octobre, l’avocat de la demanderesse a précisé la demande du 29 septembre en indiquant que sa cliente désirait obtenir des renseignements sur les coûts engagés par les organismes sur les éléments énumérés à la lettre du 29 septembre 2004;

compte tenu que ces précisions permettent aux organismes « […] d’éviter les difficultés reliées à l’ampleur de la tâche d’identifier les tiers concernés par les documents visés par la demande d’accès telle que libellée à l’origine (le 29 septembre 2004) […], d’aviser ces tiers conformément à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (la « Loi sur l’accès ») et de procéder éventuellement à tout élagage requis par les exemptions de divulgation applicables en vertu de la Loi sur l’accès, la Caisse et Camont vous transmettent copie d’un document qui répond à votre demande telle

4 Ces deux organismes seront également appelés « les organismes » lorsque le contexte s’y prêtera.

04 19 76 Page : 4 que précisée, à savoir vous fournir les renseignements sur les montants payés sur les éléments visés par votre demande d’accès. »;

la transmission du tableau constitue une réponse complète à la demande d’accès et, si la demanderesse est insatisfaite de la réponse, les organismes devront présenter une requête en vertu des articles 126 et 130.1 de la Loi sur l’accès (pour lesquels ils réservent leurs droits) puisque cette demande est déraisonnable. Il serait en effet impossible aux organismes de donner suite à la demande d’accès telle que formulée le 29 septembre, pour les motifs suivants :

- la demande d’accès comporte plusieurs demandes : une pour chacun des éléments visés;

- cette demande porte sur plus de 1 600 documents et vise 94 tiers. La loi exige qu’avant de communiquer les documents en litige, les organismes procèdent à un élagage et qu’ils avisent préalablement les tiers afin qu’ils fassent leurs représentations sur la confidentialité des documents. La responsable d’accès sait d’expérience que ces tiers considèrent que les documents en litige sont stratégiques et qu’ils s’opposent à leur divulgation;

- la responsable de l’accès rappelle que le Vérificateur général du Québec qui « a déjà procédé à l’examen et à la révision des coûts des éléments sur lesquels porte [la] demande, a pris soin de ne communiquer dans son rapport aucun renseignement sur des tiers et […] de présenter ces informations [de façon] à éviter d’identifier les tiers concernés. »

[…] [5] La responsable de l’accès informe la demanderesse que l’organisme ne détient aucun document tels que factures, contrats ou bons de commande concernant les ornements, l’éclairage, l’équipement de restauration ou l’entreposage de l’ameublement du nouveau Centre d’affaires de la Caisse.

[6] Le 8 décembre 2004, le procureur de la demanderesse réclame, au nom de sa cliente, la révision de cette décision par la Commission.

[7] Le 26 octobre 2005, les organismes signifient une requête intitulée « Demande des organismes pour ne pas tenir compte de la demande, pour que la Commission refuse ou cesse d’examiner la présente affaire et pour autres

04 19 76 ordonnances accessoires (arts. 126, 130.1 requête).

[8] À la suite d’une audience tenue le 12 juin 2006, j’ai rendu, le 27 juillet 2006, une décision concernant certains volets de la requête des organismes contestés de façon préliminaire par la demanderesse.

[9] Je rappelle le résumé fait dans cette décision, de la requête des organismes et de l’objet de l’audience du 12 juin 2006 :

[12] La Commission expose aux parties qu’elle constate que la requête des Organismes contient trois volets, dont deux sont contestés de façon préliminaire par la demanderesse qui demande la radiation des paragraphes qui y font référence.

[13] Les Organismes allèguent d’abord qu’au cours de la séance du 18 octobre 2004, concernant le dossier antérieur n o 03 02 73, le procureur de la demanderesse avait apporté des précisions modifiant et restreignant la demande d’accès. La réponse des Organismes couvre la demande d’accès ainsi précisée. À ce sujet, ils désirent produire les notes sténographiques de l’audience du 18 octobre 2004.

[14] Les Organismes soutiennent par ailleurs que le procureur de la demanderesse a agi sans mandat lorsqu’il a soumis la demande de révision pour cette dernière. Lorsqu’il a subséquemment reçu mandat pour ce faire, le délai était expiré depuis longtemps, affirment-ils. Pour le démontrer, ils désirent produire de la correspondance intervenue entre les procureurs.

[15] Les Organismes invoquent subsidiairement le caractère déraisonnable de la demande d’accès. Ils demandent l’autorisation de ne pas en tenir compte.

[16] Lors de la séance du 12 juin 2006, la Commission informe les parties et leurs procureurs qu’elle entendra leurs représentations sur les deux premiers motifs de la

5 Depuis l’entrée en vigueur de certaines dispositions de la Loi modifiant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d’autres dispositions législatives, L.Q. 2006, c. 22, l’article 126 de la Loi sur l’accès a été modifié et est devenu l’actuel article 137.1 alors que l’article 130.1 est devenu l’article 137.2 de cette loi.

Page : 5 5 et 141 de la Loi sur l’accès) » (la

04 19 76 requête des Organismes préalablement à toute autre question.

[17] La Commission invite donc les parties à faire leurs représentations sur la recevabilité et la pertinence de produire en preuve les échanges entre les procureurs et la Commission intervenus dans le cadre du dossier antérieur, d’une part et, d’autre part, sur la recevabilité de l’argument concernant l’absence de mandat du procureur de la demanderesse et le délai de la demande de révision.

[10] Dans la décision rendue le 27 juillet 2006, j’ai disposé des questions alors en litige, comme suit :

[68] REJETTE l’objection de la demanderesse et PERMET la production en preuve des notes sténographiques du 18 octobre 2004 survenues dans le cadre du dossier à l’origine du présent dossier, soit le dossier n o 03 02 73, afin de déterminer si la demanderesse, par son procureur, a, au cours de cette séance, modifié sa demande d’accès du 29 septembre 2004;

[69] ACCUEILLE l’objection de la demanderesse et DÉCLARE irrecevable la contestation par les Organismes du mandat du procureur de la demanderesse pour demander la révision de la réponse des Organismes;

[70] Aux fins de la décision à rendre sur la requête des Organismes en vertu des articles 126 et 130.1 de la Loi, ACCUEILLE la requête des Organismes et PERMET la production en preuve des notes sténographiques des témoignages de M mes Provost et Depelteau lors de la séance du 3 septembre 2004;

[…] [11] Le 7 décembre 2006, une audience a lieu à Montréal sur la requête des organismes.

Page : 6 et qu’elle en décidera

04 19 76 Page : 7 AUDIENCE LA PREUVE DES ORGANISMES [12] Les organismes font entendre M me Ginette Depelteau, vice-présidente et responsable des politiques, de la conformité et du service de l’information de la Caisse. En novembre 2004 elle était responsable de l’accès pour la Caisse et autorisée à agir pour Camont 6 . [13] Le témoin explique qu’elle a répondu, le 8 novembre 2004 (O-6), à la demande d’accès du 29 septembre 2004 telle que précisée lors de l’audience tenue devant la commissaire Boissinot, le 18 octobre 2004. Cette réponse comportait un tableau (O-7) qui détaillait l’ensemble des informations demandées par la demanderesse.

[14] Le témoin précise que, comme elle en a témoigné lors de l’audience du 3 septembre 2004, elle a eu des discussions avec la demanderesse, qui l’avait informée qu’elle désirait obtenir les « coûts ». Lors de l’audience du 18 octobre 2004, l’avocat de la demanderesse a confirmé que sa cliente cherchait à obtenir les coûts.

[15] Le témoin rappelle que la demande d’accès en l’espèce est énorme. Elle estime que, bien que formulée dans une seule demande, celle-ci en contient une cinquantaine. En effet, cette demande vise toutes les factures concernant l’acquisition de l’ameublement, de même que celles concernant l’acquisition de tous les éléments mentionnés à cette demande. La demande vise ensuite tous les contrats concernant l’acquisition de l’ameublement, de même que ceux concernant l’acquisition de tous les éléments mentionnés à cette demande. Tous ces éléments pris isolément totalisent 54 éléments qui doivent être couverts par la réponse des organismes.

[16] Le témoin ajoute qu’après l’audience du 18 octobre 2004, elle a demandé à l’avocat des organismes, M e Delwaide, de commander la transcription sur cassettes de cette audience, ce que M 6 Lors de son témoignage le 3 septembre 2004, M pour Camont. De plus, à la suite d’une conférence téléphonique tenue le 1 rapport a été produit sous O-19), M. Paul Campbell, président de Camont, filiale à 100% de la Caisse, a confirmé, dans une lettre du 22 mars 2004 (O-20) que M à agir au nom de Camont. Vu ce qui précède, la soussignée autorise le dépôt de ces deux pièces, déposées à l’audience sous réserve de leur pertinence.

e Delwaide a fait par une lettre du me Depelteau a confirmé être autorisée à agir er mars 2004 (dont le me Depelteau était autorisée

04 19 76 Page : 8 20 octobre 2004 (O-22). Elle désirait s’assurer qu’elle avait bien entendu l’avocat de la demanderesse confirmer que celle-ci cherchait à obtenir les coûts des éléments visés à la demande d’accès.

[17] Le témoin explique qu’avant de recevoir cette transcription audio, elle devait décider si elle répondait qu’en raison du nombre impressionnant de boîtes et de documents à traiter la demande d’accès était déraisonnable ou si elle préparait un tableau présentant l’ensemble des coûts des éléments énoncés à la demande d’accès, ce qui répondait à l’objectif de la demanderesse, comme elle l’avait compris lors de l’audience du 18 octobre.

[18] M me Depelteau explique que, comparativement à la demande d’accès antérieure qui visait 116 tiers, ce sont maintenant 94 tiers qui sont visés par la demande du 29 septembre 2004. Elle rappelle que, lors de l’audience du 3 septembre 2004, M me Provost, son adjointe, avait témoigné que la demande d’accès antérieure visait 10 boîtes contenant un total de 17 500 pages sans tenir compte « des autres documents » visés à cette demande d’accès, puisque les vérifier impliquait la consultation de 14 autres boîtes pour un total de plus de 25 000 pages supplémentaires. Donc, en biffant les mots « autres documents » dans le premier paragraphe de la demande d’accès du 29 septembre 2004, la demande d’accès du 29 septembre 2004 visait tout de même 10 boîtes et plus de 17 500 pages de documents qu’il fallait examiner.

[19] Le témoin a décidé de préparer le tableau (O-7) joint à la réponse du 8 novembre 2004 (O-6). Ce tableau contient une liste exhaustive de l’ensemble des coûts des éléments mentionnés à la demande d’accès du 29 septembre 2004. Pour ce faire, M me Provost a repasser à travers les 10 boîtes et les 17 500 pages de documents afin de préparer une première version du tableau que le témoin a révisé.

[20] Le témoin a pris soin, dans la réponse du 8 novembre 2004 (O-6), d’expliquer à l’avocat de la demanderesse, M e Béland, qu’elle comprenait que la demanderesse désirait obtenir les coûts et que c’est ce qu’elle lui fournissait avec le tableau joint à sa lettre. Elle annonçait par ailleurs dans cette réponse que si la demanderesse était insatisfaite de celle-ci, elle considérait que la demande d’accès était déraisonnable et qu’elle réservait les droits des organismes d’invoquer les articles 126 et 130.1 de la Loi sur l’accès.

[21] Le témoin maintient que la demande d’accès formulée dans la lettre du 29 septembre 2004 est déraisonnable, d’abord en raison du nombre de tiers impliqués dans ce dossier. Elle sait d’expérience que les tiers, dans ce type de dossier, refusent de consentir à la communication des informations qui les

04 19 76 Page : 9 concernent puisque cela donne un avantage à leurs compétiteurs. Elle ajoute que certains documents contiennent des renseignements relatifs aux prix unitaires de certains biens alors que d’autres concernent des devis techniques de même que des renseignements financiers et commerciaux concernant ces tiers.

[22] Les documents visés par la demande d’accès du 29 septembre 2004 contiennent également des renseignements concernant 96 personnes physiques qui ne sont ni membres ni employés des organismes.

[23] Le travail pour donner suite à la demande d’accès du 29 septembre 2004 n’est pas complété : il faut trouver les adresses des 94 tiers et les aviser de la demande en vertu de la Loi sur l’accès. Il faut également procéder à l’élagage des renseignements personnels concernant les personnes physiques, ce qui n’a pas encore été fait puisque M me Depelteau croyait que la réponse du 8 novembre 2004 et le tableau fourni mettaient fin au dossier. Elle évalue que le processus d’élagage des renseignements nominatifs représente 4 journées supplémentaires de travail. Le travail d’élagage consiste à identifier et à masquer les noms de même que les informations confidentielles concernant les personnes physiques.

[24] Pour préparer le tableau joint à la réponse des organismes, elle et M me Provost ont identifié et retiré 1 600 pages de documents après avoir examiné les 17 500 pages contenues dans les 10 boîtes visées par la demande. Elles doivent ensuite repasser à travers ces 1 600 pages pour procéder à l’élagage des renseignements nominatifs. Concernant les avis aux tiers, le témoin précise qu’il lui est impossible de déterminer avec précision le temps requis pour faire cet exercice. Elle affirme cependant qu’il est impossible d’aviser les 94 tiers impliqués dans ces documents et de procéder à l’élagage des renseignements personnels contenus à ces documents dans le délai imparti par la loi. Elle précise que, dans son évaluation du temps requis, elle tient compte de journées de 8 heures de travail par jour.

[25] M me Depelteau précise que le tableau est exhaustif en ce sens que les coûts de tous les éléments énoncés à la demanderesse sont recensés.

[26] Le témoin rappelle que lors des audiences des mois de septembre et octobre 2004, elle a expliqué que les organismes n’ont pas procédé par appel d’offre pour le nouveau siège social. Ils ont plutôt procédé par soumission sur invitation. Dans un tel cas, les documents ne sont pas publics.

[27] Le témoin explique que la préparation du tableau (O-7) fourni avec la réponse a nécessité de 8 à 10 jours de travail à M me Provost et 2 jours de travail de sa part pour le réviser afin de s’assurer qu’il ne contenait pas d’erreur, pour un

04 19 76 total de 10 à 12 jours à raison de 8 heures par jour. Le témoin rappelle cependant que pour préparer le tableau et extirper les 1 600 pages, elle et M examiner 10 boîtes totalisant 17 500 pages.

[28] Le témoin ajoute que la demande présente un caractère d’autant plus déraisonnable que le Vérificateur général du Québec a fait un rapport sur la construction du siège social de la Caisse et qu’il a évalué tous les éléments non seulement de la construction de l’édifice mais également de l’ameublement (en procédant par échantillonnage). Il a conclu, dans un rapport déposé en juin 2003 (O-18), que les coûts de l’ameublement de cet édifice dépassaient de 18% les coûts de l’ameublement de la fonction publique.

[29] Le témoin précise que ses fonctions en novembre 2004 était les mêmes que celles occupées en septembre 2004. Elle traite elle-même les demandes d’accès à l’information avec l’aide de M me Provost. [30] Le témoin précise cependant que depuis juin 2005, on a ajouté à ses fonctions la responsabilité du service de l’information qui regroupe des recherchistes et bibliothécaires aucunement impliqués en accès à l’information. Elle est cependant toujours responsable de l’accès à l’information, responsabilité qu’elle assume avec l’aide de M me Provost. [31] Le témoin confirme que les organismes ne détiennent aucun document concernant les factures, contrats et bons de commande relatifs aux ornements, à l’éclairage, à l’équipement de restauration de même qu’à l’entreposage et l’ameublement du nouveau Centre d’affaires.

[32] En contre-interrogatoire, le témoin précise que la transcription audio de l’audience du 18 octobre 2004 a été obtenue le 24 octobre suivant, date la transcription des notes sténographiques a été demandée. Celle-ci a été obtenue dans les jours qui ont suivi sans qu’elle puisse en préciser la date exacte. Dans l’intervalle, elle a cependant demandé à M e Delwaide d’écouter la transcription audio ce qui lui a permis de confirmer que l’avocat de la demanderesse avait précisé que celle-ci cherchait à obtenir les coûts par sa demande d’accès.

[33] Le témoin n’a pas attendu d’obtenir la transcription des notes sténographiques pour procéder à la préparation du tableau transmis avec la réponse du 8 novembre 2004 puisque sa compréhension était que la demanderesse désirait obtenir les coûts. Par la transcription, elle désirait obtenir la confirmation que sa compréhension et ses notes étaient conformes à la réalité. Le terme « coûts » vise, à son avis, le détail de ce qui a été payé.

Page : 10 me Provost ont

04 19 76 Page : 11 [34] Pour préparer le tableau, M me Depelteau a eu accès à tous les documents : contrats, factures et bons de commande. Elle précise que l’élagage ne consiste pas simplement à masquer les informations confidentielles. Cela implique une lecture attentive de chaque document et une analyse de ce qui doit être masqué. L’évaluation de quatre jours de travail pour procéder à l’élagage des documents est approximative. Les factures peuvent contenir des devis techniques et des numéros de cartes de crédit et les contrats peuvent contenir des numéros de cartes de crédit, des noms d’individus, des numéros de comptes bancaires et des numéros de cautionnement. Elle a vu personnellement ces informations sur les documents visés par la demande d’accès.

[35] Le témoin précise que la Caisse compte 850 personnes à son emploi dans ses bureaux de Montréal. En ré-interrogatoire, elle ajoute que la mission première de la Caisse est la gestion de portefeuilles et que l’essentiel de ses activités est constituée d’activités d’investissements. Les services généraux, notamment l’accès à l’information, existent en support aux secteurs d’investissements.

[36] Le témoin précise que la demande d’accès du 29 septembre 2004 porte, comme le mentionne la requête, sur 1 600 pages, environ 277 documents et elle vise 94 tiers.

DE LA DEMANDERESSE [37] La demanderesse ne fait pas de preuve mais attire l’attention de la Commission sur certains passages des notes sténographiques.

Notes sténographiques [38] Comme je l’ai permis le 27 juillet 2006, les organismes ont déposé les notes sténographiques des audiences tenues les 3 septembre et 18 octobre 2004 dans le dossier n o 03 02 73. Je rappelle ici les extraits portés à mon attention par les organismes et la demanderesse.

Notes sténographiques de l’audience tenue le 3 septembre 2004 [39] M me Provost estime à un mois de travail en 2003-2004 le temps requis pour procéder au repérage des documents visés par la 1 ere demande d’accès et à l’identification du contenu de 10 boîtes de documents visés par celle-ci. Elle explique qu’outre ces 10 boîtes de documents, il y avait 14 autres boîtes de documents dont elle n’a pas encore pris connaissance. Ces 14 boîtes viseraient plus spécifiquement les « autres documents » dont fait mention la première demande d’accès de la demanderesse. Après un mois de travail, M me Provost a

04 19 76 Page : 12 consulté M me Depelteau pour déterminer les suites à donner au dossier. Les 24 boîtes, à raison d’environ 1 750 pages par boîte, totalisent environ 42 000 pages.

[40] L’avocat de la demanderesse pose plusieurs questions au témoin Provost afin de savoir si la Caisse avait des informations ou des données relatives aux « coûts » du nouveau Centre d’affaires de la Caisse. Ces questions suscitent généralement une objection de la part de l’avocat des organismes, fondée sur le fait que la demande d’accès vise des documents et non des informations.

[41] M me Depelteau évoque ses conversations téléphoniques avec la demanderesse au cours desquelles cette dernière l’informe que ce sont les coûts qui l’intéressent. M me Depelteau lui transmet donc le rapport du Vérificateur général qui, à son avis, donne un portrait complet des coûts payés pour le siège social de la Caisse mais la demanderesse n’en est pas satisfaite. C’est ce qui a amené les organismes à faire une requête en vertu des articles 126 et 130.1 de la Loi sur l’accès dans le dossier 03 02 73.

[42] L’avocat de la demanderesse précise que « ce qui est recherché, pour l’essentiel, c’est le coût, donc les coûts des fournisseurs pour les items qui sont mentionnés ».

Notes sténographiques de l’audience tenue le 18 octobre 2004 [43] L’avocat de la demanderesse confirme qu’il ne conteste pas le témoignage de M me Depelteau à l’effet que la demanderesse lui ait dit qu’elle était intéressée par les coûts. C’est ce qui intéresse la demanderesse, les coûts. La Caisse sait cela depuis le mois de février 2004 et la demande réduite faite le 29 septembre 2004 « vise nécessairement uniquement les coûts des fournisseurs ».

[44] L’avocat de la demanderesse explique que, le 29 septembre 2004, la demanderesse a déposé une demande réduite de la demande d’accès antérieure.

[45] L’avocat des organismes rappelle que la demanderesse a répondu à M me Depelteau en février 2004 « Ce n’est pas ça [le rapport du Verificateur général] que je veux. Je veux les documents que je demande. » 7 . [46] L’avocat des organismes soutient que M e Béland a dit que [la demanderesse] veut des renseignements et que la demande du 29 septembre visait les coûts. Il ajoute que, dans la demande du 29 septembre, ce ne sont pas des coûts qui sont demandés, ce sont des documents : toutes les factures, tous

7 Notes sténographiques du 18 octobre 2004 (O-5), 44.

04 19 76 Page : 13 les contrats, tous les bons de commande pour l’acquisition, la livraison, l’ameublement et la décoration.

[47] La commissaire saisie du dossier antérieur conclut que la lettre du 29 septembre 2004 constitue une nouvelle demande d’accès. Elle suggère que la demanderesse se désiste de la première demande d’accès et que les organismes se désistent de leur requête afin de procéder sur la nouvelle demande d’accès, ce que les parties décident de faire, tel qu’il appert du constat du 19 octobre 2004 8 . DÉCISION Amendement du 18 octobre 2004 [48] Le premier moyen des organismes concerne l’amendement présumé de la demande d’accès du 29 septembre 2004. Ils allèguent en substance qu’au cours de l’audience du 18 octobre 2004, tenue dans le cadre du dossier antérieur de la Commission, n o 03 02 73, l’avocat de la demanderesse, M e Béland, en mentionnant ou confirmant que la demanderesse recherchait les « coûts » d’aménagement du Centre d’affaires de la Caisse, a modifié, en la restreignant, la demande d’accès du 29 septembre 2004.

[49] Les organismes soutiennent que leur réponse du 8 novembre 2004, puisqu’elle tient compte de ces modifications, satisfait entièrement la demande d’accès « modifiée, restreinte et précisée » et qu’il n’y a donc pas lieu de continuer ce dossier.

[50] La demanderesse conteste cet argument et soutient que la demande d’accès est celle contenue dans la lettre du 29 septembre 2004, comme en a décidé la Commission dans le constat du 19 octobre 2004 9 . [51] Il convient de rappeler que la demanderesse avait fait une première demande d’accès aux organismes (O-1) ayant donné lieu au dossier antérieur de la Commission, n o 03 02 73. Cette première demande était similaire, bien que plus large, que la demande d’accès en litige puisqu’elle visait tous les éléments de la demande actuelle de même que ceux qui ont été raturés dans celle-ci 10 . [52] Cette première demande d’accès a notamment donné lieu à la signification d’une requête des organismes en vertu de l’article 126 de la Loi sur l’accès. Lors

8 Précité au par. 2 des présentes. 9 Id. 10 Voir par. 3 des présentes.

04 19 76 Page : 14 de l’audience tenue le 3 septembre 2004, ces derniers ont fait témoigner M mes Provost et Depelteau concernant l’ampleur de la documentation visée par cette demande d’accès.

[53] Après cette audience, M e Béland a transmis la lettre du 29 septembre 2004 à M e Delwaide. L’audience du 18 octobre 2004 n’a porté que sur la nature de cette lettre et ses conséquences. L’avocat de la demanderesse soutenait que cette lettre ne constituait qu’une « demande réduite » pouvant être traitée dans le cadre de la demande d’accès en cours alors que l’avocat des organismes était d’avis qu’il s’agissait d’une nouvelle demande d’accès donnant ouverture à un nouveau dossier avec les conséquences que cela impliquait en vertu de la Loi sur l’accès : nouvelle réponse et/ou nouveaux moyens de défense. C’est dans ce contexte que la question des coûts est évoquée.

[54] J’ai lu attentivement la transcription des notes sténographiques de l’audience du 18 octobre 2004 (O-5) et du 3 septembre 2004 (O-21). J’ai constaté que le 18 octobre, l’avocat de la demanderesse a effectivement mentionné et confirmé à quelques reprises que, par sa demande, sa cliente recherchait les « coûts » 11 . [55] Il me semble utile de rapporter les extraits suivants des notes sténographiques du 18 octobre 2004 :

[…] il ne s’agit pas d’une « nouvelle demande ». Au contraire, il s’agit d’une demande qui est beaucoup plus réduite, qui vise maintenant les fournisseurs et les contrats de services qu’ils ont conclus avec la Caisse de dépôt, ce qui est donc en apparence visé par le paragraphe 3 de l’article 57 de la Loi sur l’accès […]. 12 (M e Béland) Madame Depelteau a témoigné que […] du quatre (4) au dix-huit (18) février, elle a eu des communications avec [la demanderesse]. […] Elle lui dit : « tout est déjà couvert dans le rapport du Vérificateur général sauf les œuvres d’art », et lui offre de lui donner. […] Elle vous explique le contexte, elle vous a dit : « Je lui ai dit spécifiquement que ‘votre demande relative à tout autre document, c’était trop large’. » Réponse de [la demanderesse] le dix-huit (18) février : « Ce n’est pas ça que je veux. Je veux les documents que je demande ». […] M me Depelteau vous a même dit que [la demanderesse], ce qu’elle lui a expliqué puis ce qui l’intéressait, c’était les coûts. 13 (M e Delwaide) 11 Il faut comprendre qu’il est question des coûts de l’aménagement, dans son sens large, du Centre d’affaires de la Caisse. 12 Notes sténographiques du 18 octobre 2004, (O-5), 36. 13 Id., 43-44.

04 19 76 Page : 15 […] Je ne conteste pas le témoignage de maître Depelteau, qui dit que [la demanderesse] lui a dit qu’elle était intéressée par les coûts. C’est ça qui intéresse [la demanderesse], les coûts. La Caisse le sait depuis le mois de février deux mille quatre (2004) parce qu’ils se sont parlé en février deux mille quatre (2004) et la demande réduite, ça vise nécessairement uniquement les coûts des fournisseurs. 14 (M e Béland) […] Mon confrère dit : « [la demanderesse] veut des renseignements » […]. Et il dit : « La demande du vingt-neuf (29) septembre vise les coûts. » Vous relirez la demande du vingt-neuf (29) septembre, là, on biffe certains passages : ce n’est pas les coûts qui sont demandés, ce n’est pas des renseignements, ce sont des documents. […] C’est toutes les factures, tous les contrats, les bons de commande pour chacun des événements suivants : acquisition, livraison […] l’ameublement, la décoration donc ce n’est pas des renseignements qu’on demande ce n’est pas des coûts qu’on demande. On demande des documents. 15 (M e Delwaide) Il y aurait encore des tiers? Bien, c’est sûr, les fournisseurs. On demande juste les fournisseurs. 16 (la commissaire et M e Béland) [56] Tel qu’il appert de ces extraits, lorsque, le 18 octobre 2004, M e Béland fait référence aux coûts, il le fait d’abord en réponse à un argument de M e Delwaide qui rappelait des conversations entre M me Depelteau et la demanderesse à ce sujet. Il m’apparaît en conséquence difficile d’y voir un amendement à la lettre du 29 septembre 2004.

[57] Mais, au-delà de cette considération, je ne peux souscrire à la prétention des organismes que les propos de M e Béland concernant les coûts constituent un amendement au contenu de la lettre du 29 septembre 2004.

[58] À mon avis, les mentions concernant le fait que la demanderesse désire connaître les coûts doivent être lus de concert avec la lettre du 29 septembre 2004, puisque c’est de celle-ci dont il est question le 18 octobre 2004.

[59] Il faut se rappeler en effet que, dans la lettre du 18 octobre 2004, la demanderesse avait enlevé certains éléments de sa demande initiale soit : « les autres documents » au 1 er paragraphe, le 2 e paragraphe qui concernait la correspondance avec tous les soumissionnaires et la correspondance au 3 e paragraphe. 14 Id., 63-64. 15 Id., 66. 16 Id., 76.

04 19 76 Page : 16 [60] D’une part, lors de l’audience du 3 septembre 2004, M me Provost a expliqué que les « autres documents » requis dans la demande d’accès rendaient sa tâche impossible. D’autre part, celle-ci a également expliqué que la demande d’accès telle que formulée visait les fournisseurs aussi bien que les soumissionnaires.

[61] Il m’apparaît que, comme l’a expliqué M 18 octobre 2004, la demanderesse modifiait par sa lettre du 29 septembre 2004 sa demande initiale pour ne viser dorénavant que les renseignements concernant les biens et services effectivement fournis, soit, de manière générale, les documents concernant « les coûts ». Et c’est à cela que M lorsqu’il parle de coûts le 18 octobre 2004.

[62] Je suis donc d’avis que la demande d’accès en litige est celle formulée dans la lettre du 29 septembre 2004. Il faut donc procéder sur la requête des organismes faite en vertu de l’article 126 de la Loi sur l’accès puisque, du propre aveu des organismes, il n’ont pas répondu à cette demande.

Requête en vertu de l’article 126 de la Loi sur l’accès [63] L’organisme soutient que la demande d’accès en litige est déraisonnable et constitue plusieurs demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique pour les raisons suivantes :

1. La demande d’accès comporte plusieurs demandes, soit une pour chaque élément visé à la lettre du 29 septembre 2004;

2. Cette demande porte sur plus de 1 600 pages et environ 277 documents. Elle vise 94 tiers;

3. La loi interdit aux organismes de communiquer les documents sans élagage et sans que les tiers concernés n’aient été avisés et eu l’opportunité de faire parvenir leurs représentations sur la confidentialité des renseignements ou sur le préjudice qui découlerait de leur communication. Les organismes savent que les documents visés par la demande d’accès sont considérés stratégiques par les tiers et ces derniers s’opposent à leur divulgation;

4. Le Bureau du Vérificateur général du Québec a déjà procédé à l’examen et à la révision des coûts des éléments sur lesquels portent la demande d’accès et il a pris soin de ne communiquer dans son rapport aucun renseignement sur des tiers;

e Béland lors de l’audience du e Béland fait référence

04 19 76 Page : 17 [64] La demanderesse conteste cette requête en soulevant que celle-ci est tardive et que les organismes n’ont pas démontré son caractère abusif, répétitif ou systématique.

[65] La loi prévoit que le responsable de l’accès d’un organisme public doit traiter les demandes d’accès qui lui sont faites, dans les délais précisés par la Loi sur l’accès :

47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande: donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit; informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant; informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa.

[66] La Loi sur l’accès ne prévoit pas qu’un organisme public puisse prolonger le traitement de la demande pour une période de plus de 10 jours ou obtenir un délai supérieur à celui prévu à l’article 47. Cependant, la Loi sur l’accès prévoit que la Commission peut autoriser un organisme à ne pas tenir compte d’une demande d’accès en vertu de l’article 126, tel qu’il se lisait à toute époque pertinente au dossier :

126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes

04 19 76 Page : 18 manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission.

[67] Dans le dossier en litige, la responsable de l’accès des organismes a répondu à la demande d’accès en précisant que si la demanderesse était insatisfaite de cette réponse, les organismes réservaient leurs droits et recours à présenter une requête en vertu des articles 126 et 130.1 de la Loi sur l’accès, puisqu’ils considéraient que la demande du 29 septembre 2004 était déraisonnable.

[68] Les organismes ont signifié la requête en vertu de l’article 126 le 26 octobre 2005. La demanderesse soutient qu’elle est tardive.

[69] Sur cette question, bien que certaines décisions de la Commission exigent qu’une requête en vertu de l’article 126 soit soumise à la Commission à l’intérieur du délai de 20 jours (ou de 30 jours lorsqu’une prolongation a été requise) pour que celle-ci soit recevable, la soussignée s’estime liée par la décision de la Cour du Québec dans l’affaire Service de réadaptation L’Intégrale c. Bolduc 17 . La Cour du Québec a décidé qu’une requête en vertu de l’article 126 de la Loi sur l’accès n’était pas soumise au délai de l’article 47 de cette loi :

L’article 126 ne constitue manifestement pas un maillon de la chaîne de la procédure d’accès, qui commence par une demande et se termine par une révision et l’appel. L’exercice du recours selon l’article 126 constitue un recours autonome qui ne saurait être assujetti au délai de l’article 47. Tel que l’énonçait le juge Denis Durocher dans l’affaire Commission d’accès à l’information c. Mailloux 18 . L’article 126 ne stipule pas de délai. D’autre part les dispositions traitant de la demande de révision n’énoncent pas directement ou indirectement une prohibition pour un organisme de loger une demande en vertu de cet article.

17 [1998] C.A.I. 439. 18 [1990] C.A.I. 266 (CS), 269 :

04 19 76 Page : 19 Il faut bien voir que les droits conférés par l’article 126 et ceux de la demande de révision sont distincts.

[…] La Commission tente d’ajouter une obligation d’exercer le recours sous l’article 126 dans un délai précis en s’appuyant sur les dispositions relatives à l’exercice du droit d’accès.

[…] En décidant que la demande est irrecevable parce que l’autre partie a déjà demandé la révision du refus, la Commission ajoute une condition d’exercice à l’article 126 ce que ne fait pas le législateur. Au contraire, l’organisme qui découvre, même tardivement, que les conditions d’exercice de la demande pour l’article 126 sont présentes peut alors en demander l’application. 19 . [70] Je suis donc d’avis que la requête en vertu de l’article 126 des organismes n’est pas tardive.

[71] J’ajoute que la correspondance échangée entre les avocats des parties du 20 décembre 2004 au 11 mars 2005 (O-9 à O-16), afin d’expliquer le contexte du dépôt de la requête, m’apparaît justifier le délai dans lequel celle-ci a été signifiée, si tant est qu’il faille le faire. Pour ce motif, j’autorise le dépôt de ces documents produits sous réserve.

[72] Je dois donc déterminer si la demande d’accès en litige est d’une ampleur telle qu’elle justifie la soussignée d’accueillir la requête faite par les organismes en vertu de l’article 126 de la Loi sur l’accès et de les autoriser à ne pas en tenir compte.

[73] Dans Ville de Montréal c. Winters 20 la Cour du Québec a décidé que, pour obtenir une autorisation de ne pas traiter une demande d’accès, un organisme n’a pas à prouver que les « inconvénients démontrés devraient être tels qu’ils entraînent la paralysie de l’administration ». Un organisme doit plutôt démontrer qu’il est incapable de donner suite à une demande d’accès dans le délai de 20 jours de l’article 47 de la Loi sur l’accès 21 . [74] Les organismes soutiennent que, même si elle est faite dans un seul document, la demande d’accès équivaut à plusieurs demandes par son ampleur.

19 Services de réadaptation L’Intégrale c. Bolduc, précitée, note 17, 442-443. 20 [1991] C.A.I. 359 (C.Q.). 21 Ville de Montréal c. Winters, précitée, note 20, 363.

04 19 76 Dans Québec (Ministère des Transports) c. McLauchlan décidé qu’une seule demande pouvait être abusive par le nombre de documents visés :

Dans le jugement Winters, la Cour du Québec, après avoir statué qu’une seule demande, en principe, ne peut être considérée « abusive par leur nombre », s’exprime néanmoins de la façon suivante :

[…] Il est évident que le législateur n’envisageait pas des demandes d’accès aussi colossales quand il a édicté l’article 9 de la Loi. Comment le responsable de l’organisme public pourrait-il, dans le délai de 20 jours de l’article 47, donner suite à une demande d’accès à un dossier contenant plus de 1 000 documents et vérifier dans ce délai les restrictions au droit d’accès de certains de ces documents ? […] Le tribunal est d’avis que, généralement, des demandes portant sur des centaines voire des milliers de documents à la fois sont juridiquement irrecevables au sens de la Loi sur l’accès. (J’ai souligné)

Les trois juges de la Cour du Québec ont donc en quelque sorte conclu qu’une seule demande, lorsqu’elle implique l’étude et l’analyse de centaines ou de milliers de documents, peut être manifestement abusive au sens du premier alinéa de l’article 126 en raison de l’ampleur du nombre de documents visés. 23 [75] Les organismes soutiennent qu’ils ne sont pas en mesure de traiter la demande d’accès dans les délais prévus par la Loi sur l’accès en respectant les prescriptions de celle-ci concernant les tiers et la protection des renseignements nominatifs.

[76] La loi sur l’accès impose au responsable d’accès des obligations concernant certains renseignements fournis par des tiers de même que quant aux renseignements personnels :

23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature

22 [2000] C.A.I. 7. 23 Québec (Ministère des Transports) c. McLauchlan, précitée, note 22, 12.

Page : 20 22 , la Commission a

04 19 76 Page : 21 confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement.

24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement.

25. Un organisme public doit, avant de communiquer un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical fourni par un tiers, lui en donner avis, conformément à l'article 49, afin de lui permettre de présenter ses observations, sauf dans les cas le renseignement a été fourni en application d'une loi qui exige que le renseignement soit accessible au requérant et dans les cas le tiers a renoncé à l'avis en consentant à la communication du renseignement ou autrement.

49. Lorsque le responsable doit donner au tiers l'avis requis par l'article 25, il doit le faire par courrier dans les vingt jours qui suivent la date de la réception de la demande et lui fournir l'occasion de présenter des observations écrites. Il doit, de plus, en informer le requérant et lui indiquer les délais prévus par le présent article.

Le tiers concerné peut présenter ses observations dans les vingt jours qui suivent la date il a été informé de l'intention du responsable. A défaut de le faire dans ce délai, il est réputé avoir consenti à ce que l'accès soit donné au document.

Le responsable doit donner avis de sa décision au requérant et au tiers concerné, par courrier, dans les quinze jours qui suivent la présentation des observations ou l'expiration du délai prévu pour les présenter. Lorsqu'elle vise à donner accès aux documents, cette décision est exécutoire à l'expiration des quinze jours qui suivent la date de la mise à la poste de l'avis.

53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants:

04 19 76 Page : 22 leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale;

ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion.

[77] Les dispositions de la Loi sur l’accès concernant les tiers sont impératives. Il en est de même pour les renseignements personnels : les organismes doivent les extraire des documents transmis :

14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé.

[78] Selon la preuve non contredite des organismes, le traitement de la demande d’accès représente plusieurs semaines de travail.

[79] M me Depelteau a expliqué qu’il a fallu de 8 à 10 jours de travail à M me Provost pour « passer » à travers les 10 boîtes de documents totalisant 17 500 pages, en extirper les 277 documents totalisant 1 600 pages et constituer la première version du tableau transmis à la demanderesse. Même si une partie de ces 10 jours a été utilisée pour la préparation d’un tableau qui ne correspondait pas à ce que la demande d’accès visait, je n’ai pas de peine à croire que l’ampleur des documents à analyser pour identifier les 277 documents visés par la demande d’accès en litige dans ces 10 boîtes de documents fait en sorte que la majeure partie de ces 10 jours a été utilisés pour le repérage et l’identification de ces documents.

04 19 76 Page : 23 [80] Une fois les documents visés par la demande d’accès identifiés, M me Depelteau et M me Provost ont constaté que ces documents contenaient des renseignements nominatifs concernant 96 personnes physiques qui ne sont ni membres ni employés des organismes. La Loi sur l’accès est claire : ces documents doivent être masqués en vertu de l’article 14 de la Loi sur l’accès. M me Depelteau estime que quatre jours supplémentaires seraient nécessaires pour procéder à l’élagage de ces renseignements.

[81] Bien qu’elle ne puisse pas déterminer de façon précise le temps requis pour identifier, retracer et aviser les 94 tiers impliqués par ces documents, M me Depelteau est d’avis qu’il est impossible de faire cet exercice et l’élagage des renseignements personnels dans les délais prescrits par la Loi sur l’accès.

[82] Comme l’a déjà expliqué la Commission, au-delà du repérage des documents, le travail consistant à s’assurer du respect des restrictions au droit d’accès prévu par la Loi sur l’accès implique une analyse qui nécessite un temps appréciable :

[74] La preuve a établi qu’un repérage adéquat exige également un travail d’analyse presque philosophique pour déterminer si certains documents sont visés par la demande ou non.

[75] Ensuite un deuxième travail d’analyse, fastidieux celui-là, devrait être accompli afin de séparer les parties des documents qui seraient accessibles de ceux qui seraient vraisemblablement visés, à première vue, par les articles 53, 59 alinéa premier, 23 et 24, donc qui devraient demeurer confidentiels. D’autres exceptions à l’accès pourraient être également applicables à l’examen approfondi.

[76] Il est connu de la Commission, de par sa spécialisation, que lorsque les articles 23 et 24 de la Loi sont en cause, l’organisme doit souvent contacter les tiers qui lui ont fourni les renseignements techniques, scientifiques, commerciaux ou autres afin de les consulter, ce qui implique une charge certaine de travail.

04 19 76 Page : 24 [77] Une fois le travail de repérage, d’analyse et de consultation accompli, il est connu de la Commission, en raison de sa spécialité, que l’organisme doit motiver par écrit les refus de communiquer, en tout ou en partie les documents repérés, traiter l’envoi des documents ou de partie des documents accessibles après en avoir fait des photocopies et reclasser le tout au bon endroit, le tout, faut-il le rappeler, dans un maximum de 30 jours de la réception de la demande d’accès. 24 [83] La preuve non contredite des organismes me convainc que le traitement de la demande d’accès en litige est d’une telle ampleur qu’il nécessite plusieurs semaines de travail pour M me Depelteau et M me Provost, qui ont d’ailleurs de fort nombreuses autres responsabilités au sein de la Caisse. Ce faisant, la preuve non contredite démontre que le traitement de la demande d’accès dépasse les délais de 20 ou 30 jours prévus par l’article 47 de la Loi sur l’accès. Cela, sans compter que lors de l’audience du 3 septembre 2004, M me Provost a témoigné que le repérage et l’identification des documents visés par la première demande d’accès à l’exception des « autres documents » avait nécessité un mois complet de travail.

[84] Pour ces motifs, je suis d’avis que cette demande d’accès est abusive en raison du nombre de documents visés et de l’ampleur de l’analyse qu’elle impose aux organismes. Ceux-ci doivent être autorisés à ne pas en tenir compte.

[85] On peut déplorer, comme l’a fait l’avocat de la demanderesse, que des organismes de l’importance de la Caisse de dépôt et placement du Québec et ses filiales à 100% ne consacrent pas plus de ressources au traitement des demandes d’accès à l’information. Cependant, la Cour du Québec a décidé que le rôle de la Commission en cette matière était de déterminer si les demandes étaient exagérées au point de constituer un abus:

Dans sa décision, la Commission fait entrer un élément nouveau qui n’apparaît pas dans le texte de loi, à savoir que « les inconvénients démontrés devraient être tels que la paralysie de l’administration en découleraient » 25 24 Complexe hospitalier de la Sagamie c. X, C.A.I. Québec, n o 02 08 23, 10 mars 2005, c. Boissinot. 25 Montréal (Ville de ) c. Winters, (1984-86) 1 C.A.I. 165, 169.

04 19 76 Page : 25 L’appelante souligne à bon droit que cette preuve est impossible puisqu’une ville aussi importante que Montréal peut théoriquement engager un personnel suffisant pour répondre à toute demande. L’article 126 parle uniquement de demandes abusives par leur nombre. On doit se référer uniquement aux demandes telles que formulées par la personne et voir si ces demandes sont exagérées en nombre au point de constituer un abus. 26 [86] L’avocat de la demanderesse soutient qu’accueillir la requête des organismes met en péril le droit d’accès aux documents des organismes publics reconnu par la Loi sur l’accès, pour des dossiers d’envergure.

[87] Sur cette question, je ne peux que rappeler, comme l’a fait la Commission dans une décision récente, que « la présente décision ne porte pas sur l’accessibilité de l’information contenue dans chacun des documents réunis par la requérante » 27 . L’objet de la présente décision est plutôt de statuer sur la demande d’accès en litige.

[88] Vu les conclusions ci-dessus, il n’est pas nécessaire de statuer sur l’argument concernant le Vérificateur général et le caractère systématique de la demande d’accès.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [89] ACCUEILLE en partie la demande des organismes pour ne pas tenir compte de la demande, pour que la Commission refuse ou cesse d’examiner la présente affaire et pour autres ordonnances accessoires;

[90] DÉCLARE que la demanderesse n’a pas, lors de l’audience du 18 octobre 2004, modifié sa demande d’accès du 29 septembre 2004;

[91] AUTORISE les organismes à ne pas tenir compte de la demande d’accès du 29 septembre 2004;

26 Montréal (Ville de ) c. Winters, précitée, note 20, 364. 27 Ville de Lévis c. X., C.A.I. Québec, n o 06 11 73, 28 novembre 2006, c. Chartier, 13.

04 19 76 [92] CESSE d’examiner la demande de révision du 8 novembre 2004.

Fasken Martineau (M e Karl Delwaide) Avocats des organismes-requérants

Béland, Lacoursière (M e Jacques Béland) Avocat de la demanderesse-intimée

Page : 26 GUYLAINE HENRI Commissaire

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