Commission d'accès à l'information du Québec Dossiers : 03 09 45 et 03 09 46 Date : 29 septembre 2004 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. LES RÉSIDENCES SOLEIL (MANOIR ST-LAURENT) Entreprise DÉCISION OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le demandeur s’adresse à l’entreprise le 20 mars 2003 pour obtenir une copie intégrale du dossier qui le concerne pour la période du 27 au 31 décembre 2002. [2] Le 8 avril 2003, l’entreprise lui répond ce qui suit:« Nous avons reçu votre demande datée du 20 mars 2003… Des frais de 50.00 $ plus taxes sont exigibles pour la collecte des documents, leur reproduction et leur transmission… Sur réception de la somme de 57.51 $, copie du dossier vous sera transmise... ». [3] Le 28 avril 2003, le demandeur requiert de l’entreprise des explications concernant les frais réclamés. Il lui demande d’exposer, dans les plus brefs délais, le détail de ces frais et il s’engage à les acquitter s’ils semblent justifiés et
03 09 45 Page : 2 03 09 46 raisonnables. Le 7 mai 2003, le demandeur réitère sa demande écrite d’explications. Le 15 mai suivant, il acquitte, par chèque, la somme exigée par l’entreprise dans sa lettre du 8 avril 2003. [4] Le 27 mai 2003, l’entreprise transmet au demandeur une copie complète de son dossier à l’exception d’un rapport d’enquête interne auquel l’accès est refusé en vertu de l’article 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [5] Le 4 juin 2003, le demandeur soumet une demande d’examen de mésentente résultant de la décision du 27 mai 2003. La Commission exige d’abord des parties qu’elles produisent des observations écrites. PREUVE ET ARGUMENTATION [6] Dans ses observations écrites, l’avocat de l’entreprise mentionne que sa cliente refuse de communiquer le rapport d’enquête précité qui traite de l’inconduite du demandeur, cette inconduite ayant mené à la résiliation de l’entente d’hébergement conclue entre les parties. L’avocat explique que le refus de l’entreprise s’appuie sur l’article 39 de la loi susmentionnée parce que : • La correspondance ou les communications échangées entre le demandeur et l’avocat de l’entreprise laissent présumer la possibilité imminente de procédure judiciaire dans laquelle l’entreprise a un intérêt manifeste à ne pas divulguer ses éléments de preuve; • L’entreprise doit conserver le rapport en litige de façon confidentielle afin de ne pas nuire aux enquêtes internes et d’assurer la sécurité et la dignité des personnes âgées qu’elle héberge. La divulgation des rapports d’événement pourrait amener les employés de l’entreprise à refuser de rapporter les événements susceptibles de porter atteinte à la sécurité et à la dignité de la clientèle. [7] Dans ses observations écrites, l’avocate du demandeur conteste l’application de l’article 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Elle souligne : 1 L.R.Q., c. P-39.1.
03 09 45 Page : 3 03 09 46 • l’absence de preuve démontrant l’imminence d’une procédure judiciaire; • la possibilité de masquer les renseignements concernant les tiers (employés ou clients/bénéficiaires) afin de donner au demandeur accès au reste du rapport d’enquête qui le concerne; • le refus de l’entreprise de justifier le montant des frais exigés avant de donner au demandeur accès à son dossier ainsi que le caractère déraisonnable de ces frais perçus pour la reproduction et la transmission, le 27 mai 2003, de 9 pages seulement. [8] Après avoir pris connaissance des observations susmentionnées, la Commission décide de tenir une audience et elle convoque les parties. La veille de l’audience, l’avocat de l’entreprise indique que sa cliente ne sera pas présente et qu’elle s’en remet à la décision de la Commission pour ce qui est de l’accès au rapport d’enquête en litige et de la protection des renseignements personnels identifiant des tiers; il transmet le rapport en litige à la Commission qui le requiert. Quant aux frais exigés et perçus par sa cliente, l’avocat signale que le demandeur admet avoir accepté de les acquitter et que dès lors, il n’y a plus de mésentente donnant ouverture à un examen par la Commission. Il explique que les frais exigés par l’entreprise ont été calculés sur une base forfaitaire qui tient compte non pas du nombre de pages mais du temps administratif ainsi que des frais d’envoi et de manutention ajoutés aux frais de photocopies. L’avocat souligne enfin que le demandeur avait l’option de consulter gratuitement son dossier en se présentant au bureau de l’entreprise. [9] L’avocate du demandeur se présente, pour sa part, à l’audience, avec son client; celui-ci ne témoigne pas. [10] L’avocate réitère essentiellement les observations écrites qu’elle avait préparées pour son client, soulignant qu’aucune preuve ne démontre l’application de l’une ou de l’autre des restrictions prévues par l’article 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Elle rappelle que son client a, en vertu de l’article 27 de la même loi, le droit de recevoir communication des renseignements personnels le concernant et qu’il ne s’objecte pas à ce que les renseignements concernant des tiers soient masqués. L’avocate dépose (D-1, en liasse) copie des documents suivants: • la demande adressée à l’entreprise par le demandeur pour obtenir le remboursement du loyer de la journée au cours de laquelle il n’a pu résider chez l’entreprise à la suite de son éviction pour cause de comportement indésirable et non acceptable;
03 09 45 Page : 4 03 09 46 • l’état de compte du demandeur constatant le remboursement du loyer de cette journée, remboursement effectué par chèque et reconnu par le demandeur. [11] L’avocate souligne particulièrement que l’entreprise n’a jamais justifié les frais qu’elle a exigés malgré les demandes répétées de son client qui s’est vu dans l’obligation de les acquitter entièrement pour obtenir la copie du dossier intégral visé dans sa demande datée du 20 mars 2003 et dans la réponse de l’entreprise datée du 8 avril 2003. L’avocate signale que l’accès au dossier de son client lui était refusé tant et aussi longtemps qu’il n’acquittait pas la somme de 57,51 $ et, qu’une fois cette somme payée, l’entreprise ne lui a transmis que 9 pages qui excluaient le rapport en litige. L’avocate prétend que le paiement de cette somme ne constitue pas une acceptation des frais que l’entreprise a exigés sans jamais les justifier puisque le demandeur ignorait le nombre de pages constituant son dossier; elle soumet que l’entreprise a exigé le paiement de frais exagérés et déraisonnables pour la reproduction et la transmission de 9 pages qui auraient simplement pu être communiquées par télécopieur ou par la poste à un coût minime. L’avocate rappelle que les frais exigibles en vertu de la loi précitée ne peuvent être établis selon une base forfaitaire; à son avis, l’entreprise aurait pu, par analogie, s’inspirer des frais exigibles pour la reproduction et la transmission de documents tels qu’ils sont déterminés par règlement adopté en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Elle mentionne enfin que son client réside dans la région de Québec et qu’il n’a conséquemment pas demandé à consulter son dossier sur place, à Montréal. [12] L’avocate demande le remboursement des frais déraisonnables exigés par l’entreprise et acquittés par son client de même que l’accès au rapport en litige dans la mesure où ce document concerne son client. DÉCISION [13] J’ai pris connaissance du document en litige dont le contenu, constitué de moins d’une page, concerne presque totalement le demandeur; l’entreprise a donc l’obligation de communiquer au demandeur les renseignements personnels qui le concernent, ce, après avoir masqué les renseignements qui concernent d’autres personnes, puisqu’elle n’a présenté aucune preuve relative à l’application de l’article 39 invoqué par elle :
03 09 45 Page : 5 03 09 46 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: 1° de nuire à une enquête menée par son service de sécurité interne ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi ou, pour son compte, par un service externe ayant le même objet ou une agence d'investigation ou de sécurité conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (chapitre A-8); 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [14] Le demandeur a requis la copie de son dossier; l’entreprise a donc l’obligation de lui fournir copie du document qui demeure en litige après avoir masqué les renseignements concernant des tiers, soit : • Les 5 premiers mots de la 6 ième ligne; • Les 4 ième , 5 ième et 6 ième mots de la 8 ième ligne; • Les 5 ième et 6 ième mots de la 11 ième ligne; • Les 3 derniers mots de la 14 ième ligne; • Les 3 noms inscrits au bas du rapport. [15] La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé prévoit les règles relatives aux frais qui peuvent être exigés lorsqu’une entreprise donne suite à une demande d’accès. Ces frais doivent être raisonnables et ils ne peuvent porter que sur la transcription, la reproduction ou la transmission des renseignements :
03 09 45 Page : 6 03 09 46 33. L'accès aux renseignements personnels contenus dans un dossier est gratuit. Toutefois, des frais raisonnables peuvent être exigés du requérant pour la transcription, la reproduction ou la transmission de ces renseignements. La personne qui exploite une entreprise et qui entend exiger des frais en vertu du présent article doit informer le requérant du montant approximatif exigible, avant de procéder à la transcription, la reproduction ou la transmission de ces renseignements. [16] La Commission constate que l’entreprise a exigé et perçu la somme de 57,51 $ pour la reproduction et la transmission de 9 pages. Ces frais sont, à leur face même et à défaut de la démonstration du contraire par l’entreprise, nettement déraisonnables; ils ne pouvaient conséquemment être exigés en vertu de l’article 33 précité. [17] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ORDONNE à l’entreprise de donner au demandeur communication du rapport qui est en litige après avoir masqué les renseignements qui concernent des tiers, ce, tel que ces renseignements sont déterminés par la Commission; ORDONNE à l’entreprise de rembourser la somme de 57,51 $ au demandeur. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Dominique Bertrand Avocate du demandeur M e Luc Alarie Avocat de l’entreprise
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