Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 18 69 Date : 24 septembre 2004 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. Cité de la santé de Laval Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 18 septembre 2003, la demanderesse s’adresse à l’organisme de la manière suivante : […] La présente est pour vous réclamer le dossier médical de (Y) mon époux. […] La nécessité de cette information, est que la fille de notre fils a des problèmes avec son sang. Et nous craignons une maladie génétique. […] [2] Le 8 octobre suivant, M. Gilles Bastien, directeur des services professionnels et hospitaliers, réfère la demanderesse à l’article 23 de la Loi sur
03 18 69 Page : 2 les services de santé et les services sociaux 1 (« L.s.s.s.s. ») qui indique notamment les circonstances selon lesquelles les héritiers et représentants légaux ont le droit de recevoir communication de certains renseignements se trouvant au dossier médical d’une personne décédée. [3] Le 18 octobre, la demanderesse sollicite l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour que soit révisée la décision de l’organisme. L’AUDIENCE [4] La présente audience se tient, le 16 septembre 2004, à Montréal en présence de la demanderesse et du témoin de l’organisme, M me Hélène Petit, archiviste. LA PREUVE A) LA DEMANDERESSE [5] La demanderesse, après avoir été assermentée, déclare qu’elle souhaite obtenir une copie des interventions effectuées par le personnel hospitalier avant le décès de son époux. Ces renseignements lui sont nécessaires afin de connaître si des soins appropriés ont été fournis à celui-ci; elle veut connaître également la cause de son décès. Elle ajoute que, sur recommandation de deux psychologues, ces renseignements pourront l’aider à passer à travers cette période difficile. [6] Elle ajoute que son époux éprouvait des problèmes de santé et qu’il « était obligé de se faire injecter du sang nouveau » sur une base hebdomadaire, mais elle ignore de quelle maladie il souffrait. Sa petite-fille est malade et reçoit également des injections sanguines. Elle prétend que les renseignements se trouvant au dossier médical de son époux décédé lui permettraient de vérifier l’existence ou non d’une maladie génétique ou à caractère héréditaire entre son époux et sa petite-fille. Contre-interrogatoire de la demanderesse [7] Contre interrogée par M e Simon Gagné, avocat de l’organisme, la demanderesse confirme l’essentiel de son témoignage; elle ajoute qu’elle n’a pas cherché à obtenir une procuration ou un mandat quelconque auprès de sa petite-1 L.R.Q., c. S-4.2.
03 18 69 Page : 3 fille pour requérir les renseignements médicaux la concernant; elle dit ignorer les motifs pour lesquels sa petite-fille reçoit des injections sanguines. De plus, elle précise que celle-ci a subi des tests médicaux; d’autres tests se poursuivent; elle dit ignorer si un diagnostic a été émis par un médecin. [8] L’organisme dépose un affidavit circonstancié provenant du Dr. Dennis Malcolm (pièce O-1). Celui-ci affirme solennellement, entre autres, qu’il est médecin omnipraticien aux soins intensifs depuis près de 17 ans. À la demande du responsable de l’accès aux documents, il a procédé à une étude détaillée du dossier médical de l’époux de la demanderesse afin « de déterminer s’il contient des renseignements susceptibles de fournir certaines informations quant à l’existence d’une possible maladie génétique ou à caractère familial reliée au sang ». [9] Il est arrivé à la conclusion qu’il « appert que ce dossier ne contient aucun renseignement susceptible de fournir quelque information pertinente que ce soit quant à l’existence d’une possible maladie génétique ou à caractère familial reliée au sang ». B) TÉMOIGNAGE DU FILS DE LA DEMANDERESSE [10] Le fils de la demanderesse déclare, sous serment, qu’il n’est pas le père de la petite-fille de la demanderesse. Cependant, il dit appuyer celle-ci dans sa démarche pour avoir accès à un extrait des renseignements se trouvant au dossier médical de son père décédé pour les motifs invoqués par sa mère. À son avis, la connaissance de ces renseignements lui permettrait « de faire son deuil ». LES ARGUMENTS [11] M e Gagné plaide le caractère confidentiel du dossier médical d’un usager, incluant l’époux décédé de la demanderesse, et ce, en vertu de l’article 19 de la L.s.s.s.s. Il réfère, entre autres, à une décision rendue par la Commission dans l’affaire Rodrigue c. Centre local de services communautaires et Centre d’hébergement et de soins de longue durée de la municipalité régionale du comté des Etchemins 2 . [12] L’avocat plaide de plus que l’article 23 de ladite loi permet exceptionnellement à certaines personnes d’avoir accès au dossier médical d’un usager selon les critères législatifs qui y sont indiqués; ces exceptions doivent être 2 C.A.I. Montréal, n o 98 19 03, 6 octobre 1999, c. Boissinot.
03 18 69 Page : 4 interprétées de façon restrictive. Il argue que le troisième alinéa de l’article 23 L.s.s.s.s. est inapplicable à la présente cause, notamment en ce que la demanderesse a fait ressortir lors de son témoignage qu’elle était l’épouse de son époux décédé; ces derniers ne sont donc pas liés par le sang, d’une part. La preuve n’a pas démontré, d’autre part, que sa fille l’ait autorisée, par mandat ou procuration, à obtenir des renseignements médicaux contenus au dossier de son époux décédé, lesquels pourraient aider cette dernière. [13] De plus, l’affidavit circonstancié (pièce O-1 précitée) portant la signature du Dr. Malcolm démontre que l’examen du dossier médical de l’époux décédé de la demanderesse ne lui a pas permis de trouver quelqu’information pertinente que ce soit quant à l’existence « d’une possible maladie génétique ou à caractère familial reliée au sang ». LA DÉCISION Dispositions législatives [14] Les articles 19 et 23 L.s.s.s.s. stipulent que : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas où la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas où un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2). 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès.
03 18 69 Page : 5 Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. [15] La preuve non contredite a démontré que le défunt époux de la demanderesse possède un dossier médical chez l’organisme que M me Petit a présenté à l’audience. La demanderesse voudrait y avoir un accès partiel, afin de pouvoir connaître les interventions effectuées par le personnel hospitalier de l’organisme avant son décès. Ce renseignement lui serait nécessaire afin de pouvoir « faire son deuil ». [16] La Commission est d’avis que l'organisme ne peut pas fournir à la demanderesse un extrait dudit dossier pour les motifs qu’elle invoque, car ils ne rencontrent pas les critères législatifs prévus aux articles 19 et 23 L.s.s.s.s. ci-dessus mentionnés. Le caractère confidentiel du dossier doit être maintenu, et ce, conformément à X. c. Hôpital du Saint-Sacrement 3 . À cette décision, la Commission, citant l'affaire B. c. Hôpital Louis-H. Lafontaine 4 , a statué que le principe de la confidentialité des renseignements se trouvant dans le dossier d’un usager demeure confidentiel, malgré le décès de celui-ci. [17] Par ailleurs, la demanderesse indique lors de son témoignage qu’elle désire obtenir des renseignements contenus au dossier médical de son époux qui, avant son décès, recevait « du sang nouveau » alors qu’il était patient chez l’organisme. Elle tente de savoir également s’il existe un lien entre la situation dans laquelle se trouve sa petite-fille et celle de son grand-père paternel. Elle affirme que sa petite-fille a subi des tests médicaux et qu’elle en subira d’autres. Cependant, elle dit ignorer si celle-ci a été diagnostiquée par des médecins. [18] Tel qu’indiqué dans la décision Rodrigue précitée, la Commission a notamment statué qu’ : 3 [1996] C.A.I. 33, 37. 4 [1993] C.A.I. 15.
03 18 69 Page : 6 […] Il convient aussi de déterminer que le droit de vérifier l’existence d’une maladie génétique ou à caractère familial ne s’étend pas à l’évolution de cette maladie. Il ne s’étend pas non plus au droit de vérifier les éléments qui confirment la non-existence de telle maladie lorsque telle maladie n’a jamais été diagnostiqué : en d’autres termes, il ne s’agit pas en général de pouvoir vérifier que tout est normal. […] [19] La Commission constate que la demanderesse n’a pas pu démontrer, au sens de l’article 23 de la L.s.s.s.s. que les renseignements médicaux recherchés dans le dossier de son époux décédé lui sont nécessaires à l’exercice de ses droits. Les exceptions, se trouvant à cet article, doivent recevoir une interprétation restrictive, et ce, tel qu'a statué la Commission notamment dans les affaires Hôpital St-Charles-Borromée c. Rumak et al 5 et St-Cyr c. Centre hospitalier Malartic 6 . [20] Le dossier d’un usager, en l’occurrence celui de l’époux de la demanderesse, doit demeurer confidentiel au sens des articles de la L.s.s.s.s. précités. Dans le cas sous étude, la demande vise l’obtention de documents pour faire valoir un droit personnel, à savoir, entre autres, connaître les soins qui ont été prodigués à son époux avant son décès afin de pouvoir « faire son deuil » comme l’a expliqué le fils de celle-ci à l’audience, d’une part. [21] D’autre part, la demanderesse n’a pas pu démontrer qu’elle détient un mandat ou une procuration de la part de sa petite-fille pour agir en son nom. La Commission estime donc qu’il n’y a pas lieu d’émettre des commentaires sur l’article 128 de la Loi sur le Barreau 7 , à son deuxième paragraphe, qui stipule, entre autres, que :. 128 2. Sont du ressort exclusif de l'avocat et non du conseiller en loi les actes suivants exécutés pour le compte d'autrui: a) plaider ou agir devant tout tribunal : […] 5 [1997] C.A.I. 405 (C.Q.). 6 [2000] C.A.I. 22. 7 L.R.Q., chapitre B-1
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