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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 02 19 92 Date : Le 21 septembre 2004 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. HYDRO-QUÉBEC Organisme -et- BRASCAN ÉNERGIE MARKETING INC. -et- GRADE TROIS-PISTOLES INC. -et- SOCIÉTÉ DHYDRO-ÉLECTRICITÉ LA RÉGIONALE INC. -et- HYDRO-FILATURE LTÉE Tierces parties
02 19 92 Page : 2 DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] Le demandeur conteste la décision rendue par Hydro-Québec lui refusant laccès, selon les termes des articles 21, 22, 23, 24 et 27 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »), aux documents suivants : Les contrats et ententes commerciales intervenus entre Hydro-Québec et les soussignés, relativement à la production délectricité de petites centrales privées dans le cadre des quatre dossiers suivants : 1) Grade Trois-Pistoles concernant lachat délectricité provenant dune centrale sur la rivière des Trois-Pistoles, dans la municipalité de Notre-Dame-des-Neiges. 2) Filature de lIsle-Verte concernant lachat délectricité provenant dune centrale prévue sur la rivière Verte dans la municipalité de lIsle-Verte. 3) La Régionale concernant lachat délectricité provenant dune centrale prévue au barrage Des Quinze dans la municipalité dAngliers. 4) Énergie MacLaren concernant lachat délectricité provenant dune centrale prévue au barrage du réservoir du Poisson blanc, sur la rivière du Lièvre dans la municipalité de Notre-Dame-du-Laus. […] [2] Le 17 mai 2004, une audience se tient à Montréal en présence des parties. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 19 92 Page : 3 L'AUDIENCE A) LES QUESTIONS PRÉLIMINAIRES Grade Trois-Pistoles inc. et Hydro-Filature ltée [3] La procureure dHydro-Québec, M e Jocelyne Paquette, annonce que les entreprises Grade Trois-Pistoles inc. et Hydro-Filature ltée ne seront pas présentes à laudience. Demande de remise [4] Le demandeur formule à la Commission daccès à linformation (la « Commission ») une demande de remise. Il soumet navoir trouvé que mercredi dernier un avocat pour le représenter. [5] M e Paquette soppose à la demande de remise, en raison de limportance des frais rattachés à la préparation de laudience et de la présence des témoins dHydro-Québec. [6] Le procureur de la tierce partie, Brascan Énergie Marketing inc. Brascan »), M e Raymond Doray, et le procureur de la tierce partie, Société dhydro-électricité La Régionale inc. (la « Régionale »), M e Michel G. Ménard, sopposent également à la demande de remise. Ils font valoir la présence à laudience de dix personnes disposées à procéder, dont un témoin venant de Toronto et un autre ayant reporté une importante rencontre devant se tenir au New Hampshire. Décision de la Commission [7] Vu la réponse dHydro-Québec, le 25 novembre 2002, soulevant les articles 21, 22, 23, 24 et 27 de la Loi pour refuser laccès aux documents exigés par le demandeur; [8] Vu la demande de révision soumise à la Commission par le demandeur, le 18 décembre 2002, enclenchant le processus de contestation; [9] Vu les motifs communiqués aux parties par le soussigné, le 27 avril 2004, refusant daccéder à la demande de remise soumise par Hydro-Québec; [10] Vu la convocation des parties depuis le 5 mars 2004;
02 19 92 Page : 4 [11] Vu la présence des procureurs et témoins des parties impliquées; [12] Vu les commentaires des parties; [13] Vu la demande de remise soumise que ce matin par le demandeur; [14] Vu que la Commission doit évaluer, de manière pratique et réelle, les droits des parties; [15] Vu que le fardeau de la preuve justifiant ou non la restriction daccès incombe à Hydro-Québec et aux tierces parties; [16] En conséquence, la Commission croit que lintérêt de la justice justifie de refuser la demande de remise. B) LA PREUVE DHydro-Québec M. Christian G. Brosseau [17] M. Christian G. Brosseau, directeur des projets de développement et responsable des relations avec les autochtones et des ententes commerciales sur le marché externe, indique avoir une formation en économie et déjà travaillé pour la firme Price Whiterhouse, de 1991 à 1997, sur le financement corporatif relié aux infrastructures importantes, et, à titre de directeur principal, de 1997 à 1998, pour la Corporation canadienne de financement international. [18] M. Brosseau identifie la série de quatre documents en litige détenus par Hydro-Québec lors de la demande daccès pour chaque tierce partie de la façon suivante : Grade Trois-Pistoles inc. Le document 1.1 : le protocole dentente du 13 octobre 2000; Le document 1.2 : le contrat dachat délectricité. Hydro-Filature ltée Le document 2 : le protocole dentente.
02 19 92 Page : 5 La Régionale Le document 3.1 : le protocole dentente; Le document 3.2 : le contrat dachat délectricité; Le document 3.3 : lentente dexploitation. Brascan Le document 4 : le protocole dentente. [19] M. Brosseau fait valoir que le protocole dentente est un document précédant la conclusion dun contrat, nétant pas approuvé par le conseil dadministration dHydro-Québec. Il sagit dun document démontrant lintérêt dHydro-Québec pour le projet, et ce, aux fins de permettre à une tierce partie de compléter son plan de financement. Il indique quun protocole dentente, selon la complexité du projet, peut prendre plusieurs mois avant dêtre signé. Il répète quil ne sagit pas dun contrat. Il signale quun protocole dentente ne se traduit pas nécessairement par la conclusion dun contrat. [20] M. Brosseau raconte que le contrat est un engagement ferme dHydro-Québec, approuvé par son conseil dadministration. Il explique que la négociation, longue et serrée, selon les critères établis par Hydro-Québec, est différente dun projet à un autre. Il peut sécouler de deux à trois ans avant de finaliser le contrat. [21] M. Brosseau fait valoir quHydro-Québec signe avec des compagnies privées depuis de nombreuses années des contrats visant la production délectricité par de petites centrales. Le Projet de loi 116, au début de lannée 2000, dit-il, a modifié la façon de faire dHydro-Québec. Pour répondre à la déréglementation et à louverture à tous du marché des sources dénergie, le Projet de loi 116 scinde Hydro-Québec et sont alors créées quatre directions distinctes : Production, Distribution, Trans-Énergie et Équipement. La Direction Production à laquelle il appartient est constituée pour répondre à cette compétition, marché, dit-il, qui permet lachat ou la vente à lextérieur de sa production dénergie. Il soutient que ce marché, devenu déréglementé, lamène maintenant à discuter avec les entreprises privées qui produisent de lélectricité, pouvant devenir à la fois ses fournisseurs et ses compétiteurs sur le marché de la distribution. [22] M. Brosseau explique que la Direction Production soblige à fournir à la Direction Distribution un approvisionnement de 165 térawattheures par année.
02 19 92 Page : 6 Dès cette obligation atteinte, la Direction Distribution peut, selon ses besoins tant internes quexternes du Québec, obtenir des soumissions dautres producteurs pour sapprovisionner. Il spécifie que les producteurs dénergie, tels ceux des petites centrales hydroélectriques, éoliennes et de biomasse, sont au nombre des soumissionnaires potentiels. [23] M. Brosseau affirme quil existe présentement près de dix producteurs privés actifs ayant les connaissances et la capacité financière pour répondre aux conditions du marché. Ce nombre restreint, note-t-il, entraîne une circulation rapide de la moindre information pouvant influencer le marché de lénergie. Il ajoute quun même producteur peut signer de cinq à six contrats avec Hydro-Québec. Le même producteur privé peut donc marchander avec Hydro-Québec, depuis 1999, sa production dénergie ou bien la vendre sur le marché externe. [24] M. Brosseau allègue quHydro-Québec évolue dans un marché ou les principaux compétiteurs se trouvent aux États-Unis, au Nouveau-Brunswick et en Ontario. [25] M. Brosseau soutient que les clauses de nature économique et financière se trouvant au contrat conclu entre Hydro-Québec et les producteurs privés sont de nature confidentielle. Telle est particulièrement la situation, précise-t-il, de la clause sur le prix payé par Hydro-Québec au producteur, de celle prévoyant la formule dindexation du prix et de celle sur les frais dintégration. Cette dernière information, souligne-t-il, concerne le partage des coûts du raccordement de la centrale hydroélectrique au réseau de distribution dHydro-Québec. Les renseignements quil considère confidentiels sont identifiés sur chaque document à laide dun marqueur de couleur jaune. Il sagit des chiffres apparaissant, par exemple, aux clauses 2 et 4.1 de tous les documents, aux clauses 8.1 et 10 du document n o 1.2 et aux clauses 8.1 et 12.1 du document n o 3.2. [26] M. Brosseau attire lattention des parties à la clause de confidentialité 7.5 se trouvant au document en litige n o 4 qui prévoit, comme pour chaque contrat, que les parties ne peuvent divulguer le contenu du contrat : 7.5 Aucune divulgation sur le contenu de la présente entente ni aucune annonce publique du projet ne peut être faite sans le consentement de lautre partie. [27] M. Brosseau fait valoir que les contrats en litige font lobjet dune circulation limitée et restreinte chez Hydro-Québec. Il affirme que linformation nest divulguée ni au rapport annuel, ni sur Internet, ni daucune façon par lune ou lautre des parties cocontractantes. Il assure que les informations considérées confidentielles ne sont pas connues par les compétiteurs.
02 19 92 Page : 7 [28] M. Brosseau avance que rendre public le prix payé par Hydro-Québec procurerait immédiatement un avantage indu à un compétiteur du producteur ou aux fournisseurs de ce dernier et, possiblement, occasionnerait une perte pour Hydro-Québec. Il estime quune augmentation de 0,01 $ du kilowattheure multipliée par le volume dénergie acheté actuellement par Hydro-Québec, soit 3,2 à 3,5 kilowattheures, totalise, sur une base annuelle, 37 millions de dollars, pouvant équivaloir à une perte pour Hydro-Québec de près de 500 millions de dollars sur 25 années. Il soutient quHydro-Québec doit payer le plus bas prix possible lénergie, et ce, au bénéfice de son actionnaire unique, le gouvernement du Québec. Le producteur privé veut, quant à lui, dune part, obtenir le prix le plus élevé pour satisfaire les actionnaires et, dautre part, rendre plus attrayantes les actions se négociant à la Bourse. [29] Interrogé par M e Doray, M. Brosseau confirme quHydro-Québec négocie sur une base régulière avec plusieurs entreprises. Il prétend que la connaissance par les producteurs des informations sur les prix payés le kilowattheure entraînerait inévitablement la cessation des négociations ou laugmentation à la hausse des prix. [30] Interrogé par M e Ménard, M. Brosseau indique que certaines clauses au contrat peuvent varier dun producteur à lautre. Un producteur peut avoir de bons motifs à faire valoir pour empêcher la communication de certaines informations. [31] Interrogé par le demandeur, M. Brosseau rappelle quune variation de 0,01 $ du kilowattheure peut entraîner une différence de 37 millions de dollars par année concernant lensemble de la production effectuée par les entreprises privées. Pour les quatre projets sous étude, il mentionne que la différence sétablit approximativement à 2,3 millions de dollars par année. Il affirme que la communication des renseignements en litige provoquerait un impact sur tous les autres dossiers. De son expérience, signale-t-il, lentreprise privée ne négocie jamais ses prix à la baisse, mais plutôt à la hausse. Il soutient quil est de lintérêt dHydro-Québec dacheter de lénergie au meilleur prix et que linformation se rapportant au coût dapprovisionnement en énergie est celle qui demeure la plus sensible. [32] M. Brosseau indique que les quatre dossiers sous étude nont pas été lobjet dun appel doffres, mais plutôt dune négociation au cas par cas. Il établit une distinction entre les dossiers en litige et les appels doffres lancés au mois doctobre 2002. Ces derniers identifiaient 36 sites choisis. Il na été sélectionné que neuf sites et Hydro-Québec na retenu seulement que trois offres sur les sept soumises. Il certifie quil na pas été communiqué dans le processus dappel doffres les mêmes informations que celles étant en litige.
02 19 92 Page : 8 [33] M. Brosseau fait valoir que, pour Hydro-Québec, chaque source dapprovisionnement en énergie est importante. Comme Hydro-Québec achète de lénergie tous les ans, il faut quelle puisse garder les coûts le plus bas possible par la conservation dinformations comme celles étant en litige. [34] M. Brosseau précise que tous les contrats dapprovisionnement avec les tierces parties nétaient pas conclus au moment de la demande daccès du demandeur. [35] Hydro-Québec présente une preuve ex parte selon larticle 20 des Règles de pratique de la Commission 2 : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. M. Paul Jutras [36] M. Paul Jutras, directeur du marketing pour le nord-est du Canada depuis 1997 pour Brascan, relate que lentreprise quil représente fait le commerce de lélectricité et possède trois centrales hydroélectriques au Québec et également dautres en Ontario, en Colombie-Britannique et au New Hampshire. [37] M. Jutras confirme avoir négocié lentente en litige avec Hydro-Québec dune durée prévue de 25 années. Il relève quil en coûte de 300 000 $ à 1 million de dollars avant de conclure un contrat avec Hydro-Québec, selon létat davancement des travaux de recherches. Il affirme que Brascan négocie de façon confidentielle et ne dévoile pas, notamment, les informations touchant la clause sur le prix de vente et celle portant sur lindexation du prix. Il précise que seuls le vice-président et le président de Brascan peuvent connaître les termes des ententes. [38] M. Jutras assure ne pas connaître le prix payé par Hydro-Québec aux autres producteurs, bien quil aimerait connaître cette information pour évaluer les viabilité et rentabilité de son projet et ajuster ses prix en conséquence. Il est davis que le prix peut également donner, entre autres, une indication des besoins en énergie dHydro-Québec. 2 Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information, décret 2058-84.
02 19 92 Page : 9 [39] M. Jutras explique quil existe trois types de contrat dans lindustrie de lénergie : le « Spot market », les transactions à moyen terme et, finalement, les contrats à long terme comme ceux actuellement discutés. Le marché, illustre-t-il, lui permet, par exemple, de produire 1 000 mégawatts, mais den négocier de 3 à 4 000 sur le marché. Il prétend que sil connaissait les renseignements de nature confidentielle comme ceux en litige, dans un marché restreint linformation circule rapidement, cela le placerait dans une situation avantageuse sur ses compétiteurs. Il rapporte que 0,01 $ de plus sur 65 millions de kilowattheures représente une différence de près de 12 millions de dollars. [40] M. Jutras fait valoir quil se négocie dans un marché dachat-vente délectricité trois fois plus de mégawatts quil sen produit depuis le Projet de loi 116. Il évolue donc dans un marché ouvert et déréglementé avec des compétiteurs à New York et en Ontario. [41] M. Jutras soutient que rendre publiques les clauses portant sur le prix payé et dindexation, la quantité délectricité produite et le coût de raccordement à la Direction Distribution pourrait affecter directement la viabilité du projet. Ainsi, les ingénieurs, les entrepreneurs, les constructeurs et les producteurs de turbines avec qui il négocie les services pour construire la centrale pourraient exiger une hausse des honoraires ou des frais sils venaient à connaître les détails de lentente. [42] Interrogé par le demandeur, M. Jutras fait valoir que Brascan, lors de lachat de la compagnie McLaren, bénéficiait dun droit de premier refus pour les projets sur la rivière Le Lièvre. Il affirme que toute information pourrait influencer le prix de vente et les coûts dexploitation dune centrale, même si le contrat est déjà signé. Il prétend que Brascan peut difficilement évaluer les coûts de revient pour Hydro-Québec. Il en est de même pour Hydro-Québec, ne pouvant évaluer les coûts assumés par Brascan. La communication des informations en litige, signale-t-il, enlèverait tout pouvoir de négociation de conclure une transaction au meilleur prix entre les parties. Il avance que si tout est connu davance, Hydro-Québec paierait plus cher. M. Colin C. Coolican [43] M. Colin C. Coolican, président de La Régionale, relate quil ne possède pas encore de centrale hydroélectrique au Québec, mais que celle-ci en détient quatre en Ontario et deux en Colombie-Britannique. Il précise quil fait également lexpérimentation de développer de lénergie avec la biomasse et les éoliennes.
02 19 92 Page : 10 [44] M. Coolican confirme avoir participé à la négociation au sujet du troisième document en litige. Il affirme quil ne connaît pas le prix octroyé par Hydro-Québec aux compétiteurs. Il prétend que les mêmes règles sur le caractère confidentiel des informations en litige sappliquent au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique. La Régionale traite dailleurs confidentiellement les informations en litige en ne divulguant cette information quà trois personnes et, sous pli confidentiel, au représentant de lactionnaire principale, Manuvie. [45] M. Coolican raconte avoir pris de six à huit mois pour présenter à Hydro-Québec le document en litige n o 3.1. Une négociation sen est alors suivie menant à la conclusion du contrat au mois de septembre 2002. Il évalue à plusieurs centaines de milliers de dollars les frais occasionnés pour conclure un contrat de cette nature avec Hydro-Québec. [46] M. Coolican fait valoir que les coûts de construction dune centrale hydro-électrique démontrent le savoir-faire acquis par lentreprise et font lobjet dintenses négociations. Il prétend que la communication des informations en litige influencerait pour lavenir toutes les négociations. Il avance quune laugmentation du prix de 0,01 $ du kilowattheure équivaut à une différence de 1,6 million de dollars par année pour un projet comme le sien de 160 mégawatheures. [47] Interrogé par M e Ménard, M. Coolican signale que la connaissance des prix déboursés par Hydro-Québec le désavantagerait lors de sa négociation avec ses fournisseurs, tels que les professionnels et travailleurs devant construire la centrale hydroélectrique. [48] M. Coolican avance que les clauses 8.2 et 8.3 du document en litige n o 3.2 sont différentes de celles se trouvant dans les autres contrats. Ces clauses sont traitées et considérées comme des informations confidentielles par La Régionale. Il certifie que la communication de ces dernières clauses serait de nature à lui causer préjudice. [49] Interrogé par le demandeur, M. Coolican répète quun marché compétitif entraîne, à son avis, un meilleur prix sur le marché. C) LES ARGUMENTS i) DHydro-Québec [50] M e Paquette est davis que la réponse fournie par Hydro-Québec au demandeur satisfait les exigences de larticle 50 de la Loi. Elle annonce que ses
02 19 92 Page : 11 arguments ne porteront que sur les articles 21 et 22 de la Loi, se désistant de la restriction de larticle 27 : 21. Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de révéler un emprunt, un projet d'emprunt, une transaction ou un projet de transaction relatifs à des biens, des services ou des travaux, un projet de tarification, un projet d'imposition d'une taxe ou d'une redevance ou de modification d'une taxe ou d'une redevance, lorsque, vraisemblablement, une telle divulgation: 1 o procurerait un avantage indu à une personne ou lui causerait un préjudice sérieux; ou 2 o porterait sérieusement atteinte aux intérêts économiques de l'organisme public ou de la collectivité à l'égard de laquelle il est compétent. 22. Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient. Il peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique lui appartenant et dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à l'organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne. Un organisme public constitué à des fins industrielles, commerciales ou de gestion financière peut aussi refuser de communiquer un tel renseignement lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement de nuire de façon substantielle à sa compétitivité. [51] M e Paquette fait valoir que la vocation commerciale dHydro-Québec, notamment selon les articles 22 et 29 de sa loi constitutive 3 , a déjà été reconnue par la Commission 4 : 22. La Société a pour objets de fournir de l'énergie et d'oeuvrer dans le domaine de la recherche et de la promotion relatives à l'énergie, de la transformation et de l'économie de l'énergie, de même que dans tout domaine connexe ou relié à l'énergie. 3 L.R.Q., c. H-5. 4 Croft c. Hydro-Québec, [1984-86] 1 C.A.I. 415; Roslin c. Hydro-Québec, [2000] C.A.I. 30.
02 19 92 Page : 12 La Société doit notamment assurer l'approvisionnement en électricité patrimoniale tel qu'établi par la Loi sur la Régie de l'énergie (chapitre R-6.01). Le gouvernement fixe les caractéristiques de l'approvisionnement des marchés québécois en électricité patrimoniale pour un volume de 165 térawattheures. Cet approvisionnement doit inclure tous les services nécessaires et généralement reconnus pour en assurer la sécurité et la fiabilité. 29. La Société peut produire, acquérir, vendre, transporter et distribuer de l'énergie. La Société peut, à cette fin, construire, acheter ou louer tous immeubles, constructions ou appareils requis. La Société peut disposer de tout sous-produit provenant de ses opérations et le transformer; elle peut fabriquer tous appareils nécessaires pour ses fins ou pour l'utilisation d'énergie par elle-même ou par d'autres personnes et faire le commerce de tels appareils. La Société peut acquérir ou louer tous immeubles requis pour y établir des usines, des bureaux, magasins ou entrepôts et elle peut louer, dans ses immeubles, l'espace qui n'est pas requis pour ses propres fins. La Société peut acquérir, par transfert ou permis, des brevets d'invention et elle peut en disposer. La Société peut, pour ses fins, acquérir, louer, céder, aliéner ou grever tout bien meuble. Toutefois la construction d'immeubles destinés à la production d'électricité par la Société doit être préalablement autorisée par le gouvernement dans les cas et aux conditions qu'il détermine. La Société peut céder par emphytéose tout immeuble lorsque la poursuite de ses opérations le requiert ou aliéner tout immeuble dont elle n'a plus besoin pour la poursuite de ses opérations. La Société peut, elle-même ou par l'entremise d'une filiale constituée en vertu de la Loi sur les compagnies (chapitre C-38), seule ou en association avec d'autres personnes, agir comme conseiller dans les domaines de la production, du transport et de la distribution de l'énergie et fournir des services reliés à son savoir-faire et à l'expérience qu'elle a acquise dans ces domaines, lorsqu'il s'agit de travaux ou services destinés à être effectués ou utilisés hors du Québec.
02 19 92 Page : 13 [52] M e Paquette plaide quHydro-Québec a des concurrents du secteur privé lui permettant de se prévaloir des articles 21 et 22 de la Loi 5 . [53] M e Paquette signale que très peu dinformations sont maintenant refusées au demandeur, Hydro-Québec acceptant de donner presque tout le contenu des documents en litige, à lexception des renseignements précisant le prix payé, le taux dindexation et les frais dintégration au réseau. Ces derniers renseignements, au cœur de la transaction et traités confidentiellement par toutes les parties, constituent des informations de nature stratégique. La communication de celles-ci causerait à Hydro-Québec ainsi quaux cocontractants un préjudice de nature économique, particulièrement au moment de la négociation dautres contrats 6 . [54] M e Paquette soutient quHydro-Québec, après avoir exercé sa discrétion de ne pas communiquer les renseignements en litige et satisfait les exigences de la preuve des articles 21 et 22 de la Loi, était justifiée den refuser laccès au demandeur. ii) De Brascan [55] M e Doray soumet que Brascan est directement concernée par lactuel litige, ayant négocié le contrat avec Hydro-Québec. Toutefois, dans le cadre de la présente, il renonce aux restrictions des articles 23 et 24 de la Loi. [56] M e Doray souligne que Brascan navait pas encore signé le document final lors de la demande daccès. Malgré ce dernier fait, il prétend que la communication des informations en litige lui aurait causé préjudice, au sens de larticle 21 de la Loi, et mis Brascan dans lembarras. [57] M e Doray soumet que la preuve non contredite a démontré le préjudice que pourraient subir les parties par la communication des renseignements en litige : les fournisseurs de biens et services de Brascan se serviraient de linformation pour négocier de nouveaux tarifs et les compétiteurs détiendraient par la même occasion des informations désavantageant Brascan. 5 Beaudin c. Université McGill, [1988] C.A.I. 247; La Presse c. Société du Palais des congrès, [1993] C.A.I. 110. 6 Dufour c. Société des alcools du Québec, [1987] C.A.I. 91; Commission scolaire de Montréal c. Pensionnat du Saint-Nom-de-Marie, C.A.I. Montréal, n o 00 18 42, 13 juillet 2001, c. Laporte.
02 19 92 Page : 14 iii) De la Régionale [58] M e Ménard soumet que les mêmes arguments soumis par M e Paquette sappliquent aux clauses 8.2 et 8.3 du document en litige n o 3.2. Il exige que ces clauses, vu la preuve, bénéficient de la même restriction que les autres informations en litige. iv) Du demandeur [59] Le demandeur soumet quHydro-Québec aurait respecter larticle 50 de la Loi et inscrire de manière plus détaillée les motifs justifiant son refus daccès aux documents demandés : 50. Le responsable doit motiver tout refus de donner communication d'un renseignement et indiquer la disposition de la loi sur laquelle ce refus s'appuie. [60] Le demandeur soumet que les renseignements en litige tirés dun contrat négocié entre les parties ne sont pas visés par les articles 23 et 24 de la Loi, nétant pas considérés comme fournis par un tiers au sens de ces articles 7 : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. [61] Le demandeur est davis quil na été démontré aucun préjudice sérieux ou avantage indu. Il faut évaluer, soumet-il, les conséquences réelles de la communication des renseignements en litige, les quatre projets sous étude nétant quune infime partie de ce que détient Hydro-Québec à titre de potentiel hydroélectrique. Il ajoute quil ne peut y avoir de préjudice dans un marché de lénergie déjà connu, ayant des limites tarifaires pour lesquelles Hydro-Québec 7 Bourque c. Ville de Sainte-Foy, [1998] C.A.I. 254; Hydro-Pontiac inc. c. Saint-Ferréol-les-Neiges (Municipalité de), [1997] C.A.I. 53.
02 19 92 Page : 15 détient tous les pouvoirs daccepter ou de refuser un projet. Il voit donc difficilement, dans les circonstances, limpact négatif que pourrait avoir la communication des renseignements en litige. [62] Le demandeur avance que le contexte environnemental, les négociations avec les communautés locales, la Loi dHydro-Québec avec sa constituante politique et les interventions de la Régie de lénergie sont autant de facteurs qui militent et favorisent la transparence de la conduite dHydro-Québec lors de loctroi de contrats à des entreprises privées pour exploiter de petites centrales. Il devient alors difficile de soutenir au caractère confidentiel des renseignements en litige. [63] Le demandeur avance également quHydro-Québec aurait même avantage, pour faire baisser les prix, à dévoiler publiquement les prix payés aux contrats en litige. [64] Le procureur du demandeur, M e Pierre-Louis Trudeau, écrit à la Commission, dans une lettre datée du 20 mai 2004, ce qui suit : Je représente M. Alain SALAZIUS aux dossiers en titre. Puisque je ne pouvais participer à laudition du 17 mai dernier (dossier 02-19-92) en raison dun conflit dagenda, M. SALADZIUS sest représenté seul et devait procéder malgré une demande de remise. Vous avez entendu les remarques préliminaires de M. SALAZIUS sur linsuffisance de lavis de refus dHydro-Québec en regard des dispositions claires de larticle 50 de la loi. Je comprends que vous avez pris en délibéré les arguments des parties sur la question. Veuillez trouver ci-joint le texte intégral de la décision rendue dans laffaire soumise au soutien de la position de M. SALADZIUS, qui vous en a déjà fait part. Nous réitérons que les avis de refus en linstance ne sont pas motivés, sauf par références imprécises et générales au texte de la loi : Hydro-Pontiac Inc. et Municipalité de St-Féréol-des-Neiges & al, (1997) C.A.I. 53. Par ailleurs nous soulèverons les mêmes arguments sur lautre dossier lors de laudition du 31 mai et je vous confirme que jai mandat dy représenter M. SALADZIUS. Je joins copie de ma comparution, pour valoir si nécessaire.
02 19 92 Page : 16 Sur le mérite, les motifs de la décision rendue dans laffaire HYDRO-PONTIAC, sur la demande dun concurrent du partenaire dHydro-Québec, sapplique a fortiori en la présente instance la demande dinformation nest pas faite par une partie financièrement intéressée à la divulgation. Enfin, puisque vous êtes saisi dune demande de révision soulevant des questions de droit et de faits semblables (02-19-91), nous suggérons que les deux décisions soient rendues après audition de cette dernière affaire. (sic) DÉCISION [65] Dentrée de jeu, la Commission retient que la personne responsable de laccès chez Hydro-Québec a répondu au demandeur en lui refusant la communication des documents demandés en vertu des articles 21, 22, 23, 24 et 27 de la Loi. Toutefois, rien nempêche Hydro-Québec dabandonner à laudience certains motifs de refus ou de compléter les éléments venant appuyer les restrictions déjà invoquées. Il va de soi quHydro-Québec na pas contrevenu à larticle 50 de la Loi, mais quune réponse plus adéquate et complète de sa part aurait pu déclencher une réaction différente, selon les dires mêmes du demandeur, si les documents et motifs de restrictions pour chacun avaient été mieux identifiés et cernés. [66] Jai examiné attentivement les protocoles dentente et contrats dachat délectricité étant en litige. Ces documents énumèrent les diverses conditions et modalités convenues entre les parties et sont libellés de telle façon que les clauses contractuelles qui sy trouvent sont essentiellement similaires dun document à lautre. Dans les faits, chaque tierce partie possède et détient, en substance, le même niveau dinformation. Seuls les lieux, la période de référence et la quantité délectricité produite et disponible diffèrent dun projet à lautre. Je vois difficilement, vu la preuve, de restrictions sappliquant à ces documents détenus par Hydro-Québec, organisme public, et à leur communication. Documents qui sont, faut-il le noter, connus, négociés, signés et entre les mains de toutes les parties. Il importe de rappeler que lintroduction dune clause de confidentialité dans un contrat ne saurait faire échec aux principes daccès et de prépondérance inscrits aux articles 9 et 168 8 de la Loi : 8 Goodfellow inc. c. Ministère de lEnvironnement, [1990] C.A.I. 163; Syndicat des techniciennes et techniciens dHydro-Québec c. Hydro Québec, [1992] C.A.I. 212; Voyer c. Ville de Montréal, [1989] C.A.I. 81.
02 19 92 Page : 17 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. [67] Le seul objet du litige consiste donc à décider si les renseignements ci-après décrits, masqués par Hydro-Québec, bénéficient de la restriction prévue aux articles 21 et 22 de la Loi : Les chiffres apparaissant à la clause intitulée « Prix de lélectricité produite à la centrale » ou « Prix de lénergie livrée » et les renseignements permettant didentifier qui assumera les frais dintégration à la clause intitulée « Frais dintégration » ou « Frais dintégration et dexploitation », aux documents en litige suivants : 1.1 : le protocole dentente du 13 octobre 2000; 1.2 : le contrat dachat délectricité du 7 novembre 2001; 2.0 : le protocole dentente du 19 décembre 2001; 3.1 : le protocole dentente du 25 juillet 2001; 3.2 : le contrat dachat délectricité du 4 septembre 2002; 4.0 : le protocole dentente du 20 septembre 2002. [68] Il est reconnu que le législateur a introduit les articles 21 et 22 de la Loi, sous la sous-section titrée « Renseignements ayant des incidences sur léconomie », pour protéger les renseignements dont la divulgation entraînerait vraisemblablement des préjudices ou des entraves à laction dorganismes publics évoluant dans un contexte économique compétitif et plus ouvert. En résumé, le secteur privé nétant pas soumis aux mêmes obligations et contraintes quun organisme public, il sagit de créer un équilibre entre le principe de la transparence des actions de ladministration publique et les forces économiques du marché. [69] La preuve non contredite a démontré quHydro-Québec évolue dans un contexte différent depuis le Projet de loi 116, lequel est maintenant déréglementé. Elle peut acheter et vendre de lélectricité sur une base daffaires comme le font tous les producteurs.
02 19 92 Page : 18 [70] MM. Brosseau, Jutras et Coolican ont fait valoir limpact économique pour chaque partie dune variation de coût de 0,01 $ du kilowattheure. Ils ont déclaré que les renseignements en litige font lobjet dun traitement confidentiel et ne sont connus que par les parties directement concernées, sans être communiqués aux autres producteurs ou tierces parties. Ils ont également certifié que la communication de ces informations les désavantagerait dans lobtention du meilleur prix comme celui de la négociation avec des fournisseurs de biens et services. [71] La preuve ma convaincu quil existe un risque vraisemblable, sans nécessairement être inéluctable, que la communication des renseignements en litige produise leffet prévu au 2 e paragraphe de larticle 21 de la Loi. La vocation commerciale dHydro-Québec énoncée par sa loi constitutive lui permet de conclure des transactions par le biais de protocoles dentente et de contrats dachat délectricité. La preuve a su démontrer que la communication des renseignements sous étude porterait sérieusement atteinte aux intérêts économiques dHydro-Québec et de la collectivité québécoise en général qui en est propriétaire. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [72] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur; [73] ORDONNE à Hydro-Québec de communiquer au demandeur les documents en litige, à lexception des renseignements suivants devant y être masqués : Document 1.1 Les chiffres des 2 e et 3 e lignes de la clause 2 fixant le prix de lélectricité; Les lignes 4 à 10 de la clause 4.1 inclusivement identifiant le nom de lorganisation devant payer les frais dintégration. Document 1.2 Les chiffres des 1 re et 3 e lignes de la clause 8.1 fixant le prix de lélectricité; La 2 e ligne de la clause 10 identifiant le nom de lorganisation devant payer les frais dintégration.
02 19 92 Page : 19 Document 2.0 Les chiffres des 2 e et 3 e lignes de la clause 2 fixant le prix de lélectricité; Les lignes 4 à 10 de la clause 4.1 inclusivement identifiant le nom de lorganisation devant payer les frais dintégration. Document 3.1 Les chiffres des 2 e , 3 e et dernière lignes de la clause 2 fixant le prix de lélectricité; Les lignes 4 à 10 de la clause 4.1 inclusivement identifiant le nom de lorganisation devant payer les frais dintégration. Document 3.2 Les chiffres des 1 re , 3 e et dernière lignes de la clause 8.1 fixant le prix de lénergie livrée. Document 4.0 Les chiffres des 2 e , 3 e et 7 e lignes de la clause 2 fixant le prix de lélectricité produite à la centrale; La première phrase et les lignes 6 à 11 de la clause 4 inclusivement identifiant le nom de lorganisation devant payer les frais dintégration. [74] REJETTE, quant au reste, la demande de révision. MICHEL LAPORTE Commissaire
02 19 92 Page : 20 M e Pierre-Louis Trudeau Procureur du demandeur Marchand, Lemieux (M e Jocelyne Paquette) Procureurs de lorganisme Lavery, de Billy (M e Raymond Doray) Procureurs de la tierce partie, Brascan Énergie Marketing inc. Lapointe Rosenstein (M e Michel G. Ménard) Procureurs de la tierce partie, Société dHydro-Électricité La Régionale inc.
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