Commission d’accès à l’information Du Québec Dossier : 03 13 14 Date : 20040819 Commissaire : M e Christiane Constant Syndicat des pompiers du Québec (Section locale Boisbriand) Partie demanderesse c. Ville de Boisbriand Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 3 juin 2003, la partie demanderesse s’adresse comme suit l’organisme : […] Je désire avoir les bandes téléphoniques et les bandes des communications radio du service des incendies, entre 5h45 et 6h45 vendredi le 30 mai 2003 concernant un accident sur l’autoroute 15. […] [2] Le 18 juin, l’organisme, par l’entremise de M. Louis Gratton, lui refuse l’accès invoquant à cet effet les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l’accès ») d’une part. Il ajoute, d’autre part, qu’il ne peut 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 13 14 Page : 2 confirmer l’existence du renseignement eu égard aux « communications radio », citant sur ce point le sixième alinéa de l’article 28 de ladite loi. [3] Insatisfaite de cette réponse, la partie demanderesse sollicite, le même jour, l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour réviser cette décision. L'AUDITION [4] L'audition de la présente cause, qui a été reportée une fois sur réquisition de l’avocat de la partie demanderesse, se tient à Montréal, le 16 août 2004, en présence des témoins respectifs des parties. [5] La partie demanderesse est représentée par M e Serge Abud, tandis que l’organisme est représenté par M e Lise Boily-Monfette, du cabinet d’avocats Deveau, Lavoie, Bourgeois, Lalande & Associés. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME [6] M e Monfette fait témoigner M. Louis Gratton qui affirme solennellement être le directeur adjoint au Service de police et responsable de l’accès aux documents depuis 1989. Il a pris connaissance de la demande visant l’obtention des bandes téléphoniques et celles des communications radio enregistrées par le service des incendies durant la période indiquée. [7] Il précise que tous les appels d’urgence faits par les citoyens relatifs notamment aux incendies sont reçus à la « centrale du 9-1-1 ». Ces appels sont enregistrés et sont confidentiels au sens des articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès, car ils contiennent des informations tels les noms des appelants, les adresses de ceux-ci, les renseignements qu’ils fournissent à la personne qui les reçoit, etc.; l’organisme ne donne pas accès à cette catégorie d’informations, et ce, afin de « préserver la confidentialité de la personne qui appelle »; celle-ci ne voudrait pas être identifiée par un autre citoyen. Il ajoute qu’une personne peut, par exemple, reconnaître la voix de celle qui fait appel à ce service, elle peut aussi reconnaître, par exemple, la voix d’un policier. Selon M. Gratton, les restrictions législatives prévues au sixième alinéa de l’article 28 de ladite loi devraient également s’appliquer dans cette cause. De plus, il indique que l’organisme ne fait pas de
03 13 14 Page : 3 distinction entre un appel relatif à une infraction à une loi ou celui relié à un incendie. [8] Il dépose, sous le sceau de la confidentialité, un exemplaire d’une cassette qu’il indique avoir lui-même copiée, laquelle cassette contient tous les appels reçus par la « centrale du 9-1-1 » pour la période visée dans la demande. [9] En contre-interrogatoire, M. Gratton déclare que la totalité des informations se trouvant dans la cassette qu’il a produite à l’audience sont confidentielles. B) DE LA PARTIE DEMANDERESSE [10] M e Abud fait témoigner M. Jonathan Hachey, témoin de la partie demanderesse. Il déclare sous serment qu’il est pompier, membre du syndicat. Il précise qu’un incendie est survenu sur le territoire de l’organisme et les pompiers travaillant pour celui-ci n’ont pas été appelés immédiatement sur les lieux, tandis que la centrale du 9-1-1 de la Ville Sainte-Thérèse a reçu un appel relatif à cet accident. Celle-ci a, par la suite, transmis à l’organisme ledit appel; il estime que plusieurs minutes se sont écoulées entre ces deux appels, excédant ainsi la norme établie pour que le service des incendies puisse répondre à ce type d’événement dans un délai très court. Il prétend vouloir connaître ce qui s’est passé entre ces deux organismes eu égard à cette situation. [11] En contre-interrogatoire, M. Hachey déclare qu’il est également journaliste, il n’est pas membre de l’exécutif du syndicat et il ne se trouvait pas sur les lieux de l’accident. Il dit cependant connaître le contenu de tous les appels qui ont été reçus à la « centrale du 9-1-1 » de l’organisme parce qu’il s’est servi « d’un balayeur d’ondes » installé à son domicile. À son avis, ce balayeur d’ondes est un « receveur qui peut capter les faits divers, j’entends toutes les conversations » de la centrale, mais il ne peut pas se servir de ce balayeur d’ondes pour transmettre des informations. Il ajoute qu’il cherche à obtenir « un document officiel » de la Commission qui lui permettrait d’avoir accès aux renseignements visés dans la demande. [12] De plus, M. Hachey précise que, sur demande, la Ville de Sainte-Thérèse lui a donné accès aux appels qu’elle aurait reçus pour ce même événement; il ne comprend pas pourquoi le présent organisme lui en refuse l’accès. Il souligne toutefois que le syndicat ou lui-même serait prêts à obtenir une copie élaguée desdits renseignements.
03 13 14 Page : 4 Intervention de la Commission [13] Considérant la teneur du témoignage de M. Hachey, la Commission vérifie auprès de celui-ci afin de savoir si la présente demande est formulée par lui-même ou par la partie demanderesse; il répond que la demande est formulée par cette dernière qui est représentée par son avocat présent à l’audience. LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [14] M e Boily-Monfette réfère la Commission au témoignage de M. Gratton selon lequel tous les appels d’urgence reçus par la « centrale du 9-1-1 » sont des renseignements confidentiels qui ne peuvent pas être communiqués à des tiers, et ce, en respect de l’application des articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès et conformément au résumé de la cause X c. Service de police de la Ville de Montréal 2 , lorsqu’elle indique notamment que : […] La Commission a toujours considéré comme confidentielle la nature des documents policiers tirant leur origine des appels de type « 9-1-1. » Le document en cause ici tombe dans cette catégorie. La Commission ajoute que la nature même du système de traitement des communications urgentes de type « 9-1-1 » repose sur la confidentialité garantie à ceux qui font appel au système. » […] [15] L’avocate rappelle de plus une partie du témoignage de M. Gratton, lorsque celui-ci précise qu’une personne peut reconnaître la voix d’un citoyen ayant communiqué avec la centrale 9-1-1, tel qu’en a décidé la Commission notamment dans les décisions Thadal et un autre c. Communauté urbaine de Montréal 3 et Pilon c. Communauté urbaine de Montréal 4 . Par ailleurs, lesdits renseignements constituent une source confidentielle d’informations au sens de la décision Winters c. Communauté urbaine de Montréal 5 . B) DE LA PARTIE DEMANDERESSE 2 C.A.I. Montréal, n o 02 05 78, 21 mai 2003, c. Stoddart. 3 [2002] C.A.I. 12. 4 C.A.I. Montréal, n o 00 07 16, 1 er octobre 2001, c. Constant. 5 [1987] C.A.I. 370.
03 13 14 Page : 5 [16] M e Abud plaide que la demande est précise : la partie demanderesse cherche à obtenir les renseignements relatifs à un accident survenu, le 30 mai 2003, sur l’Autoroute 15, entre 5h45 et 6h45 et non tous ceux qui ont été colligés par la centrale du 9-1-1. L’avocat plaide que la partie demanderesse voudrait reconstituer fidèlement ce qui s’est passé entre la Ville de Sainte-Thérèse et l’organisme. [17] Subsidiairement, l’avocat rappelle le témoignage de M. Hachey selon lequel celui-ci se contenterait d’une copie élaguée de la cassette, car il ne requiert pas l’obtention des renseignements nominatifs qui s’y trouvent et que l’organisme a déposée confidentiellement à l’audience. LA DÉCISION LES ARTICLES PERTINENTS À LA PRÉSENTE CAUSE [18] articles 1, 9, 28 (6), 53, 54 et 168 de la Loi sur l’accès 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 9. Toute personne qui en fait la demande à droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; […]
03 13 14 Page : 6 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraire, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. [19] La partie demanderesse s’est adressée à l’organisme afin de pouvoir obtenir les conversations téléphoniques ou radiophoniques colligées par la centrale du 9-1-1 pour la période décrite dans sa demande. L’organisme a produit confidentiellement à l’audience une cassette contenant les renseignements recherchés. Cette cassette est un document détenu par l’organisme dans l’exercice de ses fonctions au sens de l’article 1 de la Loi sur l’accès (Marois c. Ministère de la santé et des services sociaux 6 ). La partie demanderesse a de plus exercé un droit fondamental que lui reconnaît la Loi sur l’accès à ses articles 9 et 168 précités, et ce, sans égard de l’intérêt qu’elle puisse avoir pour obtenir ledit document (Noël c. C.U.M. 1986 7 ). [20] Les auteurs Duplessis 8 soulignent notamment que : […] La Commission reconnaît que l’accessibilité à un document ne s’évalue pas en fonction des intérêts 6 [2003] C.A.I. 211. 7 [1986] C.A.I. 401. 8 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L’accès à l’information et la protection des renseignements personnels, Loi indexée, commentée et annotée, volume 2, publications CCH ltée, 2003, p. 26 301.
03 13 14 Page : 7 particuliers d’une personne déterminée ni selon l’usage qu’elle en fera. En effet, considérant l’article 9 de la Loi sur l’accès, suivant lequel toute personne a droit d’accès aux documents d’un organisme public sans égard à son intérêt, il est clair que ce droit est le même pour tous. […] [21] Par ailleurs, pour voir à l’application 28, à son sixième paragraphe, l’organisme doit d’abord démontrer que le document en litige (la cassette) contient des renseignements qui ont été obtenus par une personne « chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois » au sens du premier alinéa de cet article. La Commission considère que cette preuve n’a pas été établie par l’organisme. D’ailleurs, M. Gratton, témoin de celui-ci a, entre autres, indiqué que tous les appels d'urgence sont reçus par la « centrale du 9-1-1 »; l’organisme ne fait pas de distinction entre un appel relié à une infraction à une loi et celui relié à un incendie, d’une part. Le témoignage de M. Hachey, pour la partie demanderesse a plutôt démontré que les renseignements convoités sont reliés à un accident de la circulation survenu sur l’Autoroute 15. Conséquemment, le motif de refus selon le sixième paragraphe de l’article 28 invoqué par l’organisme ne peut être retenu par la Commission, tel qu’il appert de la décision Ouellet c. Ministère de l’Environnement et de la faune 9 . [22] Toutefois, l’examen de la preuve a démontré que les renseignements visés par la présente demande, par exemple l’identité d’un individu, la voix d’un citoyen, etc. sont des renseignements nominatifs qui doivent demeurer confidentiels au sens des articles 53 et 54 de la Loi précités. Dans l’affaire Thadal précitée, il a été établi devant la Commission, entre autres, que « le son de la voix du téléphone pourrait permettre l’identification de la personne ». [23] De plus, dans la décision X c. Service de police de la Ville de Montréal précitée, il est notamment indiqué que : […] the Commission notes that the very nature of 911 emergency call system is predicated on the confidentiality granted to third party callers. The Commission cannot authorize the release of documents in contravention of these principles. […] 9 [1994] C.A.I. 300.
03 13 14 Page : 8 [24] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du syndicat des pompiers du Québec (Section locale Boisbriand) contre la Ville de Boisbriand; FERME le présent dossier portant le n o 03 13 14. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 19 août 2004 M e Lise Boily-Monfette DEVEAU, LAVOIE, BOURGEOIS, LALANDE ET ASSOCIÉS Procureurs de l’organisme M e Serge Abud Procureur de la partie demanderesse
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