Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 07 72 Date : 30 juillet 2004 Commissaire : M e Hélène Grenier BAPTISTE RICARD-CHÂTELAIN Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le demandeur sest adressé à lorganisme le 2 avril 2003 pour obtenir « copie des « briefing books » remis au ministre de la Santé et des Services sociaux. ». [2] Le 17 avril 2003, le responsable de laccès aux documents de lorganisme donne suite à cette demande. Il réfère dabord à la précision apportée par le demandeur le 9 avril précédent indiquant que les documents visés par sa demande daccès sont les « briefing books » remis au ministre de la Santé et des Services sociaux, M François Legault et préparés à compter du 1 er décembre 2001. Le responsable lui fait par la suite part de son refus de lui communiquer les documents demandés, à savoir « Le ministère de la Santé et
03 07 72 Page : 2 des Services sociaux et son réseau- Cahier dinformations générales », « Données techniques » et « États de situations ». Le responsable appuie son refus sur les articles 34, 37, 38, 39 et 14 de la Loi sur laccès 1 . [3] Insatisfait, le demandeur soumet une demande de révision le 6 mai 2003. PREUVE i) de lorganisme [4] Lavocat de lorganisme fait entendre M. André Jean qui témoigne sous serment à titre dadjoint du sous-ministre de lorganisme. Témoignage de M. André Jean : [5] Les « briefing books » sont des documents datés, préparés lors de lentrée en fonction dun nouveau ministre de lorganisme ou de nouveaux ministres du secteur de la santé et des services sociaux; ces documents sont destinés à cette transition ministérielle ainsi quà la prise de possession des dossiers par le ou les nouveaux ministres. Il ny a pas de « briefing book » lorsquil ny a pas de nouveau ministre dans le secteur de la santé et des services sociaux. [6] M. Jean a, lors de son entrée en fonction en 1999, uniformisé et synthétisé tous les documents qui étaient remis aux nouveaux ministres. Les « briefing books » sont donc préparés selon des matrices qui ont été établies par M. Jean et dont le cadre est le même pour chacune des directions générales qui y présente son mandat ainsi que son organigramme et qui y résume chacun de ses dossiers chauds. Les documents en litige sont généralement un cahier dinformations générales auquel sont annexés un cahier de données techniques et un cahier détat de situations. [7] Les « briefing books » nont de sens que pour les nouveaux ministres qui en sont dailleurs les seuls destinataires. Ces documents comprennent des synthèses, des propositions, des suggestions et des recommandations soumises au nouveau ministre. [8] Copie des « briefing books » est fournie aux membres du cabinet du ministre ainsi quà léquipe des sous-ministres parce que les sous-ministres sont 1 L.R.Q., c. A-2.1
03 07 72 Page : 3 chargés de présenter leur direction générale ainsi que les dossiers dont ils sont responsables; cette présentation par les sous-ministres est effectuée en présence du nouveau ministre et du personnel de son cabinet et elle dure plus dune semaine. [9] Les « briefing books » présentés aux nouveaux ministres du secteur de la santé sont préparés aux mêmes fins et traités de la même manière. ARGUMENTATION i) de lorganisme [10] La preuve démontre que les « briefing books » en litige sont rattachés au cabinet du ministre de lorganisme et quils ne sont pas diffusés dans lorganisme. [11] La remise dune copie de ces documents aux sous-ministres aux fins de la présentation de la direction générale et des dossiers dont ils sont responsables ne constitue pas une renonciation du ministre à lexercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère larticle 34 de la Loi sur laccès. Il est normal que les proches collaborateurs que sont les sous-ministres aient une copie de ces documents afin davoir des échanges significatifs avec le nouveau ministre. [12] Larticle 34 de la Loi sur laccès sapplique aux « briefing books »; il permet à ceux qui les préparent de les rédiger dune certaine manière pour donner lheure juste à un ministre et il protège la liberté des échanges avec le ministre. [13] Larticle 37 de la Loi sur laccès sapplique subsidiairement pour habiliter lorganisme à refuser de communiquer les sections « Interventions ministérielles ou gouvernementales suggérées » qui se retrouvent dans le cahier détats de situation en litige. ii) du demandeur [14] La preuve établit que M. André Jean est un adjoint du cabinet du sous-ministre de lorganisme; M. Jean nest pas visé par larticle 34 de la Loi sur laccès puisquil ne fait pas partie du personnel du cabinet du ministre.
03 07 72 Page : 4 [15] Les documents détenus par un ministre en qualité de chef exécutif 2 de lorganisme sont distincts de ceux quil détient à titre délu. Les documents fournis au ministre pour laider à remplir ses obligations de chef exécutif font partie de ladministration de lorganisme; larticle 34 ne sapplique pas à ces documents. La preuve démontre à cet égard que les « briefing books » sont préparés pour permettre la transition dun ministre à lautre et quils concernent lexercice des responsabilités, fonctions et devoirs du chef exécutif de lorganisme tels quils sont prévus par la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux 3 . [16] Aucune preuve ne démontre que lex-ministre François Legault a refusé la divulgation des « briefing books » en litige. [17] Les renseignements qui sont compris dans les « briefing books » et qui ne sont pas des avis ou des recommandations visés par larticle 37 de la Loi sur laccès doivent être communiqués au demandeur. [18] Le demandeur accepte que les renseignements nominatifs soient masqués. iii) réplique de lorganisme [19] Les documents du cabinet nont pas à être nécessairement préparés par le cabinet pour être considérés comme tels et visés par larticle 34 de la Loi sur laccès. Par exemple, un membre du personnel de lorganisme peut être appelé à préparer un projet de lettre pour le ministre; dès quun document est préparé pour un ministre, il est visé par larticle 34. [20] La Cour suprême du Canada a décidé que le libellé de larticle 34 ne fait pas de distinction entre les documents purement administratifs et les autres liés au processus décisionnel 4 ; il ny a donc pas lieu détablir de distinction entre les fonctions dun ministre pour appliquer larticle 34 de la Loi sur laccès. Ainsi, lorsquun document est rattaché au cabinet du ministre et quil nest pas diffusé, il est visé par larticle 34. Les principes exprimés par la Cour suprême dans cette décision sappliquent aux 2 alinéas de larticle 34. [21] Labsence de preuve sur le refus de lancien ministre Legault de communiquer les documents en litige est sans effet. Dès que les documents sont rattachés au cabinet ministériel, ils ne sont pas accessibles à moins que le 2 Marois c. Ministère de la Santé et des Services sociaux [2003] CAI 211. 3 L.R.Q.,c. M-19.2 4 Macdonell c. Procureur général du Québec [2002] CSC 71.
03 07 72 Page : 5 ministre en fonction ne le juge opportun. Il importe peu que le ministre soit encore en fonction ou non; cest le nouveau ministre qui est titulaire du pouvoir discrétionnaire prévu par larticle 34 de la Loi sur laccès. [22] Un document qui émane dun organisme public et qui est adressé à un ministre nest pas un document qui est nécessairement produit pour le cabinet et qui sy rattache. Le document du cabinet est celui qui émane du cabinet ou qui est préparé pour lui ou pour le ministre. iv) supplique du demandeur [23] Les documents du cabinet ministériel sont ceux de lélu, non pas ceux du chef administratif de lorganisme. [24] Larrêt Mcdonell c. Procureur général du Québec ne porte que sur le 1 er alinéa de larticle 34, ce qui nest pas le cas ici. [25] La demande daccès date du 2 avril 2003; le ministre actuel nétait pas en poste. Le responsable aurait pu demander au prédécesseur de M. Philippe Couillard sil consentait à la divulgation des documents en litige. DÉCISION [26] Jai pris connaissance des « briefing books » qui mont été remis par lavocat de lorganisme comme étant ceux visés par la demande daccès précisée. Il sagit, comme le démontre la preuve : Dun « Cahier dinformations générales » exclusivement préparé pour le nouveau ministre à loccasion de son entrée en fonction. Ce cahier porte une seule date, celle de janvier 2002. Il informe de façon pratique le nouveau ministre sur lorganisme quil dirige désormais; il procure notamment des références de base au nouveau ministre pour faciliter son immersion et le rendre rapidement fonctionnel à ce titre. Dun « Cahier de données techniques »; ce cahier porte la même date que le cahier dinformations générales auquel il est annexé pour être présenté au ministre et pour compléter linformation utile, à jour et organisée qui lui est donnée; le caractère plus technique de ce cahier fait davantage ressortir laspect « outil de travail » préparé pour le cabinet ministériel.
03 07 72 Page : 6 Dun Cahier détats de situations; ce cahier porte la même date que le cahier dinformations générales auquel il est annexé pour être également remis au ministre lors de son entrée en fonction. Ce cahier présente au ministre un résumé mis à jour et commenté de chacun des dossiers dits prioritaires et de chacun des autres dossiers de lorganisme; chaque résumé est un état de situation comprenant un rappel des faits et enjeux, les étapes franchies et à venir, et, le cas échéant, les impacts et recommandations ou les interventions ministérielles ou gouvernementales suggérées. Ce cahier présente un état détaillé de la réalité qui relève désormais du nouveau ministre, réalité telle quelle est évaluée pour le nouveau ministre au moment de son entrée en fonction. [27] Il faut retenir du témoignage non contredit de M. André Jean que les « briefing books » nont de sens que pour un nouveau ministre qui entre en fonction à ce titre. Ces documents sont réservés au ministre et au personnel de son cabinet; ils leur sont présentés par les sous-ministres de lorganisme à loccasion de lentrée en fonction du nouveau ministre. [28] La preuve non contredite démontre que ces documents, réservés à linformation et à lutilisation du ministre et du personnel de son cabinet, ne sont pas autrement communiqués. [29] La preuve convainc la Commission que les « briefing books » en litige sont des documents du cabinet du ministre et que le 2 e alinéa de larticle 34 de la Loi sur laccès sapplique à ces documents, aucune preuve nindiquant que le ministre qui pouvait exercer le pouvoir discrétionnaire conféré par larticle 34 avait jugé opportun de les rendre accessibles lorsque le responsable a traité la demande daccès du 2 avril 2003 : 34. Un document du bureau d'un membre de l'Assemblée nationale ou un document produit pour le compte de ce membre par les services de l'Assemblée n'est pas accessible à moins que le membre ne le juge opportun. Il en est de même d'un document du cabinet du président de l'Assemblée, d'un membre de celle-ci visé dans le premier alinéa de l'article 124.1 de la Loi sur l'Assemblée nationale (chapitre A-23.1) ou d'un ministre visé dans l'article 11.5 de la Loi sur l'exécutif (chapitre E-18), ainsi que d'un document du cabinet ou du bureau d'un membre d'un organisme municipal ou scolaire.
03 07 72 Page : 7 [30] Larticle 34 consacre le caractère confidentiel de linformation qui est en litige et qui a été préparée ou adaptée aux besoins du cabinet du ministre de lorganisme en janvier 2002. Seul le ministre actuellement en exercice est habilité à exercer le pouvoir discrétionnaire prévu par larticle 34 pour éventuellement juger opportun de rendre cette information accessible. [31] La Commission ne commente pas, dans le cadre dune demande de révision, lexercice de ce pouvoir discrétionnaire. Elle signale cependant que les documents en litige sont par ailleurs constitués de renseignements qui proviennent de lorganisme ou de lexterne et qui peuvent être plus détaillés ou autrement présentés dans dautres documents non réservés au cabinet du ministre; la Commission rappelle que larticle 34 ne sapplique pas aux documents qui ne sont pas réservés au cabinet du ministre. [32] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision HÉLÈNE GRENIER Commissaire Me Emmanuelle Cartier Avocate du demandeur Me Alain Tanguay Avocat de lorganisme
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.