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Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 01 08 03 Date : 2004.07.28 Commissaire : M e Diane Boissinot X, le demandeur, c. MINISTÈRE DES RELATIONS AVEC LES CITOYENS ET DE L’IMMIGRATION,

l’organisme, et COURTAGE NATIONALE (COURTAGE), et

FINANCIÈRE BANQUE NATIONALE INC. (FINANCIÈRE),

les tiers-courtiers et ATELIER

LES ENTREPRISES YVON DUHAIME INC., 3264556 CANADA INC. (CONSTRUCTION ET PAVAGE CONTINENTAL),

À ESCOMPTE BANQUE

D’USINAGE MARMEN INC. maintenant connue sous le nom de MARMEN INC.,

01 08 03 Page : 2 2857-4077 QUÉBEC INC., AUBERGE GOUVERNEUR SHAWINIGAN, MÉGATECH ÉLECTRO PLAN 1, et GROUPE CLR, les tiers-entreprises ________________________________________________________________ DÉCISION ________________________________________________________________

OBJET DEMANDE DE RÉVISION formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi). [1] Le 15 février 2001, M. [X] s’adresse à la responsable de l’accès de l’organisme (la responsable) afin d’obtenir copie de tous les documents concernant les projets immigrants-investissement impliquant huit entreprises qu’il identifie.

[2] Le 5 mars suivant, la responsable avise M. [X] qu’elle doit consulter les tiers qui ont fourni certains des renseignements demandés à l’organisme et ce, conformément à l’article 49 de la Loi.

[3] Le 10 avril 2001, la responsable refuse la communication des documents demandés en invoquant les articles 23, 24, 53 et 14 de la Loi.

[4] Le 7 mai 2001, M. [X] se prévaut de son droit de contester cette décision de la responsable devant la Commission d’accès à l’information (la Commission) en vertu de l’article 135 de la Loi.

[5] Une audience se tient, en la ville de Montréal, le 7 février 2002 avec la participation des tiers-courtiers. L’organisme s’était réservé le droit de produire

1 L.R.Q., c. A-2.1.

01 08 03 Page : 3 certains documents, si ceux-ci étaient disponibles, le plus tôt possible après l’audience. Ceux-ci ont été produits le 8 mars 2002 sous la cote O-5, en liasse. Le délibéré a pu commencer à cette dernière date.

[6] Le 9 juillet 2002, au cours du délibéré, la Commission s’est ravisée, a suspendu son délibéré et réouvert l’audience afin de permettre que soit discutée la question des droits des tiers-entreprises, bénéficiaires du Programme des immigrants-investisseurs pour l’aide aux entreprises (PIIAE) en cause ici, qui sont les clients des tiers-courtiers et qui sont concernés par une grande partie des renseignements demandés.

[7] La Commission décide d’aviser chacun des huit tiers-entreprises bénéficiaires du PIIAE à titre de tiers vraisemblablement concernés par les renseignements demandés, conformément au troisième alinéa de l’article 137 de la Loi.

[8] Le 16 août 2002, la Commission requiert instamment la collaboration de l’organisme afin que les tiers-entreprises puissent être ainsi avisés de façon appropriée en vertu de l’article 137. À cette fin, elle demande à l’organisme de lui fournir une liste des dernières coordonnées des tiers-entreprises.

[9] Le 10 et le 12 septembre 2002, une telle liste des huit tiers-entreprises est fournie à la Commission par le Secrétaire général par intérim de l’organisme, avec en marge du nom de l’entreprise Trois-Rivières Techni-Peint Canada, la mention que celle-ci est « radiée le 1 er août 2002 ». [10] Après avoir donné l’avis prévu par le troisième alinéa de l’article 137 de la Loi le 20 août 2003 aux sept tiers-entreprises restants, la Commission a convoqué, le 20 octobre 2003, toutes les parties (sauf le tiers-entreprise Trois-Rivières Techni-Peint Canada) à la tenue d’une audience, le 20 février 2004.

[11] L’audience se continue finalement et se termine, en la ville de Montréal, le 20 février 2004.

[12] La Commission commence son délibéré le 20 février 2004.

01 08 03 Page : 4 L’AUDIENCE CHAPITRE I : PREMIÈRE PARTIE DE L’AUDIENCE CONCERNANT LES RENSEIGNEMENTS FOURNIS PAR LES TIERS-COURTIERS

A. PRÉCISIONS PARTICULIÈRES [13] L’avocate des tiers-courtiers, M e Marie St-Pierre, a tout d’abord fait valoir que l’organisme n’a pas consulté ses clients avant de dévoiler leur implication à titre de courtiers dans les dossiers visés par la demande d’accès. Elle fait remarquer que ses clients, n’ont pas consenti à cette divulgation.

[14] Pour le moment, convient-elle, les tiers-entreprises visés par la demande d’accès n’ont pas encore été rattachés précisément à l’un ou l’autre des tiers-courtiers.

[15] Elle prétend que si, au cours de l’audience, les tiers-entreprises visés par la demande d’accès sont identifiés définitivement comme clients de l’un ou de l’autre des tiers-courtiers qu’elle représente, un renseignement visé par les articles 23 et 24 de la Loi risque d’être carrément dévoilé.

[16] M e St-Pierre s’oppose donc à ce que le lien client-courtier soit précisé davantage au cours de l’audience.

[17] La Commission prend bonne note de ces remarques et fera en sorte qu’un tiers-entreprise ne puisse être identifié comme client de tel ou tel tiers-courtier, du moins dans sa décision.

B. LA PREUVE i) preuve de l’organisme [18] Il convient tout d’abord d’établir l’identité des tiers-courtiers. Témoignages de monsieur Alain Hébert et de madame Louise Fauteux [19] Monsieur Alain Hébert, directeur administratif du PIIAE chez la Financière Banque Nationale inc. (FINANCIÈRE) depuis 1997, déclare que depuis le mois d’août 1999, la société Lévesque Beaubien Geoffrion (LÉVESQUE) s’est fusionnée avec un autre courtier de Toronto pour former la FINANCIÈRE. Madame Louise Fauteux, à l’emploi de la société Courtage à Escompte Banque

01 08 03 Page : 5 Nationale depuis 1990 et œuvrant à son service qui s’occupe du PIIAE, déclare que le nom de Placements Banque Nationale inc. (PLACEMENTS) a été modifié le 1 er novembre 1999 en celui de Courtage à Escompte Banque Nationale (COURTAGE).

[20] Pour ce qui est du fonds du litige concernant les renseignements fournis par les tiers-courtiers, l’organisme a fait la preuve suivante.

Témoignage de madame Danielle Gendron [21] Vient témoigner, pour l’organisme, madame Danielle Gendron, technicienne en administration. Madame Gendron a pour fonction d’assister la responsable. Elle a traité la demande d’accès de M. [X] et à cette fin, a réuni tous les documents faisant l’objet de la demande d’accès avec l’aide d’un professionnel responsable, chez l’organisme, du PIIAE, M. Robert Baril.

[22] La demande d’accès étant libellée clairement, M. Baril et le témoin ont retracé ces documents sans difficulté. Elle affirme que ces documents, qu’elle remet à la Commission sous pli confidentiel, sont les seuls qui puissent répondre à la demande d’accès.

[23] Mme Gendron classe de 1 à 8, selon les tiers-entreprises visés par la demande d’accès, la série de documents en litige.

[24] Il s’agit, pour chacun des placements, d’une lettre du tiers-courtier présentant à l’organisme l’avis de placement, à laquelle lettre est joint l’avis de placement proprement dit (les documents 6, 7 et 8 décrits ci-après ne sont pas accompagnés d’une lettre de présentation ni d’un bilan ou d’états financiers) contenant des détails sur le tiers-entreprise bénéficiant du financement (structure, bilan financier, projet à financer, le montant et l’utilisation du placement, le nombre d’emplois créés, etc.) et sur l’identité des immigrants investisseurs.

[25] Les documents en litige sont regroupés comme suit : 1) Les documents 1 a) à 1 f) concernent le tiers-entreprise Atelier d’usinage Marmen inc.;

2) Les documents 2 a) à 2 c) concernent le tiers-entreprise Les Entreprises Yvon Duhaime inc.;

3) Les documents 3 concernent le tiers-entreprise 2857-4077 Québec inc.;

01 08 03 Page : 6 4) Les documents 4 concernent le tiers-entreprise 9047-4412 Québec inc.; 5) Les documents 5 concernent le tiers-entreprise Trois-Rivières Techni-Peint Canada inc.;

6) Les documents 6 concernent le tiers-entreprise Mégatech Électro Plan 1 inc.;

7) Les documents 7 concernent le tiers-entreprise Communications Le Rocher inc.;

8) Les documents 8 concernent le tiers-entreprise 3264556 Canada inc.. [26] Mme Gendron déclare que les documents 1 à 8 ont été fournis à l’organisme par l’un ou l’autre des tiers-courtiers entre 1994 et 1998.

[27] Mme Gendron dit que chacune des séries de documents est structurée de façon presque identique, sauf en ce qui concerne les trois dernières qui ne contiennent pas de lettre de présentation ni de certificat de vérification comptable.

[28] Elle témoigne de la démarche intellectuelle qu’elle a suivie pour refuser l’accès aux documents demandés en se basant sur la série de documents 1a).

[29] Le premier feuillet du document 1a) est une très courte lettre de présentation adressée à l’organisme par le tiers-courtier. Cette lettre permet, en en tête, de relier le tiers-courtier avec le tiers-entreprise bénéficiaire du placement dans ce dossier particulier. Cette information est visée par les articles 23 et 24 de la Loi, puisqu’elle révèle le lien courtier/client bénéficiaire du placement, renseignement confidentiel commercial qu’un courtier ne peut révéler sans mettre en cause le lien de confiance qui doit exister entre ce tiers-courtier et ce tiers-entreprise.

[30] Sur ce premier feuillet du document 1a), le nom et la signature de l’expéditeur de cette lettre ainsi que les noms et titres des personnes à qui une copie conforme est destinée sont des renseignements nominatifs protégés par l’article 53 et 59 alinéa premier de la Loi.

[31] Les renseignements ci-haut forment la substance du premier feuillet de ce document 1a). Les très rares autres informations ne sont pas substantielles et ne véhiculent aucune idée précise, de sorte que leur divulgation serait

01 08 03 Page : 7 complètement inutile à quiconque. Pour cette raison, elle considère que l’accès n’est pas autorisé en vertu de l’article 14 de la Loi.

[32] En vertu des mêmes articles de la Loi, les huit feuillets suivants du document 1a), l’avis de placement proprement dit, sont retenus; madame Gendron est d’avis qu’ils contiennent des données concernant le tiers-entreprise bénéficiant du placement, c’est-à-dire les coordonnées personnelles de ses administrateurs, la composition de son capital-actions, le montant du placement, le type de placement et le type de garantie, le nombre actuel d’emplois et celui que créera le projet, l’utilisation projetée des fonds, la description du projet, l’actif brut du tiers-entreprise bénéficiaire du placement, les renseignements sur la réputation, la crédibilité financière de ce tiers-entreprise et sur ses litiges pendants d’importance, son organigramme en annexe, son dernier bilan en annexe.

[33] Le témoin Gendron ajoute que sont des renseignements nominatifs le nom des responsables de la transaction chez le tiers-entreprise (feuillet deux), l’organigramme indiquant le pourcentage d’actions détenues par chacun des officiers (annexe B) du tiers-entreprise et les coordonnées personnelles des individus immigrants investisseurs (annexes 5AF-1, 5AF-2 et 5A) dans ce tiers-entreprise.

[34] Madame Gendron estime que ces derniers renseignements sur les immigrants investisseurs sont de renseignements commerciaux visés par les articles 23 et 24.

[35] Mme Gendron déclare que le type de renseignements qui se trouvent dans ces documents ne sont pas des renseignements que les tiers-courtiers acceptent de transmettre au public en général.

[36] Elle produit d’ailleurs, sous les cotes O-1, O-2 et O-3, la correspondance échangée entre, d’une part, l’avocate d’un des tiers-courtiers et l’autre tiers-courtier et, d’autre part, l’organisme, entre les 21 et 27 mars 2001, relativement à la demande d’accès.

[37] En raison des prétentions des tiers-courtiers et de l’organisme, séance tenante, la Commission frappe ces trois documents d’un interdit de publication, de diffusion et de divulgation.

[38] Le témoin Gendron continue son témoignage sur certaines spécificités des documents en litige.

plus, pour le tiers-courtiers, des

01 08 03 Page : 8 [39] Elle explique que la série 1b) comprend en plus, aux deux derniers feuillets, le certificat que le comptable agréé a émis en sa qualité de vérificateur du tiers-entreprise. Cette information est aussi un renseignement de nature commerciale fourni à l’organisme par le tiers-courtier et visé par les articles 23 et 24, renseignement qui a été confié au tiers-courtier par le tiers-entreprise en raison de son rôle de courtier.

[40] En contre-interrogatoire, Mme Gendron déclare que les documents demandés ne comprennent aucun document émanant de l’organisme ou de tout autre organisme et que les documents remis sous pli confidentiel sont les seuls qui répondent à la demande d’accès.

[41] L’organisme dépose, sous la cote O-4, un dépliant qu’il publie, à titre informatif, sur le PIIAE.

[42] Également sont déposés par l’organisme, après l’audience et en liasse sous la cote O-5, des formulaires types rattachés à la convention d’investissement signée avec un courtier ou une société de fiducie qui a conclu une entente avec le gouvernement ou son mandataire, convention à laquelle réfère l’article 34.1 du Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers 2 et l’article 1 (annexe V, facteur 12) du Règlement sur la pondération applicable à la sélection des ressortissants étrangers 3 , règlements émanant de la Loi sur l’immigration au Québec 4 (LIQ). [43] L’organisme prétendra plus tard que les documents reliés à la sélection des immigrants investisseurs ne sont pas versés aux dossiers des tiers-entreprises bénéficiant des placements de ces immigrants investisseurs.

ii) preuve du tiers-courtier la FINANCIÈRE Témoignage de monsieur Alain Hébert, présenté plus haut. [44] M. Hébert déclare que la FINANCIÈRE est un courtier en valeur mobilière de plein exercice et en règle conformément à la Loi sur les valeurs mobilières 5 2 L.R.Q., c. I-0.2, r.5. 3 L.R.Q., c. I-0.2, r.3.01. 4 L.R.Q., c. I-0.2, a. 3.1, 3.3 et 3.4. 5 L.R.Q., c. V-1.1.

01 08 03 Page : 9 (LVM). La FINANCIÈRE est assujettie à cette loi. Il certifie bien connaître le type de documents en litige puisqu’il est directeur administratif du PIIAE.

[45] M. Hébert affirme que les tiers-entreprises bénéficiant du placement sont des clients pour la Financière. Ces tiers-entreprises ne sont pas cotés en bourses. Ils sont de petites et moyennes entreprises (PME). C’est d’ailleurs le cas de tous les tiers-entreprises visés par la demande d’accès.

[46] Il affirme aussi que les immigrants investisseurs sont également des clients de la FINANCIÈRE.

[47] Il déclare que tous les renseignements des avis de placement sont fournis par les tiers-entreprises ou les immigrants à la FINANCIÈRE.

[48] Lors de la partie de son témoignage rendu ex parte et à huis clos et ce, sans que le demandeur ne s’oppose à cette procédure, M. Hébert confirme le témoignage de madame Gendron sur le type et la description des renseignements contenus aux documents en litige.

[49] Tous les documents en litige provenant de la FINANCIÈRE sont produits par cette dernière à l’organisme.

[50] M. Hébert considère ces renseignements confidentiels comme le font tous les courtiers. Les dossiers en cause sont gérés par une équipe de deux personnes outre lui-même et sont conservés dans un endroit très spécifique dans un local à accès contrôlé. Dès que les deux personnes chargées de gérer ces dossiers ont terminé leur travail de la journée, elles les classent puis, lorsqu’elles les ont transmis à l’organisme, ces documents sont déposés dans un classeur fermé à clé auquel seulement lui-même et ces deux personnes ont accès.

[51] M. Hébert expose ensuite les moyens pris par son employeur pour protéger les renseignements confidentiels que lui confient ses clients. Afin que tous les employés respectent le serment de confidentialité du courtier (normes de conduite et code de déontologie F-5), la FINANCIÈRE et ses filiales remettent à chacun d’eux un Code d’éthique et de déontologie (F-1 et F-2) pour lecture et signature d’un engagement (F-3) à le respecter comme l’explique le Manuel de l’employé disponible pour tous sur l’intranet de la FINANCIÈRE (F-4).

[52] En contre-interrogatoire, M. Hébert dit que la FINANCIÈRE sert les besoins de ses deux clients, l’immigrant-investisseur et le tiers-entreprise qui recherche du financement. Il affirme que, sauf avec l’autorisation de ces

01 08 03 Page : 10 derniers, il n’a jamais distribué les renseignements en litige ni, en général, ce type de renseignement.

[53] Le demandeur lui exhibe un dépliant promotionnel sur le PIIAE, qu’il dépose sous la cote D-1, et lui demande si LÉVESQUE l’a déjà distribué.

[54] Le témoin répond par l’affirmative. Il ajoute que ce dépliant est un document de mise en marché publié par la FINANCIÈRE et disponible au Canada et à l’étranger.

[55] Il admet que ce document contient entre autre (page 2, # 344) le nom de l’entreprise qui a bénéficié du placement, la date de remboursement intégral du prêt, le montant emprunté, le cadre d’utilisation et le nombre d’emplois créés.

[56] Il reconnaît que ce dépliant contient une liste d’entreprises qui ont remboursé les immigrants investisseurs. Pour la plupart, n’y apparaissent que le nom de l’entreprise et l’année du remboursement.

[57] M. Hébert ne sait pas si cette liste contient les noms de toutes les entreprises qui ont remboursé leur prêt depuis 1991 ni s’il y a eu une entente particulière de confidentialité signée avec ces dernières.

[58] En ré-interrogatoire, M. Hébert affirme qu’il n’y a pas d’autres documents promotionnels de ce genre qui aient été publiés.

iii) preuve du tiers-courtier COURTAGE Témoignage de madame Louise Fauteux présentée plus haut [59] Mme Fauteux décrit la nature des opérations de COURTAGE comme « courtier exécutant, avec pleine licence mais sans fonction conseil » agissant sous l’égide de la LVM du Québec.

[60] Elle est elle-même accréditée à ce titre auprès des bureaux de réglementations appropriés au Québec.

[61] Elle témoigne, en substance, dans le même sens que l’a fait M. Hébert sur la procédure interne de COURTAGE en matière de respect de la confidentialité des renseignements concernant les clients.

01 08 03 Page : 11 [62] Elle dépose ainsi le Code de déontologie en vigueur en mars 1994 (C-1) et en décembre 1999 (C-2) à la Banque Nationale du Canada et chez ses filiales, dont fait partie COURTAGE.

[63] Mme Fauteux examine l’extrait du manuel sur les normes de conduite déposé sous la cote F-5 et déclare qu’elle doit respecter ces normes dans le cadre de l’exercice de sa profession de courtier.

[64] Le témoin Fauteux corrobore, en substance, le témoignage de M. Hébert sur les engagements de confidentialité que signent les employés de COURTAGE, sur les précautions prises pour assurer la confidentialité physique des renseignements qui sont confiés à COURTAGE, sur les relations privilégiées courtier/client qui existent entre COURTAGE d’une part et les immigrants investisseurs et les tiers-entreprises bénéficiant d’un placement d’autre part et sur le contenu des avis de placement.

[65] Témoignant ex parte et à huis clos, sans opposition du demandeur sur cette façon de procéder, Mme Fauteux identifie l’une des personnes à qui copie conforme des documents est envoyée, comme étant le conseiller juridique de COURTAGE.

[66] En contre-interrogatoire, Mme Fauteux assure que COURTAGE et la FINANCIÈRE, bien qu’elles soient toutes les deux des filiales de la Banque Nationale du Canada, sont complètement indépendantes l’une de l’autre et n’échangent aucune information.

[67] Chacune de ces filiales possède son groupe d’employés distinct pour les fins de la mise en œuvre du PIIAE. Elle affirme que, pour les fins de ce programme, le courtier agréé sert d’intermédiaire entre l’immigrant investisseur et l’entreprise emprunteuse.

iv) preuve du demandeur [68] Outre la pièce D-1 déposée au cours du contre-interrogatoire de M. Hébert (dépliant promotionnel sur le PIIAE), le demandeur dépose, sous la cote D-2, un document fourni par la responsable de l’organisme au Bureau du chef de l’Opposition officielle à la Chambre des communes à Ottawa.

[69] D-2 est la liste des noms des entreprises ayant bénéficié d’un placement dans la région de la Mauricie depuis le 1 er janvier 1995 jusqu’au 31 décembre 2000 et contient, au regard de chacune des entreprises, le montant emprunté, le nombre d’emplois avant le ou les placements et le nombre d’emplois créés par

01 08 03 Page : 12 ce ou ces placements et le nombre de placements effectués dans cette entreprise ainsi que le sommaire annuel par région pour les 14 régions administratives du Québec, pour la même période.

[70] Le demandeur dépose également, sous la cote D-3, la lettre d’envoi, par la responsable de l’accès de l’organisme, de ces documents datée du 26 janvier 2001.

[71] Enfin, sous la cote D-4, le demandeur dépose copie d’un dépliant publié par Canaccord Capital Corporation contenant la liste des entreprises ayant récemment bénéficié de placements dans le cadre du programme immigrant investisseur, par son entremise. Cette liste contient le nom de l’entreprise et le montant de l’emprunt.

C. LES ARGUMENTS i) arguments de l’organisme [72] L’avocat de l’organisme plaide que l’article 23 s’applique ici puisque preuve est faite qu’il s’agit de renseignements financiers, c’est-à-dire émanant d’une relation de nature financière entre un prêteur et un emprunteur, fournis à l’organisme par les tiers-courtiers en leur qualité de courtier servant d’intermédiaire entre des prêteurs et des emprunteurs, que ces renseignements sont généralement considérés comme confidentiels dans le milieu du courtage et qu’ils sont traités confidentiellement par les tiers-courtiers.

ii) arguments des tiers-courtiers [73] L’avocate des tiers-courtiers prétend que les renseignements contenus dans les documents en litige sont inaccessibles parce qu’ils sont, et la preuve non-contredite l’a démontré, soit des renseignements visés par l’article 23 6 , soit des renseignements nominatifs au sens des articles 53 et 59, alinéa premier, soit des renseignements protégés par l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 7 (secret professionnel). 6 Société québécoise d’initiatives agro-alimentaires (SOQUIA) c. Libman, [1998] CAI 463 (C.Q.) 466 ; Bégin c. Ville de Terrebonne, [1997] CAI 327, 341.

7 L.R.Q., c. C-12 (la Charte).

01 08 03 Page : 13 [74] Quant à l’application de l’article 24, l’avocate des tiers-courtiers admet qu’elle n’a pas présenté d’éléments de preuve particuliers. Elle rappelle cependant que le fait, pour ses clients, de ne pas respecter l’obligation de confidentialité découlant de leur Code de déontologie les rend vulnérables à des poursuites pouvant amener à la perte de leur permis de courtage, ce qui, vraisemblablement, leur causerait une perte financière.

[75] Enfin, l’avocate des tiers-courtiers énonce que ces renseignements constituent la substance des documents au sens de l’article 14 de la Loi.

iii) arguments du demandeur [76] Le demandeur plaide que si, comme l’article 56 le stipule, le nom d’une personne physique n’est pas un renseignement nominatif sauf lorsqu’il est mentionné avec un autre renseignement la concernant, l’organisme n’a qu’à rayer le nom des personnes physiques et lui laisser prendre connaissance du reste. En effet, les autres renseignements ne pourraient alors révéler rien sur une personne physique ni ne pourraient permettre de l’identifier. Le demandeur demande donc que seuls les noms des personnes physiques soient masqués.

[77] Il plaide également que le nom d’un fonctionnaire de l’organisme (article 57 de la Loi) et le nom d’un employé des tiers-courtiers 8 ne sont pas des renseignements personnels.

[78] L’article 23 de la Loi ne doit trouver application que lorsque quatre conditions sont satisfaites : les renseignements doivent être fournis par un tiers, ils doivent être de l’une ou de l’autre des catégories visées par l’article, ils doivent être objectivement de nature confidentielle et ils doivent être subjectivement traités comme tel par le tiers 9 . [79] Le demandeur admet que certains des renseignements confiés aux tiers-courtiers par les entreprises visées par la demande d’accès sont des renseignements financiers. Il admet qu’ils ont été fournis par les tiers-courtiers sans admettre, toutefois, que ces renseignements appartiennent à ces derniers. Le demandeur croit plutôt que les tiers-courtiers agissent comme des intermédiaires entre les tiers-entreprises, qui désirent obtenir du financement, et des immigrants-investisseurs, qui recherchent des occasions de placement. Les

8 Église de scientologie de Montréal inc. c. Office de la protection du consommateur, [1987] CAI 404, 407.

9 Malenfant c. Commission de la Santé et de la Sécurité du Travail, (1984-86) 1 CAI 177.

01 08 03 Page : 14 tiers-courtiers sont en quelque sorte agréés par un organisme public pour servir d’intermédiaires dans le cadre de la mise en œuvre du programme gouvernemental immigrants-investisseurs.

[80] Le demandeur prétend que le nom du tiers-entreprise bénéficiant des placements, le nom de ses administrateurs, le genre d’activités d’entreprise qu’il exerce, l’adresse de sa place d’affaires sont des renseignements que l’Inspecteur des institutions financières du Québec doit mettre à la disposition du public dans son fichier central des entreprises 10 . Ce sont donc des renseignements à caractère public qu’il est difficile de considérer comme objectivement confidentiels, prétend-il.

[81] De plus, la FINANCIÈRE a publié les noms de ce type d’entreprises (D-1) et les montants empruntés ainsi que l’a fait un autre courtier (D-4). Le responsable de l’organisme lui-même n’hésite pas à divulguer le nom de ce type d’entreprises (D-2 et D-3) ainsi que les montants empruntés

[82] Le demandeur en déduit que le milieu du courtage ne considère pas ces deux derniers renseignements objectivement confidentiels.

[83] Le demandeur rappelle que malgré la prétention de FINANCIÈRE que ces renseignements ne peuvent être divulgués sans le consentement de ce type d’entreprises, celle-ci n’a pourtant apporté aucune preuve que ces dernières lui avaient donné l’autorisation de les publier dans le dépliant D-1.

[84] Dans la même veine, le demandeur se demande ce qu’il advient alors de la prétention des tiers-courtiers que le lien emprunteur-courtier est un renseignement financier qui leur appartient, qu’ils ont fourni à l’organisme et qu’ils traitent habituellement confidentiellement devant la propension de la FINANCIÈRE à publier le nom des emprunteurs avec lesquels elle fait des affaires et le montant des sommes empruntées (D-1). Il plaide qu’il y a contradiction manifeste entre le dire et le faire.

[85] Pour le demandeur, le fardeau de prouver que ce lien est de nature subjectivement confidentielle n’a pas été relevé par la FINANCIÈRE.

[86] De plus, cette publication (D-1), de même que celle de Canaccord Capital Corporation (D-4) tendent à établir que le milieu de courtage ne considère pas ce

10 Loi concernant les renseignements sur les compagnies, L.R.Q., c. R-22 et Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, L.R.Q., c. P-45.

01 08 03 Page : 15 lien comme un renseignement de nature objectivement confidentielle, malgré la preuve sur les règles de confidentialité internes (F-1 à F-5, C-1 et C-2).

[87] À ce sujet, le demandeur est d’avis que le devoir de confidentialité édicté par ces dernières règles ne prouve pas que le milieu traite objectivement ce lien de façon confidentielle.

[88] Le demandeur prétend que l’organisme et les tiers-courtiers n’ont pas prouvé que toutes et chacune des conditions d’application de l’article 23 étaient satisfaites. Cet article ne peut être soulevé avec succès à l’encontre de son droit d’accès.

[89] Quant à l’article 24, le demandeur estime qu’aucun élément de preuve n’a été apporté au soutien de son application au cas qui nous occupe.

[90] De plus, le demandeur prétend que l’argument du tiers-courtier qu’il y aurait vraisemblablement perte si, en raison du non-respect des règles de confidentialité, les tiers-courtiers se voyaient enlever leur permis de courtage, ne peut tenir. Violer une loi ou un règlement peut entraîner une sanction pénale ou disciplinaire qui cause une perte, mais le demandeur est d’avis que ce type de perte n’est pas celle que vise l’article 24. Cet article vise plutôt une perte causée par un déséquilibre dans le jeu de la concurrence.

iv) arguments des tiers-courtiers en réplique [91] L’avocate des tiers-courtiers prétend que les renseignements en litige ne sont pas que des renseignements financiers. Il y a également des renseignements industriels (description des projets des emprunteurs), commerciaux (nombre d’emplois chez les emprunteurs, liste de clients).

[92] Elle prétend que le dépliant D-1 émanant de la FINANCIÈRE ne dévoile pas les mêmes renseignements que ceux qui sont en litige. En effet, les montants des placements divulgués sont des montants de placement agglomérés annuellement pour l’ensemble des entreprises alors que les montants en litige sont spécifiques pour chaque placement dans chacune des entreprises. Les renseignements sur les entreprises # 344 à 353 ne sont pas, non plus, ceux qui sont en litige.

01 08 03 Page : 16 DEUXIÈME PARTIE DE L’AUDIENCE CONCERNANT LES RENSEIGNEMENTS FOURNIS PAR LES TIERS-ENTREPRISES

A. LA PREUVE i) du tiers-entreprise Mégatech Électro plan 1 Témoignage de monsieur Claude Granger [93] Monsieur Granger est comptable agréé. Il est Vice-président de cette entreprise de 350 employés. Il est son contrôleur corporatif.

[94] Monsieur Granger déclare renseignements en cause en 1996 au tiers-courtier Placement Banque Nationale inc. (COURTAGE) dans le but de participer au programme de subvention immigrants-investisseurs.

[95] Il témoigne des mesures en vigueur à l’interne pour protéger la confidentialité des renseignements remis au tiers-courtier (engagement de confidentialité signé par les employés, accès informatiques limités. Il ajoute que ces documents sont habituellement transmis à l’extérieur seulement pour obtenir un prêt.

[96] Le reste du témoignage de monsieur Granger porte sur des renseignements que son entreprise a fournis au tiers-courtier, mais que ce dernier n’a pas transmis à l’organisme et qui ne se trouvent donc pas parmi les renseignements en litige.

ii) du tiers-entreprise 2857-4077 Québec inc. [97] L’avocat du tiers-entreprise annonce qu’il ne présente aucun élément de preuve.

iii) du tiers Atelier d’usinage Marmen inc., maintenant Marmen inc. Témoignage de monsieur Daniel Gélinas

que cette entreprise a fourni les

01 08 03 Page : 17 [98] Monsieur Gélinas est à l’emploi du tiers-entreprise à titre de contrôleur. Il est mandaté par cette entreprise pour témoigner de ce qu’il sait de la présente affaire par résolution adoptée lors d’une assemblée de son conseil d’administration tenue le 9 février 2004.

[99] Monsieur Gélinas déclare que l’entreprise qui l’emploie est une compagnie privée qui existe depuis 1970.

[100] Il affirme que les renseignements financiers et commerciaux fournis sont confidentiels. Seuls deux membres du personnel ont accès à ces renseignements, savoir lui-même et Gisèle Pellerin.

[101] Il estime que ces renseignements pourraient être convoités par certains groupes représentant ou désirant représenter les employés de l’entreprise, qui sont tous non-syndiqués, afin de faire augmenter leur salaire. Cette augmentation pourrait avoir un impact énorme sur la rentabilité de l’entreprise, croit-il.

[102] Pour lui, la divulgation des montants des bénéfices non-répartis risque d’avoir un effet sur les négociations de divers contrats ou d’informer les compétiteurs des forces ou des faiblesses de l’entreprise et ce, au détriment de celle-ci et au profit de ceux-là.

[103] En contre-interrogatoire, il déclare avoir pu consulter les renseignements en litige. Il a remis ces derniers à la société Lévesque Beaubien Geoffrion (LÉVESQUE) devenue FINANCIÈRE afin de participer au PIIAE.

iv) du demandeur [104] Le demandeur dépose, sous la cote D-5, copie du fichier du Registraire des entreprises attestant l’état des informations sur la personne morale 9047-4412 Québec inc. faisant affaires sous le nom Auberge Gouverneur Shawinigan. Cette personne morale est une compagnie et son statut au Registre est : « Radié d’office » le 2 mai 2003.

01 08 03 Page : 18 B. LES ARGUMENTS i) de l’organisme [105] L’avocat de l’organisme limite sa plaidoirie à l’applicabilité de l’article 23. [106] Il prétend que la Commission ne peut tirer, du seul fait de l’absence de participation de certains tiers-entreprises, la conclusion que le test de la confidentialité subjective n’est pas satisfait pour tous les renseignements en litige.

[107] Il considère cette conclusion abusive, compte tenu que l’absence de preuve de l’existence d’un seul des quatre critères d’application de l’article 23 a pour effet, d’écarter immédiatement cette exception à l’accès malgré que certains des renseignements en litige soient reconnus comme étant revêtus d’un caractère confidentiel.

ii) des tiers-courtiers [108] L’avocate des tiers-courtiers plaide que la cessation des activités d’une personne morale ou l’absence d’un tiers-entreprise pourtant convoqué au débat ne fait pas perdre le caractère confidentiel des renseignements qui les concernent.

iii) des tiers-entreprises [109] Les avocats des tiers-entreprises se rallient aux plaidoiries de l’avocate des tiers-courtiers.

[110] Ils rappellent, de plus, que leur client n’a pas consenti à la communication des renseignements en litige.

[111] L’avocat du tiers-entreprise 2857-4077 Québec inc. réfère la Commission à la doctrine et de la jurisprudence sur la confidentialité objective des états financiers.

iv) les arguments du demandeur [112] Le demandeur réitère qu’il ne veut pas obtenir les renseignements concernant les immigrants-investisseurs apparaissant dans chacun des dossiers demandés.

01 08 03 Page : 19 [113] Il plaide que la preuve a démontré que les tiers-courtiers ne sont que des intermédiaires entre les immigrants-investisseurs à la recherche d’entreprises nécessitant des prêts et les tiers-entreprises à la recherche de fonds à emprunter.

[114] Selon le demandeur, la majorité des renseignements en cause ici proviennent des tiers-entreprises, appartiennent à ces derniers ou les concernent directement.

[115] Il est d’avis que l’organisme aurait déclarer les entreprises comme tiers dès qu’il a été avisé de la demande de révision par la Commission.

[116] Le seul renseignement appartenant aux tiers-courtiers qui a été fourni par ce dernier à l’organisme est le lien client-courtier qui existe entre chacun des tiers-entreprises et un tiers-courtier en particulier. Ce renseignement pourrait être visé par les articles 23 et 24 si les conditions de leur application sont satisfaites.

[117] Le demandeur est d’avis que ce n’est pas le cas, puisque malgré tous les codes de déontologies et les règles de confidentialité et les témoignages à ce sujet produits en preuve, celle-ci démontre par ailleurs que ce renseignement, le lien client-courtier entre une entreprise particulière bénéficiant du PIIAE et un courtier agréé par le gouvernement pour servir d’intermédiaire, est couramment publié ou divulgué soit par quelques courtiers ou même par le responsable de l’accès de l’organisme.

[118] Les tiers-courtiers qui publient ainsi ce renseignement ne semblent pas avoir subi de perte ou d’autres inconvénients au sens de l’article 24.

[119] Pour ce qui est des renseignements fournis par les tiers-entreprises à l’organisme par l’intermédiaire des tiers-courtiers, une des conditions d’application de l’article 23 est absente, savoir la confidentialité subjective du renseignement.

[120] Il estime que le fait que les tiers-entreprises qui, malgré leur convocation, ne se sont pas présentés pour faire valoir la confidentialité subjective des renseignements en litige de même que celui de l’absence du débat à ce sujet des tiers-entreprises qui ont été radiés des fichiers de l’Inspecteur général des institutions financières tendent à démontrer que la confidentialité subjective dans le milieu économique et dans le contexte du programme en question ne peut être établie.

01 08 03 Page : 20 [121] L’article 23 ne peut s’appliquer en l’espèce, argue-t-il. [122] Le demandeur prétend que la preuve n’a pas démontré que les conditions d’application de l’article 24 sont rencontrées. La preuve du risque vraisemblable que la divulgation va causer les effets non désirables prévus à cet article doit provenir des tiers-entreprises.

[123] Il estime que le témoin du tiers-entreprise Mégatech Électro Plan 1 n’a pas pu répondre à la question de savoir comment la divulgation des renseignements nuirait, selon toute vraisemblance, à la compétitivité de son entreprise ni n’a pu témoigner sur le risque de perte que cette divulgation pourrait entraîner.

[124] À propos du tiers-entreprise Marmen inc., le demandeur remet en question les effets négatifs que pourrait avoir la divulgation, en 2001 donc cinq années plus tard, de renseignements datant de 1996. D’ailleurs, le témoin appelé n’a même pas soulevé une hypothèse crédible au soutien d’un risque vraisemblable de perte ou d’avantage à une autre personne dont fait mention l’article 24.

[125] Il se pose la même question d’ailleurs à propos de tous les renseignements que les tiers-entreprises ont fournis à l’organisme. Ils datent tous d’au moins trois ans.

[126] Enfin, les absents ne peuvent relever le fardeau de preuve que leur impose l’article 24.

DÉCISION [127] Au cours de l’audience, le demandeur a clairement fait savoir qu’il ne voulait aucunement obtenir les immigrants-investisseurs apparaissant renseignements ne sont donc plus en litige et la présente décision ne les concerne nullement.

[128] La Commission a examiné les documents en litige et les renseignements qu’ils contiennent.

renseignements concernant les aux documents en litige. Ces

01 08 03 Page : 21 [129] Ils sont composés, la plupart, de renseignements fournis par des tiers. [130] La Commission détermine d’abord, la preuve et l’examen des documents en litige l’ont démontré, que les renseignements concernant les tiers-entreprises qui sont détenus par l’organisme ont été fournis, au sens des articles 23 et 24 de la Loi, par ces derniers par l’intermédiaire des tiers-courtiers. Ce n’est pas les tiers-courtiers qui ont fourni ces renseignements à l’organisme comme l’ont prétendu l’organisme et les tiers-courtiers. La preuve démontre que les tiers-courtiers n’ont agit que comme simples intermédiaires (agréés par le gouvernement ou l’un de ses organisme ou ministères) entre les investisseurs immigrants et les tiers-entreprises 11 . Ils n’ont fait que transmettre les renseignements des tiers-entreprises.

[131] Le seul renseignement fourni par les tiers-courtiers à l’organisme est le lien client-courtier spécifique qui existe entre un tiers-entreprise et un tiers-courtier. Ce renseignement, le nom d’un client, est un renseignement commercial appartenant au tiers-courtier et peut être visé par les articles 23 et 24.

[132] L’organisme a prétendu que les renseignements fournis par tous ces tiers étaient soit visés par les articles 23 ou 24, soit visés par les articles 53, 54 et le premier alinéa de l’article 59, soit visés par l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 12 : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement.

24. Un organisme communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de

11 Lire à ce sujet Maintenance Eureka c. Commission scolaire régionale Chauveau, [1990] CAI 140.

12 L.R.Q., c. C-12, ci après appelée « la Charte ».

public ne peut d'entraver une

01 08 03 Page : 22 procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion.

54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier.

55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif.

59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. […]

L’ARTICLE 23 DE LA LOI Renseignements fournis par les tiers-entreprises [133] Cette disposition de la Loi s’applique lorsque toutes et chacune des conditions suivantes sont satisfaites : 1) il doit s’agir de renseignement fourni par des tiers, ces renseignements doivent appartenir à l’une ou l’autre des catégories

01 08 03 Page : 23 prévues dans le libellé de l’article, 3) ces renseignements doivent être de nature confidentielle (critère de confidentialité objective) et 4) ces renseignements doivent habituellement être traités par le tiers de manière confidentielle (critère de confidentialité subjective).

[134] L’avocat de l’organisme a plaidé qu’il est inapproprié et abusif de prétendre que si le tiers visé par cet article n’est pas présent au débat, donc s’il ne présente aucune preuve, la protection accordée aux renseignements visés par cet article tombe et ceux-ci deviennent accessibles pour la seule raison que le critère de confidentialité subjective n’est pas satisfait.

[135] La Commission est d’avis que cette situation ne recèle pas d’abus, compte tenu de l’esprit de la Loi, loi de nature prépondérante, 13 il faut le rappeler. [136] En effet, en matière d’accès, l’objet de la Loi est de rendre accessible au public tous les documents détenus par les organismes publics (article 9 de la Loi) donc de les rendre publics, sauf exception.

[137] En conséquence, une entreprise faisant affaires avec un organisme public ou profitant d’un programme que ce dernier est chargé de mettre en œuvre doit s’attendre, en principe, à ce que les renseignements qu’elle confie à cet organisme à cette occasion soient accessibles à tous, à moins que ces renseignements ne tombent, entre autres, sous l’application des articles 23 ou 24.

[138] Lorsqu’il reçoit une demande d’accès à ces renseignements, l’organisme peut prétendre qu’ils sont visés par ces articles.

[139] La Loi l’oblige alors à les protéger de toute divulgation et ce, qu’il ait consulté le tiers à ce propos ou non. La Commission rappelle que cette obligation ou contrainte n’échoit à nulle autre personne que l’organisme détenteur de ces renseignements et son responsable de l’accès.

[140] L’organisme est le gardien de ces renseignements. Il a donc le fardeau de prouver ou de voir à ce que soit prouvé que leur protection doit prévaloir sur la règle générale du droit d’accès. Ce fardeau n’incombe à nul autre personne. L’organisme doit se prévaloir des ressources disponibles pour ce faire. En particulier, il doit se servir des connaissances et du vécu du tiers concerné qui a manifestement, de surcroît, un vif intérêt à faire appliquer les articles 23 et 24.

13 Articles 168 et 169.

01 08 03 Page : 24 [141] La Loi réserve d’ailleurs un rôle actif aux tierces personnes qui auraient fourni des renseignements visés par les articles 23 et 24, rôle que la loi n’accorde nullement aux personnes physiques qui auraient fourni d’autres types de renseignements comme, par exemple, des renseignements nominatifs à un organisme.

[142] En effet, pour tout autre renseignement qui mérite la protection de l’organisme, la Loi laisse à ce dernier l’entière responsabilité de faire valoir seul le bien-fondé de cette protection. Aucune disposition de la Loi ne prévoit que telle personne concernée par les renseignements convoités ou en litige soit avisée de l’existence d’une demande d’accès à ces renseignements ou d’une demande de révision concernant ces renseignements.

[143] Dans le seul cas d’un renseignement qui serait visé par l’article 23 ou 24, la Loi prévoit, à son article 137, que la Commission avise le tiers concerné que le refus de communiquer ce renseignement fait l’objet d’une demande de révision devant elle afin qu’il puisse participer au débat qui doit avoir lieu et ce, à titre de partie. De plus, en certaines occasions et relativement aux mêmes renseignements, les avis prévus aux articles 25 et 49 de la Loi doivent être servis par l’organisme.

[144] À partir du moment le tiers visé par les articles 23 et 24 a été convié à présenter sa preuve et faire valoir ses représentations, l’organisme a tous les moyens d’exécuter son obligation de faire une preuve complète avec son aide, si besoin est.

[145] Que doit conclure la Commission du défaut, non justifié, de comparaître d’un tiers qu’elle a dûment convoqué? Une telle absence non justifiée ne peut pas être sans conséquence, compte tenu des quatre critères d’application de l’article 23 et de la preuve afférente qui doit être faite devant elle.

[146] Manifestement, l’absence de trois des six tiers-entreprises dûment convoqués le 20 octobre 2003 et non radiés aux fichiers de l’Inspecteur des institutions financières à cette époque a comme conséquence de causer un « trou » ou un « manque » dans la preuve sur la confidentialité subjective, à l’interne, pour ces tiers absents, ainsi que sur la confidentialité objective de ces renseignements, dans le milieu qui nous concerne, en général, et dans le contexte qui nous occupe, en particulier.

[147] En effet, comment l’organisme et les trois tiers-entreprises présents au débat peuvent-ils prétendre avec succès que les renseignements en litige, datant de 1994 à 1998, sont généralement considérés, au moment de la demande

01 08 03 Page : 25 d’accès en 2001, dans le milieu et dans le contexte qui nous occupent, comme étant confidentiels, si les trois autres tiers-entreprises dûment convoqués ne jugent même pas opportun de se présenter pour faire valoir ces critères objectifs de confidentialité. Le moins que l’on puisse en déduire c’est qu’en général, les entreprises du milieu, dans un tel contexte, ne considèrent pas nécessairement ces renseignements comme étant confidentiels.

[148] L’absence de ces trois tiers-entreprises a aussi pour effet de causer un manque fatal dans la preuve concernant le critère de confidentialité subjective, compte tenu que la Commission doit conclure de leur absence que ceux-ci n’ont pas jugé opportun de venir témoigner de la façon confidentielle dont ils traitent habituellement ces renseignements à l’interne.

[149] C’est à la lumière de l’ensemble de la preuve devant elle que la Commission apprécie l’effet de l’absence des tiers dûment convoqués sur l’application de l’article 23 de la Loi et qu’elle conclut, comme elle le fait ici, que la preuve est insuffisante à cet égard.

Renseignements fournis par les tiers-courtiers [150] Le lien client-courtier spécifique entre le tiers-courtier et un tiers-entreprise est certes un renseignement fourni par le tiers-courtier à l’organisme et il s’agit d’un renseignement de nature commercial.

[151] Une certaine preuve documentaire et testimoniale tend à démontrer que la confidentialité est la règle, dans le milieu, pour ce type de renseignement par lequel un client particulier est identifié à un courtier particulier.

[152] D’autres éléments de preuve sont toutefois venus contredire ces principes. En effet, le demandeur a pu démontrer que ces règles n’étaient pas nécessairement suivies dans le contexte qui nous occupe et ce, sans qu’une preuve spécifique du contraire ne soit apportée par quiconque.

[153] En effet, deux courtiers n’ont pas hésité à publiciser le lien client-courtier (D-1 et D-4) dans un but de mise en marché de leur produit à titre d’intermédiaire dans le cadre du PIIAE.

[154] La Commission est convaincue que le milieu des tiers-courtiers intervenant dans le cadre du PIIAE ne considère pas comme étant objectivement confidentiel le renseignement qu’ils appellent « le lien client-courtier ».

01 08 03 Page : 26 [155] Toutes les conditions d’application de l’article 23 n’ayant pas été démontrées, celui-ci ne s’applique pas au seul renseignement commercial fourni par les tiers-courtiers pour chacun des dossiers en cause.

[156] L’article 23 est inapplicable à tous les renseignements fournis par des tiers et qui se trouvent dans les documents en litige.

L’ARTICLE 24 DE LA LOI Renseignements fournis par les tiers-entreprises [157] Les témoignages présentés par des employés de deux (Marmen inc. et Mégatech Électro Plan 1) des trois tiers-entreprises qui étaient présents n’ont pas convaincu la Commission que la divulgation de l’un ou l’autre des renseignements qu’ils ont fournis à l’organisme risque de produire l’un ou l’autre des effets néfastes prévus à l’article 24 de la Loi.

[158] En effet, les témoignages n’ont apporté aucun élément de preuve concret que la divulgation en 2001, des renseignements qui les concernent, datant tous de 1996, risquait vraisemblablement d’avoir l’un ou l’autre de ces effets.

[159] Le troisième tiers-entreprise, 2857-4077 Québec inc., n’a pas jugé opportun de présenter des éléments de preuve à l’appui de ses prétentions.

Renseignements fournis par les tiers-courtiers [160] La preuve démontre que la divulgation du lien client-courtier est plutôt considérée par certains courtiers, en particulier par le tiers-courtier FINANCIÈRE, comme un avantage, puisque la publication de ce renseignement se fait, à l’occasion, à titre de publicité dans le but de recruter de nouveaux clients.

[161] La Commission est d’avis que l’article 24 ne s’applique pas aux renseignements en litige fournis par les tiers-courtiers et les tiers-entreprises, faute de preuve convaincante du contraire.

01 08 03 Page : 27 LES ARTICLES 53, 54 ET 59 ALINÉA 1 ER DE LA LOI [162] Après examen des renseignements en litige, rappelant que les renseignements concernant les immigrants-investisseurs ne font pas l’objet de la demande de révision, la Commission est d’avis qu’il ne s’y trouve aucun renseignement nominatif.

[163] En effet, les noms, adresse et profession des administrateurs et des officiers des tiers-entreprises sont des renseignements à caractère public aux termes de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales (L.R.Q., c. P-45). Le registraire des entreprises doit mettre ces renseignements à la disposition du public en vertu des articles 58 à 65 de cette dernière loi.

[164] Également, les nom, prénom, titre, adresse et numéros de téléphone ou de fax au travail des employés ou des officiers des tiers-courtiers et des tiers-entreprises, leur signature ou leur écriture, sont des renseignements personnels, certes, mais ceux-ci ne sont pas revêtus d’un caractère nominatif. En effet, ces personnes agissent non pas à titre personnel mais à titre de représentant des personnes morales que sont les tiers-courtiers et les tiers-entreprises. Il faut se rappeler qu’une personne morale ne peut agir que par une personne physique qui la représente.

[165] Pour des raisons évidentes de sécurité juridique des contrats, des obligations qui en résultent et de leur exécution, les personnes morales doivent révéler publiquement l’identité, les coordonnées au travail et les autres renseignements du type mentionné au paragraphe précédent concernant des personnes physiques qui les représentent et qui les obligent 14 , mais seulement lorsque ces personnes agissent pour elles à ce titre.

ARTICLE 9 DE LA CHARTE (SECRET PROFESSIONNEL) [166] La relation client-professionnel est protégée par l’article 9 de la Charte. [167] Le renseignement en cause est l’identité de l’avocat apparaissant en copie conforme sur chacune des copies des « Avis de placement » ou des lettres de transmission des « Avis de placement » émanant du tiers-courtier. Selon le témoignage entendu à ce sujet, il s’agit du conseiller juridique des tiers-courtiers

14 Lavoie c. Pinkerton du Québec ltée, [1996] CAI 67, 73; Leblond c. Assurances générales des caisses Desjardins, [2003] CAI 391, 402.

01 08 03 Page : 28 et ces derniers tiennent à ce que l’identité de cet avocat reste confidentielle. Ce renseignement est protégé par l’article 9 de la Charte.

[168] Les certificats de vérification comptable signés par un comptable agréé se trouvant annexés à quelques-uns des « avis de placement » (1b, c, e, f, 2a, b, c, 3, 4, 5) sont l’expression d’une opinion d’un professionnel mandaté par les tiers-entreprises concernés. Il n’y a pas de preuve de renonciation au privilège du secret professionnel par les bénéficiaires de celui-ci. Ces certificats contiennent, en substance, des renseignements qui sont couverts par le secret professionnel auquel sont tenus les comptables agréés et doivent rester confidentiels. Ils sont protégés par l’article 9 de la Charte.

CONCLUSION [169] Outre les renseignements protégés par l ’article 9 de la Charte et ci-après désignés au dispositif de la présente décision, la Commission ne voit aucun autre renseignement en litige contenu dans les documents 1 à 8 ci-haut énumérés dont elle doit préserver la confidentialité.

[170] En effet, outre l’article 9 de la Charte, aucune des dispositions invoquées au soutien du refus de communiquer les renseignements demandés n’est applicable.

POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission, FRAPPE D’UN INTERDIT de publication, de diffusion et de divulgation, par la Commission, les pièces déposées cous les cotes O-1, O-2 et O-3.

ACCUEILLE en partie la demande de révision; ORDONNE à l’organisme de remettre au demandeur tous les renseignements en litige se trouvant dans les documents 1 à 8 ci-haut énumérés, sauf 1) les renseignements concernant les immigrants investisseurs qui ne font pas partie du litige; et 2) les renseignements protégés par le secret professionnel en vertu de l’article 9 de la Charte, savoir :

01 08 03 Page : 29 a. L’identité de l’avocat apparaissant en copie conforme sur chacune des copies des « Avis de placement » ou des lettres de transmission des « Avis de placement » émanant du tiers-courtier; et b. Les certificats de vérification comptable signés par un comptable agréé se trouvant annexés aux « avis de placement » 1b, c, e, f, 2a, b, c, 3, 4, 5; et

REJETTE quant au reste la demande de révision.

Québec, le 28 juillet 2004 DIANE BOISSINOT Commissaire

Avocat de l'organisme : M e Jean-François Boulais Avocate du tiers-courtier Courtage à escompte Banque Nationale (COURTAGE) : Me Marie-Julie Croteau

Avocate du tiers-courtier Financière Banque Nationale inc. (FINANCIÈRE) : Me Marie-Julie Croteau

Avocat du tiers-entreprise 2857-4077 Québec inc. : Me Stéphane Cléroux

Avocate du tiers-entreprise Mégatech Électro Plan 1 : Me Kathleen Rouillard

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