Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 16 71 Date : 20040727 Commissaire : M e Christiane Constant Commission scolaire des Chênes Partie demanderesse c. Ministère de la Sécurité publique Organisme public DÉCISION L'OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Dans une lettre datée du 4 juin 2003, la partie demanderesse, par l’entremise de son procureur, M e Maurice Laplante, du cabinet d’avocats Clair LAPLANTE CÔTÉ, requiert de M. Alain Nadeau, Directeur du service des ressources matérielles de l’organisme, l’accès à des renseignements précis répartis en cinq points, relatifs à un incendie survenu dans l’une de ses écoles. La partie demanderesse fait de plus référence à une lettre datée du 16 mai 2003 par laquelle elle indique avoir reçu un extrait d’un rapport d’enquête. [2] Également le 4 juin, la partie demanderesse s’adresse à M. Jacques Ayotte, Commandant de la Sûreté du Québec (la « S.Q »), afin d’obtenir, en tout ou en partie, une copie du dossier qu’il détient, eu égard au même incendie, et ce, dans le but « de mettre en demeure et éventuellement de poursuivre le ou les responsables de l’incendie mentionné en rubrique. » […]
03 16 71 Page : 2 [3] Le 11 juillet suivant, d'une part, l’organisme, par l’entremise de M. André Marois, informe la partie demanderesse qu’il a reçu la demande adressée à la S.Q., visant à obtenir « le document recherché ». D’autre part, il indique qu’un délai de trente jours est nécessaire pour le traitement de la demande. [4] L’organisme lui communique, le 25 août suivant, un extrait du rapport d’enquête; il refuse de lui transmettre le reste de ce rapport, invoquant à cet effet les articles 28 (3 e et 5 e par.), 53, 54, 59 et 88 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). [5] Insatisfaite, la partie demanderesse formule, le 19 septembre 2003, une demande de révision auprès de la Commission d'accès à l'information (la « Commission »). L'AUDIENCE [6] Le 23 janvier 2004, l’audience se tient à Montréal, en présence de M e Maurice Laplante, pour la partie demanderesse et du témoin de l’organisme qui est représenté par M e Sophie Primeau, du cabinet d’avocats BERNARD ROY & ASSOCIÉS. LA PREUVE A) M. ANDRÉ MAROIS, POUR L’ORGANISME [7] M. Marois qui témoigne, sous serment, déclare être responsable de l’accès aux documents pour l’organisme. Celui-ci explique avoir pris connaissance de la demande d’accès datée du 4 juin 2003 et affirme que le dossier de la S.Q. fait état d’un incendie survenu, le 16 mars 2003, à l’École Notre-Dame-de-L’Assomption, à Saint-Cyrille-de-Wendover, propriété de la partie demanderesse. [8] M. Marois affirme de plus qu’une enquête policière est menée par un agent (de la S.Q.) qui est chargé, entre autres, de détecter ou réprimer le crime ou une infraction à une loi (art. 28, 1 er al.) de laquelle s’en est suivi un rapport d’enquête. Le dossier de la S.Q. constitué de ce rapport d’enquête contient, entre autres, des déclarations de témoins, de documents relatifs au déroulement de l’enquête, des annexes, etc. Il indique que l’examen de ce dossier fait ressortir « l’aspect méthodique de la recherche d’information » par l’agent. Celui-ci identifie des personnes qui pourraient avoir causé ou avoir un lien avec le sinistre. Les notes, des informations personnelles de l’agent réfèrent notamment à des personnes qu’il souhaite rencontrer; 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 16 71 Page : 3 les coordonnées de celles-ci y sont inscrites, etc. Ces informations représentent une façon de faire de cet agent afin de mener l’enquête (1 er al. de l’article 28 de la Loi sur l’accès, 3 e par.); elles ne devraient pas être divulguées. [9] Il signale de plus qu’au dossier de l’organisme se trouvent, entre autres une « Demande d’intenter des procédures » contre des individus relatives à cette affaire et la divulgation des documents refusés risque d’avoir une influence sur une procédure judiciaire, de nature criminelle (1 er par. de l’article 28). Il ajoute qu’« un grand nombre de personnes » ont été rencontrées. Celles-ci ont fourni à l’agent chargé de l’enquête ainsi qu’à d’autres policiers des renseignements confidentiels sur des tiers et sur la personne accusée d’avoir mis le feu dans l’école. Les déclarations de ces personnes contiennent des renseignements nominatifs les concernant; elles devraient demeurer confidentiels (art. 53), car le recoupement de ces renseignements permettrait d’identifier les individus qui y sont mentionnés (art. 54). Il considère donc essentiel de préserver leur identité, car, à son avis, leur divulgation risque de causer un préjudice (art. 28, 5 e par.) à ces individus. Il ajoute que ceux-ci n’ont d’ailleurs pas consenti à la communication des renseignements nominatifs les concernant et qui sont inscrits à ces déclarations (art. 88). [10] Par ailleurs, M. Marois précise que le dossier contient également une correspondance échangée entre M. Amyotte et M e Laplante, le présent avocat de la partie demanderesse, ainsi qu’une lettre datée du 7 juillet 2003 (pièce O-1) que la lieutenante M me Pierrette Gagnon a communiquée à celui-ci. À cette lettre, M me Gagnon affirme notamment qu’un recours, de nature criminelle est intentée, par le procureur général, contre X. M. Marois souligne que la lieutenante, M me Gagnon, s’est servie de son pouvoir discrétionnaire afin de fournir à l’avocat de la partie demanderesse le nom de « la seule personne » impliquée dans le sinistre. Celle-ci, autre que l’accusé, est une personne mineure. Il ajoute que dans cette lettre, la lieutenante tient à préciser que le nom de cette seule personne « ne devait pas être publié conformément aux dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants. » [11] Tenant à souligner les propos de la lieutenante, M. Marois indique « qu’aucune des personnes mentionnées » à la correspondance de l’avocat « n’a fait l’objet d’accusation criminelle. » L’article 59, 1 er al. de la Loi sur l’accès est invoqué comme motif de refus aux renseignements nominatifs concernant ces personnes, B) CONTRE-INTERROGATOIRE PAR M e MAURICE LAPLANTE [12] M. Marois réitère l’essentiel de sa déposition. Il ajoute que le droit d’accès est un principe général prévu à la Loi sur l’accès et fournit, à sa façon, une interprétation au 8 e paragraphe de l’article 59 de cette même loi traitant de la communication de renseignements nominatifs, sans le consentement de la personne concernée, ainsi que les articles qui y sont cités.
03 16 71 Page : 4 [13] En réponse à une question de M e Laplante eu égard à l’article 67 de la Loi sur l’accès, M. Marois souligne que cet article est inapplicable dans le cas en espèce. Le législateur accorde à un organisme public, un pouvoir discrétionnaire de recevoir communication à un renseignement nominatif, sans le consentement de la personne concernée, lorsque cette communication est nécessaire à l’application d’une loi au Québec; à cet effet, un avis doit préalablement être soumis, pour approbation, à la Commission. [14] Il indique de plus, que plusieurs personnes ont été rencontrées par des agents; « le fait de rendre public le nom des personnes physiques avant même que le processus judiciaire soit mis en branle », causerait un préjudice à celles-ci. Il ajoute qu’il ne peut pas se substituer au procureur général quant aux éléments de preuve que celui-ci entend se servir au cours de cette procédure. C) PREUVE PAR HUIS CLOS [15] Une preuve par huis clos portant sur les documents en litige, qui sont déposés sous le sceau de la confidentialité, est soumise par l’organisme conformément à l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission sur l'accès à l'information 2 . La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document qu'un organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [16] M e Laplante, pour la partie demanderesse, se retire de la salle d’audience, après avoir été avisé par la soussignée des motifs pour lesquels à ce stade-ci, il ne peut pas prendre connaissance des documents en litige. Reprise de l’audience [17] À la reprise de l’audience, l’avocate de l’organisme indique que des documents additionnels seront communiqués à la partie demanderesse. LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [18] M e Primeau argue que les documents en litige sont essentiellement constitués des notes personnelles de l’agent enquêteur relatif à l’incendie, des déclarations de 2 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
03 16 71 Page : 5 témoins, et tous autres documents pouvant aider cet agent à mener à terme une enquête policière. i) L’article 28 (1 er al.), paragraphe 1 [19] M e Primeau plaide qu’un agent au dossier est, dans le cadre de ses fonctions, chargé de prévenir, détecter et réprimer le crime. Dans le cas sous étude, une enquête policière a été menée par un agent enquêteur, secondé par d’autres agents, eu égard à l’incendie survenu à une école, propriété de la partie demanderesse. L’avocate plaide de plus que ces agents ont recueilli des renseignements auprès de personnes ayant eu connaissance du sinistre. Celles-ci ont de plus émis, de façon précise, des commentaires relatifs à une personne qui, à leur avis, serait impliquée dans ce sinistre. Ne voulant pas entraver les recours judiciaires qui seraient intentées par le procureur général contre l’auteur présumé de l’événement en question, l’organisme a raison d’invoquer l’article 28 (1 er al., 1 er par.) de la Loi sur l'accès comme motif de refus à la communication des documents. [20] Par ailleurs, l’avocate rappelle le témoignage de M. Marois selon lequel l’organisme a utilisé son pouvoir discrétionnaire et a dévoilé le nom d’une personne mineure impliquée dans l’évènement (pièce O-1 précitée). À cet égard, elle plaide que l’ancienne Loi sur les Jeunes contrevenants étant abrogée, la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents 3 s’applique à cette personne. Elle précise que le législateur prévoit à l’article 125 de cette loi un pouvoir discrétionnaire accordé à un agent de la paix ou au procureur général de communiquer ou non des renseignements contenus aux dossiers de ces adolescents. C’est une loi fédérale comportant un caractère prépondérant sur la Loi sur l’accès qui, elle, est de compétence provinciale au sens de la décision V. c. Ville de Longueuil 4 . [21] En ce qui concerne la Loi sur l’accès, l’avocate cite la décision Thiffault c. Ministère de la Sécurité publique 5 , eu égard au respect du caractère confidentiel du nom d’une personne, selon laquelle la Commission a notamment statué que : […] Le nom d’une personne associé au fait qu’elle pourrait être responsable d’un incendie est un renseignement nominatif au sens de l’article 54 de la Loi sur l’accès, puisqu’il concerne cette personne. Il est donc confidentiel. […] ii) L’article 28, paragraphe 3 [22] L’avocate argue que le policier a établi, suivant une méthode bien définie, une manière de procéder pour pouvoir recueillir une série d’informations pouvant l’aider dans son enquête. Il se sert, entre autres, de ces informations afin d’en tirer une 3 2002, ch.1 4 [1987] C.A.I. 115. 5 [1989] C.A.I. 139.
03 16 71 Page : 6 conclusion; elles font donc partie de la méthode d’enquête qui ne peut pas être divulguée à la partie demanderesse, respectant ainsi les dispositions législatives contenues à cet article. L’avocate commente à cet effet une décision de la Commission dans l’affaire X c. Ministère de la Sécurité publique 6 . iii) Concernant l’article 28, paragraphe 5 [23] Elle rappelle de plus la déposition de M. Marois voulant que des témoins ont fait des déclarations auprès des agents de l’organisme; ils ont émis des commentaires sur la personne présentement accusée d’avoir incendiée la propriété de la partie demanderesse; ils ont également émis des commentaires sur d’autres personnes qu’ils ont nommées. L’avocate réfère à la déposition de M. Marois selon laquelle l’organisme ne peut pas se substituer au procureur général qui détient le pouvoir de décider si des procédures judiciaires additionnelles seront intentées contre les individus ainsi nommés. iv) Les articles 53, 54 et 88 [24] M e Primeau rappelle que des témoins ont rencontré l’agent chargé de l’enquête ainsi que d’autres agents de police; ces témoins ont signé des déclarations statutaires relatives au sinistre. Ces documents contiennent des renseignements nominatifs tels les noms, adresses, les faits relatés par ces témoins, d’autres individus identifiés dans ces déclarations, etc. Ces renseignements doivent demeurer confidentiels (art. 53), et ce, tel qu’indiqué dans la décision Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard c. Ministère de la Sécurité publique 7 . La divulgation de ces renseignements permettrait d’identifier ces témoins (art. 54); il n’a pas été démontré à l’audience que ceux-ci aient consenti à la divulgation qui les regardent (art. 88). [25] À la décision ci-dessus mentionnée, il y est notamment indiqué que : […] Parmi les documents en litige, il n’y a qu’une déclaration statutaire d’un témoin; la demanderesse ne pourra pas y avoir accès, car la preuve n’a pas démontré que ce témoin ait consenti à ce que l’organisme divulgue les renseignements nominatifs qui le concernent. Il s’agit d’une personne physique dont l’identité doit demeurer confidentielle. Cens sont, entre autres, sa date de naissance, son adresse personnelle, son numéro de téléphone, etc. Les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès s’appliquent dans la présente cause. […] v) L’article 59, 2 e alinéa, paragraphe 9 6 C.A.I. Montréal, no 02 11 93, 21 novembre 2003, c. Constant. 7 C.A.I. Québec, no 02 14 64, 4 août 2003, c. Coulombe.
03 16 71 Page : 7 [26] Concernant cet article, M e Primeau plaide que l’organisme considère la partie demanderesse comme « est une personne impliquée dans la présente cause », l’école incendiée lui appartient; c’est le motif pour lequel il lui a volontairement communiqué les informations nominatives se trouvant à sa lettre datée du 7 juillet 2003 (pièce O-1 précitée). vi) L’article 67 [27] L’avocate de l’organisme plaide que l’article 67 est inapplicable dans la présente cause. Elle rappelle la déposition de M. Marois à l’effet qu’un organisme peut se servir de son pouvoir discrétionnaire pour communiquer un renseignement nominatif sur une personne concernée, si cette communication est nécessaire à l’application d’une loi au Québec. Elle précise, par ailleurs, que l’avocat de la partie demanderesse peut toujours se prévaloir des dispositions prévues au Code de procédure civile (le « C.p.c. ») afin d’obtenir les documents en litige. B) DE LA PARTIE DEMANDERESSE [28] M e Laplante plaide que la présente loi vise l’accès à des documents. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, l’organisme peut lui en refuser l’accès, tel qu’indiqué à la décision Thiffault c. Ministère de la Sécurité publique précitée : […] Toutefois, même si la Loi sur les jeunes contrevenants permet de donner accès à la victime, elle n’oblige pas l’organisme détenteur à le faire. En vertu de l’une ou l’autre des deux lois, le Ministère peut en refuser l’accès. […] [29] De l’avis de l’avocat, il importe d’examiner chaque cas en raison de la spécificité qui lui est propre, comme le présent cas. a) Les articles 53, 54 et 59, 2 e alinéa au 8 e paragraphe [30] M e Laplante plaide que le législateur a établi le principe de la confidentialité des renseignements nominatifs à l’égard d’une personne physique (art. 53) et qui permettent d’identifier celle-ci (art. 54). Le législateur a également établi à l’article 59 de ladite loi, les circonstances selon lesquelles les exceptions à cette confidentialité s’appliquent, notamment la possibilité pour un organisme public de communiquer, sans le consentement de la personne concernée, un renseignement nominatif dans des situations bien précises. L’avocat estime que l’interprétation trop restrictive (du 8 e par. de l’art. 59) faite par l’organisme empêche l’accès aux documents. [31] Il argue, par ailleurs, que les renseignements nominatifs recherchés lui sont nécessaires, afin d’être en mesure d’effectuer un examen approfondi du dossier, en fonction du mandat que lui a donné le Ministère de l’éducation, et de faire parvenir
03 16 71 Page : 8 une mise en demeure aux individus impliqués dans le sinistre; ces renseignements lui sont de plus nécessaires afin de pouvoir évaluer éventuellement la possibilité d’entreprendre un recours en responsabilité civile à l’encontre de ceux-ci ou au titulaire de l’autorité parentale (dans le cas des personnes mineures). b) L’article 67 [32] L’avocat argue que plusieurs articles, incluant l’article 67 de la Loi sur l’accès sont cités au 8 e paragraphe de l'article 59. Ils font partie des exceptions à la règle de confidentialité. Il plaide que ces articles « ont été voulus par le législateur qui ne parle pas pour rien dire ». En conséquence, la partie demanderesse devrait avoir accès aux renseignements nominatifs contenus aux documents en litige. c) L’article 1457 du Code civil du Québec (le « C.c.Q. ») [33] Par ailleurs, l’avocat plaide que le législateur prévoit notamment à l’article 1457 C.c.Q. qu’une personne doit respecter les règles de conduite qui lui sont imposées afin de ne pas causer préjudice à autrui. À défaut de s’y soumettre, la victime a le droit de réclamer des dommages auprès de l’auteur de ce préjudice. [34] En faisant référence au Code de procédure civile pour avoir accès aux documents en litige, l’avocat de la partie demanderesse réplique à l’avocate de l’organisme que, pour l’instant, il ne peut pas s’en servir, ne connaissant pas, par exemple, les adresses des personnes ciblées dans la demande d’accès pour les motifs déjà invoqués. LA DÉCISION [35] La présente demande vise, pour la partie demanderesse d’obtenir auprès de l’organisme tous renseignements nominatifs visant une personne majeure accusée dans une procédure judiciaire (405-01-013242-036), de nature criminelle, eu égard à un incendie survenu, le 16 mars 2003, à l’école primaire. Cette demande vise également l’obtention d’autres renseignements nominatifs, telles les adresses de cinq personnes mineures identifiées dans cette procédure. LÉGISLATION PERTINENTE À LA PRÉSENTE CAUSE : Art. 9, 28, 53, 54, 59, 67 et 88 Loi sur l’accès. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses,
03 16 71 Page : 9 ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; […] 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; […] 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; […] 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée.
03 16 71 Page : 10 Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: […] 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1. 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. 67. Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. ART. 125 (1) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents 8 125. (1) L'agent de la paix peut communiquer à toute personne les renseignements contenus dans un dossier tenu en application des articles 114 (dossiers des tribunaux) ou 115 (dossiers de police) dont la communication s'impose pour la conduite d'une enquête relative à une infraction. [36] La partie demanderesse a formulé sa demande selon les termes prévus à l’article 9 de la Loi sur l’accès. Ce droit fondamental pour requérir l’accès à des documents détenus par l’organisme lui appartient, sous réserves des restrictions législatives prévues notamment aux articles 53 et 54 de ladite loi. 8 2002, ch.1
03 16 71 Page : 11 [37] Le rapport d’enquête en litige déposé à l’audience par l'organisme, sous le sceau de la confidentialité, contient 175 pages, incluant 29 annexes; il comprend entre autres : • Un document intitulé « Promesse remise à un juge de paix ou à un juge »; • Un mandat d’arrestation; • Une « Demande d’intenter des procédures »; • Un document intitulé « Effets personnels »; • Un « Suivi d’une personne mise en garde »; • Un document contenant des renseignements sur une personne « avant incarcération »; • Un rapport d’investigation - scène d’incendie concernant l’École Notre-Dame L’Assomption faisant notamment un constat de l’état des lieux, des commentaires de l’enquêteur; • Copie du permis de conduire d’un témoin; • Un formulaire de « Dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition »; • Un mandat de perquisition; • Des notes personnelles d’un agent enquêteur; • Un formulaire de « Demande pour intenter un recours de nature criminelle est adressée au Procureur général; • Douze déclarations statutaires de douze témoins inscrites, sous forme manuscrite et dactylographique. Huit de ces témoins sont des personnes mineures, dont l’âge varie de 14 à 17 ans au moment du sinistre survenu, le 16 mars 2003, à l’école primaire; • Un formulaire dûment complété intitulé « Guide d’assermentation », etc.
03 16 71 Page : 12 A) L'ARTICLE 59, AL. 2 (9) [38] Il est établi en preuve que la partie demanderesse est considérée comme étant « une personne impliquée dans un événement » au sens de l’article 59, al. 2 (9). La preuve non contredite indique que l’école incendiée est la propriété de la partie demanderesse, d’une part; l’organisme lui a communiqué, d’autre part, l’identité d’une autre personne qui aurait été impliquée dans cet événement (pièce O-1 précitée). [39] De plus, parmi les documents déposés sous le sceau de la confidentialité, se retrouvent les noms de cinq personnes mineures apparaissant dans le dossier de la cour (405-01-013242-036) dans une « Promesse remise à un juge de paix ou à un juge » datée du 15 avril 2003. La preuve, à l’audience, n’a pas démontré que des procédures aient été intentées contre eux, qu’un jugement ait été rendu à leur égard. B) L’ARTICLE 28 (1 er AL., PAR. 1 ET 3) [40] Par ailleurs, la Commission est d’avis que dans le cas sous étude, un policier, par son titre et ses fonctions, est une personne chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime, selon les termes établis aux paragraphes 1 à 9 de l'article 28 de la Loi sur l'accès, et particulièrement aux paragraphes 1 et 3. [41] Dans le cas en espèce, l’organisme doit être en mesure d’établir, entre autres, que la divulgation des renseignements confidentiels recherchés par la partie demanderesse risque d’avoir un impact sur une procédure judiciaire. C’est ce qu’a fait le témoin de l’organisme à l’audience. [42] Les auteurs Duplessis et Hétu 9 commentent en ce sens le premier paragraphe de l’article 28: […] Le premier paragraphe de l’article 28 exige comme condition d’application une certaine probabilité d’entrave à une procédure. […] Je suis d’avis qu’on ne peut pas entraver le déroulement d’une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires aussi longtemps que la procédure n’est pas commencée. […] [43] La Commission considère que l’organisme s’est déchargé du fardeau de preuve voulant qu’il ait refusé à la partie demanderesse l’accès à certains documents, au motif que leur divulgation risquerait effectivement d’entraver le déroulement d’une procédure judiciaire.
03 16 71 Page : 13 [44] Par ailleurs, parmi les documents déposés à l’audience, sous pli confidentiel, par l’organisme, se retrouvent des notes personnelles prises par un agent dans le cadre de son enquête eu égard, entre autres, à des témoins éventuels à rencontrer avec leurs fonctions, leur adresse respective et leur numéro de téléphone, le cas échéant. Ces documents doivent demeurer inaccessibles à la partie demanderesse (art. 28, par. 3), car leur divulgation risque de révéler des techniques ou des moyens dont l’agent compte se servir à l’enquête. De plus, ces notes sont essentiellement constituées de renseignements nominatifs concernant les personnes mentionnées. [45] Commentant la décision Cloutier c. Ville de Lévis 10 , les auteurs Duplessis et Hétu indiquent 11 : […] Il s’agit en quelque sorte d’une partie de la méthode d’enquête d’une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter et réprimer le crime ou les infractions aux lois. […] [46] La partie demanderesse, pour sa part, voudrait obtenir toutes les informations sur les personnes identifiées (par ex. leurs adresses personnelles), et ce, pour les motifs clairs, à savoir pouvoir entreprendre contre celles-ci des procédures judiciaires, de nature civile, le cas échéant. C) LES ARTICLES 28, 1 er AL., 5 e PAR., 53, 54 ET 88 [47] Par ailleurs, au rapport d’enquête sont annexés douze déclarations de témoins, dont la date de naissance de huit d’entre eux indiquent qu’ils sont des personnes mineures au moment de l’incendie. Les noms de cinq d’entre eux apparaissent dans un document portant le numéro de la Cour 405-01-013242-036 et datée du 15 avril 2003. Outre cette information, lesdites déclarations contiennent, entre autres, l’adresse et l’âge de chacun d’eux. Ces témoins ont tous décrit, à leur manière, ce qu’ils prétendent savoir de l’incendie en question; ils ont émis des commentaires personnels à l’égard de chaque personne citée à leur déclaration respective; ils ont indiqué, pour la plupart, l’adresse et les gestes posés par cette personne, etc. Ce sont des renseignements nominatifs devant demeurer confidentiels (art. 53) et ce, en conformité avec une jurisprudence constante de la Commission, notamment dans les décisions L’Assurance Royale c. Bureau du commissaire des incendies de la Ville de Québec et Ville de Québec 12 et Fleury c. Tribunal administratif 13 . [48] La divulgation de ces renseignements permettrait d’identifier les personnes mentionnées (art. 54); il doivent également demeurer confidentiels peu importe les 10 [1987] C.A.I. 465. 11 Id. 12 [1998] C.A.I. 215. 13 [2000] C.A.I. 94.
03 16 71 Page : 14 motifs pour lesquels la partie demanderesse souhaite les obtenir et ce qu’elle désire en faire, tel qu’il est mentionné dans la décision Balmet Canada inc. c. Hôpital du Haut Richelieu 14 . De plus, le processus judiciaire suivant son cours, la Commission considère que la révélation des renseignements (contenus dans les déclarations) risque vraisemblablement de causer préjudice aux personnes identifiées (art. 28, 1 er al., par. 5); ils sont donc inaccessibles. De plus, il n’a pas été démontré que celles-ci (ou le titulaire de l’autorité parentale pour les personnes mineures, art. 53 (au 1 er par.)) aient consenti à la divulgation desdits renseignements qui les concernent personnellement (art. 88). [49] Toutefois, après avoir examiné tous les documents en litige, la Commission considère que la partie demanderesse pourra avoir accès aux renseignements contenus aux pages suivantes : • Les 1 ère et 2 e pages; • Les pages 13 à 16 inclusivement; • À la page 25, le nom, le numéro de matricule de l’agent et le nom du directeur d’école; • À la page 26, les noms du directeur des ressources matérielles et du coordonnateur de la partie demanderesse; • À la page 35, le nom de l’enquêteur principal; • Les pages 74 et 75; • La page 78, à l’exception du nom de la personne mentionnée après le mot « Découverte par : »; • Les pages 79 à 87, à l’exception du paragraphe 7.1 (en page 87); • Les pages 88 et 89. D) L’ARTICLE 67 [50] Par ailleurs, la Commission est d’avis que l’article 67 ne s’applique pas dans la présente cause et fait siens les commentaires émis dans l’affaire Compagnie d’assurances Union c. Collège régional Champlain qui commente la décision Syndicat des travailleurs et travailleuses du Centre d’accueil Émile-Gamelin et de la résidence 14 [1991] C.A I. 230.
03 16 71 Page : 15 Armand-Lavergne c. Centre d’accueil Émile-Gamelin 15 . À cette décision, la Cour supérieure a statué, entre autres, ce qui suit : […] les articles 67 et 68 de la Loi sur l’accès ne créent pas de droit d’accès, mais confèrent plutôt à un organisme public la faculté ou la discrétion de communiquer un renseignement nominatif dans certaines conditions. [51] De plus, dans l’affaire Turgeon c. Secrétariat au loisir et au sport et la Commission d’accès à l’information 16 , la Cour du Québec a notamment statué que : […] Or, l’article 67 ne vise aucunement les cas où le renseignement nominatif est requis pour l’exercice d’un recours civil contre un tiers. Il vise plutôt les cas où le renseignement nominatif est requis pour l’application d’une loi au Québec. En fait, l’exercice d’un recours civil relève du domaine privé et appartient au justiciable désireux de faire valoir ses droits alors que l’application d’une loi au Québec relève du domaine public et repose sur la compétence de la personne ou de l’organisme désignés à cette fin par la loi. Voilà deux finalités qui sont fort différentes et qui ne peuvent certes pas être confondues. […] [52] Par ailleurs, parmi les huit personnes mineures ayant signé leur déclaration respective, les noms de cinq d’entre eux apparaissent dans une procédure judiciaire, de nature criminelle. Le témoin de l’organisme a témoigné, à l’audience, que des accusations ou des procédures de cette nature n’ont pas été entreprises contre ces personnes. E) ARTICLE 125 DE LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS. 15 [1993], C.A.I. p. 150. 16 200-80-000887-032
03 16 71 Page : 16 [53] Par ailleurs, l’article 125 de cette Loi précité (de compétence fédérale) accorde notamment à un agent de la paix ou au procureur général un pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements se trouvant dans le dossier d’une personne mineure. Cependant, l’article 53 de la Loi sur l’accès (de compétence provinciale), s’interprète de façon plus restrictive et revêt un caractère d’ordre public.. En effet, les renseignements nominatifs concernant une personne doivent demeurer confidentiels. Ces deux articles s’interprètent différemment, il n’y a pas d’incompatibilité entre eux. [55] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la présente demande de révision de la partie demanderesse contre le ministère de la Sécurité publique; ORDONNE au Ministère de donner à la partie demanderesse accès aux documents tels qu’indiqués au paragraphe 49; REJETTE, quant au reste, la demande; FERME le présent dossier portant le n o 03 16 71. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 27 juillet 2004 M e Sophie Primeau BERNARD ROY & ASSOCIÉS Procureurs pour le ministère de la Sécurité publique M e Maurice Laplante CLAIR LAPLANTE CÔTÉ Procureurs de la partie demanderesse
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