Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 02 14 85 Date : 2004.07.20 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. SOCIÉTÉ DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 5 juillet 2002, par l’entremise de son avocat, Me Jean Mercure, le demandeur s’adresse au chef d’équipe de l’examen de la réclamation de son client chez l’organisme, monsieur Jacques Jean, afin d’obtenir : […] toutes les informations, documents, correspondances, rapports d’enquête, notes informatisées, cassettes vidéo concernant l’enquête dont a été l’objet notre client […]. [2] Le 22 août 2002, le responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) reconnaît avoir reçu, le même jour, la demande d’accès et réclame 10 jours supplémentaires au délai de 20 jours prévu par la Loi pour répondre à celle-ci. 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci après appelée « la Loi ».
02 14 85 Page : 2 [3] Le 20 septembre 2002, le Responsable envoie certains documents au demandeur, mais refuse l’accès total ou partiel à certains autres documents en vertu des articles 86.1 et 88 de la Loi en ces termes : […] Nous désirons vous informer que, conformément à l’article 86.1 de la [Loi], nous avons retranché un avis ou une recommandation émis[e] par notre personnel, le processus décisionnel n’étant pas encore terminé. Veuillez noter que vous pourrez demander ce document dès qu’une décision sera rendue. De même, selon l’article 88 de cette même loi, nous avons retranché des renseignements constituant des informations personnelles sur des tierces personnes. (Les inscriptions entre crochets sont de la Commissaire) [4] Le 25 septembre 2002, l’avocat du demandeur requiert la Commission d’accès à l’information (la Commission) de réviser la décision du Responsable concernant le retrait de l’avis ou recommandation émis[e] par le personnel et visée par l’article 86.1 de la Loi. [5] Les 28 août 2003 et 2 février 2004, une audience se tient en la ville de Montréal. L’AUDIENCE A. LA DÉTERMINATION DU LITIGE, EN PRÉLIMINAIRE [6] Selon les termes de la demande de révision, la question à déterminer est de savoir si le Responsable était fondé, le 20 septembre 2002, de refuser au demandeur l’accès aux parties masquées ou omises du dossier d’enquête sur ce dernier en autant que les renseignements exclus de l’accès se rapportent aux avis ou recommandations émises dans le cadre de l’application de l’article 86.1 de la Loi et, le cas échéant s’il en existe parmi ceux-ci, aux renseignements visés par l’article 88 de la Loi. [7] La Commission comprend que le demandeur se satisfait des témoignages du Responsable de l’accès, Me Claude Gélinas, et de celui de madame Françoise Goupil rendus lors de la séance du 2 février dernier sur la tenue, la constitution, l’usage interne et le contenu des panoramas informatiques concernant les dossiers
02 14 85 Page : 3 que l’organisme détient, en général, sur les citoyens et concernant celui du demandeur en particulier. [8] La Commission en arrive à la même conclusion après examen des éléments de preuve documentaire déposés à l’appui de ces témoignages (O-4, O-5, O-6 et O-7) ce jour-là. [9] Il ressort de ces témoignages et de cette preuve documentaire O-4 à O-7 que, dans la gestion de ses dossiers, l’organisme utilise 18 panoramas différents portant des numéros de code (listes des panoramas déposées sous les cotes O-6 et O-7). Chacun de ces 18 panoramas fait état, par catégorie, d’informations recueillies ou versées dans un dossier (tous les panoramas spécifiques concernant le demandeur sont déposés sous la cote O-4), lesquelles sont ensuite automatiquement fondues dans un grand fichier qui regroupe toutes les catégories d’interventions et d’informations inscrites et collectées pour ce dossier. C’est ce dernier panorama général élagué qui avait d’abord été fourni au demandeur. [10] Les témoins expliquent que cette façon de faire permet une plus grande sécurité des renseignements personnels puisqu’elle n’autorise qu’un accès restreint à certains employés qui n’ont, de par leurs fonctions, qu’à ajouter, à rectifier ou modifier un seul type d’informations spécifiques. Par exemple, l’employé qui ne doit tenir à jour que le fichier des adresses n’a accès qu’à ce fichier et n’intervient que dans le panorama des adresses sans accéder au dossier global du citoyen. Cette information s’ajoute alors automatiquement au fichier général. [11] Ces témoignages ainsi que le dépôt des documents O-1, O-2 et O-3 établissent que l’organisme ne détient pas d’autres documents que ceux qu’il a remis au demandeur ainsi que ceux et parties de ceux qu’il a remis sous pli confidentiel à la Commission. [12] Ainsi, les témoignages, les documents déposés sous les cotes O-1 à O-3 et l’examen des documents déposés sous pli confidentiel par l’organisme établissent que le litige se limite aux documents et partie de documents suivants, lesquels ont été retirés de l’accès en raison des dispositions mentionnées entre parenthèses : 1) les trois lignes élaguées en la page 1 de la liasse O-1 après les mots « Il va au garage pour effectuer des travaux pour lui-même » (art. 86.1); 2) au bas de la page 2 de la liasse O-1, le texte élagué qui suit « (chez ses parents ou chez sa blonde) », à l’exception des 2 lignes concernant le rappel pour la vérification fiscale (art. 86.1); 3) à la page 4 de la liasse O-1, les 7 lignes élaguées du texte apparaissant au regard de la date 00-05-10 (art. 88);
02 14 85 Page : 4 4) au bas de la page 5 de la liasse O-1 le texte élagué qui suit le mot « Précision : » et qui se termine par le mot « Merci » (art. 88); 5) à la page 7 de la liasse O-1, le texte de 5 lignes sous le paragraphe « Enquête » (art. 88); 6) tout le texte la page 8 de la liasse O-1 (art. 88); 7) à la page 9 de la liasse O-1, le texte du paragraphe 3.3 et le numéro de téléphone de la déclarante au paragraphe 3.4 (art. 88); 8) à la page 10 de la liasse O-1, le numéro de téléphone de la déclarante au paragraphe 3.4 et le reste de la première ligne du paragraphe 3.5 après les mots « Nous avons rencontrés » (art. 88); 9) à la page 11 de la liasse O-1, le texte sous le titre « Conclusion » (art. 86.1); 10) à la page 13 de la liasse O-1, les renseignements apparaissant à la ligne 3 à côté des mots : « déclare solennellement que » (art. 88); 11) une déclaration de 2 pages (annexe 1 du rapport d’enquête de la firme « Investigations Impérial », manuscrite, datée du 1 er décembre 2000 et signée par la personne déclarante dûment identifiée (art. 88); 12) une déclaration d’une page (Annexe 3 du même rapport d’enquête), manuscrite, datée du 12 décembre 2000 et signée par la personne déclarante (art. 88); 13) au « Résumé du cas » signé par Sylvie L’Italien, chef de service le 15 novembre 2000, page 5 de la liasse O-3, les deux premiers paragraphes du texte (art. 88); 14) à la page identifiée 6 de la liasse O-3, section « Intervention », les 4 premières lignes du texte au titre « Description intervention » (art. 88); 15) la page 1 de la requête 00003309 reçue par Nicole Rajotte (art. 88); 16) les pages 1 et 2 de la requête 00002633 reçue par Jean Mathieu (art. 88); 17) à la page identifiée 10 de la liasse O-3, trois premières lignes du résumé des faits (manuscrit) (art. 88); 18) note manuscrite de Sylvie à Madeleine non datée, d’une page (art. 88);
02 14 85 Page : 5 19) Mémo d’une page de la Vice-présidence aux opérations régionales à la VPSA-Indemnisation daté du 20 mai 2000 (art. 88). [13] L’examen des documents et des parties de documents 1) à 19) désignés par l’organisme comme étant en litige convainc la Commission que seuls les parties des documents 1), 2) et 9) constituent des avis ou des recommandations au sens de l’article 86.1 de la Loi. [14] Il en résulte que seules ces parties des documents 1), 2) et 9) sont visées par la demande de révision qui se limitait à contester la décision en autant qu’elle concerne les avis ou recommandations. La décision sur l’application de l’article 88 n’est pas contestée par le demandeur. [15] Tous les autres documents ou parties de documents ne sont pas en litige. B. LA PREUVE i) de l’organisme Témoignage de monsieur Jacques Jean [16] Monsieur Jean est le chef d’équipe en indemnisation chez l’organisme. Il avait charge du dossier du demandeur. [17] À titre de chef d’équipe, il doit analyser les dossiers, conseiller les agents d’indemnisation et donner des avis ou des recommandations sur la position que l’organisme doit tenir. [18] Il occupe les mêmes fonctions depuis mai 2001. [19] Il explique les éléments spécifiques du dossier du demandeur, bénéficiaire d’une rente viagère, et souligne que des indices laissaient supposer que ce dernier allait vraisemblablement se prévaloir de son droit de formuler une demande de capitalisation de sa rente viagère dans l’avenir. [20] Le témoin explique qu’un des critères pour être admissible à telle demande de capitalisation d’une rente viagère est de résider hors du Québec pendant plus de trois ans. [21] Le demandeur ayant déclaré résider en Ontario depuis l’été 2000, le témoin a recommandé que l’organisme enquête sur la véracité de cette déclaration en décembre 2000.
02 14 85 Page : 6 [22] Le témoin Jean déclare que la loi ne pose aucune limite de temps pour la présentation d’une telle demande par le bénéficiaire d’une rente. Il ajoute cependant que le demandeur n’a pas formulé, jusqu’à la date de l’audience, une demande de capitalisation de sa rente. [23] En contre-interrogatoire, le témoin reconnaît qu’il a l’intention de rendre une décision sur l’admissibilité du demandeur à la capitalisation de sa rente dès qu’il aura reçu une demande de capitalisation de la part de ce dernier. ii) du demandeur [24] Le demandeur ne présente aucun élément de preuve. C. REPRÉSENTATIONS i) de l’organisme [25] L’avocate de l’organisme prétend que pour appliquer l’article 86.1 de la Loi, quatre critères doivent être présents : 1) les renseignements doivent concerner le demandeur d’accès, 2) les renseignements doivent être de la nature d’un avis ou d’une recommandation, 3) l’auteur de cet avis ou de cette recommandation doit être une ou l’autre des personnes mentionnées à cette disposition et 4) une décision finale ne doit pas encore avoir été rendue sur la matière faisant l’objet de l’avis ou de la recommandation. [26] Elle cite la jurisprudence applicable et prétend que, comme aucune décision n’a été rendue sur le fait de savoir si le demandeur est admissible à la capitalisation de sa rente, les renseignements formant l’avis ou la recommandation en litige ne peuvent être révélés. [27] Elle confirme que l’avis en litige porte sur une éventuelle demande de capitalisation de la part du demandeur. ii) du demandeur [28] L’avocat du demandeur argue que la décision visée est nécessairement tributaire, a priori, d’une demande de capitalisation. [29] Or, soumet-il, il est admis de tous que son client n’a jamais formulé de demande de capitalisation.
02 14 85 Page : 7 [30] Il n’y a donc, selon lui, aucune décision à rendre de la part de quiconque et il n’existe aucun processus décisionnel en cours. [31] Les avis et les recommandations en litige, s’il en est, ne sont pas donnés dans le cadre d’un processus décisionnel, de sorte que personne ne peut raisonnablement s’attendre à ce qu’une décision finale ne soit rendue dans ce cadre. [32] L’avocat du demandeur plaide que l’article 86.1 ne s’applique pas ici. DÉCISION [33] L’organisme a prétendu que l’article 86.1 de la Loi s’applique au cas en l’espèce : 86.1 Un organisme public peut refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, lorsque ce renseignement est contenu dans un avis ou une recommandation fait par un de ses membres ou un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions, ou fait à la demande de l'organisme par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence et que l'organisme n'a pas rendu sa décision finale sur la matière faisant l'objet de cet avis ou de cette recommandation. [34] La Commission ne peut souscrire à cet énoncé. [35] En effet, l’organisme ne pourra prétendre entrer dans quelque processus décisionnel sur la matière faisant l’objet des avis et recommandations en litige que lorsque le demandeur n’aura, à tout le moins, formulé une demande de capitalisation de sa rente viagère. [36] La preuve démontre qu’il ne l’a pas encore fait. Il a seulement manifesté qu’il songeait à la faire. [37] L’organisme a entrepris une enquête sur une hypothétique demande de capitalisation au sujet de laquelle une décision serait éventuellement rendue. Les
02 14 85 Page : 8 avis ou les recommandations en litige ne font partie d’aucun processus décisionnel en cours, lequel est une condition incontournable d’application de l’article 86.1. [38] La Commission est donc d’avis que l’article 86.1 n’est pas applicable en l’espèce. [39] Aucune autre disposition de la Loi n’a été invoquée par le Responsable pour refuser l’accès aux avis et recommandations en litige. De plus, il ne s’y trouve aucun renseignements que la Commission doit protéger d’office. [40] La Commission conclut que les parties retenues des documents 1), 2) et 9) sont accessibles au demandeur. [41] Comme elle l’a déterminé plus haut, les autres documents ou partie de documents ne sont pas en litige puisque le demandeur n’a pas contesté devant la Commission la décision du Responsable à leur égard. En conséquence, la présente décision ne vise pas ces autres documents. [42] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE la demande de révision; et ORDONNE à l’organisme de remettre au demandeur les renseignements retenus des documents 1), 2) et 9). Québec, le 20 juillet 2004. DIANE BOISSINOT commissaire Avocate de l’organisme : M e Annie Rousseau Avocat du demandeur : M e Jean Mercure
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