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Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 10 17 Date : 20040719 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. École nationale de police du Québec Organisme public DÉCISION LOBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 10 mai 2003, le demandeur requiert de lÉcole nationale de police du Québec (l « organisme ») une copie de lexamen auquel il a participé le 22 janvier 2003 ainsi que les « bonnes réponses aux questions » qui ont été posées. [2] Le 12 mai, lorganisme lui communique un accusé de réception et le 14 mai, il lui refuse laccès audit dossier, invoquant à cet effet larticle 40 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur laccès »). [3] Le 9 juin 2003, le demandeur formule auprès de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») une demande de révision. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 10 17 Page : 2 LAUDIENCE [4] Laudience de cette cause se tient en la Ville de Gatineau, le 22 juin 2004, en présence du demandeur, du témoin de lorganisme qui est représenté par M e Gérald Laprise. LA PREUVE A) M. JEAN LORTIE, POUR LORGANISME [5] M. Jean Lortie, qui témoigne, sous serment, déclare quil est psychologue depuis 1996 et récemment il a été nommé chef déquipe pour le Centre dappréciation du personnel de la police (le « CAPP »). Les principales fonctions de celui-ci consiste, entre autres, à préparer des examens écrits (questions-réponses), à la demande des divers corps policiers dans la Province de Québec, incluant la Sûreté du Québec (la « S.Q. »), lors de concours que doivent subir des candidats. [6] Ainsi, le Service de police de Gatineau a requis les services du Capp afin deffectuer un concours pour combler un poste de « lieutenant détective aux enquêtes criminelles ». Lexamen se faisait en deux volets, à savoir : a) un examen de connaissance de sujets précis, dont la note de passage est de 60%; cest un examen éliminatoire; b) un examen par simulation de cas. [7] Cent questions sont prises dans une banque informatisée de 700 à 800 et les réponses sont à choix multiples (a, b, c, d, e). La correction se fait par lecteur optique. Lorsquun candidat obtient, par exemple, la note de 59%, une correction est effectuée automatiquement par une personne, et ce, afin déviter toute ambiguité. Par la suite, Capp transmet à lorganisme les résultats du concours; celui-ci communique à chaque candidat le résultat de son examen. [8] Considérant limportance du poste convoité, M. Lortie affirme que les candidats devront être en mesure de répondre adéquatement aux questions touchant les éléments suivants : a) connaissance dans la gestion, telle la supervision du personnel (25 questions); b) connaissances générales (16 questions);
03 10 17 Page : 3 c) connaissances spécifiques relatives, par exemple, au Code criminel et aux lois connexes (51 questions); d) connaissance eu égard aux lois provinciales (8 questions). [9] De lavis de M. Lortie, toutes les questions sont susceptibles dêtre réutilisées dans le cadre dautres concours requis par divers corps de police. Il précise cependant que seulement 10% de ces questions ne sont pas réutilisées dans leur version initiale et peuvent faire lobjet de modification afin de respecter, entre autres, des amendements législatifs. Par la suite, elles sont remises dans la même banque de questions pour être utilisées ultérieurement lors de nouveaux concours. M. Lortie dépose confidentiellement les documents faisant lobjet du présent litige. Clarification recherchée par le demandeur [10] M. Lortie réitère lessentiel de sa déposition initiale. Il ajoute que le Capp « puise les questions » à partir de la banque de questions après avoir examiné la description de tâches requises que lui a préalablement fourni un corps de police pour le poste demploi quil désire combler. Il signale cependant quun candidat ayant participé à plusieurs concours, peut retrouver certaines de ces questions ainsi que les réponses, ce qui risque de lui donner un avantage indu sur les autres candidats nayant pas vécu cette expérience. B) LE DEMANDEUR [11] Le demandeur, qui témoigne sous serment, affirme, pour sa part, quil a participé à plusieurs concours et se souvient quil a pu identifier des questions auxquelles il a déjà répondu lors de concours antérieurs; il réitère son désir à vouloir obtenir les documents recherchés, parce quil considère que « la majeure partie des questions/réponses » ne seront plus réutilisées » par lorganisme. LES ARGUMENTS A) DE M e GÉRALD LAPRISE, POUR LORGANISME [12] M e Laprise résume le témoignage de M. Lortie, témoin pour lorganisme. [13] Lavocat argue que lorganisme ne peut pas communiquer au demandeur une copie des questions-réponses eu égard au concours auquel il a participé le 22 janvier 2003 dans le but dobtenir le poste de lieutenant détective au Service de
03 10 17 Page : 4 police de Gatineau. Lavocat plaide que ce concours constitue une épreuve destinée à évaluer les connaissances, les aptitudes et les habiletés dun candidat selon les termes de larticle 40 de la Loi sur laccès, et ce, tant et aussi longtemps que lépreuve est utilisée, tel quindiqué dans les décisions Tremblay c. le CEGEP de Rosemont et la Commission daccès à linformation 2 , dune part et dans Forget c. Ville de St-Hyacinthe 3 , dautre part. [14] Lavocat rappelle la déposition de M. Lortie selon laquelle la majeure partie des questions sont réutilisées par le Capp lors des concours, à lexception de 10% de celles-ci qui peuvent faire, par exemple, lobjet de modification pour, par la suite, être remises dans la banque informatisée de questions-réponses. [15] Le demandeur, pour sa part, fait ressortir les mêmes éléments tels quindiqués lors de sa déposition initiale et quà son avis, le témoignage de M. Lortie aurait fait ressortir quil est possible quune série de questions ne soient pas réutilisées par lorganisme, car « une grande partie de questions ne reviendront jamais, » par exemple, en raison de modifications législatives, RÉPLIQUE DE LORGANISME [16] Lavocat de lorganisme réplique que linterprétation donnée par le demandeur sur ce dernier point est inexact; il précise plutôt que seulement 10% des questions ne demeurant pas dans leur version initiale, peuvent faire lobjet de modifications pour ensuite être remises dans la banque de questions pour utilisation ultérieure. Il rappelle de plus limportance de respecter les critères législatifs pour voir à lapplication de larticle 40 de la Loi sur laccès comme motifs de refus aux questions-réponses tel quil a déjà plaidé à laudience. LA DÉCISION [17] Le document produit par lorganisme à laudience, sous le sceau de la confidentialité, est un questionnaire (de 31 pages) portant lentête de lorganisme sous le titre « Examen de connaissances » daté du 22 janvier 2003, le titre du poste recherché, la description du Capp; il contient cent questions. [18] Un autre document (une page) porte le titre du poste convoité « Lieutenant-détective » sur lequel les candidats doivent inscrire leurs réponses. 2 Cour du Québec 200-02-002492-942 3 C.A.I. Montréal, no 01 03 99 et 01 04 00, 13 juin 2002, c. Stoddart.
03 10 17 Page : 5 [19] La Commission comprend que le demandeur désire obtenir une copie des questions et réponses du concours pour le poste ci-dessus mentionné auquel il a participé. Ce droit daccès est prévu au deuxième alinéa de larticle 83 de la Loi sur l'accès. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. [...]. [20] À ce droit daccès, le législateur prévoit des restrictions se retrouvent, entre autres, à larticle 87 de ladite loi : 87. Sauf dans le cas prévu à l'article 86.1, un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, dans la mesure la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section II du chapitre II. [21] Par ailleurs, les auteurs Duplessis et Hétu 4 commentent en ce sens larticle 83 tout en tenant en compte de ces restrictions : Une personne qui se prévaut, comme en l'espèce, de son droit d'accès aux renseignements la concernant, tel que prévu à l'article 83 de la loi est susceptible de se voir refuser l'accès à certains renseignements suivant l'article 87. [...] Ce n'est certes pas sans raison que le législateur ne réfère pas dans l'article 87 de la loi à la section I du chapitre II, dans laquelle l'article 9 se trouve. L'article 9 vise toute personne, y compris des tiers, qui fait une demande d'accès aux documents d'un organisme public. Dans le cas de l'article 83, il s'agit du droit pour une personne d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Il est admissible que le législateur ait prévu des restrictions différentes au droit d'accès dans les deux cas. 4 M e Yvon DUPLESSIS et M e Jean HÉTU, L'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Loi indexée, commentée et annotée, Publications CCH Ltée, 2002, f. 210 103-210 104.
03 10 17 Page : 6 [22] Larticle 40, se trouvant à la section II du chapitre II de la Loi sur l'accès, stipule que : 40. Un organisme public peut refuser de communiquer une épreuve destinée à l'évaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de l'expérience d'une personne, jusqu'au terme de l'utilisation de cette épreuve. [23] Pour voir à lapplication de larticle 40 de la Loi sur laccès, les diverses instances judiciaires et quasi-judiciaires ont fait ressortir dans leurs décisions respectives deux éléments essentiels devant être démontrés par un organisme public, comme dans le cas sous étude. Il faut dabord examiner si le document en litige constitue une épreuve destinée à lévaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de lexpérience dune personne. Ensuite, il faut savoir si lépreuve sera réutilisée, tel qu'il est mentionné notamment dans les affaires Bayle c. Université Laval 5 , Bourgault c. Commission scolaire Sainte-Thérèse 6 , Therrien c. Ville de Montréal 7 et Lecca c. Conseil du Trésor 8 . [24] Dans laffaire Office des ressources humaines c. Matakias et Commission daccès à linformation 9 , la Cour du Québec a statué, entre autres, sur la nécessité, pour lappelant, de démontrer que les documents convoités « font partie intégrante de lépreuve et que lépreuve était encore utilisée ». [25] La cour a fait ressortir, entre autres, que le mot « épreuve » comprend ici tous les documents qui ont pour utilité première « lévaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de lexpérience dune personne ». [26] Dans le cas sous étude, la preuve obtenue à laudience a démontré que le document est toujours utilisé et le sera également lorsque les divers corps de police provinciaux feront appel aux services du Capp qui se chargera de puiser dans sa banque de données se situant entre 700 à 800 questions/réponses des examens écrits en fonction de la description de tâches que ces corps policiers lui auront transmise pour le poste précis à combler. À peine 10% de ces questions/réponses peuvent faire lobjet de modification, pour ensuite être remises dans ladite banque de données à des fins dutilisation. 5 [1989] C.A.I. 48. 6 [1990] C.A.I. 216. 7 C.A.I. Montréal, n o 01 04 64, 7 septembre 2001, c. Constant; requête pour en appeler rejetée par la Cour du Québec [2002] C.A.I. 390 (C.Q.). 8 C.A.I. Montréal n o 00 06 66, 23 mai 2001, c. Iuticone. 9 C.Q. Québec n 200-02-004442-887, j.j. Verge, Langevin, Gobeil
03 10 17 Page : 7 [27] En raison de ce qui précède, la Commission est également davis que les critères établis à larticle 40 de la Loi sur laccès précité pour refuser au demandeur laccès à ce document sont rencontrés. [28] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du demandeur contre lÉcole nationale de police du Québec; FERME le présent dossier portant le n o 03 10 17. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 19 juillet 2004 M e Gérald Laprise Procureur de lorganisme
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