Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 00 17 95 Date : 8 juillet 2004 Commissaire : M e Hélène Grenier ROGER ST-AMANT Demandeur c. CÉGEP DE VICTORIAVILLE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le demandeur s’adresse à l’organisme le 20 septembre 2000 pour obtenir copie des « prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées 2000-2001 ». [2] Sa demande d’accès est refusée le 9 octobre 2000; les articles 9, 14, 39, 53 et 57 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 , alors invoqués, donnent lieu à une demande de révision datée du 16 octobre 2000. Une objection quant à la compétence de la Commission, soulevée à l’audience du 29 janvier 2002, est tranchée par la Cour du Québec le 12 novembre 2003. Le 19 avril 2004, en prévision de l’audience dont la tenue est fixée au 23 avril suivant, l’avocat de l’organisme avise le demandeur que son client entend invoquer, outre les motifs 1 L.R.Q., c. A-2.1.
00 17 95 Page : 2 de refus déjà soulevés le 9 octobre 2000, les articles 22 et 37 de la loi précitée à titre de motifs de refus supplémentaires. [3] Le demandeur maintient néanmoins son recours en révision. PREUVE i) de l’organisme [4] L’avocat de l’organisme indique que l’article 37 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels n’est plus invoqué à titre de motif de refus supplémentaire. Témoignage de M. Gaétan Vézina : [5] M. Gaétan Vézina témoigne sous serment. Il est directeur des services administratifs de l’organisme depuis le 3 décembre 2001; il était, depuis 1992, directeur des ressources matérielles et informatiques de l’organisme. M. Vézina est ingénieur; il est également détenteur d’un diplôme de maîtrise en administration publique et d’un « MBA ». [6] M. Vézina remplace M. Jacques Roberge qui a pris sa retraite le 20 ou le 21 décembre 2001; M. Roberge lui a graduellement remis ses dossiers à compter du 3 décembre 2001 et il lui a notamment expliqué comment élaborer les prévisions budgétaires. À quelques reprises après son départ, M. Roberge a accepté de fournir à M. Vézina certaines explications sur la planification budgétaire de l’exercice 2001-2002. [7] Le processus budgétaire actuellement en vigueur est, à quelques nuances près, le même que celui auquel l’organisme avait recours lorsque M. Roberge occupait le poste de directeur des services administratifs et lorsque la demande d’accès du 20 septembre 2000 a été formulée. Les outils de planification utilisés ainsi que la façon de procéder n’ont pas changé. [8] L’organisme avait notamment préparé, pour planifier le budget 2000-2001, un « document de consultation pré-budgétaire » (O-4, confidentiel). Ce document, non distribué, a été utilisé par l’organisme pour collecter des renseignements auprès de chaque direction individuellement; il comprend, à des fins de comparaison et pour chacune des directions concernées, les prévisions et résultats d’exercices précédents et il est complété par les commentaires
00 17 95 Page : 3 transmis par chacune des directions sur la planification de ses besoins pour l’exercice 2000-2001. M. Vézina utilise pour sa part le document de consultation pré-budgétaire qu’utilisait son prédécesseur, M. Roberge. Chaque partie du document est adressée à la direction concernée qui, de façon manuscrite, compile les besoins que ses différents services prévoient après une analyse et un arbitrage qu’ils effectuent entre eux; M. Vézina, à l’instar de M. Roberge, compile et analyse tous les renseignements que les directions lui transmettent et requiert les explications qui s’imposent, le cas échéant. [9] Le demandeur veut obtenir les prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées 2000-2001. Les prévisions de cette nature intègrent les renseignements recueillis auprès des directions; leur contenu évolue continuellement puisqu’il dépend, au quotidien, des renseignements que les directions transmettent, des corrections qu’elles apportent à leurs évaluations et des ajustements que M. Vézina doit effectuer en conséquence. Les prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées sont, dans leur ensemble, traitées par le directeur des services administratifs qui en effectue la compilation au fur et à mesure de leur transmission et qui ne les communique pas; cette compilation détaillée compte quelques dizaines de pages et elle n’est pas transmise au conseil d’administration. [10] Le document « Sommaire des dépenses » (O-5) présente globalement, pour chaque direction, par centre de responsabilité et par poste budgétaire, le montant total des dépenses prévues pour l’exercice financier 2000-2001. Ce sommaire de 4 pages a été élaboré à partir de la compilation détaillée qui est en litige; il était d’abord destiné au comité de direction afin que chaque directeur puisse comparer, pour chacun des centres relevant de lui, les dépenses prévues avec celles de l’exercice précédent. Ce sommaire (O-5) était suffisamment détaillé pour éclairer adéquatement le conseil d’administration; il ne comprend pas tous les détails qui constituent le document en litige et qui concernent plus de 5000 postes budgétaires, détails qui, selon M. Vézina, n’étaient pas nécessaires aux membres du conseil d’administration. Le sommaire des dépenses, généralement préparé pour faciliter la tâche du comité de direction, est également évolutif puisque tributaire du projet de prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées; il permet au conseil d’administration de vérifier si les orientations budgétaires sont respectées et d’être informé sur le niveau et les changements de dépenses avant d’adopter le budget de fonctionnement, avec les modifications qu’il juge opportunes, le cas échéant. [11] Le document en litige est, pour sa part, un document de gestion, un outil qu’utilisait le prédécesseur de M. Vézina pour compiler les renseignements relatifs aux dépenses prévues et pour produire le sommaire des dépenses (O-5);
00 17 95 Page : 4 M. Vézina utilise le même outil, pour les mêmes fins. Le contenu d’une compilation de cette nature est, dans la mesure où il correspond au budget de fonctionnement adopté par le conseil d’administration, traduit dans le système financier de l’organisme pour indiquer le budget de fonctionnement de départ et pour permettre la compilation des dépenses qui sont faites au cours de l’exercice financier selon ce budget. [12] Le document en litige est également distinct du budget de fonctionnement (O-6) que le conseil d’administration de l’organisme a adopté le 25 septembre 2000 (O-7) et qu’il a transmis au ministère de l’Éducation selon le formulaire requis par ce dernier; ce formulaire est constitué de renseignements globaux répartis autrement que ceux qui ont été inscrits dans le sommaire des dépenses transmis au conseil (O-5). De façon générale, le conseil d’administration adopte le budget et le transmet à ce ministère selon la forme requise; le conseil d’administration prend connaissance du sommaire des dépenses, ce document constituant un outil interne favorisant la compréhension du budget de fonctionnement. [13] Le budget de fonctionnement (O-6) adopté par le conseil d’administration de l’organisme le 25 septembre 2000 est un document public. Il ne comprend pas les détails qui constituent le document en litige et qui portent sur tous les postes budgétaires de chacun des centres de service; il équivaut en quelque sorte, bien que présenté sous une forme et une répartition différentes, au sommaire (O-5) également transmis au conseil d’administration. Le budget de fonctionnement (O-6) ne révèle pas les montants autorisés pour les investissements; il révèle les limites globales des revenus et des dépenses. [14] Le document en litige comprend le nom d’employés avec leur salaire individuel de même que, selon la nature des dépenses, les prévisions détaillées de dépenses pour chaque service, notamment pour l’achat de biens et de services; tous les renseignements budgétaires détaillés sont dans le document en litige puisqu’ils se rapportent au budget de fonctionnement qui devra être respecté par les différents responsables. Le niveau de détails est très élevé. [15] La divulgation des prévisions budgétaires détaillées en litige aurait eu pour effet, à l’interne : • de faire prématurément connaître le choix de l’administration concernant les dépenses, les coupures notamment, ce, dans un contexte où la version du document en litige pouvait encore évoluer, et de donner prise, avant même l’adoption du budget, à des discussions ou revendications relatives à ces choix et coupures;
00 17 95 Page : 5 • de faire connaître aux employés, qui sont représentés par 3 syndicats, les orientations de l’organisme quant aux contrats de services, de donner prise à des revendications syndicales concernant la protection des postes et des employés ainsi qu’à des pressions pour contrer ces orientations, ce, avant l’adoption du budget de fonctionnement. [16] La divulgation des prévisions détaillées en litige aurait eu pour effet, à l’externe : • de faire connaître à tous les fournisseurs la marge de manœuvre dont l’organisme allait disposer lors d’appels d’offres pour l’achat de biens ou de services, pour la réalisation de travaux de construction notamment, pareils avantages étant procurés au détriment de l’organisme; • de faire connaître aux concurrents de l’organisme, c’est-à-dire aux organismes qui visent la clientèle que cible l’organisme, les stratégies ou choix que l’organisme planifiait pour attirer cette même clientèle et qui nécessitent l’attribution de ressources financières particulières; la divulgation de ces renseignements détaillés, notamment ceux relatifs au niveau de dépenses prévu pour la publicité, est nuisible à l’organisme. Les concurrents les plus directs de l’organisme sont les collèges qui se situent à proximité, soit à Drummondville, à Sherbrooke, à Thetford-Mines et à Trois-Rivières. La perte d’effectifs étudiants entraîne une baisse du financement de l’organisme et, graduellement, nuit à la qualité de l’enseignement, peut conduire à la fermeture de certaines options et à la réduction du personnel enseignant. [17] Le document en litige comprend des renseignements personnels. M. Vézina indique à la Commission ceux qui concernent les membres du personnel de direction et ceux qui concernent les membres du personnel. [18] En réponse au demandeur, M. Vézina reconnaît que, généralement, les « premières évolutions » d’un document de la nature de celui qui est en litige sont majeures et que le temps en raffine le contenu qui se voit par la suite apporter des corrections moins importantes. M. Vézina ajoute que le conseil d’administration peut toujours modifier le sommaire qui lui est remis et qui est préparé à partir du projet de prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées; il mentionne que le sommaire qu’il transmet 10 jours avant la réunion du conseil peut par ailleurs devoir être modifié lors de cette réunion en raison de modifications de dernière minute apportées au projet de prévisions budgétaires détaillées. À sa connaissance, la divulgation d’un document de la nature de celui qui est en litige révélerait le détail des intentions non définitives de l’organisme et
00 17 95 Page : 6 donnerait prise à des revendications et à des pressions syndicales avant l’adoption du budget. Témoignage de M. Jacques Roberge : [19] M. Jacques Roberge témoigne sous serment. M. Roberge était, avant de prendre sa retraite en décembre 2001, directeur des services administratifs de l’organisme; il avait fait ses débuts chez l’organisme en octobre 1971, à titre de contrôleur avant d’être promu au poste de directeur des finances. [20] M. Roberge confirme avoir élaboré le document « prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées » qu’il a utilisé pendant plusieurs années à des fins personnelles; ce document est un outil qu’il a lui-même conçu parce que le conseil d’administration l’avait mandaté pour ce faire, document qu’il a par la suite fait accepter par les directeurs de services qu’il impliquait dans la planification budgétaire. M. Roberge est d’accord avec M. Vézina lorsque celui-ci affirme que ce document sert à des fins personnelles, qu’il est évolutif et qu’il est souvent modifié. M. Roberge compilait les renseignements généralement manuscrits que les différents services et directions de l’organisme lui fournissaient, renseignements qui donnaient lieu à une compilation évolutive qui était susceptible de changer jusqu’à l’adoption finale du budget par le conseil d’administration. M. Roberge confirme que le document « prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées » n’était pas intégralement transmis aux directeurs des départements ou services pendant son évolution; il était traité dans le service dirigé par M. Roberge et il n'était pas retourné aux directeurs avant l'adoption du budget par le conseil. [21] M. Roberge a compilé le document qui est en litige. Cette compilation est la base à partir de laquelle il a produit le projet de budget de fonctionnement 2000-2001; elle résulte des analyses faites par les directeurs au sujet des besoins envisagés pour leurs services au cours de l’exercice financier 2000-2001, analyses que M. Roberge a lui-même examinées pour vérifier leur conformité avec les orientations ou préoccupations budgétaires. [22] M. Roberge confirme le témoignage de M. Vézina sur les conséquences prévisibles de la divulgation du document en litige, ce, tant à l’interne qu’à l’externe. Il rappelle, en ce qui concerne l’effet de pareille divulgation à l’interne, que le projet de prévisions budgétaires détaillées établissait, pour certains postes budgétaires, le nombre d’employés occasionnels prévus avec les heures à leur attribuer; à son avis, la publicité de cette prévision, non détaillée dans le sommaire (O-5) ou le budget (O-6), aurait eu un effet sur les discussions tenues
00 17 95 Page : 7 avec les syndicats. M. Roberge confirme par ailleurs que la divulgation de prévisions détaillées pour certains postes budgétaires aurait révélé la marge de manœuvre de l’organisme et ainsi avantagé les fournisseurs lors d’appels d’offres pour l’achat d’équipement informatique et la réalisation de travaux de même que les concurrents de l’organisme. ARGUMENTATION i) de l’organisme [23] Le 2 ième alinéa de l’article 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels s’applique au document en litige « prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées 2000-2001 » qui constitue une ébauche de prévisions budgétaires, ou encore des notes préparatoires ou personnelles que le directeur des services administratifs a préparées et qu’il a utilisées comme aide-mémoire pour collecter des renseignements auprès des directions de l’organisme et produire deux documents officiels, soit le sommaire des dépenses (O-5) et le budget de fonctionnement 2000-2001 (O-6). Le droit d’accès ne s’étend pas au document en litige : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [24] La preuve non contredite démontre que le document en litige est dans une phase préliminaire ou préparatoire et qu’il sert à la consultation des directions et à l’analyse ainsi qu’à l’arbitrage des besoins qu’elles expriment par rapport aux ressources disponibles. Le budget (O-6) adopté par le conseil d’administration de l’organisme constitue la forme achevée du document en litige; le sommaire des dépenses (O-5) est constitue la forme conviviale. [25] La preuve non contredite démontre que le document en litige était en constante évolution jusqu’à l’adoption du budget. Le conseil d’administration n’avait pas à modifier le document en litige puisqu’il n’est que préparatoire; le
00 17 95 Page : 8 directeur des services administratifs ne le modifie pas non plus puisqu’il l’avait préparé en vue de la présentation du sommaire et de l’adoption du budget. [26] La preuve non contredite révèle que le document en litige ne sert qu’à son auteur, comme aide-mémoire, pour répondre aux questions du conseil, pour procéder aux arbitrages. Le document en litige n’est pas rédigé pour un destinataire; il n’est pas, non plus, rédigé pour le conseil d’administration, le directeur général ou pour être distribué dans les directions. [27] Le document en litige est une compilation personnelle préparée par le directeur des services administratifs et portant sur les demandes qu’ont exprimées les directions et qui ont été analysées par lui en fonction des ressources disponibles. [28] La preuve démontre que le document en litige est inachevé, qu’il n’est jamais achevé et qu’il était modifiable par le conseil d’administration. [29] La preuve démontre que le document en litige constitue une analyse élaborée dans le cadre d’un processus décisionnel qui n’était pas terminé à la date de la demande d’accès. La preuve démontre spécifiquement que chaque direction procède, avec les services dont elle est responsable, à l’analyse de ses besoins selon différents paramètres établis par le directeur des services administratifs qui, pour sa part, en analyse le résultat et, s’il y a lieu, procède à un arbitrage des besoins ainsi exprimés avec les directions concernées. Cet exercice permet au directeur des services administratifs de faire une recommandation au conseil d’administration, recommandation qu’expriment le sommaire (O-5) et le projet de budget (O-6) réservés au conseil d’administration. [30] Le document en litige est une analyse produite à l’occasion d’une recommandation faite au conseil d’administration alors que celui-ci ne s’était pas encore prononcé sur le budget. L’article 39 de la loi précitée s’applique et permet ainsi d’éviter des conflits à l’interne : 39. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à l'occasion d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours, jusqu'à ce que la recommandation ait fait l'objet d'une décision ou, en l'absence de décision, qu'une période de cinq ans se soit écoulée depuis la date où l'analyse a été faite.
00 17 95 Page : 9 [31] L’article 22 de la loi précitée s’applique aussi, la preuve non contredite démontrant que le document en litige est constitué de renseignements financiers qui appartiennent à l’organisme et dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer un préjudice économique sérieux à l’organisme en révélant aux fournisseurs et aux syndicats la marge de manœuvre dont celui-ci disposait pour les dépenses qu’il prévoyait. La preuve démontre également que le document en litige était en constante évolution; la divulgation du document risquait vraisemblablement d’induire en erreur ceux qui ne disposaient pas de renseignements mis à jour ou de donner lieu à des discussions prématurées avant que le conseil n’en soit saisi. La preuve démontre que le document en litige est constitué des besoins financiers de l’organisme prévus pour un exercice financier à venir et que la divulgation de ces besoins risquait vraisemblablement de procurer, au détriment de l’organisme, un avantage appréciable à ses fournisseurs ainsi qu’aux syndicats représentant ses employés : 22. Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient. Il peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique lui appartenant et dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à l'organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne. Un organisme public constitué à des fins industrielles, commerciales ou de gestion financière peut aussi refuser de communiquer un tel renseignement lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement de nuire de façon substantielle à sa compétitivité. [32] Le document en litige est principalement constitué de renseignements financiers administratifs. Il comprend cependant les renseignements nominatifs suivants qui ne sont pas accessibles au demandeur : le salaire de membres du personnel ainsi que les primes au rendement de cadres.
00 17 95 Page : 10 ii) du demandeur [33] Le demandeur prétend avoir droit aux renseignements nominatifs en vertu de l’article 62 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels : 62. Un renseignement nominatif est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. En outre, cette personne doit appartenir à l'une des catégories de personnes visées au paragraphe 4 o du deuxième alinéa de l'article 76 ou au paragraphe 5 o du premier alinéa de l'article 81. [34] Les analyses, avis et recommandations du directeur des services administratifs doivent lui être communiqués pour lui permettre de se prononcer de façon éclairée sur le projet de budget de l’organisme. DÉCISION L’application du 2 ième alinéa de l’article 9 : [35] La demande d’accès aux « prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées 2000-2001 », datée du 20 septembre 2000, précède de 5 jours l’adoption, par le conseil d’administration, des prévisions budgétaires de fonctionnement 2000-2001 (O-7). La preuve démontre que la demande d’accès vise des renseignements financiers très détaillés qui, après avoir été traités par les directions et le directeur des services administratifs de l’organisme depuis mai 2000 (O-4), étaient suffisamment prêts ou achevés pour être résumés en « prévisions budgétaires de fonctionnement 2000-2001 » que le directeur des services administratifs a préparées et présentées au conseil d’administration dans une version locale conviviale (O-5) et dans une version officielle (O-6). [36] La preuve démontre que l’élaboration des prévisions budgétaires de fonctionnement de l’organisme, dans leur forme détaillée ou sommaire, relève du directeur des services administratifs qui, au terme d’un long travail de
00 17 95 Page : 11 planification budgétaire impliquant les directions, en soumet le résultat sommaire à la recommandation du comité exécutif et à la décision du conseil d’administration de l’organisme (O-7). [37] La preuve convainc la Commission que les prévisions budgétaires détaillées en litige constituent des renseignements achevés qui résultent d’un travail de planification qui avait pour but de déterminer, pour la période 2000-2001, les besoins de l’organisme, notamment les besoins nouveaux, ainsi que les dépenses afférentes, le tout devant être soumis, sous forme sommaire, au conseil d’administration pour l’adoption du budget de fonctionnement 2000-2001. La preuve démontre que le conseil a, le 25 septembre 2000, adopté les prévisions budgétaires de fonctionnement « telles que déposées » (O-7). La Commission comprend que les prévisions détaillées étaient suffisamment achevées pour être résumées en prévisions budgétaires de fonctionnement sommaires qui ont été adoptées par le conseil d’administration « telles que déposées ». La Commission comprend aussi que le témoignage de M. Vézina corrobore le degré de raffinement général qui caractérise un document de la nature de celui qui est en litige dans les 10 jours précédant l’adoption, par le conseil d’administration, des prévisions budgétaires de fonctionnement de l’organisme. La Commission note enfin le témoignage de M. Vézina qui indique que les renseignements « prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées » sont, dans la mesure où ils sont confirmés ou ajustés par l’effet de l’adoption du budget, intégrés dans le système financier de l’organisme. La Commission considère que le 2 ième alinéa de l’article 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ne s’applique pas aux prévisions détaillées en litige qui, dans leur ensemble et en date du 20 septembre 2000, ne constituaient plus un document de la nature de ceux qui sont énumérés dans cet alinéa: 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. Les prévisions budgétaires de fonctionnement détaillées 2000-2001 : [38] Le document en litige est essentiellement constitué de renseignements financiers appartenant à l’organisme, renseignements qui servaient d’appui au
00 17 95 Page : 12 budget qui, à la date de la demande d’accès, était sur le point d’être soumis au conseil d’administration. Ces renseignements financiers expriment le détail de tous les besoins et projets que la direction de l’organisme envisageait, après avoir effectué un travail de planification, pour l’exercice financier 2000-2001 de même que le détail de toutes les dépenses qui étaient prévues en conséquence et pour lesquelles on entendait réserver des ressources. Cette compilation exprime notamment le détail des choix, stratégies et intentions des gestionnaires concernant l’organisation des activités et l’utilisation des ressources. La preuve démontre que les renseignements financiers en litige comprennent le nom d’employés avec leur traitement individuel de même que, selon la nature des dépenses, les prévisions détaillées de dépenses pour chaque service, notamment pour l’achat de biens et de services. La preuve démontre aussi que tous les renseignements budgétaires détaillés sont nécessairement inscrits dans le document en litige puisqu’ils se rapportent au budget de fonctionnement qui devait être respecté par les différents responsables après son adoption. [39] La demande d’accès vise les détails d’un projet de budget qui n’était pas encore adopté par le conseil d’administration de l’organisme, détails qui n’étaient conséquemment pas intégrés au système financier de l’organisme mais qui l’ont été à compter du 25 septembre 2000, soit avant le refus d’acquiescer à la demande d’accès. Les témoignages crédibles de MM. Vézina et Roberge indiquent que la divulgation du détail des intentions non définitives des gestionnaires et de la marge de manœuvre dont ceux-ci voulaient disposer risquait vraisemblablement de donner prise à des revendications et à des pressions syndicales avant même l’adoption du budget. Ces témoignages indiquent aussi que la divulgation des renseignements financiers en litige risquait vraisemblablement de procurer un avantage appréciable aux fournisseurs de biens et de services ainsi qu’aux concurrents de l’organisme en leur envoyant un message clair et détaillé sur les orientations, stratégies et choix privilégiés par les gestionnaires et sur le niveau des dépenses ou la marge de manœuvre dont ces derniers souhaitaient disposer avec l’autorisation du conseil d’administration. La Commission est à tout le moins convaincue que la divulgation des renseignements en litige risquait vraisemblablement de procurer un avantage appréciable aux concurrents de l’organisme ainsi qu’aux fournisseurs de certains biens puisqu’elle leur aurait révélé le détail de tous les postes budgétaires de chacun des centres de services, le détail de dépenses nouvelles notamment, ainsi que le détail des « limites » des revenus et des dépenses. La Commission comprend enfin qu’il y a un lien entre les avantages appréciables fournis aux concurrents de l’organisme et les pertes qui en résultent pour l’organisme et qui ont été identifiées par les témoins. De l’avis de la Commission, le 2 ième alinéa de l’article 22 de la loi précitée s’applique aux renseignements financiers en litige :
00 17 95 Page : 13 22. Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient. Il peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique lui appartenant et dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à l'organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne. Un organisme public constitué à des fins industrielles, commerciales ou de gestion financière peut aussi refuser de communiquer un tel renseignement lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement de nuire de façon substantielle à sa compétitivité. [40] Les renseignements financiers nominatifs compris dans le document en litige sont confidentiels et ne peuvent être communiqués en vertu des articles 53 et 59 de la même loi. [41] L’article 14 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels a été adéquatement appliqué, les renseignements visés par les articles 22, 53 et 59 formant la substance de la compilation en litige: 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé.
00 17 95 Page : 14 [42] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Raymond Doray Avocat de l’organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.