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Dossier : 01 06 83 Date : 2004.07.05 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DACCÈS formulée en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 30 novembre 2000, le demandeur sadresse à lenquêteur du corps de police de la Sécurité Publique, Section des crimes économiques, le caporal Jean-Marc Payette, afin dobtenir les déclarations que ce dernier aurait obtenues au cours de lenquête qui a suivi la plainte de fabrication de preuve que le demandeur avait formulée contre certains membres du Service correctionnel du Canada (dossier denquête numéro 269-980610-001). [2] Le responsable de laccès de lorganisme (le Responsable) en poste à lépoque reçoit la demande daccès le 14 février 2001. Le 13 mars suivant, elle 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
01 06 83 Page : 2 refuse au demandeur laccès aux documents demandés invoquant les articles 28, 53, 59, 9, 31, 32 et 88 de la Loi au soutien de son refus de communiquer les documents demandés. [3] Le 5 avril 2001, le demandeur requiert la Commission daccès à linformation (la Commission) de réviser cette décision de la Responsable concernant les déclarations faites au caporal Payette. [4] Une audience se tient le 4 novembre 2003 en la ville de Québec, audience à laquelle le demandeur participe par voie téléphonique. LAUDIENCE A. PREUVE DE LORGANISME ET DÉPÔT DES DOCUMENTS EN LITIGE [5] Monsieur André Marois, le Responsable en poste lors de laudience, est appelé pour témoigner. Témoignage de monsieur André Marois [6] Monsieur Marois remet à la Commission, sous le sceau de la confidentialité, les documents qui pourraient être visés par la demande daccès. Il sagit de six (6) déclarations statutaires recueillies par le caporal Payette dans lenquête numéro 269-980610-001 et signées par les déclarants. [7] Le témoin refuse de confirmer le contenu de ces déclarations et les nom et prénom de chacun des six déclarants compte tenu que ces renseignements ont été cueillis par une personne visée par le premier alinéa de larticle 28 et que leur divulgation risquerait de produire les effets visés par ses paragraphes 3° et 5°. [8] Il affirme que les déclarations ont été cueillies par le Caporal Payette, officier de la Sûreté du Québec, dans le contexte dune enquête criminelle suivant une plainte formulée par le demandeur contre certaines personnes. B. PREUVE DU DEMANDEUR [9] Le demandeur dépose les documents P-1 à P-15 au soutien de sa demande de révision.
01 06 83 Page : 3 [10] Le contenu de ces documents tend à révéler que des procédures judiciaires en cours au moment de la réponse du Responsable sont vraisemblablement reliées aux événements auxquels les déclarations réfèrent. [11] Le demandeur déclare quil connaît lidentité des personnes qui ont fait une déclaration au caporal Payette puisquil a porté des accusations contre celles-ci. Il veut simplement connaître le contenu de leur déclaration afin dassurer une défense pleine et entière de ses intérêts et de ses droits. C. REPRÉSENTATIONS i) de lorganisme [12] Lavocat de lorganisme soutient que les renseignements en litige sont des renseignements nominatifs concernant en substance des tierces personnes physiques que la Loi interdit à un organisme public de divulguer à quiconque ne fait pas la preuve que ces renseignements peuvent lui être remis en vertu des articles 53, 54, 56 et 59 de la Loi. [13] Il est davis également que larticle 28 sapplique au cas qui nous occupe puisque les renseignements convoités ont été cueillis par une personne visée par son premier alinéa, cest-à-dire un officier de la Sûreté du Québec dans le cadre dune accusation criminelle portée contre certaines personnes par le demandeur. [14] Il est évident, à la lecture des déclarations en litige et des documents déposés par le demandeur P-1 à P-15 que la divulgation de ces renseignements risque vraisemblablement de causer un préjudice aux auteurs des déclarations (28, paragraphe 5°) ou de révéler une méthode denquête (28, paragraphe 3°). [15] En conséquence, lavocat de lorganisme est davis quil est interdit à celui-ci de divulguer les renseignements en cause. ii) du demandeur [16] Le demandeur prétend quil connaît lidentité des personnes qui ont fait les déclarations ainsi quune partie du contenu de quatre dentre elles, comme en fait foi la lettre que lui adresse le Substitut en chef adjoint du Procureur général, M e Robert Parrot, le 10 mars 1999 (P-4). En effet, soutient-il, dans cette lettre M e Parrot conclut que, vu certaines déclarations quil résume, il na aucune preuve
01 06 83 Page : 4 quil y ait eu fabrication de preuve, entrave à la justice ou parjure. Le demandeur prétend donc quil sait tout et quon ne peut lui opposer que la divulgation des déclarations lui apprendrait quelque chose quil ne connaît pas. [17] Il rappelle quil est concerné par ces déclarations qui relatent des événements auxquels il a été intimement mêlé. [18] Il prétend donc que leur contenu devrait lui être communiqué en vertu de larticle 88 de la Loi. DÉCISION [19] La disposition de la Loi sur laquelle est fondée la présente décision est le premier alinéa de larticle 28 : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi;
01 06 83 Page : 5 7° de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec; 8° de favoriser l'évasion d'un détenu; ou 9° de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. […] [20] La preuve démontre que 6 personnes ont signé des déclarations dans lenquête qua menée le caporal Payette. [21] La preuve établit que ces déclarations contiennent des renseignements recueillis par ce dernier qui est, à titre de membre du corps de police de la Sûreté du Québec, une personne chargée par la Loi de prévenir, détecter ou réprimer le crime au sens du premier alinéa de larticle 28 de la Loi. [22] La preuve démontre que des procédures judiciaires étaient en cours au moment de la réponse du Responsable faisant lobjet de la présente révision, soit le 13 mars 2001. [23] En effet, selon les conclusions de la demande de révision du demandeur et à lexamen des documents quil a lui-même déposés en preuve au soutien de ces allégués sous les cotes P-1 à P-15, la Commission est convaincue quau moment de la réponse du Responsable, une action en dommages intentée par le demandeur contre le Procureur général du Canada et autres était pendante devant la Cour supérieure, district de Québec, cause numéro 200-05-013726-000 (P-12 et P-13). [24] Dans sa demande de révision, le demandeur mentionne également quune autre procédure judiciaire était, à cette époque, susceptible dappel devant la Cour suprême du Canada comme en fait foi le document déposé à son soutien sous la cote P-14. La correspondance adressée le 24 juillet 2001 par le demandeur à la Commission est venu ultérieurement confirmer lexistence de la procédure devant la Cour suprême du Canada. Une ordonnance du 20 juin 2001 émise par le juge Binnie, J.C.S.C., annexée à cette lettre, mentionne ce qui suit : Le requérant, M.[X], se représente lui-même. Il fait face à des accusations criminelles relativement à une prise dotages qui aurait eu lieu dans un établissement correctionnel. La Cour dappel du Québec a refusé dordonner larrêt des procédures à légard de ces accusations et le requérant sollicite lautorisation de se pourvoir devant notre Cour à lencontre de cette décision […].
01 06 83 Page : 6 [25] Il est vraisemblable de conclure de cette preuve que les procédures devant la Cour dappel du Québec étaient pendantes devant cette dernière lors de la demande daccès et de la réponse sous examen. [26] La lecture des déclarations en litige et la preuve établissent quen substance, le contenu de ces déclarations et lidentité de chacun de leur auteur ont un lien avec ces procédures judiciaires et quà ce titre, la divulgation de ces éléments risque vraisemblablement dentraver le déroulement de ces procédures au sens du paragraphe 1° du premier alinéa de larticle 28 de la Loi. [27] En effet, la Commission, appuyée en cela par les tribunaux supérieurs, a, en de multiples occasions, décidé que ce type de divulgation risque vraisemblablement dentraver le bon déroulement des procédures judiciaires, le mot «entrave » devant être interprété du point de vue de la bonne administration de la justice 2 : Dans plusieurs décisions, la Commission a considéré que la divulgation du rapport denquête contenant la preuve de la poursuite risquait dentraver le bon déroulement des procédures puisquen vertu des règles de communication de la preuve, une certaine discrétion est laissée à la Couronne relativement aux documents transmis à laccusé. Cette discrétion peut toutefois être limitée par le tribunal qui entend la cause. Or, selon la Commission, ordonner la divulgation de la preuve par le biais de la Loi sur laccès reviendrait à court-circuiter cette discrétion et à spolier le pouvoir judiciaire saisi du procès : A.C.E.F. du sud-ouest de Montréal c. Québec (Office de la protection du consommateur), [1990] C.A.I. 330. La Cour du Québec a donné son accord à de telles conclusions à plus dune reprise : Bouchard c. Québec (Ministère de la Main-dœuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle), jugement non rapporté, C.Q.M., no 500-02-000143-912, 21 février 1991; Québec (Ministère des Affaires municipales) c. Fisette, [1991] C.A.I. 308 (C.Q.). 3 [28] Sans déterminer quel serait leffet de la divulgation des documents en litige sur le déroulement des procédures judiciaires dans lesquelles, selon la preuve, le demandeur est impliqué et pour répondre de façon générale à son argument quil a droit à un procès équitable et à une défense pleine et entière, la 2 Doray, Raymond et Charette, François. Accès à linformation : loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaires. Volume I. Cowansville : Y. Blais, mis à jour 4, pages II/28-15. 3 Cette interprétation a été suivie par la soussignée dans Flamand c. Québec (Ministère de la Justice), [1998] CAI 185, et confirmé par les motifs très élaborés du jugement de la juge Lina Bond de la Cour du Québec dans Flamand c. Québec (Ministère de la Justice), [1999] CAI 475 (C.Q.). La requête en révision judiciaire C.S.Q., n° 200-05-012001-991 a été rejetée le 10 janvier 2000, 200-05-012311-994 par jugement rapporté dans CAI [2000] 439 (C.S.).
01 06 83 Page : 7 Commission rappelle encore une fois que la Loi ne peut servir à court-circuiter le processus judiciaire normal en permettant dusurper le pouvoir dun juge présidant telle procédure judiciaire en cours de décider seul de ladmissibilité ou de la pertinence dun élément de preuve et de la divulgation ou non de cet élément de preuve à la partie adverse. [29] En lespèce, lapplication du paragraphe 1° du premier alinéa de larticle 28 de la Loi oblige lorganisme à, non seulement refuser laccès aux déclarations demandées, mais également à refuser de confirmer lidentité de chacun de leurs auteurs. [30] Larticle 28 de la Loi est une restriction à laccès dont dapplication est impérative. La Commission doit voir, doffice, à ce que chacun de ses éléments soit analysé si ses conditions dapplications semblent présentes de prime abord. Cest ce quelle a fait en appréciant lapplicabilité du paragraphe 1° du premier alinéa de larticle 28 aux faits de la cause. [31] La question de savoir si le demandeur connaît ou non les informations en litige nest pas pertinente dans lanalyse de larticle 28 de la Loi et de son applicabilité au cas qui nous occupe. [32] Vu la conclusion à laquelle la Commission en arrive au sujet de lapplicabilité du paragraphe 1° du premier alinéa de larticle 28 de la Loi en lespèce, laquelle conclusion dispose en entier du litige, il est inutile quelle se prononce sur les autres restrictions à laccès invoquées par lorganisme dans la réponse sous examen. POUR CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande de révision. Québec, le 5 juillet 2004 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de lorganisme : M e Jean-Sébastien Gobeil-Desmeules
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