Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 07 94 Date : 20040614 Commissaire : M e Michel Laporte SYNDICAT DES AGENTS DE LA PAIX EN SERVICES CORRECTIONNELS DU QUÉBEC Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] Le 25 mars 2003, le vice-président national du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (le « Syndicat »), M. Nickolas A. Gagnon, s’adresse au ministère de la Sécurité publique (le « Ministère ») pour obtenir une copie des documents suivants : 1. Tous rapports émis en 2002 suite à des tests balistiques sur des vestes pare-balles.
03 07 94 Page : 2 2. Tous documents sur les résultats des tests balistiques sur les vestes pare-balles testées. 3. Tous documents émanant de la Direction de la sécurité, relatifs aux tests effectués sur des vestes para-balles en 2002. 4. Tous documents émanant de M. Marcel Lamoureux (cadre à la DGSC), relatifs aux tests effectués sur des vestes pare-balles en 2002. [2] Le 25 mars 2003, le Ministère accuse réception de la demande et requiert un délai supplémentaire de dix jours pour pouvoir la traiter. [3] Le 26 avril 2003, le Ministère achemine au demandeur les documents touchant le 4 e point de sa demande. Il invoque le 2 e paragraphe de l’article 29 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi ») pour lui refuser l’accès aux autres documents. [4] Le 6 mai 2004, le Syndicat demande à la Commission d’accès à l’information (la « Commission ») de réviser la décision rendue par le Ministère. [5] Le 3 mai 2004, une audience se tient à Montréal. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [6] Le procureur du Syndicat, M e François Laprise, confirme que les quatre points énoncés lors de la demande d’accès demeurent encore en litige. B) LA PREUVE i) Du Ministère M. André Marois [7] M. André Marois, responsable de l’accès, affirme qu’il n’existe aucun test ayant été réalisé par le Laboratoire de sciences judiciaires et médecines légales se rapportant aux points 1 et 2 de la demande d’accès. Il remet à la Commission, 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 07 94 Page : 3 sous pli confidentiel, le document en litige de 36 pages, invoquant le 2 e paragraphe de l’article 29 de la Loi pour en refuser l’accès. Il prétend que la communication de ce dernier document révélerait de l’information pouvant diminuer l’efficacité d’un dispositif de sécurité. [8] M. Marois fait valoir que la demande spécifie, au point 4, que le Syndicat veut « Tous documents émanant de M. Marcel Lamoureux (cadre à la DGSC), relatifs aux tests effectués sur des vestes pare-balles en 2002. » Il soutient que les lettres signées par M. Lamoureux ont déjà été remises au demandeur (les pages 3, 25, 26 et 34 du document en litige). Il prétend que les pages 2, 4, 6, 28, 29 et 36 ne sont pas visées par la demande d’accès. M. Marcel Lamoureux [9] M. Marcel Lamoureux, directeur de la sécurité à la Direction générale des Services correctionnels du Québec, mentionne avoir traité la demande d’accès. Il affirme que le Ministère ne possède pas d’autres documents en lien avec la demande que les pages déjà remises ou celles en litige. Il passe en revue les pages du document en litige de la façon suivante : Les pages 1 et 27 [10] M. Lamoureux indique que ces pages ne sont qu’une copie du bordereau de télécopie effectuée dans le cadre de la présente demande d’accès. Les pages 5 et 35 [11] M. Lamoureux mentionne qu’il s’agit de lettres échangées entre gestionnaires donnant le résultat des tests balistiques avec le nom de la firme responsable de ceux-ci. Les pages 7 à 24 [12] M. Lamoureux fait valoir qu’il s’agit du rapport de la firme sélectionnée par le Ministère pour réaliser les tests balistiques sur les gilets pare-balles. Le rapport, note-t-il, inclut les résultats des tests. Les pages 30 à 33 [13] M. Lamoureux soutient que ces pages renferment le rapport d’aide à la décision ayant été soumis au sous-ministre associé du Ministère par les gestionnaires responsables des tests des gilets pare-balles.
03 07 94 Page : 4 [14] Interrogé par M e Laprise, M. Lamoureux explique que le choix des gilets pare-balles s’est effectué selon un échantillonnage aléatoire. Chaque gilet sélectionné a subi les tests de viabilité se trouvant aux pages 7 à 24 du document en litige. Il signale que ces pages contiennent le type d’arme utilisé pour « traverser la veste » et le résultat des tests. Il confirme que les pages en litige ne comprennent pas de renseignements nominatifs ou de renseignements sur la méthode de travail des agents de la paix en services correctionnels du Québec. [15] Une preuve ex parte est soumise selon l’article 20 des Règles de preuve de la Commission 2 : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. ii) Du demandeur [16] M e Laprise souligne que le port du gilet pare-balles a fait l’objet d’une entente entre le Syndicat et le Ministère. Il soutient que la notion de sécurité de l’article 29 de la Loi doit s’appliquer d’une façon différente lors d’une demande produite par le Syndicat. Il avance que la marque et l’année de fabrication d’un gilet pare-balles ne sont pas des renseignements touchés par l’article 29 de la Loi. [17] La Commission accepte, sous réserve de sa pertinence, le dépôt par M e Laprise du document intitulé « Synthèse des conclusions du comité paritaire sécurité » (pièce D-1). C) LES ARGUMENTS i) Du Ministère [18] Le procureur du Ministère, M e Marc J. Champagne, allègue que la preuve soumise a démontré, selon les exigences de l’article 29 de la Loi, que nous sommes en présence d’un dispositif pour protéger les biens ou les personnes et que la communication de ces renseignements diminuerait l’effet de ce système de sécurité 3 : 2 Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information, décret 2058-84. 3 Union des agents de la paix en institutions pénales c. Ministère de la Sécurité publique, [1989] C.A.I. 184; Therriault c. Ville de Lévis, [2002] C.A.I. 15; Hunter c. Ministère de la Sécurité publique, [2001] C.A.I. 122.
03 07 94 Page : 5 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. [19] M e Champagne prétend que rendre publics les tests balistiques se trouvant aux pages 4 à 27 du document en litige provoquerait un effet sur un dispositif de sécurité tout en avantageant la personne ayant cette information entre les mains. [20] M e Champagne fait valoir que les pages 30 à 33 du document en litige renferment des informations sensibles portant à la fois sur les coûts de gestion et la réaction de l’Administration au sujet de la sécurité des individus. Il avance que la communication de ces pages pourrait mettre en danger la vie des personnes en dévoilant les faiblesses d’un système de sécurité. [21] M e Champagne prétend également que le nom de la compagnie choisie pour passer les tests doit également demeurer confidentiel. Il est d’avis que cette façon de faire évite toute publicité pouvant entraîner une intervention de tierces parties auprès de cette compagnie pour obtenir des informations sur les tests. Il soumet que le Ministère traite de façon confidentielle ce type de renseignement. ii) Du demandeur [22] M e Laprise énonce que le document en litige ne contient pas de renseignements nominatifs et que le Ministère n’a pas satisfait les exigences de la preuve de l’article 29 de la Loi, ne démontrant pas, en soi, quel est le dispositif de sécurité devant être protégé 4 . [23] Subsidiairement, M e Laprise allègue que les gilets pare-balles ne constituent pas un secret, toute personne pouvant facilement savoir qu’un agent de la paix en services correctionnels du Québec porte ce type de vêtement protecteur. Il croit que la vue par un passant d’un gilet pare-balles ne lui donne pas l’information sur le type ou les caractéristiques de celui-ci. Dans les circonstances, la communication du type de gilet pare-balles par le Ministère ne dévoilerait donc pas un renseignement pouvant réduire un dispositif de sécurité ou 4 Cie d’assurance du Québec c. Ville de Chicoutimi, [1987] C.A.I. 84; Centre de micro-informatique appliquée du Plateaun inc. c. Ville de Montréal, [1992] C.A.I. 257; Pinsonnault c. Ville de Trois-Rivières, [1992] C.A.I. 79; Marceau c. Ministère de la Sécurité publique, [1999] C.A.I. 366.
03 07 94 Page : 6 la faiblesse de celui-ci. Ce détail, selon lui, ne constitue pas un système complexe de sécurité ou un plan d’urgence justifiant un refus d’accès 5 . [24] M e Laprise fait valoir que le gilet pare-balles est un outil de travail et non un dispositif de sécurité pour les agents de la paix en services correctionnels du Québec. Selon la Loi sur la santé et sécurité du travail 6 , le Ministère doit fournir cet outil de travail. C’est ce qui a été retenu, soumet-il, par le comité paritaire lors de la rédaction du document intitulé « Synthèse des conclusions du comité paritaire sécurité » (pièce D-1). DÉCISION [25] La demande d’accès vise essentiellement l’obtention de tous documents relatifs aux tests effectués sur les gilets pare-balles en 2002. [26] J’ai examiné les pages restant en litige. Je partage les propos de M. Marois selon lesquels les pages 2, 4, 6, 28 et 29 ne sont pas visées par la demande d’accès. Il en est de même pour les pages 1 et 27 ne constituant que la page de présentation d’une télécopie effectuée par le Ministère dans le cadre de l’actuelle demande. [27] Il s’agit de décider du caractère public ou non des renseignements en litige en faisant abstraction de l’intérêt du demandeur, s’agissant d’une demande soumise en vertu de l’article 9 de la Loi : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [28] Le Ministère est-il justifié de soulever le 2 e paragraphe de l’article 29 de la Loi pour refuser l’accès aux pages 5, 7 à 24, 30 à 33 et 35 du document en litige au moment de cette demande? [29] Je n’hésite pas à conclure, vu la preuve, que les renseignements liés aux tests effectués sur les gilets pare-balles sont de ceux dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne, selon les termes du 2 e alinéa de l’article 29 de la Loi. 5 Fédération des employées et employés de services publics inc. c. Société des traversiers du Québec, [1998] C.A.I. 164; Roslin c. Hydro-Québec, [1999] C.A.I. 159. 6 L.R.Q., c. S-2.1
03 07 94 Page : 7 [30] La preuve m’a convaincu que la communication de l’intégralité des pages 7 à 24, 31, 32 et 33 du document en litige dévoilerait une faiblesse ou une force d’un système de sécurité, tel qu’il a été prévu à l’article 29 de la Loi. Il en est de même des informations se trouvant au tiret « Résultats » se trouvant sous la rubrique « État de la situation » à la page 30 et à la rubrique « Problématiques » à cette même page. Ces derniers renseignements satisfont les critères du 2 e alinéa de l’article 29 de la Loi. [31] En ce qui concerne les pages 5 et 35 et certains renseignements se trouvant à la page 30, dont le nom de l’entreprise ayant réalisé les tests, je suis d’avis qu’ils ne répondent pas à la définition de renseignements prévus à l’article 29 de la Loi. Le demandeur, selon les termes de l’article 14 de la Loi, pourra obtenir copie de ces renseignements : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [32] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur; [33] CONSTATE que les pages 1, 2, 4, 6, 27, 28, 29 et 36 du document en litige ne sont pas visées par la demande d’accès; [34] CONSTATE également que le demandeur a déjà reçu les pages 3, 25, 26 et 34 du document en litige; [35] ORDONNE au Ministère de communiquer au demandeur les pages 5 et 35 et la page 30 du document en litige, à l’exception pour cette dernière des informations se trouvant au tiret « Résultats » sous la rubrique « État de la situation » et à la rubrique « Problématiques »;
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