Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 04 00 Date : 8 juin 2004 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. VILLE DE LÉVIS Organisme -et- CLAUDE BLIER Tiers DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le demandeur s’adresse à l’organisme le 27 janvier 2004 pour obtenir copie des documents suivants « se rapportant au 60 rue des Hauts-Bois à St-Romuald et le terrain sur lequel l’édifice est construit : • Le certificat d’implantation; • Le plan d’implantation accompagnant le certificat d’implantation; • Les plans, élévations, coupes, croquis et devis requis;
04 04 00 Page : 2 • Le plan d’aménagement du terrain (comprenant les accès à la propriété et le nombre, la localisation et les dimensions des cases de stationnement hors rue et des allées de circulation); • Le certificat de localisation (avec le rapport). » [2] Le 5 février 2004, la responsable avise le demandeur que les documents suivants font l’objet d’une consultation auprès du tiers qui les a fournis afin de savoir s’ils peuvent être communiqués : • Certificat et plan d’implantation de M. Alain Gosselin en date du 12 octobre 1999, minute 6527, dossier 679; • Certificat de localisation de M. Alain Gosselin en date du 17 juin 2002, minute 7309, dossier 2001-800; • Plans de construction de mars 2001, numéro M-4966, feuillets 1 à 9 inclusivement. [3] Le 24 février 2004, la responsable informe le demandeur que l’accès aux documents précités lui est refusé en vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [4] La demande de révision de ce refus est datée du 8 mars 2004. PREUVE i) de l’organisme [5] M e Sylvie Dionne, responsable de l’accès aux documents de l’organisme, témoigne sous serment. Elle affirme avoir, le 13 avril 2004, remis au demandeur une copie (O-1) de la lettre qu’elle a adressée à M. Alain Gosselin le 5 février 2004 ainsi qu’une copie de la lettre (sans les renseignements nominatifs) qu’elle a adressée à M. Claude Blier le 5 février 2004 afin de les consulter. [6] M e Dionne ajoute avoir consulté l’arpenteur-géomètre Alain Gosselin et M. Claude Blier au sujet des documents visés par la demande d’accès. M. Gosselin a, par lettre du 13 février 2004, souligné le caractère confidentiel des certificats et du plan d’implantation (minutes #6527 et 7309) en vertu de l’article 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 04 00 Page : 3 62 de la Loi sur les Arpenteurs-géomètres (L.R.Q., c. A-23). M. Blier a pour sa part, le 19 février 2004, refusé par écrit la communication des documents qu’il avait fournis à l’organisme, invoquant alors leur nature privée. M e Dionne a, selon ces 2 réponses, refusé l’accès aux documents en litige qui, à son avis, sont de nature technique. [7] M e Dionne signale que les plans d’aménagement du terrain visés par la demande d’accès sont compris dans les plan et certificat d’implantation auxquels l’accès est refusé. Elle ajoute que l’acte translatif de propriété du 60 rue des Hauts-Bois ne réfère aucunement à un certificat de localisation. [8] Elle précise par ailleurs que les plans de construction comprennent les renseignements techniques qui sont détenus concernant « les plans, élévations, coupes, croquis et devis requis » visés par la demande d’accès. ii) du tiers [9] M. Claude Blier témoigne sous serment. Il est propriétaire du 60 rue des Hauts-Bois. Il a fourni à l’organisme, à la suite de sa demande de permis de construction, les plans de sa maison avec les certificats exigés par l’organisme; il a obtenu les autorisations nécessaires de l’organisme. Le demandeur s’est néanmoins plaint contre lui auprès de l’organisme, à différentes reprises depuis 2001; le 23 mars 2004, il a finalement déposé une requête contre lui en Cour supérieure. [10] M. Blier et son avocat ont communiqué à plusieurs reprises avec M e Dionne. M. Blier refuse la communication des documents qu’il a fournis à l’organisme parce que ces documents sont de nature privée, parce qu’ils sont protégés par le droit d’auteur et parce qu’il les a obtenus contre rétribution. Il souligne avoir confirmé son refus à M e Dionne, par écrit daté du 19 février 2004. [11] Selon M. Blier, la communication des documents en litige lui causerait préjudice puisque le demandeur a intenté un recours contre lui le 23 mars 2004. À son avis, les documents qu’il a fournis à l’organisme n’appartiennent pas à l’organisme; ils lui appartiennent en propre et n’ont pas un caractère public. iii) du demandeur [12] Le demandeur témoigne sous serment. Il précise que sa demande d’accès ne vise que des documents fournis par M. Blier à l’organisme; il rappelle
04 04 00 Page : 4 que sa demande n’est pas adressée à l’arpenteur-géomètre qui, à son avis, n’a pas fourni de documents à l’organisme; selon le demandeur, seul M. Claude Blier, le tiers, l’a fait. [13] Le demandeur veut obtenir les documents en litige aux fins des procédures intentées par lui contre le tiers. N’ayant pu les obtenir auprès de l’officier de la publicité des droits, il s’est adressé à l’organisme. [14] Le demandeur confirme avoir déposé des plaintes contre M. Blier auprès de l’organisme dès décembre 2001; il confirme également avoir entrepris l’exercice d’un recours contre M. Blier afin que la maison et le terrain de ce dernier respectent la réglementation applicable. [15] Le demandeur dépose une copie conforme du règlement 279-90 sur les permis et certificats, adopté par la Ville de St-Romuald et entré en vigueur le 9 avril 1991 (D-1). À son avis, l’organisme refuse l’accès aux documents en litige parce que ces documents pourraient permettre de prouver « l’émission erronée d’un permis de construction. ». Selon le demandeur, l’émission de ce permis est la cause d’une construction dérogatoire et d’un aménagement qui lui cause préjudice. Il souligne que l’obtention des documents en litige lui permettra de faire « connaître et confirmer une atteinte irréparable à mon droit à la qualité de l’environnement. » Il ajoute que « l’aménagement illégal de stationnements dans la presque totalité de la cour arrière du terrain adjacent au mien et l’aménagement dérogatoire d’une allée de circulation sur la ligne latérale de mon terrain sont deux des éléments qui portent atteinte à la jouissance de mon droit de propriété. » . ARGUMENTATION i) de l’organisme [16] Les documents remis à l’organisme au soutien d’une demande de permis de construction n’appartiennent pas à l’organisme et ne font pas partie de ses archives. [17] Les documents en litige sont de nature technique; ils ont été fournis par M. Blier qui n’avait pas à justifier son refus en vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. La responsable a consulté le tiers en vertu de ces articles et elle a appuyé sa réponse sur ces articles.
04 04 00 Page : 5 [18] La responsable a aussi choisi de consulter l’arpenteur-géomètre qui a confirmé que les documents en litige qu’il avait préparés appartenaient à son client, M. Blier, qu’ils n’avaient pas été inscrits au bureau de la publicité des droits et qu’ils n’étaient pas mentionnés dans l’acte de propriété. L’arpenteur-géomètre a ainsi confirmé à la responsable le caractère privé des documents qu’il avait préparés pour M. Blier. [19] Les documents préparés par un arpenteur-géomètre ont un caractère objectivement confidentiel dans la mesure prévue par l’article 62 de la Loi sur les arpenteurs-géomètres. [20] Les articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels s’appliquent compte tenu de ce qui précède et notamment parce que le demandeur, qui a intenté une poursuite contre M. Blier, serait avantagé par la communication de ces documents. L’organisme, mis en cause dans cette poursuite, refuse néanmoins l’accès aux documents en litige en vertu des articles 23 et 24. ii) du tiers [21] M. Blier a reçu de l’organisme les autorisations nécessaires à la suite de la production des documents qui sont en litige. Ces documents sont de nature privée et il ne consent pas à leur communication. iii) du demandeur [22] La communication des documents en litige n’aura aucune incidence sur l’économie. [23] Les articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels n’ont pas été invoqués par M. Blier; ils ne peuvent conséquemment s’appliquer. [24] Les motifs de refus invoqués par M. Blier ne s’appliquent pas aux documents détenus par l’organisme et visés par la demande d’accès; ces documents ne sont pas de nature privée et l’organisme doit les communiquer sans craindre d’être poursuivi par M. Blier. [25] M. Blier devait savoir que les documents qu’il fournissait à l’organisme pouvaient faire l’objet d’une demande d’accès; il a accepté de jouer le jeu en
04 04 00 Page : 6 venant s’établir dans la communauté et en faisant une demande de permis de construction. [26] L’organisme n’a pas à être propriétaire de documents pour les rendre accessibles. [27] Les documents en litige ne sont pas de nature technique. [28] Les documents demandés sont visés par l’article 26 de la loi précitée et doivent être communiqués puisqu’il y a atteinte à la qualité de l’environnement du demandeur : 26. Un organisme public ne peut refuser de communiquer un renseignement visé par les articles 22, 23 et 24 lorsque ce renseignement permet de connaître ou de confirmer l'existence d'un risque immédiat pour la santé ou la sécurité d'une personne ou d'une atteinte sérieuse ou irréparable à son droit à la qualité de l'environnement. En pareil cas, l'organisme public peut, malgré l'article 49, rendre sa décision dès qu'il a donné au tiers l'avis requis par l'article 25. DÉCISION [29] La responsable a remis à la Commission, sous pli confidentiel, les documents préparés par l’arpenteur-géomètre Alain Gosselin pour M. Blier, de même que les plans de construction préparés par une entreprise pour M. Blier. [30] La preuve démontre que le demandeur se plaint de son voisin, M. Blier, ce, depuis la fin décembre 2001, à cause de la maison que M. Blier a fait construire et du terrain qu’il a fait aménager. [31] La preuve démontre que le demandeur reproche à M. Blier le caractère dérogatoire de sa maison et qu’il tient M. Blier responsable du préjudice causé par l’aménagement de son terrain et d’une atteinte irréparable à son droit à la qualité de l’environnement. [32] La preuve démontre que le demandeur veut obtenir des renseignements qui concernent M. Blier afin de démontrer que celui-ci contrevient, par la
04 04 00 Page : 7 construction de sa maison et par l’aménagement de son terrain, aux règlements applicables. [33] La preuve démontre que les renseignements qui sont en litige ont été fournis par M. Blier pour l’obtention des autorisations nécessaires à la construction de sa maison et à l’aménagement du terrain sur lequel cette maison est construite. [34] Les renseignements en litige, à l’instar de la demande d’accès, concernent directement M. Blier, propriétaire du 60 rue des Hauts-Bois, et l’identifient. Ces renseignements personnels peuvent permettre d’établir si M. Blier a construit et aménagé sa propriété conformément aux normes applicables. La Commission comprend que ces renseignements personnels se rapportent aux plaintes que le demandeur a déposées contre M. Blier; la Commission croit qu’il est vraisemblable que ces renseignements soient utilisés dans le cadre de la poursuite intentée par le demandeur contre M. Blier personnellement. [35] Les renseignements personnels en litige sont nominatifs au sens de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels : 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [36] Les renseignements nominatifs sont confidentiels en vertu des articles 53 et 59 de la loi précitée; la preuve démontre que M. Blier ne consent pas à leur communication ou divulgation par l’organisme. [37] La preuve démontre également que les certificats d’implantation et de localisation ainsi que le plan d’implantation ne sont pas inscrits au bureau de la publicité des droits et qu’ils ne sont pas mentionnés dans l’acte translatif de
04 04 00 Page : 8 propriété; ces documents n’ont pas, dès lors et en vertu de l’article 62 de la Loi sur les arpenteurs-géomètres, un caractère public. [38] M. Blier a raison lorsqu’il prétend que les renseignements nominatifs qu’il a fournis à l’organisme ont un caractère privé. Ces renseignements confidentiels ne pouvaient, sans son consentement, être communiqués par l’organisme à la suite de la demande d’accès. Il n’est cependant pas exclu que la Cour supérieure ordonne la production de ces renseignements dans le cadre du recours qu’exerce le demandeur devant elle; la responsable de l’accès doit, d’ici là et en vertu de la loi, assurer la confidentialité des renseignements en litige. [39] La Commission souligne enfin qu’aucune preuve ne démontre l’application de l’article 26 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. [40] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire
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