Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 01 71 Date : 20040601 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. Me Jacqueline Dubé Entreprise DÉCISION L'OBJET DU LITIGE LA DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le demandeur requiert comme suit, le 11 janvier 2002, auprès de Me Jacqueline Dubé (l’ « entreprise ») une demande : […] I am formally requesting to have an access of my divorce file with complete data that was entered in your computer relating to this file. You sent a copy of ‘paper file to Barreau du Québec on December 11th, 2001, which I received, but the request is for E-FILE. If you want I can provide you with a blank disk and it will take you less then one minute to copy my file and I can come to your office to pick it up. […]
03 01 71 Page : 2 [2] L’entreprise lui répond le 6 février suivant : […] nous vous avons déjà transmis copie de votre dossier par l’entremise du bureau du syndic du Barreau. Pour ce qui est de la transmission du support informatique, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ne crée aucune obligation de transmettre le support informatique.[…] [3] Elle précise que l’article 27 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (la « Loi sur le privé ») « exige la communication des renseignements personnels à la personne concernée. De plus, l’article 38 C.c.Q. précise que les renseignements contenus dans le dossier doivent être accessibles dans une transcription intelligible ». Elle lui transmet, une deuxième fois, une copie de son dossier lequel contient « 60 pages numérotées ». [4] Insatisfait, le demandeur formule, le 19 janvier 2003, auprès de la Commission d'accès à l'information (la « Commission »), une demande d’examen de mésentente. L'AUDIENCE [5] Pour les motifs invoqués par le demandeur dans une lettre, l'audience de cette cause a été reportée à une reprise, pour se tenir le 13 mai 2004, à Montréal en la présence de celui-ci et de M e Dubé. LA PREUVE A) DE L’ENTREPRISE [6] M e Dubé, qui témoigne sous son serment d’office, fait ressortir les informations pertinentes suivantes : • Sur réquisition expresse du demandeur et après avoir négocié le montant des honoraires professionnels, elle a accepté de représenter celui-ci dans une cause de divorce « à l’amiable », réduisant le montant de 1 500 $ à 875 $ incluant la consultation et les frais; le demandeur lui remet ce dernier montant le 17 avril 2001;
03 01 71 Page : 3 • Elle complète les procédures en se basant sur les informations contenues dans les documents originaux (les pièces) que lui a préalablement remis le demandeur. L’épouse de celui-ci, refuse d’y apposer sa signature pour les motifs qu’elle invoque (25 avril 2001). M e Dubé en fait part au demandeur et lui fournit les explications additionnelles relatives à ce dossier. L’entreprise refuse de le représenter pour le même montant (875 $) pour un divorce devenu maintenant contesté; • Le demandeur requiert donc de l’entreprise le remboursement intégral de ce montant, tout en ayant, de l’avis de l’avocate, un comportement « agressif »; il menace d’intenter contre elle des recours judiciaires; • Devant son refus de rembourser intégralement ledit montant, le demandeur lui a fait parvenir, entre le 2 novembre 2001 et le 12 février 2004, sept mises en demeure lesquelles concernent tantôt le montant réclamé, tantôt l’accès, sur support informatique de son dossier qu’il admet d’ailleurs avoir déjà reçu; • Entre-temps, il dépose une plainte (en dix points) auprès du Syndic du Barreau du Québec (le « Syndic ») qui, par l’entremise de M e Edith Delisle, communique avec l’entreprise le 29 novembre 2001. Par l’entremise du Syndic, celle-ci communique les documents au demandeur; • De plus, après avoir obtenu la version respective des parties, le Syndic rend sa décision et rejette, le 23 octobre 2002, la plainte du demandeur; • Celui-ci, ayant contesté cette décision, a formulé une demande de révision. Le 17 février 2003, le comité de révision du Barreau rend sa décision et rejette également la plainte du demandeur contre l’entreprise; • Il entreprend, le 31 mars 2004, cette fois-ci auprès de la Cour du Québec (Division des Petites créances) un recours, réclamant de l’entreprise le remboursement intégral du 875 $; • Le demandeur reconnaît, à trois reprises, que l’entreprise lui a communiqué une copie des documents se trouvant à son dossier, tel qu’il appert à ses lettres datées des 11 janvier, 22 novembre 2002 et 19 janvier 2003. [7] L’entreprise dépose en preuve (pièce E-1 en liasse) une copie de la chronologie des évènements et d’une série de documents relatifs à cette affaire.
03 01 71 Page : 4 B) DU DEMANDEUR [8] Le demandeur, après avoir été assermenté, reconnaît que l’entreprise lui a plutôt transmis, à deux reprises, les documents qui se trouvent à son dossier. Il ajoute cependant que celle-ci aurait commis des erreurs dans la rédaction des procédures de divorce, tels l’appellation des noms inscrits dans les actes de naissance, etc. À son avis, une copie, sur support informatique, desdits procédures lui est nécessaire afin de pouvoir effectuer les vérifications appropriées. [9] Il ajoute qu’il désire obtenir, sur disquette, une copie de ces documents parce qu’il « veut les donner à un autre avocat » et veut connaître « les dates selon lesquelles les procédures de divorce ont été faites » par l’entreprise. C) RÉPONSE DE L’ENTREPRISE [10] M e Dubé, l’entreprise, répond qu’elle n’a commis aucune erreur, car les renseignements contenus dans lesdites procédures proviennent des documents que le demandeur lui a remis. Elle se dit étonnée que le demandeur cherche maintenant à obtenir lesdits documents, sur support informatique, afin de les transmettre à un autre avocat. Elle considère que le contenu des renseignements se trouvant dans son système informatique représente son travail; ils ne sont donc pas accessibles à un tiers; elle maintient sa position de ne pas acquiescer à cette demande. ARGUMENTATION i) DE L’ENTREPRISE [11] M e Dubé, l’entreprise, rappelle que le demandeur reconnaît, à trois reprises, qu’elle lui a transmis les 60 pages que comprenait son dossier, à savoir les 11 janvier, 11 novembre 2002 et 19 janvier 2003. [12] Elle plaide que l’article 1 de la Loi sur le privé réfère aux articles 35 à 40 du Code civil du Québec (le C.c.Q.) traitant notamment de la vie privée et comprenant l’article 38. Ce dernier stipule que : 38. Sous réserve des autres dispositions de la loi, toute personne peut, gratuitement, consulter et faire rectifier un dossier qu'une autre personne détient sur elle soit pour prendre une décision à son égard, soit pour informer un tiers; elle peut aussi le faire reproduire, moyennant des
03 01 71 Page : 5 frais raisonnables. Les renseignements contenus dans le dossier doivent être accessibles dans une transcription intelligible. [13] Elle argue de plus que, de cette citation, elle comprend que le législateur indique notamment que les renseignements contenus dans le dossier d’un demandeur « doivent être accessibles dans une transcription intelligible ». [14] Elle plaide que le législateur n’exige pas d’une personne exploitant une entreprise à transmettre, sur support informatique, à un demandeur lesdits documents, tel le cas sous étude. L’avocate affirme de plus qu’elle s’est conformée à l’article 27 de la Loi sur le privé, en donnant au demandeur communication des renseignements personnels le concernant. [15] Elle argue de plus que le demandeur, ayant formulé une demande par écrit (art. 30 Loi sur le privé), pour avoir accès à des renseignements personnels le concernant (art. 2 de ladite loi), elle a agi avec diligence en donnant suite à ladite demande (art. 32 de la Loi sur le privé). ii) DU DEMANDEUR [16] Le demandeur, pour sa part, indique que « la technologie a changé », il a le droit de requérir les documents sur support informatique; il réitère les mêmes informations qu’il a fait ressortir lors de sa déposition à l’audience. LA DÉCISION 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner
03 01 71 Page : 6 communication des renseignements personnels la concernant. 30. Une demande d'accès ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier, de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'une assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale. 32. La personne détenant le dossier qui fait l'objet d'une demande d'accès ou de rectification par la personne concernée doit donner suite à cette demande avec diligence et au plus tard dans les 30 jours de la date de la demande. [17] La preuve établit que ces renseignements se retrouvent dans un dossier de divorce constitué par l’entreprise qui avait accepté de le représenter selon les termes d’une entente négociée entre les parties (réduisant de 1500 $ à 875 $). L’entreprise ne représente plus le demandeur. [18] Pour les motifs non contredits par celui-ci à l’audience, il cherche à obtenir le remboursement de cette somme intégralement devant la Cour du Québec (Division des Petites créances). [19] La Commission tient à préciser qu’elle n’est pas habilitée à statuer sur ce type de litige, n’étant pas le forum approprié pour le faire. [20] Dans le cas sous étude, la Commission comprend que les documents que cherche à obtenir le demandeur contiennent des renseignements personnels le concernant, selon les termes de l’article 2 précité de la Loi sur le privé. [21] Le demandeur reconnaît que l’entreprise lui a communiqué, à deux reprises, les documents qui faisaient l’objet du litige. Toutefois, les documents émanant de lui-même (pièce E-1 en liasse précitée), démontrent qu’il reconnaît plutôt les avoir reçus à trois reprises (les 11 janvier, 22 novembre 2002 et 19 janvier 2003). [22] L’entreprise s’est également conformée aux dispositions législatives prévues à l’article 38 C.c.Q. précité, en transmettant au demandeur une copie des renseignements contenus à son dossier, dans une transcription intelligible (60 pages de documents).
03 01 71 Page : 7 [23] De ce qui précède, la preuve tant documentaire que testimoniale démontre clairement que l’entreprise a communiqué au demandeur les documents qui faisaient l’objet du litige. L’obtention de ces documents, sur support informatique, n’est pas prévue dans le Code civil (art. 38) ou dans la Loi sur le privé (art. 27). [24] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : PREND ACTE que M e Jacqueline Dubé, l’entreprise, a communiqué au demandeur tous les documents qui faisaient l’objet du litige; REJETTE, quant reste, la demande; FERME le présent dossier n o 03 01 71. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 1 er juin 2004
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.