Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 07 01 Date : 20040527 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC Organisme DÉCISION L'OBJET [1] Le demandeur s’adresse à la Société de l'assurance automobile du Québec (la « SAAQ ») pour réitérer sa demande « […] à ce que vous enleviez les collages ridicules qui ont été fait sur l’expertise du dr Girard et que vous apportiez les modifications directement dans le texte. Il en va de sa lisibilité et de sa crédibilité. » (sic) [2] Le demandeur conteste la décision rendue par la SAAQ, laquelle exprime être « […] d’avis que cette expertise a été rectifiée conformément à l’article 89 de la Loi sur l'accès […] ». [3] Une audience se tient à Sherbrooke le 22 mars 2004.
03 07 01 Page : 2 L'AUDIENCE A) LE LITIGE [4] Le demandeur manifeste son insatisfaction quant à la façon dont la SAAQ a inséré à l’expertise le concernant les rectifications accordées par le D r André Girard. Il exige d’intégrer les rectifications directement au texte et non à la marge de chaque page de l’expertise. B) LA PREUVE i) De la SAAQ M me Francine Goupil [5] M me Francine Goupil, technicienne en administration, nous informe que la SAAQ ne détient que la copie sur support papier de l’expertise réalisée le 18 septembre 2001 par le D r Girard (pièce O-1). [6] M me Goupil mentionne que les rectifications acceptées par le D r Girard ont été insérées à l’expertise détenue par la SAAQ, sous forme dactylographiée. Les corrections apparaissent en bordure de chaque page ayant été rectifiée. Elle affirme au demandeur que la SAAQ procède toujours de la même manière lorsqu’elle doit rectifier un texte. [7] M me Goupil établit une distinction entre une demande de rectification visant un texte réalisé par un expert externe de la SAAQ et une lettre émanant de celle-ci. La SAAQ peut, dans le deuxième cas, directement corriger le texte original de la lettre (pièce D-1), ce qu’elle ne peut faire pour l’expertise du médecin. [8] M me Goupil fait valoir que le dossier du demandeur est toujours actif à la SAAQ. Elle signale que cette dernière doit d’ailleurs conserver pour une période de 40 ans un dossier, et ce, après l’échéance d’un plan d’intervention auprès d’une personne (pièce O-2). ii) Du demandeur [9] Le demandeur maintient que la SAQ doit remplacer le « texte fautif par un nouveau texte ».
03 07 01 Page : 3 C) LES ARGUMENTS i) De la SAAQ [10] La procureure de la SAAQ, M e Annie Rousseau, soumet que l’intention du demandeur est d’effacer l’ancienne version de l’expertise réalisée par le D r Girard par la création d’une nouvelle version. Elle est d’avis que la SAAQ ne peut procéder de la façon proposée par le demandeur, l’article 89 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi ») n’imposant pas la manière ou la forme que doit prendre une rectification. [11] M e Rousseau soumet que la Loi permet de ne retirer dans un document que les renseignements non autorisés par celle-ci, inexacts ou équivoques 2 . Du cas sous étude, elle prétend que la SAAQ a respecté les exigences de la Loi. [12] M e Rousseau fait valoir que la SAAQ ne peut réécrire le passé et doit conserver l’expertise en litige, avec les rectifications, dans le respect de la Loi sur les archives 3 , du calendrier de conservation et des articles 73 et 92 de la Loi 4 . [13] M e Rousseau note que la Commission d’accès à l’information (la « Commission ») a déjà suggéré d’apporter les modifications à une expertise en mettant à la marge du texte l’objet de la rectification 5 . Cette dernière manière de corriger une expertise, dit-elle, permet une lecture des inexactitudes et demeure cohérente avec la Loi sur les archives. [14] M e Rousseau est d’avis qu’en toute logique, et ultimement, la SAAQ doit conserver l’original de la présente expertise pour lui permettre de connaître ce qui a fait l’objet d’une rectification. [15] M e Rousseau fait remarquer que l’article 28 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 6 (la « Loi sur le secteur privé »), lequel réfère à l’article 40 C.c.Q., n’a pas d’équivalent à la Loi. 1 L.R.Q., c. A-2.1. 2 Galipeau c. Ministère de la Main-d'œuvre et de la Sécurité du revenu du Québec, [1989] C.A.I. 1. 3 L.R.Q., c. A-21.1. 4 Trudel c. Ville de Saint-Laurent, [1995] C.A.I. 332; L. c. Centre hospitalier régional de l’Outaouais, [1984-86] 1 C.A.I. 123. 5 Bonsaint c. Société de l’assurance automobile du Québec, [1997] C.A.I. 79. 6 L.R.Q., c. P-39.1.
03 07 01 Page : 4 28. Outre les droits prévus au premier alinéa de l'article 40 du Code civil, la personne concernée peut faire supprimer un renseignement personnel la concernant si sa collecte n'est pas autorisée par la loi. 40. Toute personne peut faire corriger, dans un dossier qui la concerne, des renseignements inexacts, incomplets ou équivoques; elle peut aussi faire supprimer un renseignement périmé ou non justifié par l'objet du dossier, ou formuler par écrit des commentaires et les verser au dossier. La rectification est notifiée, sans délai, à toute personne qui a reçu les renseignements dans les six mois précédents et, le cas échéant, à la personne de qui elle les tient. Il en est de même de la demande de rectification, si elle est contestée. ii) Du demandeur [16] Le demandeur ne partage pas les prétentions de la SAAQ. Il soutient que la Commission a déjà ordonné le retrait de renseignements inexacts dans une expertise 7 . DÉCISION [17] D’entrée de jeu, la Commission considère que l’action en réclamation déposée par le demandeur contre la SAAQ, datée du 9 mars 2004, n’est pas pertinente pour trancher l’actuel litige (pièce O-3). [18] La Loi permet au demandeur de faire corriger un renseignement nominatif détenu par un organisme le concernant, étant inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, communication ou conservation n’est pas prévue à la Loi. De plus, la Loi énonce qu’un organisme public ne peut conserver que les renseignements qui lui sont nécessaires dans le cadre de ses activités. Les articles pertinents de la Loi sont les suivants : 64. Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire à l'exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre d'un programme dont il a la gestion. 7 X c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, C.A.I. Montréal, n o 01 13 96, 4 juin 2003, c. Laporte.
03 07 01 Page : 5 73. Lorsque l'objet pour lequel un renseignement nominatif a été recueilli est accompli, l'organisme public doit le détruire, sous réserve de la Loi sur les archives (chapitre A-21.1). 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. 90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. 91. Lorsque l'organisme public refuse en tout ou en partie d'accéder à une demande de rectification d'un fichier, la personne concernée peut exiger que cette demande soit enregistrée. 92. Un organisme public doit, lorsqu'il accède à une demande de rectification d'un fichier, délivrer sans frais à la personne qui l'a faite, une copie de tout renseignement nominatif modifié ou ajouté, ou, selon le cas, une attestation du retrait d'un renseignement nominatif. 93. Toute personne qui a demandé la rectification d'un fichier peut exiger que l'organisme public fasse parvenir une copie des documents prévus à l'article 92 ou, selon le cas, de l'enregistrement visé à l'article 91 à l'organisme de qui il a obtenu le renseignement ou à tout organisme à qui le renseignement a pu être communiqué dans le cadre d'une entente conclue suivant la présente loi. (soulignements ajoutés) [19] Sur le principe, il va de soi qu’un document contenant un renseignement inexact, incomplet ou équivoque peut faire l’objet d’une rectification au sens de la Loi. Ainsi, lorsqu’un organisme public ou la Commission accède à une demande de rectification, seul le renseignement rectifié devra dorénavant apparaître au document.
03 07 01 Page : 6 [20] Peut-il subsister deux versions du même document, l’un étant exact et l’autre inexact? [21] Je suis d’avis que la portée de la Loi au sujet de la rectification n’a pas pour but de faire vivre de façon permanente un renseignement ou un texte inexact, incomplet ou équivoque. Je comprends d’ailleurs qu’un document détenu par un organisme public peut difficilement dire une chose et être son contraire. [22] Du cas sous étude, j’ai vérifié attentivement l’expertise. Il s’agit d’un document totalisant six pages. J’observe que le D r Girard a, le 6 mai 2002, soumis une note aux procureurs de la SAAQ au sujet de la demande de rectification du demandeur (pièce O-1). Dans les faits, cette note du D r Girard a été complètement intégrée à l’expertise du 18 septembre 2001. [23] La SAAQ a conservé le texte intégral de l’expertise. Elle a cependant introduit les rectifications notifiées par le D r Girard par un texte dactylographié paraissant à la marge de chaque page de l’expertise. Pour mieux saisir l’étendue de la rectification, il importe de reproduire le texte inscrit à la marge de l’expertise et le texte original se trouvant encore à celle-ci. J’ai souligné le ou les renseignements rectifiés et apporté un bref commentaire à la fin de chacune des rectifications : La rectification inscrite à la marge du texte 1) Page 1 - à l’item LITIGE, nous devrions lire au point numéro 2 : « Refus de relation entre l’accident du 22 novembre 1990 et la discoïdectomie L4-L5 et L5-S1 pratiquée le 26 novembre 1998. » Le texte actuel Refus de relation entre l’accident du 22 novembre 1990 et la discoïdectomie L4-L5 pratiquée le 26 novembre 1998. [24] Il ne s’agit que d’un ajout de « L5-S1 » au texte existant. La rectification inscrite à la marge du texte 2) Page 1 - au troisième item, le dernier paragraphe, il faut ajouter à la première phrase : « Le docteur Sikinois poursuivait un traitement conservateur à domicile suggérant la poursuite de la médication anti-inflammatoire. Il demande une consultation au Dr Denis Lebreux, chiropraticien. »
03 07 01 Page : 7 Le texte actuel […] le Docteur Sykiniolis poursuivait un traitement conservateur à domicile et suggérait la poursuite de la médication analgésique. […] [25] Il s’agit de remplacer le texte actuel par celui du D r Girard. La rectification inscrite à la marge du texte 3) Page 2 - au quatrième item, premier paragraphe : « Il consulte le Dr Couture. Selon le rapport d’urgence du Centre hospitalier de St Vincent de Paul, du 24 janvier 1991, le Dr Couture écrivait : « je ne signe aucun papier ce jour pour justifier ses traitements en chiropractie. » Le texte actuel […] il consulta le Dr Couture, lequel prescrivit des traitements de chiropractie. […] [26] Il s’agit de remplacer le texte actuel par celui du D r Girard. La rectification inscrite à la marge du texte 4) Page 2 - au cinquième item : remplacer le troisième alinéa : « ce dernier ne mentionne aucune séquelle permanente chez monsieur [B.] suite à son accident du 22 novembre 1990. » Le texte actuel « […] ne mentionna aucune séquelle permanente chez monsieur [B.] suite à son accident du 25 septembre 1990. » [27] Il s’agit de remplacer la date. La rectification inscrite à la marge du texte 5) Page 2 - au sixième item : « je n’ai malheureusement pas le dossier de monsieur [B]. Il semblerait à l’évaluation des différentes notes au dossier qu’il y eu disparition graduelle des éléments douloureux incapacitants au niveau de la région cervicale, les feux de la rampe ayant été mis sur un problème de douleurs lombaires incapacitantes ayant nécessité différentes modalités thérapeutiques incluant massage et ostéopathie, épidurale à cinq reprises et finalement diacoïdectomie lombaire L4-L5 et L5-S1 et donc dans cette optique, c’est-à-
03 07 01 Page : 8 dire la priorisation du problème dorsolombaire qu’il y eu occultation des problèmes cervicaux et des céphalées. » [28] Il s’agit d’un ajout au texte. La rectification inscrite à la marge du texte 6) Page 3 - au deuxième paragraphe : Il faut ajouter : « Le 29 novembre 1995, monsieur [B.] fut examiné par le Docteur Lamarre, orthopédiste. Ce dernier mentionnait que monsieur [B.] avait présenté une lombalgie en 1987 avec arrêt de travail de 2 jours et une investigation radiologique s’était révélée normale. Il n’aurait subsisté aucune séquelle fonctionnelle de cette entorse lombaire. Le Docteur Lamarre mentionnait que monsieur [B.], le 24 janvier 1991 aurait consulté le Docteur Couture qui l’aurait référé en chiropractie. Il y aurait des traitements en chiropractie durant plusieurs mois avec le Dr Lebreux. Les traitements chez le chiropracticien Denis Lebreux s’effectuèrent du 14 décembre 1990 au 18 janvier 1991. » Le texte actuel Le 29 novembre 1995, monsieur [B.] fut examiné par le Docteur Lamarre, orthopédiste. Ce dernier mentionnait que monsieur [B.] avait présenté une lombalgie en 1987 avec arrêt de travail de 2 jours et une investigation radiologique s’était révélée normale. Il n’aurait subsisté aucune séquelle fonctionnelle de cette entorse lombaire. Le docteur Lamarre mentionnait à son examen musculo-squelettique un enraidissement de la charnière lombosacrée avec flexion limitée à 65°, extension à 10°, mouvements de latéralité droit et gauche à 20°, mouvements de rotation droit et gauche à 20°. Il notait des réflexes ostéotendineux vifs et symétriques, des lasèques positifs à 6°, des forces musculaires normales. Le docteur Lamarre concluait donc à une entorse très sévère de la colonne lombaire justifiant de ce fait, un déficit anatomo-physiologique de 2% et émettait de plus des limitations fonctionnelles à savoir que monsieur [B.] devait éviter de travailler en position penchée continuellement, devait éviter de se pencher et se redresser régulièrement, devait éviter de soulever des poids de plus de 40 livres et devait travailler en pivotant régulièrement au niveau du tronc. [29] Il s’agit d’un ajout au texte. La rectification inscrite à la marge du texte 7) Page 4 - à l’item AVIS MOTIVÉ : Il est indiqué au premier paragraphe : « nous devons accepter la relation entre la rechute du 8 juillet 1998 » à corriger pour :
03 07 01 Page : 9 « le 8 juillet 1992 ainsi que les discoïdectomies L4-L5, L5-S1 pratiquées le 26 novembre 1998 et l’accident du 22 novembre 1990. » Le texte actuel […] nous devons accepter la relation entre la rechute du 8 juillet 1998 ainsi que les discoïdectomies L4-L5 pratiquées le 28 novembre 1998 et l’accident du 22 novembre 1990. [30] Il s’agit de modifications de la date et de l’ajout de « L5-S1 ». [31] Je partage la prétention de la procureure de la SAAQ selon laquelle les ajouts identifiés aux points 1, 5, 6 et 7 peuvent se trouver à la marge du texte. Il faut néanmoins qu’une annotation au texte lui-même puisse nous permettre d’y référer directement. [32] Toutefois, je constate que la SAAQ a conservé les dates et le texte se trouvant aux points 2, 3, 4 et 7, lesquels, du consentement du D r Girard, devaient être modifiés ou remplacés. Un renseignement, me semble-t-il, entre dans la catégorie de celui qui est exact ou inexact. Il ne peut être les deux à la fois. Ainsi, il faut éviter toute confusion et donner plein effet à une demande de rectification, ayant reçu l’approbation du professionnel concerné. [33] Je suis donc d’avis, selon les pouvoirs généraux conférés à l’article 141 de la Loi, que les renseignements inexacts, incomplets ou équivoques se trouvant aux points 2, 3, 4 et 7 doivent être masqués et remplacés, selon le cas, par la nouvelle date ou le nouveau texte : 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa juridiction; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements nominatifs. (soulignements ajoutés) [34] En outre, je n’ai relevé aucune disposition à la Loi permettant à la SAAQ de conserver des renseignements de la nature de ceux modifiés ou remplacés en la présente.
03 07 01 Page : 10 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [35] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur; [36] ORDONNE à la SAAQ de rectifier l’expertise du D r Girard de la façon exposée aux paragraphes 31, 32 et 33 de la présente décision; [37] REJETTE, quant au reste, la demande de rectification. MICHEL LAPORTE Commissaire M e Annie Rousseau Procureure de l'organisme
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