Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 21 91 Date : 26 mai 2004 Commissaire : M e Hélène Grenier ALAIN LAFOREST Demandeur c. MINISTÈRE DU CONSEIL EXÉCUTIF Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 14 novembre 2003, le demandeur s’est adressé à l’organisme pour obtenir les documents suivants : « lettres, mémos, courriels échangés entre le bureau du Premier Ministre Jean Charest et celui du Premier Ministre Jean Chrétien pour la période située entre le 14 avril 2003 et le 14 novembre 2003 inclusivement. » [2] Le 27 novembre 2003, le responsable de l’accès aux documents de l’organisme lui a indiqué que les documents de cette nature n’étaient pas accessibles en vertu des dispositions des articles 19 et 34 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 21 91 Page : 2 [3] La demande de révision de cette décision est reçue par la Commission le 9 décembre 2003. Lors de l’audience du 8 avril 2004, l’avocate de l’organisme précise que l’article 19 n’est plus invoqué par son client au soutien du refus du responsable. PREUVE i) de l’organisme Témoignage de M. Alain Lauzier : [4] M. Alain Lauzier témoigne sous serment. M. Lauzier est secrétaire adjoint du secrétaire général de l’organisme de même que responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels. Il a traité la demande d’accès du 14 novembre 2003; il en a, à cette fin, acheminé une copie au cabinet du Premier ministre pour vérifier si les documents demandés étaient détenus et, le cas échéant, pour les récupérer. Il a récupéré ces documents et répondu au demandeur. [5] M. Lauzier affirme que les documents dont copie a été remise à la Commission sont ceux qui ont été demandés et qui sont détenus. À son avis, les documents de cette nature ne sont pas accessibles en vertu de l’article 34 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels à moins que le Premier ministre du Québec n’en décide autrement. Le Premier ministre a exercé la discrétion que cette disposition lui attribue et il n’a pas jugé opportun de rendre les documents demandés accessibles. M. Lauzier a conséquemment appliqué l’article 34 : 34. Un document du bureau d'un membre de l'Assemblée nationale ou un document produit pour le compte de ce membre par les services de l'Assemblée n'est pas accessible à moins que le membre ne le juge opportun. Il en est de même d'un document du cabinet du président de l'Assemblée, d'un membre de celle-ci visé dans le premier alinéa de l'article 124.1 de la Loi sur l'Assemblée nationale (chapitre A-23.1) ou d'un ministre visé dans l'article 11.5 de la Loi sur l'exécutif (chapitre E-18), ainsi que d'un document du cabinet ou du bureau d'un membre d'un organisme municipal ou scolaire.
03 21 91 Page : 3 [6] M. Lauzier spécifie que ces documents sont de nature politique, qu’ils sont propres au cabinet du Premier ministre et qu’ils y circulent de façon exclusive; le bordereau de gestion documentaire qui y est annexé le confirme, d’ajouter M. Lauzier. [7] M. Lauzier mentionne que l’article 34, précité, s’applique entre autres au nombre des documents qui sont en litige, ce nombre étant indicatif de la mesure des échanges qui ont eu lieu entre les deux premiers ministres pour la période visée par la demande. ii) du demandeur [8] Le demandeur témoigne sous serment. Il a formulé, au cours des années, plusieurs demandes d’accès et il a presque toujours obtenu les documents requis, notamment ceux qui renseignent sur les échanges entre ministres (D-1). Il précise que l’article 34 n’a jamais été invoqué au soutien d’un refus de lui communiquer des documents. ARGUMENTATION : i) de l’organisme [9] L’article 34 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels prévoit que les documents qui y sont visés ne sont pas accessibles à moins que le membre de l’Assemblée nationale ou du Conseil exécutif dont le cabinet ou le bureau est concerné par une demande d’accès ne le juge opportun. [10] Cette disposition exige que le membre dont le cabinet ou le bureau est concerné par une demande d’accès ait l’occasion d’exercer sa discrétion quant à la communication des documents demandés; la preuve démontre que pareille discrétion a été exercée en ce qui a trait à l’accès aux documents qui sont en litige. [11] Les documents en litige sont rattachés au cabinet du Premier ministre du Québec; il s’agit d’échanges entre deux Premiers ministres, celui du Québec et celui du Canada. La preuve démontre que ces documents sont traités confidentiellement et exclusivement par le personnel du cabinet du Premier ministre du Québec.
03 21 91 Page : 4 [12] L’article 34 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels est clair et il n’a pas besoin d’être interprété 2 . [13] Les documents en litige indiquent, à leur face même, qu’ils émanent d’un Premier ministre et qu’ils sont destinés à un autre Premier ministre. [14] Les conditions d’application de l’article 34, précité, sont réunies et la demande de révision doit être rejetée. [15] La Commission a déjà confirmé l’application de l’article 34 à un contrat de services professionnels d’assistance et de recherche conclu entre l’organisme et une personne physique; ce contrat émanait du cabinet du Premier ministre et était rattaché à ce cabinet qui le traitait confidentiellement puisque le Premier ministre n’avait jamais jugé opportun de le rendre accessible 3 . [16] La Commission a par ailleurs confirmé que la discrétion attribuée par l’article 34 aux membres de l’Assemblée nationale ou du Comité exécutif est, lorsque les conditions de cette disposition sont remplies, totale 4 . [17] Les documents déposés par le demandeur (D-1) pour établir qu’il a déjà eu accès à des échanges entre ministres ne sauraient empêcher l’application de l’article 34 aux documents qui sont en litige. ii) du demandeur [18] La Commission doit décider si l’article 34 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels s’applique aux documents qui sont en litige. Une décision voulant que ces documents soient inaccessibles sera « triste » puisqu’elle confirmera le contrôle sur l’information ainsi que la culture du secret qui se dessinent concernant des sujets importants. [19] L’article 34, précité, permet de contrôler l’information. 2 Macdonell c. Québec (C.A.I.) [2002] 3 R.C.S. 661, 675-677. 3 Marois c. Ministère du Conseil exécutif, dossier 00 15 68 C.A.I., 26 juillet 2001, M e Diane Boissinot, commissaire. 4 Syndicat des employés du CEV d’Aylmer c. Pavillon du Parc inc. [1988] C.A.I. 187.
03 21 91 Page : 5 iii) réplique de l’organisme [20] La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels prévoit un principe d’accès ainsi que des restrictions à l’accès. La Commission révise les décisions des responsables et se prononce sur leur conformité à la loi. L’article 34 a été adéquatement appliqué par le responsable qui ne cherche pas à cacher de l’information. [21] La compétence de la Commission agissant en révision des décisions des responsables est limitée : dans le cas des documents en litige, la Commission vérifie si le responsable a adéquatement appliqué l’article 34. DÉCISION [22] J’ai pris connaissance des documents qui m’ont été remis par le responsable; il s’agit des documents visés par la demande d’accès et qui, selon la preuve, sont détenus. [23] Les documents en litige sont, vu la preuve, des documents du cabinet du Premier ministre du Québec. Selon le cas, ils émanent du cabinet du Premier ministre du Québec et ils sont destinés au Premier ministre du Canada ou bien ils émanent du cabinet de ce dernier et ils sont destinés au Premier ministre du Québec. [24] L’article 34 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels prévoit que les documents d’un cabinet ministériel visé dans l’article 11.5 de la Loi sur l’exécutif ne sont pas accessibles à moins que le ministre concerné ne le juge opportun. [25] La preuve démontre que le Premier ministre, dont le cabinet est visé par l’article 11.5 de la Loi sur l’exécutif, a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui attribue l’article 34 concernant l’accès aux documents en litige; la preuve démontre également que le responsable a tenu compte de la volonté du Premier ministre. [26] Après examen et en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, la Commission ne peut que constater que le responsable a adéquatement appliqué l’article 34 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels aux documents demandés et détenus.
03 21 91 Page : 6 [27] La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels s’applique au contenu de documents, c’est-à-dire aux renseignements qui constituent ces documents. L’article 47 de cette loi prévoit les obligations du responsable quant aux décisions finales qu’il doit rendre à la suite de demandes d’accès; aucune de ces obligations n’exige du responsable qu’il communique le nombre de documents détenus auxquels il refuse l’accès : 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande: 1° donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit; 2° informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant; 3° informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; 5° informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou 6° informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa.
03 21 91 Page : 7 [28] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Anne Robert-Payne Avocate de l’organisme
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