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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 03 10 54 Date : 20040512 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. Assurances générales des Caisses Desjardins Entreprise DÉCISION L'OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DEXAMEN DE MÉSENTENTE [1] Le 12 mai 2003, le demandeur requiert de lentreprise de lui donner copie des documents quelle aurait colligés à son dossier dassurance lors dun sinistre survenu le 26 février précédent. [2] Sans réponse, le demandeur soumet une demande dexamen de mésentente à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») qui la reçoit le 18 juin 2003.
03 10 54 Page : 2 L'AUDIENCE [3] L'audience de cette cause se tient, le 30 avril 2004, à Montréal, en présence du demandeur et du témoin de lentreprise. LA PREUVE A) DE LENTREPRISE [4] M e Paule Émond, avocate de lentreprise, fait témoigner sous serment M. Pierre Proteau. Celui-ci déclare quil est expert en sinistres depuis 1997; dans le cadre de ses fonctions, il procède notamment à lévaluation des dossiers de réclamation quil règle, le cas échéant. [5] Dans la présente cause, il affirme qu’« une borne-fontaine » est située en avant de la résidence du demandeur. Cette borne-fontaine a été sectionnée et a causé des dégâts deau au sous-sol de celui-ci. Lentreprise lui a versé un certain montant dargent, mais refuse cependant dacquitter un montant additionnel réclamé par le demandeur. Ce montant vise une fissure située sur un mur de limmeuble, laquelle fissure, selon le demandeur, est apparue à la suite des dégâts deau. [6] M. Proteau affirme que le rapport de lingénieur nest pas de cet avis. Considérant la position de chaque partie dans cette affaire, les négociations sétant avérées difficiles, il na pas cru nécessaire de donner suite à la demande daccès du demandeur datée du 12 mai 2003 (pièce E-1). [7] Il ajoute que lentreprise ayant refusé « dappliquer une clause de la Police dassurance traitant de la fondation de limmeuble », il sattendait à ce que le demandeur intente une poursuite contre lentreprise. Il lui a en effet fait parvenir une mise en demeure datée du 3 mars 2004, réclamant un montant de 7,000$ (pièce E-2). B) DÉPOSITION DE M. MARTIN ROBITAILLE [8] M. Robitaille déclare solennellement quil est directeur du Service à la clientèle et responsable de laccès aux documents pour lentreprise depuis lannée 2001. Il indique que M. Proteau a porté à sa connaissance, pour la première fois, la demande daccès du demandeur le 10 juillet 2003. Il a alors pris en charge le dossier physique concernant celui-ci avec lequel il a communiqué, en lui transmettant une lettre datée du 15 juillet 2003. À cette lettre, il a donné au
03 10 54 Page : 3 demandeur laccès à certains documents, tels les correspondances, les factures, les soumissions et les photographies relatives à lincident. Il invoque cependant, comme motif de refus à lui communiquer les autres renseignements, les dispositions législatives prévues à larticle 39 (2) de la sur Loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé (la « Loi sur le privé »), pièce E-3). [9] M. Robitaille affirme que le seul document en litige est le rapport de lingénieur eu égard à lévaluation quil a fait de la résidence du demandeur, des constats, entre autres, et du type de dommages subis à cette résidence. Il précise quil sest basé sur le rapport de lingénieur pour refuser le paiement dune somme additionnelle au demandeur. Il dépose, sous le sceau de la confidentialité, ledit rapport. Il ajoute quau moment du refus (pièce E-3 précitée), le demandeur allait effectivement poursuivre lentreprise (pièce E-2 précitée). Il indique quil nexiste pas dautres documents ou rapports au dossier de lassuré. C) DÉPOSITION DU DEMANDEUR [10] Après avoir été assermenté, le demandeur affirme que lentreprise lui a versé un montant à la suite des dégâts deau survenus au sous-sol de sa résidence, le 26 février 2003; à son avis, cette indemnité ne reflète pas la réalité. Il estime avoir droit à un remboursement supplémentaire pour des dépenses quil a encourir dans sa résidence à la suite du bris de la borne-fontaine pour réparer son sous-sol. [11] De plus, il signale que les photocopies des photographies que lui a transmises lentreprise sont incompréhensibles; il voudrait en obtenir dautres. Intervention de lentreprise [12] M. Robitaille, pour lentreprise, sengage à faire parvenir au demandeur, dans les quinze jours suivant laudience, une copie en couleur, des photographies en question. D) DÉPOSITION DU TÉMOIN DU DEMANDEUR [13] M me X déclare, sous serment, quelle est lépouse du demandeur; elle se dit insatisfaite de la manière selon laquelle les représentants de lentreprise ont géré le dossier de réclamation. Elle indique que, faisant suite à ce dégât deau, plusieurs personnes, dont un électricien et un estimateur, qui se disaient provenir de lentreprise, ont effectué des évaluations au sous-sol de sa maison. Ces personnes devraient produire chacune un rapport à lentreprise. Elle refuse de
03 10 54 Page : 4 croire la version des témoins de lentreprise attestant de linexistence dautres documents, à lexception du rapport de lingénieur. Elle considère plutôt que le demandeur a le droit davoir copie de tous les rapports, incluant celui de lingénieur. [14] M me X estime que lindemnité versée par lentreprise au demandeur est insuffisante par rapport aux inconvénients que le couple a subis à la suite de ces dégâts deau et aux dépenses que le demandeur a encourir pour réparer son sous-sol; ils veulent être remboursés. LES ARGUMENTS [15] M e Émond résume la déposition de M. Proteau, expert en sinistres, qui a affirmé avoir tenté de négocier avec le demandeur, afin de mettre un terme au litige opposant les parties, mais sans succès; un recours contre lentreprise serait imminente. Elle rappelle également celle de M. Robitaille qui a pris connaissance, pour la première fois, de la demande daccès du demandeur (le 10 juillet 2003) et y a donné suite le 15 juillet 2003 (pièce E-3). [16] Lavocate plaide quun seul document demeure en litige, il sagit du rapport de lingénieur, lequel traite notamment de la fissure qui se trouvait déjà dans « la fondation » de la propriété du demandeur avant le sinistre. [17] Elle argue que larticle 39 (2) de la Loi sur le privé permet, entre autres, à une personne exploitant une entreprise, de refuser à un demandeur laccès à un renseignement personnel, lorsque ce renseignement risquerait vraisemblablement davoir un impact sur une procédure judiciaire dans laquelle lune ou lautre de ces personnes a un intérêt. [18] Dans le cas présent, le demandeur a effectivement fait parvenir à lentreprise une mise en demeure (pièce E-2 précitée) réclamant un montant de 7000$ pour palier aux dépenses quil aurait encourues à la suite du sinistre. [19] Le demandeur, pour sa part, considère quil devrait avoir accès au rapport de lingénieur déposé à laudience, sous le sceau de la confidentialité, ainsi que tous autres rapports relatifs aux évaluations que divers représentants de lentreprise auraient effectuées dans sa résidence.
03 10 54 Page : 5 LA DÉCISION [20] La preuve démontre quun seul document demeure en litige, cest-à-dire le rapport de M. Marc-André Ducharme, ing., M. Ing., de la firme Experts-conseils CEP inc. (7 pages). Ce document contient des renseignements personnels permettant didentifier une personne physique selon les termes de larticle 2 de la Loi sur le privé, cest-à-dire le demandeur et son épouse. 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. [21] Ceux-ci considèrent que lentreprise devrait posséder des rapports autres que celui détenu par la Commission, puisque plusieurs personnes se sont présentées chez eux pour y procéder à des évaluations faisant suite aux dégâts deau survenus au sous-sol de leur résidence. [22] Le rapport de M. Ducharme, ingénieur, fait clairement ressortir, entre autres, que plusieurs fissures sont visibles, à des endroits précis, sur les murs de la résidence en question. De plus, il fournit les motifs pour lesquels des fissures localisées à certains endroits ne peuvent pas « être reliées au bris de la borne-fontaine. » Il indique que conséquemment, le bris de la borne-fontaine ne peut pas avoir causé de dommages au mur de fondation dudit immeuble. De lavis de M. Ducharme, létat du mur existait ainsi avant cet événement. [23] Or, la mise en demeure, datée du 3 mars 2004, que le demandeur a transmise à lentreprise réclamant une somme de 7 000$ (pièce E-2 précitée) vise particulièrement « à couvrir les réparations à ma maison suite à lexplosion de la borne fontaine le 26 février 2003. » (…) (sic). [24] De plus, à cette mise en demeure, le demandeur indique quà lexpiration dun délai de dix (10) jours, il a lintention dentreprendre une procédure judiciaire contre ladite entreprise. À la date de laudience, le recours judiciaire nest pas entrepris par le demandeur. [25] Par ailleurs, le deuxième paragraphe de larticle 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la « Loi sur le secteur privé ») prévoit que : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la 1 L.R.Q., P-39.1.
03 10 54 Page : 6 concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: […] 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [26] Les dispositions législatives ci-dessus indiquées à cet article sont sans équivoques et la preuve tant documentaire que testimoniale de lentreprise émanant également du demandeur lui-même, démontre que celui-ci a lintention de poursuivre lentreprise pour se faire rembourser un montant dargent eu égard à des dépenses quil aurait encourues pour réparer le sous-sol de sa résidence. [27] Dans laffaire X c. Bélair Direct, compagnie dassurance 2 , la soussignée souscrit aux commentaires de la commissaire, M e Hélène Grenier, lorsquelle indique notamment que : La preuve démontre quavant la demande daccès du 17 octobre 2001, le demandeur avait exprimé à lentreprise son insatisfaction quant au traitement de sa réclamation, quil avait donné avis de son intention davoir recours à un avocat, quil avait fait lobjet dune enquête en rapport avec sa réclamation, quil sétait objectée, à tort ou à raison, à la façon dont lenquête sest déroulée, quil sétait plaint du comportement de lenquêteur du service anticrime des assureurs auprès du Bureau des assurances du Canada et quil avait reçu la décision de lentreprise de ne pas lindemniser. [28] Par ailleurs, il importe de rappeler que lapplication de larticle 39, à son deuxième paragraphe, nécessite non seulement la possibilité pour une personne concernée dintenter une procédure judiciaire, mais que cette dernière doit être imminente 3 . [29] De plus, la Commission a déjà établi que « la présence dun lien direct entre le sujet du document refusé et lobjet du litige suffisait à conclure que sa divulgation risquerait davoir un effet sur la procédure » 4 . 2 [2002] C.A.I. 312, 315. 3 Morin-Gauthier c. Assurance-Vie Desjardins [1994] C.A.I. 226. 4 Lina DESBIENS et Diane POITRAS, Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, textes annotés. Montréal, SOQUIJ, 1996, p. 555 et Bérubé c. Caisse populaire Desjardins de Baie-Comeau [1994] C.A.I. 298.
03 10 54 Page : 7 [30] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : PREND ACTE que lentreprise a communiqué au demandeur copie des factures et autres documents (pièce E-3 précitée) eu égard à la présente affaire; REJETTE, quant au reste, la demande dexamen de mésentente; FERME le présent dossier n o 03 10 54. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 12 mai 2004 M e Paule Émond Procureure de lentreprise
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