Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 08 50 Date : 20040510 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. Cégep de Sorel Tracy Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 31 mars 2003, le demandeur requiert du Cégep Sorel Tracy (l’«organisme»), de lui donner accès à un rapport que M me Marie-France Chabot lui aurait remis le ou vers le 12 mars précédent. [2] N’ayant aucune réponse, le demandeur requiert de la Commission d’accès à l’information (la « Commission »), le 13 mai suivant, de réviser le refus présumé de l’organisme à lui donner accès audit document.
03 08 50 Page : 2 L’AUDIENCE [3] L'audience de cette cause se tient à Montréal, le 16 avril 2004, en présence du demandeur et du témoin de l’organisme, M me Jocelyne Auclair. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME [4] M me Auclair déclare, sous serment, qu’elle est coordonnatrice au niveau des ressources humaines, du système informatique et multi-média. Pour les motifs qu’elle invoque, le directeur des ressources humaines, M. René Corriveau, est absent de l’audience, ce qui explique sa présence, afin de témoigner dans la présente cause. Elle affirme qu’elle est personnellement au courant de la demande d’accès que le demandeur a formulée auprès de l’organisme et dépose, sous le sceau de la confidentialité, le document en litige. Elle ajoute que le demandeur enseigne au Département de philosophie de l’organisme comptant un nombre total de cinq enseignants. [5] Selon M me Auclair, en raison d’une situation particulière impliquant le demandeur à ce département, M me Michèle Gariépy, à la direction des ressources humaines, a retenu les services de M me Marie-France Chabot, consultante en résolution de conflits. Elle affirme que M me Chabot a rencontré les cinq enseignants, incluant le demandeur, et ont tous émis des commentaires personnels le concernant; leurs initiales respectives sont indiquées aux endroits appropriés du rapport. À son avis, l’organisme ne peut pas lui fournir copie de ce document contenant des renseignements personnels, car il sera en mesure d’identifier ces enseignants. De plus, M me Auclair prétend que le demandeur ignore les propos tenus par ceux-ci à son égard. [6] Elle ajoute que quatre personnes, incluant elle-même, ont reçu copie de ce document en litige, dont : a) M. René Corriveau, Directeur des ressources humaines; b) M me Michèle Gariépy, anciennement à la direction des ressources humaines; c) M me Nancy Desbiens, adjointe à la direction des études; [7] À son avis, personne d’autre n’en a obtenu copie et n’est au courant du contenu de ce document.
03 08 50 Page : 3 [8] Elle précise de plus que M me Chabot aurait avisé l’organisme que ce document contient des renseignements personnels, lesquels devraient demeurer confidentiels, car il réfère à des tiers; ceux-ci n’ayant pas consenti à la divulgation de ces renseignements. [9] Par ailleurs, selon M me Auclair, les commentaires personnels tenus par ces tiers ne sont pas neutres; l’organisme ne peut donc pas communiquer ce document au demandeur. Cependant, il serait prêt à faire parvenir à celui-ci une copie des propos qu’il a tenus lors de sa rencontre avec M me Chabot. B) DÉPOSITION DU DEMANDEUR [10] Le demandeur, qui témoigne sous serment, déclare qu’il est enseignant depuis 28 ans et travaille pour l’organisme depuis l’année 1990 au Département de philosophie; il affirme qu’il existait une situation conflictuelle à laquelle il était impliquée dans ledit département. Il affirme également avoir rencontré, à une reprise, la consultante, mais considère que celle-ci aurait effectuée une évaluation psychologique à son égard. Ce type d’évaluation ne serait pas en sa faveur. [11] Il ajoute que M me Auclair a indiqué, lors de sa déposition à l’audience, que quatre personnes identifiées ont reçu copie du rapport, alors que lui-même, la personne concernée, ne l’a pas. Il estime qu’il devrait être en mesure d’en obtenir une copie, selon les termes de l’article 83 de la Loi sur l’accès. [12] De plus, il considère que la divulgation des renseignements personnels le concernant auprès de tiers, incluant les quatre personnes occupant des fonctions de responsabilité au sein de l’administration chez l’organisme, lui cause un préjudice; il voudrait en prendre connaissance afin de pouvoir y répondre adéquatement. LA DÉCISION [13] Le demandeur a formulé une demande selon les termes des articles 1 et 83 de la Loi sur l’accès, sous réserves de certaines restrictions législatives prévues particulièrement à l’article 88 de ladite loi. 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre.
03 08 50 Page : 4 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [14] Le document en litige, daté du 9 mars 2003, et déposé sous le sceau de la confidentialité par l’organisme, contient 13 pages, incluant une section portant sur des « Conclusions et recommandations ». À ce document est annexé un résumé d’éléments pertinents (1 page) qui, selon M me Chabot, devraient se retrouver dans ledit rapport détaillé. [15] L’examen de ce document indique que M e Marie-France Chabot, consultante, de Consensus, cabinet-conseil en résolution de conflits, a rencontré les cinq enseignants, membres du Département de philosophie. Chacun d’eux fournit sa version des faits ou des circonstances ayant conduit à une situation particulière et un incident auquel était impliqué le demandeur. À cette narration, se retrouvent, par exemple, les dates des rencontres, les initiales de ces enseignants qui citent des propos d’autres tiers; ils prennent des prises de position, ils donnent leur impression très personnelle par rapport à cet incident et par rapport à d’autres collègues de travail. [16] La soussignée constate et déplore que des commentaires personnels aussi particuliers, ainsi que des insinuations soient émis par des tiers et colligés dans le document à l’égard du demandeur. [17] Ce document est truffé de renseignements personnels concernant directement une personne physique, à savoir le demandeur, en vertu de l’article 83 de la Loi sur l’accès précité et devraient lui être accessibles. Ce droit prépondérant lui appartient.
03 08 50 Page : 5 [18] Cependant, ce droit d’accès qui n’est pas absolu, doit respecter les restrictions législatives, lesquelles constituent des exceptions au principe général d’accessibilité prévu à cet article; ces exceptions doivent être interprétées de façon restrictive, tel qu’en a décidé la Commission dans l’affaire P.L. c. Commission administrative des régimes de retraite et d’assurances 1 . [19] Dans la présente cause, la soussignée considère qu’ordonner à l’organisme de communiquer ce document, serait de nature à dévoiler des renseignements nominatifs sur d’autres personnes physiques que le demandeur, tel qu’il apparaît à la décision de la Commission Pelletier c. Ministère de l’Environnement [1986] citée dans l’affaire Doyon-Sénécal c. Commission scolaire de Montréal 2 . [20] De plus, il n’est pas démontré que les tiers mentionnés dans ce rapport aient consenti à la divulgation des renseignements nominatifs qui les concernent au sens de l’article 88 de la Loi sur l’accès précité. [21] Commentant l’affaire Bernard c. Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal 3 , les auteurs Duplessis et Hétu indiquent, entre autres 4 . Par sa référence aux renseignements nominatifs concernant d’autres personnes, l’article 88 restreint le droit d’accès du demandeur aux renseignements nominatifs le concernant et empêche de lui communiquer ces renseignements, si, en ce faisant, des renseignements relatifs à une autre personne lui étaient révélés. Cet article est le pendant de l’article 53 de la loi. [22] En raison de ce qui précède, le demandeur ne peut donc pas avoir accès à l’intégralité de ce document, et ce, en application des articles 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 [1988] C.A.I. 355 en référence dans Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Loi indexée, commentée et annotée, vol. 3, Publications CCH ltée, 2003, folio 210 101. 2 C.A.I. Montréal, n o 02 19 25, 26 mars 2004, c. Constant 3 [1990] C.A.I. 76. 4 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L’accès à l’information et la protection des renseignements personnels, Loi indexée, commentée et annotée, volume 3, publications CCH ltée, 2003, p. 221504.
03 08 50 Page : 6 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [23] Cependant, il pourra obtenir une copie de sa version des faits qui se situe à la page 9 du document, sous la rubrique « Perceptions de (X) ». [24] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur contre le CEGEP de Sorel Tracy; ORDONNE à l’organisme de lui communiquer copie de sa version des faits, à la page 9, sous la rubrique « Perceptions de (X) »; REJETTE, quant au reste, la demande de révision et ferme le présent dossier portant le n o 03 08 50. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 10 mai 2004
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.