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PP 96 09 76 BRASSARD, Anne LEBLOND, Richard MONGEAU, Bernard Plaignant(e)s c.

MINISTÈRE DE LA JUSTICE -et-RÉGIE DE L’ASSURANCE-MALADIE DU QUÉBEC

Au printemps 1994, la Régie de l’assurance-maladie du Québec (Régie) entreprend une enquête sur les plaignants qui sont alors médecins nucléistes à l’Hôpital de Chicoutimi (l’hôpital) ; leur facturation de services médicaux rendus pendant la période du 14 octobre au 31 décembre 1992 est en cause.

Les plaignants prétendent que des renseignements les concernant et faisant partie du dossier de cette enquête ont été communiqués aux médias soit par le ministère de la Justice, soit par la Régie elle-même, alors que ces renseignements étaient confidentiels.

Ils précisent, notamment, que le 4 juillet 1995, le dossier d’enquête était diffusé par les médias alors que les plaintes, dont le libellé succinct excluait les renseignements détaillés obtenus pendant l’enquête, ne leur étaient pas signifiées avant le 5 juillet 1995 ; ils ajoutent que le journal Le Quotidien, tant dans son édition du 5 juillet 1995 que dans celle du 7 décembre 1995, a relaté des éléments de l’enquête de la Régie qu’un journaliste ne pouvait connaître sans avoir eu accès au dossier de cette enquête par l’intermédiaire d’une personne qui en avait légalement possession.

Les plaignants soulignent que le déroulement de leur enquête préliminaire, débutée le 22 janvier 1996 et poursuivie jusqu’au 3 avril suivant, a été protégé par une ordonnance de non-publication.

96 09 76 2 Ils veulent connaître l’identité de la personne qui a été à l’origine de la communication des renseignements confidentiels les concernant, la date à laquelle cette communication a eu lieu et la façon dont elle a été rendue possible.

Les journées des 24, 25 et 26 mai 2000 ainsi que celles des 7, 8 et 9 novembre suivantes ont été réservées par la Commission à l’audition de leur plainte tenue à Chicoutimi.

PREUVE : L’avocat du ministère de la Justice dépose copie des dénonciations (O-1) et sommations (O-2) autorisées et décernées le 28 juin 1995 concernant les trois plaignants, documents essentiellement constitués des renseignements personnels suivants : nom, date de naissance et adresse propres à chacun, date de leur comparution et désignation de l’acte criminel qui leur est reproché et qui est ainsi libellé : «Au cours de l’année 1992, à Chicoutimi, district de Chicoutimi, par la supercherie, le mensonge ou autre moyen dolosif, a frustré la Régie d’assurance-maladie du Québec (RAMQ) d’une somme supérieure à 1000,00$, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 380 (1) a) du Code criminel.»

Ces documents identifient M e Paul Roy comme étant le substitut du procureur général agissant dans les trois dossiers.

L’avocat du Ministère dépose également copie des procès-verbaux de signification afférents (O-2).

Il admet : la date de comparution des plaignants, le 15 août 1995 ;

96 09 76 3 l’option alors exercée par eux, soit celle d’être jugés devant juge et jury ; la date du début de leur enquête préliminaire, d’abord fixée au 11 décembre 1995 et remise au 22 janvier 1996 ; l’émission d’une ordonnance de non-publication protégeant le déroulement de cette enquête préliminaire depuis le début ; la date à laquelle un terme a été mis à l’enquête préliminaire, le 3 avril 1996 ; la date à laquelle les plaignants ont été cités à leur procès, le 3 avril 1996 ; la date à laquelle les plaignants ont modifié leur option afin d’être jugé devant un juge seul, le 3 avril 1996 ; la date à laquelle les plaignants Brassard et Leblond ont été acquittés par la Cour du Québec, le 15 mai 1997 ; la date à laquelle le plaignant Mongeau a été acquitté par la Cour d’appel, 25 février 1999 ; la date à laquelle les plaignants ont entrepris des procédures civiles contre la Régie et le Procureur général, le 26 juin 1996.

L’avocate des plaignants dépose la plainte de ses clients (P-1) ; les extraits d’émissions de radio et de télévision ainsi que les extraits du journal Le Quotidien qui complètent cette plainte, sont, quant à leur provenance et date respectives, admis.

La lettre que M e Pierre Legendre, responsable de l’accès à l’information du ministère de la Justice, adressait le 23 mai 2000 à l’avocate des plaignants (P-2) est admise ; M e Legendre y confirme essentiellement que «nous n’avons reçu aucune demande d’accès à l’information entre le 1 er avril 1994 et le 31 juillet 1995 concernant une enquête de la RAMQ, qu’elle implique monsieur Bernard Mongeau, monsieur Richard Leblond ou madame Anne Brassard…».

96 09 76 Les lettres que le directeur général de la Régie, M à l’avocate des plaignants les 19 et 23 mai 2000 (P-2), sont admises ; M confirme essentiellement que «la Régie n’a reçu aucune demande d’accès de la part des médias depuis avril 1994 à juillet 1995 au sujet de l’enquête de la Régie concernant vos clients».

L’exclusion des témoins est demandée et accordée. L’avocate des plaignants fait entendre le D r Richard Leblond qui témoigne sous serment. À son avis, certains éléments substantiels de l’article publié dans Le Quotidien, édition du 5 juillet 1995 (P-1), proviennent de l’enquêteur Bélanger ou du dossier d’enquête, compte tenu, notamment, des discussions qu’il a eues avec cet enquêteur qui prétendait que les plaignants avaient engagé le D r Labonté pour frauder, c’est-à-dire pour modifier leur facturation et celle du D r Labonté et parce qu’il a été question, avec l’enquêteur, de dépassement annuel, de la productivité du D r Labonté et de son congédiement. Il précise que le montant de la fraude est celui qui leur a été indiqué par l’enquêteur qui, par ailleurs, utilisait le terme «surfacturation».

Le D r Leblond spécifie, en contre-interrogatoire, avoir pris connaissance de l’assignation qui lui a été signifiée le 5 juillet 1995 après la diffusion, par les médias, de renseignements concernant la plainte déposée contre ses deux collègues et lui (P-1). Il ajoute ne pas avoir communiqué avec les médias le 4 ou le 5 juillet 1995 et ne pas avoir communiqué avec eux après ces dates. Il a pris connaissance du contenu de l’enquête au moment le substitut du Procureur général a communiqué sa preuve à ses avocats, vers la mi-juillet 1995.

4 e André-Gaétan Corneau, a fait parvenir e Corneau y

96 09 76 5 Monsieur André Bélanger, cité à comparaître à la demande de l’avocate des plaignants, témoigne sous serment.

Il a, en qualité d’employé de la Régie, directement enquêté sur la facturation des plaignants et il a fourni à la Régie ainsi qu’au substitut du Procureur général, M Roy, le même rapport d’enquête daté du 13 février 1995 (P-3).

Il reconnaît que son rapport d’enquête, de même que son précis de preuve (P-4 et P-5) ainsi que les déclarations statutaires et reconnaissances de dette respectives des plaignants (P-6, P-7, P-8) font état des montants individuels et total de la fraude et que le montant total est inscrit dans le journal Le Quotidien dans son édition du 5 juillet 1995. Il ajoute que les rapports de vérification mis en preuve lors du procès des plaignants et constituant les annexes 21, 22 et 23 du précis de preuve (P-4 et P-5) identifient ou permettent d’établir le montant publié dans ce journal.

Il reconnaît, tel que le mentionne le journal Le Quotidien dans le 4 article publié le 5 juillet 1995, avoir enquêté sur les plaignants alors qu’il était au service de l’analyse et des enquêtes de la Régie, enquête faite avec la collaboration de madame Pauline Taschereau, de monsieur Claude Haas et du D Il reconnaît que la «surfacturation» à laquelle réfère le 5 est également mentionnée en page 2 de l’annexe 8 de son précis de preuve (P-9).

Il reconnaît que les renseignements dont fait état le 6 inscrits en page 3 du rapport d’enquête remis à la Régie et à M page 3 de son précis de preuve (P-4 et P-5) et à l’annexe 13 de ce précis qui définit le plafonnement des gains de pratique des médecins nucléistes pour l’année 1992.

e Paul

ième paragraphe de son r Landry de cet organisme. ième paragraphe de l’article précité

ième paragraphe du même article sont e Paul Roy de même qu’en

96 09 76 6 Il reconnaît que les renseignements constituant une partie substantielle des avant-dernier et dernier paragraphes de l’article de journal précité sont également inscrits dans l’annexe 8 (P-9) du précis de preuve (P-4, P-5) ainsi que dans les annexes 7 (P-10) et 1 (P-11) de ce même précis de preuve.

Il affirme avoir lui-même remis, de main à main, à M e Paul Roy, en mars 1995, son rapport d’enquête (P-3) et son précis de preuve (P-4, P-5) comprenant 35 annexes. Il a, souligne-t-il, tout remis à M e Roy. Il a, pendant l’enquête, interrogé, lors de rencontres, mesdames Louise Marinacci et Marcelle Ruest, membres du personnel du Département de médecine nucléaire de l’hôpital, rencontres tenues en juillet 1994 et en janvier et février 1995 et dont son rapport ainsi que son précis de preuve font, avec les annexes 28 et 29 (P-12 et P-13), état. Il spécifie ne pas leur avoir indiqué faire enquête sur une présumée fraude et ne pas leur avoir parlé de la productivité ou du congédiement du D r Chantal Labonté, du plafonnement des gains de pratique et de la rétribution conséquente du surplus.

Il indique que seuls les plaignants ont été informés de la tenue de l’enquête et de son objet.

Il précise que M e Paul Roy n’a pas été associé à l’enquête avant mars 1995 sauf pour ce qui est d’échanges relatifs à des mandats de perquisition qui, finalement, n’ont pas été exécutés, échanges ayant eu lieu avant la consultation des dossiers-patients analysés pendant l’enquête.

Les déclarations statutaires, reconnaissances de dette et chèques des plaignants (P-6, P-7 et P-8), qui constituent les annexes 30, 31 et 32 du précis de preuve (P-4 et P-5), ont été

96 09 76 7 préparés et faits confidentiellement, avec le plaignant concerné et l’enquêteur Claude Haas agissant comme témoin, le 27 janvier 1995 (P-6 et P-8) et le 3 février 1995 (P-7).

Il a rangé le dossier d’enquête terminée et il n’en a discuté qu’avec ses 2 supérieurs. Il n’a pas communiqué avec les médias en ce qui concerne l’enquête. Il ne sait pas comment des renseignements se rapportant à cette enquête ont été communiqués aux médias.

En contre-interrogatoire, M. Bélanger reconnaît essentiellement s’être identifié, à l’aide de sa carte (O-3), comme membre de la division des enquêtes de la Régie lorsqu’il a enquêté sur les plaignants.

Il réitère avoir intégralement remis tous les documents de cette enquête à M mars 1995.

Il mentionne ne pas avoir parlé de l’enquête avec la Sûreté du Québec. Il se souvient de la lettre du D r Labonté, datée du 10 juin 1994 et adressée à la Ministre de la Santé et des Services sociaux (P-9), laquelle constitue l’annexe 8 du précis de preuve ; il ne se rappelle pas des annexes à laquelle réfère cette lettre adressée à la Ministre et dont son rapport ne traite pas.

Le nom du service auquel il était rattaché à la Régie pouvait être communiqué à tout appelant et il pouvait lui-même être rejoint par téléphone.

Monsieur Claude Haas, cité à comparaître à la demande de l’avocate des plaignants, témoigne sous serment.

e Paul Roy en

96 09 76 8 Monsieur Haas oeuvrait, en 1994-1995, en tant qu’analyste au Service de l’analyse et des enquêtes de la Régie. Il a, avec le D r Landry et madame Pauline Taschereau du même organisme, assisté l’enquêteur Bélanger dans son enquête sur les plaignants ; il a précisément et avec ces personnes, pris connaissance des dossiers-patients du Département de médecine nucléaire de l’hôpital susmentionné, ce, discrètement, en salle fermée, sans indiquer au personnel qu’ils procédaient à une enquête ou à une vérification. Il spécifie que madame Louise Marinacci leur a fourni des explications seule ou avec le D r Richard Leblond. Monsieur Haas a participé à la préparation de certaines annexes du précis de preuve (P-4, P-5), à savoir : annexe 20 : rapport informatique intitulé «Total de chacun des actes pour un professionnel dans la reconstitution journalière (D r Chantal Labonté pour la période du 14 octobre 1992 au 31 décembre 1992 et pour chacun des 4 médecins) ; ce rapport donne le montant total concernant le D r Labonté, montant également inscrit dans la lettre que cette dernière adressait à la Ministre de la Santé et des Services sociaux le 10 juin 1994 (P-9) qui constitue l’annexe 8 du précis de preuve (P-4 et P-5) ;

annexe 21 : rapport de vérification des dossiers-patients selon la reconstitution journalière du D r Labonté 1992 et répartition par médecin et par ordre alphabétique des bénéficiaires ; ce document de travail, qui a été remis à l’enquêteur Bélanger, a permis d’établir la somme totale de 80 656 47 $ dont l’obtention frauduleuse a été reprochée aux plaignants et qui est inscrite dans le rapport d’enquête (P-3);

96 09 76 9 annexe 22 ; même rapport de vérification, avec répartition par médecin et par date ; ce travail vise à déterminer le montant qui aurait être facturé par chaque plaignant ainsi que le montant qui a été obtenu frauduleusement par chacun ; ces renseignements sont inscrits dans le rapport d’enquête (P-3, page 6) ainsi que dans le précis de preuve (P-4 et P-5).

Il spécifie que les annexes 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26 du précis de preuve permettent d’établir les sommes inscrites dans le rapport d’enquête et dans le précis de preuve.

Il affirme n’avoir jamais interrogé quiconque et avoir agi comme témoin lorsque les plaignants ont, individuellement et privément fait leur déclaration statutaire, reconnaissance de dette et chèque (P-6, P-7 et P-8) constituant les annexes 30, 31 et 32 du précis de preuve précité.

Il n’a pas, après la signature de ces documents par les plaignants, communiqué ni avec eux, ni avec le D r Chantal Labonté. Il n’a pas eu accès au dossier d’enquête ; il n’en a discuté avec personne. Il n’a pas communiqué avec les médias. Madame Pauline Taschereau, qui, en 1994, était technicienne en administration à l’emploi de la Régie et qui est citée à comparaître à la demande de l’avocate des plaignants, témoigne sous serment.

Madame Taschereau a collaboré avec l’enquêteur Bélanger, le D Haas lorsque ceux-ci se sont rendus à Chicoutimi afin d’examiner les dossiers-patients des plaignants. Leur travail a été effectué discrètement. Elle n’a pas eu accès au dossier

r Landry et monsieur

96 09 76 10 d’enquête ; elle ne se rappelle pas avoir parlé de l’enquête ; elle ne sait pas était conservé le dossier d’enquête ; elle ne sait pas non plus si ce dossier faisait l’objet de mesures de sécurité et qui étaient les personnes qui pouvaient y avoir accès.

Elle précise ne pas avoir rencontré le D médias et ne pas avoir communiqué avec quiconque relativement à l’enquête.

En contre-interrogatoire, elle précise qu’aucun média n’a communiqué avec elle. L’avocate des plaignants fait entendre le D serment.

Le D r Mongeau affirme essentiellement ne pas avoir été présent pendant le déroulement de l’enquête parce qu’il travaillait alors une semaine par mois et qu’il était sur le point de prendre sa retraite. Il avait antérieurement remis au premier enquêteur de la Régie, monsieur René Roberge, les documents de facturation des médecins de son groupe qui se rapportait à la fin de l’année 1992 et à l’année 1993. L’enquêteur Roberge, dont la visite inattendue a duré environ 10 minutes, lui a indiqué faire enquête sur l’application de l’entente conclue entre la Fédération des médecins spécialistes du Québec et le ministère de la Santé et des Services sociaux concernant le plafonnement des gains de pratique ; cet enquêteur lui a également demandé d’être discret. Ses collègues ne lui ont pas parlé d’un autre enquêteur.

Il a signé sa déclaration statutaire (P-8) le 27 janvier 1995 en la présence exclusive de l’enquêteur Bélanger qui s’est identifié et du témoin Claude Haas ; il a lu la déclaration, a demandé des précisions quant au montant établi par l’enquêteur et il a complété sa déclaration par «et n’est pas une admission de culpabilité.» ; il a requis l’ajout de la même mention à la déclaration statutaire de ses collègues. Il spécifie avoir connu le

r Labonté, ne pas avoir communiqué avec les

r Bernard Mongeau qui témoigne sous

96 09 76 montant total par l’ensemble du groupe avant que le D reconnaissance de dette (P-6), montant qu’il ne connaissait pas lorsqu’il a signé la sienne (P-8) deux jours plus tôt.

Il a personnellement appris, le 4 juillet 1995, par la station radio (CKAC), à 11:45 heures, qu’une accusation de fraude était portée contre lui ; la nouvelle faisait état du montant exact dont on lui reprochait l’obtention illégale ainsi que du mécanisme employé pour frauder la Régie. La plainte lui a été signifiée une dizaine de jours plus tard. Aucun préavis ne lui a été communiqué, par la Couronne notamment. Il n’a pas, pour sa part, communiqué avec les médias. Il a travaillé durant 13 ans à Chicoutimi ; aucun médecin ne lui a parlé de quoi que ce soit relativement à l’enquête. Il croyait que sa déclaration statutaire, sa reconnaissance de dette ainsi que le chèque fait à l’ordre de la Régie (P-8) mettaient un terme à l’enquête.

Il a pris connaissance du rapport d’enquête (P-3), et du précis de preuve seulement au début de cette audition devant la Commission, en mai 2000 ; la Couronne lui avait cependant fourni les annexes du précis de preuve.

Il a comparu devant le tribunal le 15 août 1995, au Palais de justice de Chicoutimi ; son avocat lui avait conseillé d’opter pour un procès avec jury mais il a finalement choisi d’être jugé devant un juge seul parce qu’il craignait la partialité des jurés en raison des renseignements divulgués par les médias.

Il précise que les détails diffusés par la station radio CKAC le 4 juillet 1995 ainsi que par Le Quotidien le lendemain ne sont pas inscrits dans la sommation datée du 28 juin 1995 (O-1) et signifiée une dizaine de jours plus tard (O-2).

Il n’a aucunement communiqué avec les médias avant son procès.

11 r Brassard signe sa

96 09 76 12 En contre-interrogatoire, il précise ne pas avoir rencontré l’enquêteur Bélanger avant janvier 1995. Il reconnaît que ses collègues lui parlaient de l’enquête puisqu’il se rendait au département une semaine par mois ; jamais cependant ses collègues ne lui ont indiqué qu’il y aurait poursuite au criminel. Il a, avec ses collègues, calculé le total des montants remis par eux à la Régie.

Madame Louise Marinacci, citée à comparaître à la demande de l’avocate des plaignants, témoigne sous serment.

Elle est secrétaire au Département de médecine nucléaire de l’hôpital et elle a eu connaissance de l’enquête de la Régie. Elle prétend que les personnes qui ont procédé à l’enquête lui ont dit qu’il y avait des irrégularités dans les dossiers et qu’elle a été amenée à préciser la façon dont elle effectuait son travail. À son avis, l’enquêteur cherchait des preuves de fraude ; messieurs Bélanger et Haas n’ont cependant jamais dit ce qu’ils recherchaient spécifiquement, monsieur Bélanger s’étant limité à dire qu’il enquêtait sur une fraude, qu’il vérifiait si la facturation par l’un ou l’autre des médecins du groupe était faite légalement. Elle n’a pas répété les propos que l’enquêteur Bélanger lui a tenus et elle n’en a pas parlé avec sa collègue madame Marcelle Ruest. Elle n’a pas vu l’enquêteur Bélanger discuter de l’enquête avec des personnes autres que sa collègue et elle-même.

Elle n’a pas souvent rencontré monsieur Haas et elle lui a expliqué comment elle préparait les demandes de paiement du groupe de nucléistes avant leur transmission à la Régie ; elle ne savait pas qu’il y avait un plafonnement des gains.

Elle n’a pas discuté de l’enquête avec des tiers et elle n’a pas communiqué avec les médias. Elle ne connaît personne qui ait communiqué avec les médias concernant l’enquête et elle ne sait pas si quelqu’un l’a fait.

96 09 76 13 Elle a biffé certains éléments de sa déclaration statutaire (P-12) avec lesquels elle n’était pas à l’aise.

Le D r Chantal Labonté, citée à comparaître à la demande de l’avocate des plaignants, témoigne sous serment.

D r Labonté affirme essentiellement avoir demandé ses états de compte à la Régie en novembre ou en décembre 1993, avoir communiqué avec cet organisme en décembre 1993 après avoir reçu ces documents, s’être dissociée du groupe de médecins nucléistes en janvier 1994, avoir été présente lors de la visite de l’enquêteur René Roberge au printemps 1994 et s’être limitée à lui montrer des dossiers-patients sans donner sa version des faits et sans répondre à des questions.

Elle reconnaît avoir remis à l’enquêteur Bélanger un exemplaire de la lettre qu’elle a fait parvenir à la Ministre de la Santé et des Services sociaux en juin 1994 (P-9), avoir signé sa déclaration statutaire (P-11) en présence de l’enquêteur Bélanger, à Chandler, elle a travaillé jusqu’en juin 1995. Sa déclaration statutaire constitue l’annexe 1 du précis de preuve alors que sa lettre à la Ministre constitue l’annexe 8 de ce précis.

Elle reconnaît avoir remis à l’enquêteur Bélanger un exemplaire de sa lettre du 13 avril 1994 adressée au Syndic adjoint de la Corporation professionnelle des médecins du Québec (P-10) ; cette lettre constitue l’annexe 7 du précis de preuve précité.

Elle a, en juin 1995, rencontré M e Paul Roy à la demande de celui-ci, au Palais de justice de Chicoutimi, rencontre d’une durée de 30-45 minutes au cours de laquelle M indiqué que des plaintes allaient être déposées et lui a demandé de ne pas en parler à quiconque incluant les médias. Elle se rappelle avoir dit à M

e Roy lui a e Roy qu’elle avait été

96 09 76 14 surprise lorsqu’elle a pris connaissance des états de compte demandés à la Régie puisque les plaignants lui reprochaient son improductivité.

Elle n’a jamais parlé aux médias à la suite de sa rencontre avec M journaliste ne s’est adressé à elle ou à l’un de ses proches. Elle ne s’est pour sa part confiée qu’à son conjoint, qui travaille à l’hôpital de La Baie et à son amie Francine Veilleux, neurologue de l’hôpital de Chicoutimi. Elle reconnaît sa lettre au D Gaudreault (P-14), datée du 12 décembre 1992, à qui elle a fait état de la difficulté de ses relations avec les plaignants, lettre remise à l’enquêteur de la Régie et constituant l’annexe 4 du précis de preuve (P-4, P-5).

Elle spécifie ne pas avoir été licenciée par le groupe des plaignants qui lui reprochaient son improductivité, d’où son départ ; elle ajoute que M parler à quiconque.

En contre-interrogatoire, le D r Labonté confirme que sa lettre adressée à la Ministre en juin 1994 (P-9) est postérieure à la visite de l’enquêteur Roberge et qu’elle a donné lieu à un accusé de réception signé par un adjoint politique ; elle ajoute que M e Roy avait au dossier d’enquête (annexe 8 au précis de preuve) une copie de cette lettre à la Ministre.

À son avis, le personnel du secrétariat du Département de médecine nucléaire de l’hôpital savait que ses relations avec les plaignants étaient difficiles. Elle ajoute avoir parlé du caractère difficile de ces relations, de l’improductivité qui lui était reprochée et de ses problèmes de facturation avec son amie Francine Veilleux, ces confidences ayant cependant été faites vers la fin de 1993.

Le D r Labonté a quitté la région du Saguenay en mai 1994.

e Roy ; aucun r Mauril

e Roy lui a demandé de ne pas en

96 09 76 Elle réitère qu’avant sa rencontre avec M personne en dehors de son conjoint et de son amie Veilleux.

Madame Marcelle Ruest, citée à comparaître à la demande de l’avocate des plaignants, témoigne sous serment.

Madame Ruest est secrétaire au département de médecine nucléaire de l’hôpital et à ce titre, elle faisait la facturation des plaignants et celle du D r Labonté. Elle affirme que l’enquêteur Bélanger lui a expliqué qu’il était question de fraude et qu’il devait examiner les états de facturation placés dans les classeurs, ce sur quoi elle l’a prié de s’adresser au D r Bernard Parent, directeur des services professionnels de l’hôpital. Elle n’a pas communiqué avec son syndicat concernant l’enquête. À son avis, certains membres du personnel de l’étage savaient qu’il y avait enquête au département de médecine nucléaire ; elle précise que sa collègue et elle-même n’en parlaient pas à des tiers. Selon elle cependant, seuls les plaignants, les D rs Labonté et Parent, madame Marinacci et elle-même connaissaient certains détails de l’enquête avant la publication du 5 juillet 1995 dans Le Quotidien.

Elle a rencontré messieurs Bélanger et Haas à l’occasion de la signature de ses déclarations statutaires du 7 juillet 1994 et du 3 février 1995 (P-13), documents constituant l’annexe 29 au précis de preuve (P-4, P-5) remis à M e Paul Roy. Elle n’a pas communiqué avec les médias et elle ne connaît personne qui l’ait fait. Elle n’a pas, non plus, été appelée à commenter les renseignements qui ont été publiés dans les médias concernant les plaignants.

15 e Paul Roy en juin 1995, elle ne s’est confiée à

96 09 76 16 L’avocate des plaignants fait entendre le D r Anne Brassard qui témoigne sous serment. Mme Brassard a su par le D r Mongeau que l’enquêteur Roberge s’était présenté au Département de médecine nucléaire de l’hôpital. Elle a plus tard, en juillet 1994, rencontré l’enquêteur Bélanger qui demandait à voir les dossiers-patients ; celui-ci, présent à l’automne 1994 avec madame Taschereau, monsieur Haas et le D r Landry, ne lui a plus parlé avant la signature de sa déclaration statutaire en janvier 1995. Elle sait que l’enquête a été menée discrètement, dans une pièce fermée, et que les rapports et les signatures inscrites dans les dossiers ont été examinés, ce, sans déranger sa pratique.

Elle n’a pas parlé de l’enquête pendant son déroulement ; les secrétaires ne lui en ont pas parlé non plus. Elle souligne ne pas avoir vécu ou senti la présence des «enquêteurs» au sein du département; aucun commentaire ne lui a été fait concernant la présence de ces personnes.

Elle reconnaît sa déclaration statutaire signée devant l’enquêteur Bélanger et le témoin Haas le 27 janvier 1995 (P-6), sa reconnaissance de dette signée le 25 janvier 1995 (P-6) ainsi que son chèque fait à l’ordre de la Régie le 26 janvier 1995 (P-6), documents dont elle a parlé à son mari ; elle indique que ses collègues Mongeau et Leblond, qui avaient signé leur reconnaissance de dette avant elle et qui y avaient respectivement ajouté «et n’est pas une admission de culpabilité», ont pu lui communiquer le montant total de la somme due à la Régie par leur groupe.

En juin 1995, elle ignorait la teneur des accusations qui allaient être portées contre ses collègues et elle-même. Au début de juillet 1995, elle n’avait pas eu accès à son dossier ; elle a été bouleversée par l’article publié par Le Quotidien le 5 juillet 1995 (P-1) puisque, selon sa compréhension des choses, l’enquête de la Régie portait sur un litige d’ordre

96 09 76 17 administratif. Ni la Régie, ni le ministère de la Justice ne lui avaient communiqué les renseignements dont elle a pris connaissance dans ce journal, édition du 5 juillet 1995. Elle affirme que leur avocat commun, M e Guy Bertrand, leur a suggéré, le 14 août 1995, d’opter pour un procès avec jury, choix avec lequel elle n’était pas à l’aise parce qu’elle avait été l’objet de manchettes diffusées par les médias dans une «petite communauté» ; elle ajoute que leur avocat s’est ravisé lorsqu’un terme a été mis à l’enquête préliminaire et qu’elle se fiait à lui. Elle réitère que leur avocat avait obtenu une ordonnance de non-publication concernant le déroulement de l’enquête préliminaire. Elle a, à l’instar de ses collègues, été acquittée, étant entendu que l’acquittement du D r Mongeau a été prononcé par la Cour d’appel.

Elle n’a pas communiqué avec les médias pendant l’enquête de la Régie, enquête qui, à son avis, a été menée discrètement.

En contre-interrogatoire, elle confirme s’être fiée à leur avocat, M e Guy Bertrand, en optant pour un procès avec jury et elle ne sait pas si celui-ci avait lu les journaux au moment ce choix a été fait ; elle précise lui avoir dit ne pas être à l’aise avec cette option dont elle n’a, par ailleurs, pas parlé pendant l’enquête préliminaire.

Elle ajoute, à l’instar du D r Leblond, que le volume de leur travail à l’hôpital ne permettait pas d’envisager un changement de venue.

Elle indique que leur avocat a fait plusieurs démarches pour faire arrêter les procédures et qu’il a eu des échanges à ce sujet avec M en non-lieu ait été rejetée par le Tribunal. À son avis, leur avocat, M avril 1996, recommandé que les plaignants soient traduits devant un juge seul en raison des renseignements diffusés par les médias.

e Paul Roy ; elle n’a pas souvenir qu’une requête e Guy Bertrand, a, en

96 09 76 18 L’avocate des plaignants fait entendre M e Paul Roy qui témoigne sous serment. M e Roy est substitut du Procureur général depuis 1978 ; il a exercé à ce titre dans le district judiciaire de Chicoutimi de 1985 à 1999 et il a été chargé du dossier des plaignants.

Il a, durant l’enquête et aux fins de celle-ci, rencontré l’enquêteur René Roberge une seule fois et par la suite l’enquêteur André Bélanger et il a pris pour acquis qu’ils faisaient enquête concernant un acte criminel. Il n’a pas pris de notes de ses rencontres avec les enquêteurs qui, pour leur part, ne lui ont pas fourni de documents.

Il a reçu le rapport d’enquête (P-3) à la fin de l’enquête et il a ouvert le dossier lorsqu’il a autorisé la présentation des dénonciations (O-1) devant un juge de paix ; il explique avoir étudié le rapport d’enquête ainsi que ses annexes pendant plusieurs semaines et avoir rencontré le D r Labonté pour interroger et évaluer ce témoin important avant de décider d’autoriser les plaintes. Il a, à la fin de cette rencontre, indiqué au D r Labonté que des accusations criminelles seraient portées et il lui a recommandé de ne pas communiquer avec les médias. Il n’a pas pris de notes de sa rencontre avec le D r Labonté qui pour sa part ne lui a pas remis de documents.

Il avait les précis de preuve en mains lorsqu’il a autorisé les plaintes. Il n’avait qu’une seule copie du rapport d’enquête incluant les précis de preuve et les annexes, documents conservés dans son bureau auquel l’accès est restreint au personnel du bureau.

Il avait déjà, lorsqu’il a autorisé les plaintes, pris connaissance des lettres du D adressées à la Ministre de la Santé et des Services sociaux (P-9) ainsi qu’au Syndic adjoint de la Corporation professionnelle des médecins du Québec (P-10), lettres qui font

r Labonté

96 09 76 19 partie des annexes du précis de preuve complétant le rapport d’enquête (P-3) qui lui a été remis.

Il a autorisé les plaintes concernant les trois spécialistes le 26 ou le 27 juin 1995. Il a, le 4 juillet 1995, reçu un appel téléphonique de monsieur Serge Lemelin qui est chroniqueur judiciaire et auteur de l’article intitulé «Hôpital de Chicoutimi - Trois médecins accusés d’une fraude de 80 000$» publié le lendemain par Le Quotidien (P-1) et il lui a parlé. Il reconnaît qu’il parlait plusieurs fois par semaine, sinon quotidiennement, avec monsieur Lemelin lorsqu’il y avait des sujets intéressant ce journal.

Il reconnaît que des renseignements qu’il a lui-même communiqués à monsieur Lemelin sont compris dans cet article, à savoir que : les plaignants auraient illégalement obtenu un montant de 80 000$ ; selon M e Roy, ce renseignement était disponible aux avocats et aux accusés qui présentent une requête afin d’obtenir des détails ; les plaignants devaient comparaître le 15 août 1995 ; selon M e Roy, cette date avait un caractère public puisqu’elle apparaissait sur la sommation émise le 28 juin 1995 et dès lors déposée au greffe ; les trois spécialistes auraient surfacturé la RAMQ en utilisant à son insu les services d’un jeune médecin salarié ; selon M e Roy, ces renseignements pouvaient être communiqués aux plaignants dans le cadre d’une requête afin d’obtenir des détails ; il a donné ces détails à monsieur Lemelin parce que, le 4 juillet 1995, il importait de préciser aux journalistes que la fraude dont il était question n’avait pas été faite aux dépens du public, qu’elle n’avait pas de rapport avec la qualité des soins mais qu’elle résultait d’un litige entre les plaignants et la Régie concernant un problème de facturation ; il reconnaît qu’aucune requête pour l’obtention de détails n’a été

96 09 76 20 présentée par les plaignants, le 4 juillet ou plus tard ; en ce qui concerne le stratagème de la fraude, il reconnaît avoir expliqué à monsieur Lemelin, qui ne le savait pas, de quoi il s’agissait exactement puisque la dénonciation ne pouvait le renseigner à ce sujet ; le revenu d’un médecin spécialiste faisait l’objet d’un plafond ; il a parlé de ce plafond avec monsieur Lemelin ; selon M e Roy, il s’agit d’un renseignement à caractère public ; la différence aurait abouti dans les poches des trois spécialistes sans que le jeune médecin soit au courant ; M e Roy spécifie qu’il est possible qu’il ait communiqué ce renseignement puisque le jeune médecin n’était pas accusé ; le jeune médecin aurait voulu connaître exactement sa productivité en adressant à la RAMQ une demande d’information sur les revenus exacts qu’il avait retirés au cours de l’année ; M e Roy spécifie avoir communiqué ce renseignement ; il ajoute que le D r Labonté lui avait raconté, détails à l’appui, fin mai ou début juin 1995, comment elle en était arrivée à se poser des questions et à demander de l’information ; M e Roy reconnaît que l’annexe 7 au dossier d’enquête (P-10), qu’il avait en mains, traite abondamment de la productivité du D r Labonté ; l’enquêteur de la Régie s’appelait André Bélanger. Il spécifie que monsieur Lemelin avait, au moment il lui a parlé, en fin d’après-midi le 4 juillet 1995, déjà entendu des renseignements concernant les plaignants à la radio et qu’il détenait une copie des sommations faisant état de la date de naissance des plaignants et du chef d’accusation les concernant.

M e Roy spécifie également que les renseignements suivants, compris dans cet article du 5 juillet 1995, sont inexacts ou ne viennent pas de lui :

les sommations avaient été signifiées aux plaignants le 28 juin 1995;

96 09 76 21 les plaignants devaient comparaître le 15 août 1995 pour enregistrer un plaidoyer ; selon la dénonciation, les trois spécialistes auraient surfacturé la RAMQ en utilisant à son insu les services d’un jeune médecin salarié ; les trois médecins se seraient servi du nom du jeune médecin pour facturer à la RAMQ tous les actes accomplis par eux postérieurement à la date à laquelle le seuil avait été atteint ; M e Roy précise ne jamais avoir communiqué ce renseignement parce qu’il savait que ce n’était pas tous les actes accomplis par les plaignants qui étaient en cause ; il se rappelle également avoir parlé à M. Lemelin en fin de journée le 4 juillet 1995 et ne pas lui avoir mentionné le renseignement erroné voulant que tous les actes des spécialistes aient été facturés au nom du D r Labonté ou d’un jeune médecin ou d’un tiers ; il reconnaît avoir dit à M. Lemelin, ainsi qu’à d’autres journalistes qui lui ont posé des questions, que «des actes», et non pas tous les actes, des trois spécialistes avaient été facturés au nom d’un jeune médecin et il reconnaît avoir expliqué aux journalistes l’existence d’une accusation de fraude, le plafond, le dépassement de ce plafond et la rémunération à 25% du tarif, le processus auquel les médecins ont eu recours, soit l’utilisation du nom du jeune médecin pour contourner ce plafond et être rémunérés à 100% du tarif ; à son avis, ces renseignements auraient pu être inscrits dans la dénonciation ou être obtenus par requête pour l’obtention de détails ; il spécifie ultérieurement ne pas se rappeler avoir parlé «d’actes» bien qu’il se rappelle avoir parlé de facturation au-delà du seuil ; le jeune médecin avait été licencié ; le jeune médecin s’était vu reprocher son improductivité ; le jeune médecin avait été surpris de constater que sa productivité était encore bien supérieure à ce qu’il avait espéré ; M e Roy reconnaît qu’il avait en mains l’annexe 7 (P-10) au précis de preuve constituant une partie du rapport d’enquête (P-3) et que cette annexe traite de la réaction du jeune médecin lorsque ses états de compte lui ont été communiqués ; il ne croit pas avoir abordé cet aspect avec le journaliste Lemelin ; il reconnaît avoir également eu en mains l’annexe 8 du précise de preuve précité (P-9)

96 09 76 22 dans laquelle il est question, en page 2, de la surprise du jeune médecin lorsqu’elle a constaté la facturation faite à son nom.

M e Roy ne se rappelle pas avoir indiqué au journaliste Lemelin que l’enquête concernant les plaignants avait été initiée par le service de l’analyse et des enquêtes de la Régie parce qu’il ne sait pas s’il connaissait, au moment de leur conversation, le nom exact du service des enquêtes de la Régie ; à son avis, le nom exact de ce service peut vraisemblablement avoir été obtenu par le journaliste auprès de cet organisme.

Il ne se souvient pas non plus avoir dit au journaliste Lemelin que l’affaire avait été découverte à partir de 1993, à la suite du licenciement, par les trois plaignants, du jeune médecin pour manque de productivité.

M e Roy ne se rappelle pas avoir utilisé le mot «surfacturation». Il ne se rappelle pas du moment exact il a pris connaissance de l’article publié le 5 juillet 1995 par Le Quotidien (P-1).

M e Roy n’a pas parlé à M. Michel Gaudrault de CBJ Radio Chicoutimi (communiqués du 4 juillet 1995, P-1) ; il énumère les inexactitudes que contiennent les 2 communiqués diffusés par cette station radio.

Il ne connaît pas Jocelyn Proulx de CBJ-AM Chicoutimi (communiqué du 5 juillet 1995, P-1) ; il n’aucun souvenir de lui avoir parlé.

Il n’a parlé à aucun journaliste le 3 juillet 1995.

96 09 76 23 Il a répondu à des appels les 4 et 5 juillet 1995 et il a d’abord parlé à Serge Lemelin du Quotidien vers la fin de l’après-midi et ensuite à des représentants de la radio sauf à des représentants de la station CKAC ou à des journalistes de Québec ou de Montréal.

Il a communiqué, au journaliste Lemelin ainsi qu’à d’autres journalistes, le montant total de 80 000$, le plafond salarial de 182 000$ applicable aux médecins nucléistes ainsi que l’utilisation du nom d’un collègue par les plaignants pour contourner ce plafond salarial. Il ne se rappelle pas avoir utilisé le mot «stratagème» avec les journalistes.

Il n’a pas parlé à Linda Bergeron de CFRS-TV (communiqué du 4 juillet 1995, P-1). Il n’a pas parlé à Michel Thiffault de CKRS-TV (communiqué du 4 juillet 1995, P-1). Il n’a pas dit à Jean-François Tremblay de CJPM-TV (communiqué du 4 juillet 1995, 18 :20, P-1) que les plaignants auraient soutiré des honoraires supplémentaires en faisant croire qu’une partie des examens était effectuée par un autre médecin et que les plaignants reviendraient en cour le 15 juin.

Il n’a pas dit à Sylvain Bouchard de CKRS-AM (communiqué du 5 juillet 1995, P-1) que le jeune médecin ne s’occupait pas d’administration et qu’il s’est aperçu un jour que son dossier servait de compte transitoire pour ses confrères.

M e Roy n’a jamais donné accès au dossier d’enquête ou à une partie de celui-ci à un journaliste. Ce dossier était dans son bureau, le bureau des substituts étant barré et surveillé pendant les heures de travail.

96 09 76 24 Il reconnaît que les accusés ont obtenu une ordonnance de non-publication dès le début de leur enquête préliminaire, ordonnance qui a eu son plein effet jusqu’à ce que cette enquête prenne fin le 3 avril suivant.

Sa discussion avec le journaliste Lemelin a été de courte durée. Sa discussion avec tous les journalistes précisait que la comparution des plaignants n’avait pas eu lieu.

À la date de comparution des plaignants, le 15 août 1995, les dossiers de la cour concernant les plaignants comprenaient les renseignements à caractère public suivants : la dénonciation (O-1), la sommation (O-2) ainsi que le procès-verbal de signification aux plaignants de copie de la sommation (O-2).

Il n’a pas référé le journaliste Lemelin ainsi que les autres journalistes au responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels du ministère de la Justice.

Il n’a pas parlé de preuve avec les journalistes, la discussion ayant été limitée aux détails de l’accusation, à ce qui était reproché aux plaignants. Il n’a pas été question de témoins, de nom de témoins ou de déclarations; il a expliqué par quel moyen la fraude avait été réalisée mais il n’a pas été question de preuve.

Il n’a pas communiqué avec les avocats des plaignants, M Tremblay, avant de répondre aux journalistes le 4 juillet et le 5 juillet 1995. Il a indiqué à M e Estelle Tremblay, qui lui a téléphoné le 5 juillet 1995, qu’il n’appelait jamais les journalistes. Il n’a pas souvenir que des avocats du cabinet de M présentés à son bureau pour obtenir copie des actes d’accusation.

e Guy Bertrand ou M e Estelle e Tremblay se soient

96 09 76 25 En réponse à l’avocat du ministère de la Justice, M e Roy spécifie qu’il avait l’obligation, en droit, de communiquer aux avocats des plaignants «…non seulement les renseignements que leMinistère public entend produire en preuve mais aussi ceux qu’il n’a pas l’intention de produire 1 …», étant entendu que si les renseignements sont inutiles, on peut supposer qu’ils n’ont aucune pertinence et qu’ils seront en conséquence écartés par le Ministère public dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire… 2 ». Il souligne qu’il n’avait pas l’obligation légale de communiquer le précis de preuve que lui a remis l’enquêteur Bélanger (P-4, P-5), précis qu’il n’a pas, légitimement, communiqué aux avocats des plaignants.

Il signale que l’article 581 (3) du Code criminel prévoit qu’un chef d’accusation doit contenir, à l’égard des circonstances de l’infraction présumée, des détails suffisants pour renseigner raisonnablement le prévenu sur l’acte ou l’omission à prouver contre lui; les détails des circonstances qui doivent être communiqués aux prévenus n’ont rien à voir avec la preuve et il n’a pas, conséquemment, communiqué d’éléments de preuve aux journalistes. Il spécifie que sa communication, aux journalistes, des détails des circonstances de l’infraction reprochée aux plaignants, inspirée de l’article 581 (3) du Code criminel, n’a pas eu pour effet de révéler des éléments de preuve. Il a, à son avis, communiqué aux journalistes des renseignements détaillés qu’un prévenu est, en vertu du Code criminel, en droit d’obtenir pour savoir ce qu’on lui reproche exactement et qui n’ont rien à voir avec la preuve. Il ajoute avoir donné aux journalistes des détails relatifs à l’accusation afin qu’il soit connu que l’acte reproché n’était pas relié à la qualité des services rendus par les plaignants ou de nature fiscale. Il a, souligne-t-il, donné aux journalistes des détails exacts relatifs à l’infraction, comme il l’a fait dans d’autres dossiers. Il a pensé avoir le pouvoir de donner des détails sur l’infraction comme il l’a fait dans d’autres dossiers et comme ses collègues le font à l’occasion. 1 R. c. Stinchcombe (1991) 3 R .C.S. 326, 343.

96 09 76 26 M e Roy précise que l’accusation était à caractère public depuis le 28 juin 1995 lorsqu’il a communiqué des renseignements aux journalistes.

ARGUMENTATION : L’avocate des plaignants rappelle que la Commission a notamment pour fonction 3 de surveiller l’application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, de faire enquête sur son fonctionnement et sur son observation. Elle soumet que la Régie ainsi que le ministère de la Justice n’ont pas veillé au respect de cette loi alors qu’ils étaient gardiens de la confidentialité des renseignements obtenus concernant les plaignants.

Elle soumet particulièrement que la preuve démontre que M l’application de cette loi ainsi que les décisions rendues par la Commission et la Cour du Québec en matière de protection de renseignements.

À son avis, M e Roy devait, en réponse aux demandes d’information qui lui étaient faites, appliquer l’article 28 de la Loi sur l’accès qui se lit comme suit : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible :

1 o d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;

2 o d'entraver le déroulement d'une enquête; de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un

2 R. c. Stinchcombe (1991) 3 R.C.S. 326, 345. 3 Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, article 123.

e Paul Roy a ignoré

96 09 76 27 plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois;

4 o de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5 o de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet;

6 o de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi;

7 o de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel compétence hors du Québec;

8 o de favoriser l'évasion d'un détenu; ou 9 o de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause.

Il en est de même pour un organisme public, que le gouvernement conformément aux normes qui y sont prévues, à l'égard d'un renseignement que cet organisme a obtenu par son service de sécurité interne, dans le cadre d'une enquête faite par ce service et ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, susceptibles d'être commis ou commis au sein de l'organisme par ses membres, ceux de son conseil d'administration ou son personnel, lorsque susceptible d'avoir l'un des effets mentionnés aux paragraphes 1 À son avis, M e Roy devait refuser de communiquer les renseignements obtenus dans le cadre de l’enquête et communiqués par lui aux journalistes parce que la divulgation de ces renseignements était susceptible d’avoir les effets prévus aux paragraphes 1 9 ième du premier alinéa de l’article 28. Elle soumet que la preuve démontre de façon certaine que M a parlé à des journalistes le 4 juillet 1995, journalistes parmi lesquels il a identifié Serge Lemelin du journal Le Quotidien ; a confirmé le montant de la fraude ainsi que le moyen utilisé par les plaignants pour frauder, renseignements résumés avec exactitude par le journaliste Lemelin dans les

par un corps de police ayant

peut désigner par règlement sa divulgation serait o à 9 o du premier alinéa. er , 5 ième et e Roy :

96 09 76 28 mots suivants : les trois spécialistes auraient surfacturé la RAMQ en utilisant à son insu les services d’un jeune médecin salarié…»(P-1) ;

a, dans ses communications, utilisé les expressions «à son insu», «jeune médecin» ; connaissait et détenait la version du jeune médecin concernant son improductivité et sa surprise à la lecture de ses états de compte (P-9, P-10, annexes 7 et 8 au précis de preuve), ce, d’autant plus que le jeune médecin avait utilisé les termes «productivité», «surprise» et «états de comptes» lors de son entretien avec le substitut, termes qui se retrouvent textuellement dans le dossier d’enquête.

Elle soumet que les mots «productivité», «surprise» et «états de compte», que M e Roy ne se rappelle pas avoir communiqués aux journalistes, constituent des éléments de la preuve qui, en vertu de l’article 28 précité, ne devaient pas être communiqués. Elle souligne que les termes utilisés par le journaliste Lemelin sont tellement proches des termes du rapport d’enquête auquel M e Roy a eu accès qu’il est vraisemblable de croire que M e Roy a divulgué des éléments de preuve au journaliste Lemelin ou que ce dernier a eu accès à des extraits du rapport d’enquête.

Elle soumet conséquemment que la preuve démontre que M e Roy a divulgué des renseignements confidentiels visés par l’article 28 précité, renseignements obtenus par la Régie et M e Roy qui, en vertu de la loi, étaient chargés de détecter le crime. Elle soumet que M e Roy a communiqué des renseignements confidentiels qui faisaient partie du dossier d’enquête en présentant aux médias, avant qu’une requête pour l’obtention de détails puisse être soumise par les accusés, avant la divulgation de la preuve aux accusés, avant l’enquête préliminaire, avant l’émission d’une ordonnance de non-publication et avant le procès, la thèse de la poursuite. M e Roy a, souligne-t-elle, présenté sa thèse au public en lui communiquant des renseignements confidentiels, ce,

96 09 76 29 dans un contexte les accusés ne pouvaient répliquer sans risquer de perdre le bénéfice du processus de divulgation de la preuve et celui de l’ordonnance de non-publication.

Elle soumet que M e Roy a communiqué aux médias et au public qui, dès lors ont pu se former une opinion, des renseignements dont la confidentialité est assurée par le processus criminel.

Elle soumet que M e Roy a constaté des erreurs dans les renseignements qui ont été communiqués par les médias ; elle soutient que M e Roy a, en communiquant des renseignements aux médias, pris le risque qu’il y ait des erreurs au détriment des accusés.

Elle soumet que M e Roy a entrepris une opération risquée alors que le législateur a prévu que les demandes d’accès destinées aux organismes publics doivent être adressées au responsable de l’accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels, le responsable étant chargé d’évaluer l’application des articles pertinents, et, en l’occurrence, de l’article 28 de la Loi sur l’accès. Elle soutient que M e Roy a entravé le processus d’accès à l’information, l’intégrité du processus criminel, l’exercice du droit des accusés de recevoir confidentiellement la divulgation des renseignements illégalement communiqués aux médias, le droit des accusés de recevoir la divulgation de la preuve dans le cadre d’un processus rigoureux qui ne comporte pas d’erreur, le droit d’être jugé devant un juge avec jury et le droit des accusés d’être jugés dans un cadre qui permette que la population ne soit informée qu’au moment le tribunal, en vertu de la loi, le permet et dans la seule mesure autorisée par celui-ci.

Elle soumet que M e Roy aurait indiquer aux journalistes qu’il devaient s’adresser au responsable de l’accès du ministère de la Justice et à celui de la Régie. Elle demande comment M e Roy a-t-il pu ignorer les dispositions de la Loi sur l’accès, les décisions rendues en vertu de cette loi ainsi que l’autorité du Tribunal criminel de décider, au fur et

96 09 76 30 à mesure qu’il le juge nécessaire, de l’accès aux renseignements par les seules personnes qui y ont droit et comment a-t-il pu ignorer que l’accès des médias aux renseignements n’est permis qu’à partir du moment le procès devient public.

Elle souligne que M e Roy prétend s’être acquitté de son obligation de communiquer les détails de l’accusation aux accusés en vertu de l’article 581 (3) du Code criminel en acceptant de communiquer ces détails aux médias. Elle soumet à cet égard que le processus de divulgation de la preuve en droit criminel est privé, à l’abri du public et des médias, ce, parce qu’un dossier d’enquête comprend des renseignements qui ne seront pas admissibles en preuve ou qui ne seront pas prouvés. Elle rappelle que la divulgation de la preuve est un droit attribué à l’accusé, non pas aux médias ou au public et que l’exécution de cette obligation est contrôlée par le Tribunal, non pas par le substitut du Procureur général 4 . Elle soumet que l’article 28 de la Loi sur l’accès, tel qu’il est rédigé, vise à notamment à empêcher la communication de renseignements lorsque leur divulgation serait susceptible d’avoir l’un des effets préjudiciables qui y sont énumérés. À son avis, M e Roy n’a pas évalué les conséquences de la communication faite par lui aux médias.

Elle réitère que l’obtention de détails par requête est un droit propre à l’accusé, droit qui n’est conféré ni aux médias ni au public ; elle rappelle à cet égard que la preuve démontre que les accusés n’ont pas exercé ce droit après avoir pris connaissance du dossier qui leur a été communiqué par la Couronne. Elle souligne que M e Roy devait agir en fonction du libellé de la plainte autorisée par lui et ne pas fournir à des tiers des renseignements qui ne lui étaient pas demandés par les personnes qui avaient le droit exclusif de les obtenir.

96 09 76 31 Elle soumet qu’en acceptant de communiquer des renseignements aux médias, M e Roy a complètement omis d’évaluer les effets pouvant résulter de la divulgation de ces renseignements, à savoir la diffusion de renseignements inexacts et l’entrave à l’exercice du droit de chaque accusé de présenter une requête pour l’obtention de détails. À son avis, M e Roy devait se préoccuper de l’intégrité du processus judiciaire incluant le droit des accusés à la divulgation confidentielle de la preuve, à l’émission d’une ordonnance de non-publication, au choix des moyens et à une audition impartiale devant un jury ; elle souligne qu’il ne s’est aucunement préoccupé de l’intégrité du processus judiciaire.

Elle soumet que M e Roy ne s’est nullement préoccupé du préjudice causé aux plaignants par la divulgation des renseignements communiqués par lui ; il a, souligne-t-elle, permis que soit entravé le processus judiciaire, été négligent en ne se préoccupant pas de la façon dont les médias traiteraient les renseignements communiqués par lui et ignoré la situation des plaignants qui devaient continuer à fournir des services médicaux au Département de médecine nucléaire à l’hôpital.

Elle soumet que la preuve démontre que les renseignements qui ont été communiqués par M e Roy ont été obtenus par des personnes, monsieur Bélanger et M e Roy, qui, en vertu de la loi, sont chargées de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois 5 . Elle rappelle que la Cour du Québec a précisé que les renseignements compris dans le dossier d’un substitut du Procureur général et qui servent à la conduite du procès sont confidentiels, ce, afin de permettre au substitut d’exercer convenablement les devoirs et

4 R. c. Stinchcombe (1991) 3 R.C.S. 326. 5 Loi sur la Régie de l’assurance-maladie du Québec, L.R.Q., c. R-5, articles 2 et 20 ; Samson c. Ministère de la main-d’œuvre et de la sécurité du revenu (1987) C.A.I. 246, 250, 251 ; Bouchard c. Ministère de la main-d’oeuvre, de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle (1990) C.A.I. 410, 412, 414-416.

96 09 76 32 fonctions imposés par la Loi sur les substituts du Procureur général (L.R.Q., c. S-35) et afin de ne pas paralyser le bureau du Procureur général 6 . Elle soumet que la divulgation des renseignements communiqués par M e Roy aux médias était susceptible de causer un préjudice aux plaignants et de nuire à leurs intérêts. Elle cite à cet égard une décision rendue par la Cour du Québec concernant l’application du 5 ième paragraphe du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès : «Comme ces renseignements peuvent être publicisés, ils seront susceptibles d’être nuisibles aux intérêts de celui qui est l’objet de la divulgation du renseignement. Si des poursuites judiciaires sont intentées contre le contrevenant, la publicité des débats judiciaires assurera la diffusion de cette information. Les rapports d’inspection deviendront publics. S’il n’y a pas de poursuites judiciaires, l’organisme peut refuser de divulguer les renseignements aussi longtemps qu’il sera dans le délai pour intenter des poursuites judiciaires…Le préjudice n’a pas de caractère de permanence et doit s’entendre en corrélation avec un processus judiciaire…Les alinéas 1 à 9 visent à empêcher la divulgation des renseignements qui seront susceptibles de nuire à la bonne marche du processus judiciaire…Commentant l’importance de ne pas divulguer l’information lorsqu’une cause est sub judice, l’Honorable juge Chevalier siégeant comme juge ad hoc à la Cour d’appel s’exprime ainsi : «Cette équivalence qui doit exister entre les deux parties qui pourront éventuellement se faire face l’une à l’autre ne doit pas être perturbée par un troisième ou un quatrième procès qui se feraient sur la place publique, l’un par la Couronne qui exposerait sa version et la partie de la preuve qui l’étaye, l’autre par l’accusé qui en ferait de même à son avantage. Le principe de la prudence à exercer pendant qu’une affaire est sub judice ne s’applique pas seulement aux acteurs immédiatement impliqués dans le processus judiciaire. Je ne vois pas pourquoi on ne prendrait pas les mêmes précautions à l’égard des tierces-parties, qu’elles s’appellent le

6 Justice c.Flamand (1999) C.A.I. 509 (C.Q.).

96 09 76 public ou un mass-média.»…» 7 . À son avis, M procès.

Elle soumet que le mot «entraver» signifie, dans le contexte, gêner sérieusement, empêcher que ne se produise normalement une procédure 8 . Elle souligne que la divulgation d’éléments de preuve, telles les annexes du rapport d’enquête, était susceptible d’entraver ou de gêner sérieusement le déroulement d’une procédure judiciaire.

Elle soumet particulièrement que M e Roy devait refuser de communiquer des éléments de preuve concernant le jeune médecin ; elle spécifie à cet égard que toute référence au jeune médecin, à l’utilisation faite de celui-ci, à sa productivité, aux reproches qui lui avaient été faits, à sa demande d’états de comptes ou à sa surprise lors de la lecture de ces documents constitue une divulgation d’éléments de preuve. Elle souligne que M e Roy n’a pas révélé des détails de l’acte d’accusation ; il a, spécifie-t-elle, illégalement divulgué des éléments de preuve. Elle rappelle que la divulgation des renseignements contenus dans un rapport d’enquête serait, tel que le prévoit l’article 28 précité, susceptible d’entraver le déroulement de procédures judiciaires, étant entendu que les renseignements deviennent publics lorsque produits devant le tribunal 9 . Elle réitère que M e Roy n’avait qu’à évaluer la situation selon les prescriptions de l’article 28 qui protège l’intégrité du processus judiciaire et attendre le début du procès.

Elle soumet enfin que M e Roy avait une obligation de retenue 10 . L’avocat du ministère de la Justice soumet qu’il est faux de prétendre qu’il y ait équivalence entre les détails de l’accusation et les éléments de preuve. 7 Communauté urbaine de Montréal c. Winters (1989) C.A.I. 209 (C.Q.). 8 Samson c. Ministère de la main-d’œuvre et de la sécurité du revenu (1987) C.A.I. 246, 251. 9 Barnabé c. Ministère de la sécurité publique (1994) C.A.I. 235.

33 e Roy n’avait qu’à attendre le début du

96 09 76 Il soumet également qu’aucun élément de preuve n’a été publié par les médias. À son avis, l’exposé qu’un substitut du Procureur général fait avant le début d’une enquête préliminaire ou avant le début d’un procès ne constitue pas un exposé concernant des éléments de preuve. L’exposé du substitut se fait devant les journalistes et il n’est pas visé par l’ordonnance de non-publication ; à son avis également, les renseignements communiqués par M e Roy aux médias auraient fait partie de son exposé. Il soumet qu’aucune preuve ne démontre que le dossier d’enquête, ou un élément de celui-ci, ait été communiqué aux médias par M a témoigné ne pas avoir communiqué de renseignements du dossier d’enquête et qu’aucun journaliste n’a été entendu par la Commission. Il ajoute que M témoigné ne pas avoir appelé les journalistes et s’être limité à leur communiquer certains renseignements ; il rappelle également que M qui ne peuvent avoir été communiqués par lui.

Il soumet que l’ensemble de la preuve révèle que plusieurs personnes connaissaient la situation litigieuse qui existait entre les plaignants et le D r Labonté, savaient que le D r Labonté avait finalement quitté l’hôpital et constataient la présence de la Régie à la suite de ce départ. Il souligne que ces événements, particulièrement intéressants parce qu’ils visaient des médecins, se sont déroulés à l’intérieur d’une petite communauté. À son avis, la «machine à rumeur» a alimenté les journalistes.

Il soumet particulièrement que M e Roy n’a pas révélé de preuve ou de renseignements provenant du rapport d’enquête incluant les annexes.

10 Lessard c. Reine (1987) R.J.Q. 129, 140.

34 e Roy. Il souligne à cet égard que M e Roy e Roy a e Roy a identifié les renseignements erronés

96 09 76 35 Il soumet enfin que la lettre du jeune médecin à la Ministre de la Santé et des Services sociaux (P-9), annexe 8 au précis de preuve, est une source d'information fort explicite qui a pu alimenter les médias si le cabinet de la Ministre l’a rendue accessible.

L’avocat de la Régie rappelle que les plaignants ont, le 26 juin 1996, entrepris des procédures en Cour supérieure (R-1) contre le Procureur général du Québec et la Régie, procédures par lesquelles ils reprochent entre autres aux deux organismes publics de ne pas avoir préservé la confidentialité des renseignements qu’ils détenaient et qui ont été publiés ou diffusés par les médias. À son avis, la Cour supérieure ne pourra être indifférente aux conclusions de la Commission qui auront, conséquemment, un impact sur ces procédures judiciaires toujours pendantes.

Il soumet que la Régie a, en vertu du 1 er paragraphe du 2 ième alinéa de l’article 59 de la Loi sur l’accès, légalement communiqué son dossier au Procureur général. À son avis, la Régie n’a plus la responsabilité du dossier une fois qu’elle l’a communiqué au Procureur général en vertu de cet article et il rappelle que la Loi sur les substituts du Procureur général (L.R.Q., c. S-35 ) prévoit que les substituts représentent le Procureur général devant les tribunaux et que, sous l’autorité de celui-ci :

ils examinent les procédures et documents se rapportant aux infractions commises à l’encontre du Code criminel ; ils autorisent les poursuites contre les contrevenants ; ils font compléter les preuves soumises ; ils voient à l’assignation des témoins et à la production des documents pertinents ; ils agissent et plaident devant les tribunaux dans toute poursuite intentée en vertu du Code criminel.

96 09 76 36 Il soumet qu’aucune preuve ne démontre qu’un renseignement confidentiel se rapportant à l’enquête ait été communiqué par la Régie. Il souligne que la preuve démontre que le personnel concerné de la Régie a travaillé avec discrétion à l’hôpital, dans un bureau privé, sans déranger le personnel.

Il signale que les éléments du dossier de la cour qui étaient publics dès le 28 juin 1995 ont pu permettre aux journalistes de communiquer avec des personnes à l’hôpital afin d’obtenir des détails se rapportant aux médecins nucléistes. Il soumet que la preuve démontre que le directeur des services professionnels, le D r Bernard Parent, connaissait l’existence du conflit ainsi que la présence du personnel de la Régie à l’hôpital et que d’autres personnes de l’hôpital pouvaient aussi répondre aux questions des journalistes ; il ajoute que les renseignements relatifs au plafonnement des gains de pratique et aux tarifs en médecine nucléaire sont facilement accessibles et permettent d’enrichir des renseignements incomplets.

Il soumet que les plaignants prétendent, à partir des seuls propos non détaillés des médias, que la Régie et le ministère de la Justice ont communiqués des éléments de preuve du dossier d’enquête. À son avis, des personnes qui travaillent à l’hôpital ont pu aussi informer les journalistes qui, souligne-t-il, n’ont pas témoigné pour indiquer, sans toutefois les identifier, que différentes sources leur avaient fourni des renseignements.

L’avocate des plaignants réplique que la preuve démontre clairement que M communiqué des renseignements au journaliste Lemelin et que personne, dans le public, ne connaissait les renseignements concernant le jeune médecin, D productivité, sa surprise à la lecture de ses états de compte ainsi que l’élément de «surfacturation». À son avis, l’ignorance du public n’a pu alimenter les médias en leur faisant état, de façon structurée, de la thèse de la couronne. M directement adressé aux médias.

e Roy a r Chantal Labonté, sa e Roy, signale-t-elle, s’est

96 09 76 37 Elle soumet que le Procureur général a agi en qualité de procureur ou mandataire de la Régie ; à son avis, la Régie demeure responsable de la divulgation illégale faite par son mandataire. Elle souligne à cet égard que la preuve démontre que M e Roy a suivi l’enquêteur de la Régie à compter du début de l’enquête, ce, jusqu’à la fin et qu’il est le seul avocat à avoir suivi l’enquête et à avoir discuté avec les enquêteurs. À son avis, M e Roy, en qualité de substitut du Procureur général et de représentant de la Régie, devait recevoir et traiter le dossier avec toute la confidentialité imposée par l’article 63 de la Loi sur l’assurance-maladie et par l’article 28 de la Loi sur l’accès.

Elle soumet que la Loi sur l’accès, qui s’applique à la Régie et au ministère de la Justice en tant qu’organismes publics, ne leur permet pas de communiquer des renseignements confidentiels sous prétexte que ces renseignements sont communiqués à des journalistes ou aux médias. À son avis, ces deux organismes publics n’ont pas respecté les dispositions de la Loi sur l’accès qu’ils doivent connaître. En acceptant de parler à un journaliste et de lui communiquer des renseignements, il y a, souligne-t-elle, non respect de cette loi.

L’avocate des plaignants rappelle que la Loi sur l’accès attribue au responsable de l’accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels la fonction exclusive de répondre aux demandes d’accès à des renseignements détenus par un organisme public dans l’exercice de ses fonctions. Les substituts du Procureur général ne sont conséquemment pas autorisés à communiquer des éléments de leur dossier aux médias et ils doivent, en qualité d’avocats, respecter la loi, souligne-t-elle enfin.

96 09 76 38 DÉCISION : La preuve faite devant la Commission permet de connaître l’identité d’une personne-clé qui, avant le 5 juillet 1995, a communiqué aux médias des renseignements nominatifs concernant les plaignants et le D r Chantal Labonté, renseignements dont la définition ainsi que le caractère confidentiel sont établis par la Loi sur l’accès : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants :

1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale;

2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion.

54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier.

56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne.

La preuve faite devant la Commission démontre que la divulgation, notamment par les médias, de ces renseignements nominatifs détaillés obtenus par l’enquêteur Bélanger et par le substitut, était, de plus, susceptible d’entraver le déroulement d’une procédure devant une personne exerçant une fonction judiciaire, susceptible de causer un préjudice aux plaignants et susceptible de porter atteinte à leur droit à une audition impartiale de leur cause. L’application des paragraphes 1 la Loi sur l’accès s’imposait, en plus.

si cette personne est mineure,

er , 5 ième et 9 ième du 1 er alinéa de l’article 28 de

96 09 76 39 La Commission ne saurait blâmer la Régie qui, selon la preuve, a respecté le caractère confidentiel des renseignements obtenus par son enquêteur ainsi que par M e Roy et à laquelle aucune communication de renseignements nominatifs concernant les plaignants ou le D r Labonté ne peut, dans les circonstances, être reprochée. Pour le reste, la Commission fait siens tous les arguments de l’avocate des plaignants en ce qui concerne la communication illégale de renseignements confidentiels aux médias qui doit être reprochée au substitut du Procureur général et qui serait reprochée à tous ceux qui, dans des circonstances analogues ou parce que la responsabilité d’un dossier leur est confiée, alimentent prématurément, donc illégalement, les médias ou d’autres personnes ou organismes alors qu’aucun droit d’accès à des renseignements confidentiels ne leur est attribué par la loi. La Commission n’a pas l’intention de répéter les arguments que l’avocate des plaignants a clairement et rigoureusement présentés, arguments complets à l’analyse desquels la Commission convie le ministère de la Justice.

M e Roy a communiqué aux médias des renseignements confidentiels et détaillés auxquels l’accès était exclusivement réservé aux plaignants tant en vertu du Code criminel qu’en vertu de la Loi sur l’accès qui, entre autres, tient compte de l’application du Code criminel , donc des processus qui y sont prévus. La Commission se doit de signaler que le substitut a aussi illégalement communiqué, ne serait-ce qu’au journaliste Lemelin, des renseignements nominatifs détaillés concernant le jeune médecin, ce, dans un contexte qui aura précédé des procès et des verdicts d’acquittement.

Le substitut a ignoré les règles applicables en matière de protection de renseignements personnels. Il a aussi ignoré les fonctions exclusivement conférées par la Loi sur l’accès au responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels du ministère de la Justice. M e Roy ne devait pas informer les médias ; ceux-ci

96 09 76 40 devaient directement s’adresser au responsable désigné du Ministère qui, dans les circonstances, aurait été tenu d’appliquer les articles 53 et 28 de la Loi sur l’accès.

La Commission rappelle au ministère de la Justice que, conformément à la Loi sur l’accès, un membre de son personnel de direction a été désigné pour exercer les fonctions que cette loi confère exclusivement au responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels.

PAR CES MOTIFS, la Commission : RECONNAÎT le bien-fondé de la plainte soumise contre le ministère de la Justice ; ORDONNE au ministère de la Justice de faire rapport à la Commission concernant la fonction réellement exercée par son responsable désigné dans le traitement des demandes d’accès qui lui sont présentées lorsque des plaintes sont autorisées, ce, avant la fin septembre 2001 ;

96 09 76 41 ORDONNE au ministère de la Justice de faire rapport à la Commission concernant les mesures prises pour assurer le caractère confidentiel des renseignements détenus par l’entremise des substituts du Procureur général, ce, avant la fin de septembre 2001.

Québec, le 13 juin 2001 Québec, le 13 juin 2001 Montréal, le 14 juin 2001

M e Estelle Tremblay, pour les plaignants ; M e Claude Gagnon, pour le ministère de la Justice ; M e Eddy Demers, pour la Régie.

DIANE BOISSINOT HÉLÈNE GRENIER E. ROBERTO IUTICONE

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