00 05 05 CHAMPAGNE, ROBERT, le demandeur ou « M. Champagne », c. CAISSE POPULAIRE DESJARDINS DE LA VALLÉE DU GOUFFRE, l’entreprise ou « la Caisse ». DÉCISION Le 1 er février 2000, M. Champagne s'adresse à la Caisse pour obtenir copie du rapport d’évaluation de sa propriété préparé par M. Régent Tremblay. Le 3 mars 2000, n’ayant reçu aucune réponse de la Caisse, il s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la Commission) en vertu de l’article 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la Loi) afin que celle-ci tranche la mésentente résultant de ce silence. Les parties sont convoquées et une audience se tient en la ville de Québec, le 4 mars 2002. Des représentations écrites se poursuivent après l’audience jusqu’au 17 avril 2002, date à laquelle commence le délibéré. L’AUDIENCE LA PREUVE L’avocat de la Caisse appelle, pour témoigner, M. Stéphane Martin (M. Martin), directeur du Centre financier aux entreprises de la Caisse. Il explique que la Caisse est issue d’une fusion qui a eu lieu en juin 2000 et qui engloba la Caisse populaire de Saint-Urbain, laquelle détenait le document lors de la demande d’accès. 1 L.R.Q., c. P-39.1.
00 05 05 -2-Le témoin connaît le document en litige. C’est le rapport d’évaluation d’une propriété sise au 150, Cap-aux-Rets en la ville de Baie Saint-Paul, signé le 26 janvier 2000 par M. Jacques Dubé, évaluateur agréé de la firme Évalim inc. et préparé par l’évaluateur Régent Tremblay. Il contient 17 pages, avec la lettre de présentation, ses photos et annexes. Il remet l’original du rapport à la Commission, sous pli confidentiel. M. Martin déclare que M. André Gariépy, membre sociétaire de la Caisse, avait fait le projet d’acheter la propriété en cause et avait déposé une demande de financement hypothécaire à la Caisse à cette fin. Cette propriété appartenait alors à M. Champagne avec lequel M. Gariépy était en négociation pour finaliser les conditions d’achat. La pratique de la Caisse, pour les fins du financement hypothécaire, est d’exiger une évaluation de la propriété et de verser le rapport de cette évaluation au dossier du proposant emprunteur hypothécaire, en l’occurrence, M. Gariépy ; ce qui fut fait. Ce rapport n’a été déposé nulle part ailleurs que dans le dossier du proposant emprunteur, M. Gariépy, qui en a obtenu copie. La transaction de vente n’a pas eu lieu et le témoin ignore la cause de l’échec des négociations. Le prêt hypothécaire ne s’est donc pas concrétisé. M. Martin dit que le demandeur Champagne n’est pas sociétaire de la Caisse populaire de Saint-Urbain à l’époque de la constitution du dossier. Le demandeur, M. Champagne, témoigne. Il déclare qu’il avait convenu avec M. Gariépy, qui se proposait d’acheter sa propriété, que le prix d’achat serait fixé selon les conclusions du rapport d’évaluation. Il raconte les circonstances de la visite de sa propriété faite en sa présence par M. Tremblay. Il explique que ce dernier s’est présenté comme l’évaluateur mandaté par la Caisse qui avait reçu une demande de prêt garanti par hypothèque sur sa propriété. M. Champagne a répondu à toutes les questions de l’évaluateur. Il affirme que M. Tremblay lui aurait dit qu’il ne savait pas qui, de la Caisse ou de M. Gariépy, était le propriétaire du rapport mais lui a assuré qu’il pourrait en obtenir copie de l’un d’eux.
00 05 05 -3-LES ARGUMENTS L’avocat de la Caisse prétend que les renseignements contenus au rapport concernent un immeuble et ne permettent pas d’identifier une personne physique 2 . Il soutient qu’il ne contient aucun renseignement personnel et que, de ce fait, la Commission n’a pas compétence pour trancher le présent litige. L’avocat de la Caisse plaide que les faits du présent cas diffèrent essentiellement de d’un cas semblable, l'affaire Boucher c. Assurances générales des caisses populaires 3 , en ce que le demandeur Champagne n’entretient aucune relation d’affaires avec la Caisse au moment de la demande d’accès et du refus présumé de celle-ci de lui communiquer le document. M. Champagne est d’avis que les faits relatifs à sa cause sont similaires à ceux qui ont fait l’objet de la décision de la Commission dans l’affaire précitée, et que le rapport est vraisemblablement constitué de renseignements que l’évaluateur a recueillis à partir de ses déclarations. De ce dernier fait, la décision de la Cour du Québec dans Fédération Cie d’assurance du Canada c. Pauzé 4 s’applique ici. DÉCISION La Commission a examiné les documents en litige et les renseignements qu’ils contiennent. La Commission note que le rapport ne contient aucun renseignement personnel autre que le nom de M. Champagne apparaissant à un seul endroit, soit au pied d’un document y annexé et intitulé « Plan-projet d’implantation sujet à approbation municipale » montrant l’immeuble concerné et signé par un arpenteur-géomètre. 2 Boucher c. Paroisse de Saint-Pierre, [1997] CAI 176, 177, 178 ; Communications Southam Ltée, Ville de St-Laurent, [1988] 199, 123, 124 ; Béton St-Marc inc. c. Corporation municipale St-Ubalde, [1987] CAI 209, 210, 211 ; Marchi c. Ministère de l’Environnement, [1986] CAI 31, 32 33 ; Albert c. Ministère des Transports, [1986] CAI 354, 356, 357. 3 Boucher c. Assurances générales des caisses populaires, [1999] CAI 52. 4 (1998] CAI 455 (C.Q.) 457, 458.
00 05 05 -4-La Commission a statué, à maintes reprises, que le nom du propriétaire d’un immeuble n’est pas un renseignement nominatif puisqu’il a un caractère public découlant de l’obligation d'inscrire le droit de propriété au registre foncier en vertu des articles 2934 et 2938 du Code civil du Québec 5 qui en prévoient l’accessibilité à toute personne 6 . Ce renseignement, parce que consigné au rôle d’évaluation municipale, est également revêtu d’un caractère public 7 en vertu de la Loi sur la fiscalité municipale 8 . Preuve a été faite que le demandeur Champagne n’entretient aucune relation d’affaires ni lien juridique avec la Caisse au moment de l’introduction de l’instance, de sorte que rien n’aurait pu justifier que celle-ci recueille des renseignements le concernant ou détienne le rapport en litige en raison de relations ou liens particuliers avec lui, comme c’était par ailleurs le cas dans l’affaire Boucher c. Assurances générales des caisses populaires 9 où des relations contractuelles existaient entre le demandeur et l’entreprise. Le document ne contient donc aucun renseignement personnel et son accessibilité n’est pas régie par la Loi 10 dont les articles 1 et 2 tracent les limites de son application et, conséquemment, circonscrivent l’étendue de la compétence de la Commission : 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 5 L.Q., 1991, c. 64. 6 Beaulac c. Office du crédit agricole du Québec, [1986] CAI 22 ; Plante c. Office du crédit agricole du Québec, [1986] CAI 443. 7 Hydro-Québec c. Des Ruisseaux (Municipalité), (1984-86) 1 CAI 320 ; Voizard c. LaSalle (Ville de), [1994] CAI 270. 8 L.R.Q., c. F-2.1. 9 Voir supra note 3. 10 Pineault c. Ordre des technologues en radiologie du Québec, CAI 94 08 62, le 20 décembre 1995, rapporté dans [1996] CAI 7.
00 05 05 -5-La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique à une fin d'information du public. 2. Est un renseignement personnel, tout renseigne-ment qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande d’examen de mésentente. Québec, le 18 juillet 2002 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l'entreprise : M e Sylvain Lepage
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