00 14 50 BROASCA, Neculai ci-après appelé le « demandeur » c. MINISTÈRE DE LA JUSTICE ci-après appelé l’« organisme » Le 17 juillet 2000, le demandeur s’adresse au responsable de l’accès de l’organisme afin d’obtenir copie des documents qu’il décrit, en substance, comme suit : 1. Une copie du rapport préparé par monsieur Roy et déposé auprès du ministère Public au sujet de huit dénonciations que j’ai déposées devant lui les 11 et 15 février et le 29 mars 1999 (monsieur Royer); 2. Une copie complète du rapport préparé par M e Vézeau au sujet de ces même dénonciations, déposé le 12 et le 22 avril 1999 ; 3. Une copie de la dénonciation déposée probablement à la police et auprès du ministère Public par madame Olivia-Gentiana-Dumitrascu aux alentours du 15 au 20 mai 1999 au sujet d’un événement où le demandeur a été « présumément » impliqué ; et 4. Une copie du dossier qui fait référence à la tolérance zéro au sujet des dénonciations de violence conjugale. Le 27 juillet suivant, le responsable refuse la communication des trois premiers documents demandés pour les motifs suivants : En ce qui concerne les points 1 et 3 […], je vous informe que le ministère de la Justice ne détient aucun document. Nous invoquons ainsi le troisième paragraphe de l’article 47 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[ 1 ]. À propos du point numéro deux (2), ce document constitue une opinion juridique portant sur l’application du droit à un cas particulier. Nous invoquons à ce chapitre l’article 31 de la [Loi] pour vous en refuser l’accès. Par ailleurs, ce 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
00 14 50 -2-document est également protégé par le secret professionnel visé à l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne[ 2 ]. Le 15 août 2000, le demandeur requiert la Commission de réviser cette décision, affirmant que les documents demandés en 1 et 3 existent bel et bien au bureau des substituts du procureur général et au bureau du « ministère public » du Palais de justice de Québec. Il indique les nom et prénom de deux personnes à contacter pour confirmer l’existence de ces documents. Il signifie également la raison pour laquelle il est important d’obtenir copie du document 2. Une audience se tient en la ville de Québec, le 26 mars 2001. L’AUDIENCE LA PREUVE Le procureur appelle, pour livrer témoignage, monsieur Pierre Dion. Monsieur Dion est le responsable de l’accès de l’organisme. Il explique toutes les démarches qu’il a entreprises et les recherches faites pour en arriver à formuler la réponse sous examen. Il confirme, sous serment, la véracité et l’exactitude des faits mentionnés dans cette réponse. Le témoin présente, à la Commission, une copie du document demandé au point 2 afin que celle-ci la conserve sous pli confidentiel. Il s’agit d’une analyse que l’auteur, M e Léopold Vézeau, substitut du Procureur général, qualifie d’« opinion juridique », adressée le 22 avril 1999 à M e Robert Parrot, substitut en chef adjoint, et ayant pour objet l’examen de tous les documents fournis par le demandeur au Procureur général au soutien de huit (8) dénonciations criminelles afin d’obtenir l’intervention de ce dernier. Cette analyse est constituée de 13 pages précédées d’une page intitulée « Table des matières » et d’une note de service de transmission à M e Parrot signée par M e Vézeau le 22 avril 1999 (une page). 2 L.R.Q., c. C-12, ci-après appelée la « Charte ».
00 14 50 -3-Se fondant sur l’article 20 des Règles de procédures de la Commission d’accès à l’information 3 , le procureur de l’organisme demande que le témoignage de monsieur Dion soit entendu « ex parte » et à huis clos pour lui permettre de présenter, de façon entière et complète, la preuve de l’applicabilité des articles 31 de la Loi et 9 de la Charte à ce document qu’il faudra éplucher page par page. Il prétend que l’exercice ne peut se faire utilement et efficacement sans référer spécifiquement au texte même de ce document et à son contenu. Le demandeur et toute personne qui serait présente à l’audience, outre l’organisme, doivent donc être exclus afin de protéger la confidentialité du document tant que le tribunal n’aura pas statué sur son accessibilité : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. Le demandeur ne présente aucun commentaire et la soussignée accueille la requête. Il est entendu que ce faisant, la Commission se réserve, comme elle le fait toujours, le pouvoir de déclarer publique une partie du témoignage ainsi entendu si elle est d’avis que cette partie ne nécessitait pas l’ex parte ou le huis clos tel que représenté par le procureur de l’organisme. Continuant son témoignage en l’absence du demandeur et tout membre du public, le témoin Dion explique dans le détail comment les critères d’application de l’article 31 de la Loi et de l’article 9 de la Charte ont été, selon lui, rencontrés. L’avocat de l’organisme appelle ensuite M e Pierre Lapointe pour témoigner. M e Lapointe occupe la fonction de substitut du procureur général à la direction générale des poursuites publiques. Il était chargé du dossier du demandeur en cette qualité au moment où M e Vezeau émet l’opinion sous examen et encore aujourd’hui. Il connaît à fond ce dossier et a rassemblé les éléments pertinents à la demande d’accès à la demande du responsable de l’accès. 3 Décret 2058-84 du 19/9/84 (1984) 116 G.O. II 4648.
00 14 50 -4-Le témoin, après avoir en expliqué dans le détail les raisons, affirme que les pièces 1 et 3 visées par la demande d’accès ne se trouvent pas au dossier détenu par l’organisme et auquel le demandeur réfère. Le demandeur désire que la Commission suspende l’audition afin de lui permettre de convoquer trois témoins qui viendraient contredire les témoignages de messieurs Dion et Lapointe. L’avocat de l’organisme s’oppose à cette demande au motif que les trois témoins proposés ne pourraient en aucun cas réussir à apporter une preuve convaincante de l’existence des documents 1 et 3 visés par la demande d’accès. La soussignée, d’accord avec la position de l’avocat de l’organisme, refuse de suspendre l’audience étant convaincue que ces témoignages n’auraient pas l’effet escompté par le demandeur sur le fond de la présente cause. LES ARGUMENTS L’avocat de l’organisme plaide que les documents 1 et 3 n’étant pas détenus par l’organisme, ce dernier ne peut être contraint de les remettre au demandeur. Quant au document 2, il constitue, en substance, une opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi et une communication privilégiée visée par l’article 9 de la Charte. Il est d’avis que transmettre au demandeur la description des faits pris en considération par l’auteur de l’opinion juridique équivaudrait à lui transmettre une partie de l’opinion juridique parce que ces faits, en menant à l’analyse, aux conclusions découlant de cette analyse et à la recommandation finale de l’auteur, font partie de la substance de l’opinion en cause. DÉCISION J’ai examiné le document en litige, signé par M e Vezeau. ll s’agit bien d’une opinion émise par un avocat et portant sur l’application du droit à un cas particulier, celui du demandeur. Cette opinion est accompagnée de la lettre de transmission à M e Robert Parrot. C’est un document qui peut être visé, en tout ou en partie par, l’article 31 de la Loi :
00 14 50 -5-31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. Traditionnellement, la Commission a défini l’opinion juridique comme étant une proposition de nature juridique comportant une appréciation qui engage son auteur, ce dernier étant un avocat, un notaire ou un conseiller en lois. Cette définition a été confirmée par la Cour du Québec 4 . La jurisprudence de la Commission a refusé d’appliquer l’article 31 de la Loi aux passages référant à des faits bruts, à des énumérations d’actions entreprises ou de poursuites judiciaires connus des parties 5 . Nous l’avons vu, le document en litige contient 13 pages de texte, une page en table des matières et une page constituant la lettre de transmission. La lettre et la table des matières ne correspondent pas à la définition d’une opinion juridique. Elles sont donc accessibles au demandeur. Quant aux 13 pages de texte, on peut les diviser comme suit : 1. Les pages 1 à 3 contiennent une description des griefs du demandeur à partir des documents fournis par ce dernier ; 2. Les pages 3 et 4 contiennent une description des documents périphériques fournis par le demandeur éclairant sur les circonstances, la chronologie et le contexte des événements préalables au dépôt des plaintes par le demandeur ; 3. La page 5 contient un résumé des faits constituant la base des récriminations du demandeur, tel résumé étant préparé par l’auteur à partir des documents dont l’énumération précède ; 4. Les pages 6 à 8 décrivent les procédures judiciaires prises contre le demandeur et soulignent des passages de certains jugements résultant de ces procédures; 5. Les pages 8 à 10, sous la rubrique COMMENTAIRES, isolent des parties de citations tirées de certains jugements. Ces 4 Office du crédit agricole c. Butt, [1988] CAI 104 (C.P.) 5 Lire notamment : Boucher c. Office du crédit agricole du Québec, (1984-86) 1 CAI 372 ; Plante c. Office du Crédit agricole du Québec, [1986] CAI 443 ; Longtin c. Ville de St-
00 14 50 -6-soulignements ont pour but de mettre l’emphase sur les comportements et la personnalité du demandeur tels que perçus par les juges ayant siégés dans les procédures judiciaires mentionnées. Ces pages constituent un début d’analyse des faits; 6. Les pages 11 et 12 et le premier paragraphe de la page 13, intitulées ANALYSE DU DROIT, contiennent une analyse juridique des faits menant l’auteur à des conclusions de droit. 7. À la page 13, sous la rubrique RENCONTRE À MON BUREAU DE M. NICOLAI BROASCA, l’auteur relate des faits bruts et réfère, sans les dévoiler, aux conclusions qui suivent; et 8. À la page 13, sous la rubrique CONCLUSION GÉNÉRALE, l’auteur formule les recommandations découlant de l’analyse qui précède. Je suis d’avis que les pages 1 à 8 ne peuvent être considérées comme contenant une opinion juridique. Elles ne réfèrent qu’à une série de faits bruts, sans analyse, ni conclusion de fait ou de droit, ni recommandation et n’engagent nullement leur auteur. Ce sont, de surcroît, des faits entièrement connus du demandeur et fournis par ce dernier. Il en est de même pour les informations se trouvant sous la rubrique RENCONTRE À MON BUREAU DE M. NICOLAI BROASCA. Les pages 1 à 8 et le contenu de cette rubrique de la page 13 sont accessibles au demandeur. Quant aux pages 8 à 13, contenant les autres rubriques, elles sont de la nature d’une opinion juridique qui engage leur auteur et sont visées par l’article 31 de la Loi. Pour ce seul motif, ces pages ne sont pas accessibles au demandeur. Par ailleurs, je suis d’avis que le document dans son entier ne contient aucune confidence qui serait protégée par le secret professionnel au sens de l’article 9 de la Charte, c’est-à-dire aucune confidence qui aurait été révélée par l’organisme à l’avocat auteur de ce texte et ce, en raison de sa profession d’avocat. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission, ACCUEILLE en partie la demande de révision ; ORDONNE à l’organisme de remettre au demandeur la lettre de transmission accompagnant le texte en litige, la table des matières, les Jérôme, [1986] CAI 223.
00 14 50 -7-pages 1 à 8 de ce texte ainsi que le contenu de la rubrique RENCONTRE À MON BUREAU AVEC M. NICOLAI BROASCA à la page 13 ; et REJETTE la demande de révision quant au reste. Québec, le 15 juin 2001 DIANE BOISSINOT Commissaire Procureur de l'organisme : M e Jonathan Branchaud
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