00 15 93 GAUTHIER, BERTRAND, le demandeur, c. CAISSE POPULAIRE DESJARDINS DE SAINTE-FÉLICITÉ, l’entreprise ou « la Caisse ». Le 26 juillet 2000, en sa qualité de légataire universel et de liquidateur de la succession de feue Madame Alice Gauthier, sa mère, décédée le 30 mars 2000, le demandeur s'adresse à la Caisse, par son avocat, pour obtenir copie certifiée conforme, recto verso le cas échéant, des documents dont l’énumération suit ainsi que les renseignements ci-après mentionnés : 1) un relevé de toutes les transactions intervenues dans tout compte que feue Alice Gauthier avait auprès de la Caisse et ce, au cours des 12 mois qui ont précédé son décès ; 2) note de débit au montant de 27 000 $ ; 3) le nom de la personne bénéficiaire du débit, le cas échéant, l’institution financière où cette note a été créditée ainsi que le numéro de compte ; 4) le contenu de la conversation que feue Alice Gauthier a eue avec tout représentant de la Caisse relativement à cette note de débit, notamment la conversation tenue le 28 février 2000 avec madame Guylaine Huet ; 5) le nom de la personne qui accompagnait feue Alice Gauthier, le 28 février 2000 lorsqu’elle s’est présentée et a rencontré madame Huet. Cette demande est reçue à la Caisse le 28 juillet 2000. Le 28 août 2000, par son avocat M e Denis Tremblay, la Caisse répond que le premier document demandé a déjà été remis au demandeur et que la Caisse n’avait pas à remettre les autres documents faisant l’objet de la demande.
00 15 93 -2-Le 12 septembre 2000, par son avocat, le demandeur s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que cette dernière entende la mésentente résultant du refus de la Caisse de remettre au demandeur les documents demandés. Il dépose avec sa requête, le bulletin de décès de sa mère ainsi qu’une copie du testament de cette dernière. Cette requête est faite en vertu des articles 41 et 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la Loi). Une audience se tient en la ville de Sept-Îles les 28 novembre 2001 et 16 mai 2002. Une conférence de type préparatoire a précédé l’audition de Sept-Îles. Elle fut tenue le 1 er novembre 2001. Lors de cette conférence du 1 er novembre 2001, la Commission, par la soussignée, a donné aux parties les indications suivantes : 1. L’entreprise doit indiquer les dispositions de la Loi sur le privé qu’elle invoque pour justifier son refus de communiquer, ce qu’elle n’a pas fait dans sa réponse écrite. 2. La compétence de la Commission se limite aux documents détenus par l’entreprise lors de la demande d’accès. En conséquence, la Commission ne pourra permettre à l’avocat du demandeur, M e André Gauthier, les questions qui auraient pour but de décrire une situation ou de rapporter la teneur de conversations ou de révéler le renseignement demandé ou autres questions qui ne se rapporteraient pas à l’existence d’un document ou à l’accessibilité à un document. J’ai précisé que l’audience ne devait pas servir d’interrogatoire au préalable pour une cause devant un autre forum. 3. J’ai ensuite précisé que la Commission n’avait pas la compétence d’ordonner à une entreprise la création d’un nouveau document, comme par exemple, l’émission de copie de document avec mention « copie conforme ». 4. J’ai enfin rappelé que le droit d’accès du demandeur était régi par l’article 41 seulement. À la suite de ces indications, l’avocat de la Caisse précise que la disposition invoquée pour refuser l’accès est l’article 41 de la Loi et l’avocat du demandeur réduit la demande aux documents qui constateraient le nom de la ou des personnes bénéficiaires du ou des notes de débit totalisant la somme de 27 000 $ et, le cas échéant, la ou les institutions financières où cette ou ces notes ont été créditées ainsi que le ou les numéros de compte. 1 L.R.Q., c. P-39.1.
00 15 93 -3-L’AUDIENCE LA PREUVE Le demandeur dépose, sous la cote P-1, les pièces justifiant de ses qualités de légataire universel et de liquidateur de la succession de sa mère, feue Alice Gauthier. Il dépose également, sous les cotes P-2 à P-6, les pièces introductives de l’instance. À l’aide de documents qu’il dépose sous des cotes P-7 à P-13, le demandeur explique le contexte de la demande d’accès ainsi que l’intérêt et les droits qui, à titre d’héritier et de liquidateur, sont à la base de sa demande d’accès. La Caisse dépose le document en litige. Il s’agit de la photocopie recto verso de la note de débit du compte de feue Alice Gauthier, folio numéro 1842, au montant de 27 000 $ portant la date du 28 février 2000, la signature d’Alice Gauthier et la mention du nom et du compte de la personne bénéficiaire de la note avec, à l’endos, le tampon de l’institution financière où la note a été créditée. Une inscription manuscrite apparaît au-dessus de l’espace prévue pour le montant du débit. Parmi les documents déposés par le demandeur se trouve, sous la cote P-11, la copie élaguée du recto de cette note de débit que le demandeur a reçu de la Caisse. La Caisse dépose, sous la cote E-1 la déclaration assermentée de madame Guylaine Huet faite le 11 décembre 2001 et sous la cote E-2, celle de madame Guylaine Perron faite le même jour. À la demande de la Commission, Madame Guylaine Huet complète cette déclaration assermentée E-1 par son témoignage rendu publiquement, à Sept-Îles, le 16 mai 2002. Il ressort de ces deux déclarations et de ce témoignage qu’il n’existe à la Caisse, au moment de la demande d’accès, relativement au compte de madame feue Alice Gauthier, folio 1842, aucun relevé émanant de la Caisse, autre que ceux déjà transmis au demandeur, que la seule transaction dans ce compte depuis 1999 est celle relative au débit de 27 000 $, qu’aucune note, mémo, lettre ou autre écrit ou
00 15 93 -4-entrée, relativement à cette transaction de 27 000 $ ou à la rencontre du 28 février 2000, n’a été effectuée dans le dossier de ce compte par quiconque à la Caisse ou à l’extérieur de la Caisse, y compris par madame Huet et que la Caisse ne détient aucun autre compte ou dossier au nom de madame Alice Gauthier. LES ARGUMENTS Le demandeur L’avocat du demandeur plaide, dans son schéma d’argumentation, qu’en vertu des articles 613, 776 et 777 du Code civil du Québec 2 , […] le liquidateur a tous les pouvoirs que le défunt avait concernant la détermination du contenu de la succession. Il a donc exactement les mêmes droits qu’avait le défunt concernant son compte à la Caisse […]. Par conséquent, il a droit d’avoir accès aux comptes et aux documents ou pièces bancaires en question. En sa qualité de liquidateur, le demandeur a droit aux renseignements détenus par la Caisse en vertu de l’article 41 de la Loi 3 . La Caisse a l’obligation de remettre les renseignements demandés au liquidateur les renseignements personnels concernant feue Alice Gauthier tout comme elle l’aurait eu à l’égard de cette dernière, de son vivant, en vertu de l’article 27 de la Loi. Les devoirs du liquidateur de la succession sont impératifs 4 . Selon la doctrine en droit bancaire, la Caisse est le fiduciaire ou le mandataire du titulaire du compte et ce dernier a le devoir de vérifier l’exactitude des relevés bancaires, de s’assurer que tout transfert de fonds a été effectué correctement et d’en aviser la banque en cas contraire 5 et cite la jurisprudence qu’il juge pertinente 6 . 2 L.Q., 1991, c. 64. 3 Pecoraro c. Banque de Montréal, [1997] CAI 174. 4 Les obligations du liquidateur de la succession, Collection de droit de l’École du Barreau du Québec, 2000-2001, volume 3, pages 383, 384 et 386. 5 Nicole L’Heureux, Le droit bancaire, ed. Revue de droit de l’Université de Sherbrooke, 1988, pp. 34 et ss, 68, 69, 125 et ss. 6 Banque de Montréal c. Watier, [1960] B.R. 752 ; Entreprises Wyknott International Inc. c. Banqua Commerciale Italiana of Canada, [1998] R.R.A. 922 ; Aird c. Banque royale du Canada, [1999] R.J.Q. 321 ; 2867-1451 Québec inc. c. Canadian Imperial Bank of Commerce, BE99 BE-135.
00 15 93 -5-La personne bénéficiaire du débit a renoncé à la confidentialité de son identité et de son numéro de compte vis-à-vis le signataire de la note de débit comme le font celui à l’ordre duquel un chèque est libellé et les endosseurs successifs de ce chèque vis-à-vis le signataire du chèque. Il n’y a pas de confidentialité entre les signataires d’un contrat ou entre les parties à une lettre de change. Cette renonciation à la confidentialité doit bénéficier au demandeur, liquidateur de la succession de la signataire de la note de débit. La Caisse L’avocat de la Caisse fait remarquer que la personne bénéficiant de la note de débit n’a pas signé cette note. Elle n’aurait donc pas consenti à ce que son nom et des renseignements sur son compte dans une institution financière soient divulgués. Il plaide que ces renseignements en litige ne mettent nullement en cause les droits et intérêts du demandeur au sens de l’article 41 de la Loi. En effet, ce que met en cause ces droits et intérêts, ce n’est que la communication des stricts faits du débit et du montant du débit et non l’identité de la personne qui en bénéficie ou le numéro de compte de cette dernière. Ces derniers renseignements concernent une tierce personne physique et ne sont aucunement pertinents à la détermination du contenu de la succession, un des devoirs du liquidateur. Ils ne sont pas plus pertinents à la vérification de l’exactitude des relevés bancaires ou de la conformité du transfert de fonds. Les renseignements remis au demandeur lui suffisent pour faire cette détermination ou ces vérifications. DÉCISION La Commission a examiné le document en litige. La preuve démontre que ce document est le seul que la Caisse détienne et qui puisse répondre à la demande d’accès telle que réduite à la conférence de type préparatoire tenue le 1 er novembre 2001.
00 15 93 -6-En comparant ce document à celui déposé par le demandeur sous la cote P-11, la Commission conclut que sont en litige les informations absentes de cette pièce P-11, savoir, le tampon de l’institution financière de la personne bénéficiaire du débit se trouvant au verso de la note de débit et les nom, prénom et compte de la personne bénéficiaire de la note de débit apparaissant à son recto. Le demandeur peut prétendre à la divulgation des renseignements demandés en vertu d’une seule disposition de la Loi, son article 41, et non pas en vertu de l’article 27 qui lui, s’adresse à la personne elle-même concernée par le renseignement : 41. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication d'un renseignement personnel à l'administrateur de la succession, au bénéficiaire d'une assurance-vie, à l'héritier ou au successeur de la personne concernée par ce renseignement, à moins que cette communication ne mette en cause les intérêts et les droits de la personne qui le demande, à titre d'administrateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successeur. 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. La preuve me convainc que le demandeur, en ses qualités de légataire universel et liquidateur de la succession de feue Alice Gauthier est une personne visée par l’article 41 de la Loi et la Caisse avait l’obligation de lui refuser la communication des renseignements en litige à moins que preuve ne soit faite que la communication de ces renseignements met en cause ses intérêts et ses droits à ces titres. La Commission retient de cette disposition que l’exception à la confidentialité y prévue ne vaut qu’à l’égard des renseignements concernant feue Alice Gauthier. Elle ne s’étend donc pas à des renseignements concernant des tierces personnes physiques autres qu’Alice Gauthier. Or l’argumentation de l’avocat de la Caisse, la preuve et l’examen des renseignements en litige me convainquent que l’identité de la bénéficiaire ainsi que le numéro de son compte et son institution financière sont, non seulement des renseignements concernant une personne physique autre que madame Alice Gauthier, mais sont, de surcroît, des informations qui ne mettent pas en cause les
00 15 93 -7-droits et intérêts du demandeur comme le sont, par ailleurs, le montant et la nature de la transaction, renseignements qui lui ont finalement été divulguées. Contrairement à ce que prétend l’avocat du demandeur, les articles 613, 776 et 777 du Code civil du Québec n’ont aucunement pour effet de conférer au demandeur les mêmes droits qu’avait le défunt concernant son compte à la Caisse. Ces articles ne confirment que la saisine du liquidateur dès l’ouverture de la succession et les devoirs reliés à l’exécution de sa charge. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande d’examen de mésentente. Québec, le 9 août 2002 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de la Caisse : M e Denis Tremblay Avocats du demandeur : M e André Gauthier et M e Raymond Nepveu
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