00 20 40 X... ci-après appelé le « demandeur » c. CENTRE JEUNESSE DE QUÉBEC ci-après appelé l’« organisme » Le 8 septembre 2000, le demandeur s’adresse au directeur de l’organisme afin d’obtenir, entre autres, les documents illustrant « les critères et indicateurs [qui] ont été utilisés ainsi que l’évaluation de l’intervenant pour juger que les enfants étaient en sécurité avec leur mère avant de prendre la route à R[...] et après l’accident de voiture ». Le 3 octobre suivant, le demandeur formule une demande plus spécifique d’accès aux renseignements personnels le concernant et concernant ses enfants et identifie les documents visés qui comprennent, entre autres, le rapport d’évaluation, les notes évolutives le concernant, la correspondance et les motifs de la mesure d’urgence. Le 30 octobre suivant, le responsable de l’accès accède en partie à la demande, en ces termes : [...] Vous trouverez donc, sous ce pli, le dossier tenu par le directeur de la protection de la jeunesse dans la situation de vos enfants. Nous refusons de vous donner la teneur du signalement car sa lecture vous permettrait d’identifier le signalant, et ce, contrairement à l’article 44 de la Loi sur la protection de la jeunesse [1] dont vous trouverez copie ci-annexée. De plus, nous avons blanchi quelques passages des notes d’évolution car [c]e sont des communications avec des tiers qu’il nous est impossible de vous communiquer en raison de l’article 18 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux [2] dont vous trouverez également copie ci-jointe. Nous n’avons pas joint les nombreux jugements rendus car ceux-ci sont certainement entre vos mains ou entre les mains de votre procureur, [...]. (Les inscriptions entre crochet sont les miennes) 1 L.R.Q., c. P-34.1, ci après appelée la « LPJ ». 2 L.R.Q., c. S-4.2, ci-après appelée la « LSSSS ».
00 20 40 -2-Le 24 novembre, le demandeur requiert la Commission de réviser cette décision et une audience se tient en la ville de Québec, le 22 août 2001. L’AUDIENCE L’avocat de l’organisme, qui occupe également la fonction de responsable de l’accès, témoigne sous son serment d’office. Il remet à la Commission, sous pli confidentiel, l’intégrale du dossier que ce dernier détient sur la situation des enfants du demandeur. Pour faciliter sa compréhension, le dossier ainsi remis à la Commission est divisé en deux parties : Partie 1 : Divers documents administratifs contenant 21 pages, dont le signalement pour chacune des deux enfants (pages 3 et 4). Partie 2 : Toutes les notes d’évolution, par ordre chronologique autant que faire se peut. Ces notes, manuscrites ou dactylographiées sont contenues sur 56 pages numérotées 1 à 56 lors de l’audience (les pages 35 à 56 avaient erronément été numérotées respectivement 39 à 60 ; la correction est faite aux présentes). Le responsable de l’accès indique que la totalité de la Partie 1, à l’exception des pages 3 et 4, contenant les signalements, a été remise au demandeur qui le confirme. Les parties, après consultation, conviennent que ne restent plus en litige que les pages 3 et 4 de la Partie 1. Quant à la Partie 2, pour éviter une description fastidieuse de chacun des passages restant en litige, la Commission estime que la copie élaguée des 56 pages de cette Partie 2, telle que remise au demandeur, soit lors de l’audience soit avant sa tenue, doit être déposée sous la cote T-1, ce qu’elle fait en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 141 de la Loi. Ainsi, les endroits où se situent les parties retirées de l’accès seront plus facilement identifiables. Au fur et à mesure du témoignage du responsable de l’accès concernant les parties élaguées de cette Partie 2, il est apparu que ce dernier ne s’objectait plus à la remise de certains passages. J’ai noté ces derniers passages en marge et ces annotations apparaissent à la pièce T-1. Ces notes n’apparaissent pas à la copie que le demandeur a reçue, cependant. Par ailleurs, la Commission frappe d’un interdit de publication, de diffusion et de divulgation cette pièce déposée sous la cote T-1, sauf à l’égard des parties aux
00 20 40 -3-présentes, afin de préserver l’identité du demandeur et partant, des enfants et autres personnes en cause ici. Le responsable affirme qu’il est avisé, par le directeur de la protection de la jeunesse de l’organisme, que la communication des dossiers des enfants au demandeur ne cause pas ou ne pourrait causer un préjudice à la santé des enfants. Le deuxième alinéa de l’article 21 de la LSSSS ne s’applique donc pas ici. Le responsable est d’avis que la lecture, par le demandeur, du texte masqué de ces pages risque de dévoiler l’identité du signalant et les déclarations des tiers, autres que le demandeur, au sujet des usagers. Aux termes des articles 39, 42 et 44 de la LPJ et de l’article 18 de la LSSSS, il est interdit à l’organisme de dévoiler le contenu de ces pages : 39. Tout professionnel qui, par la nature même de sa profession, prodigue des soins ou toute autre forme d'assistance à des enfants et qui, dans l'exercice de sa profession, a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d'un enfant est ou peut être considéré comme compromis au sens de l'article 38 ou au sens de l'article 38.1, est tenu de signaler sans délai la situation au directeur; la même obligation incombe à tout employé d'un établissement, à tout enseignant ou à tout policier qui, dans l'exercice de ses fonctions, a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d'un enfant est ou peut être considéré comme compromis au sens de ces dispositions. Toute personne autre qu'une personne visée au premier alinéa qui a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d'un enfant est considéré comme compromis au sens du paragraphe g de l'article 38 est tenue de signaler sans délai la situation au directeur. Toute personne autre qu'une personne visée au premier alinéa qui a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d'un enfant est ou peut être considéré comme compromis au sens des paragraphes a, b, c, d, e, f ou h de l'article 38 ou au sens de l'article 38.1, peut signaler la situation au directeur. Les premier et deuxième alinéas s'appliquent même à ceux liés par le secret professionnel, sauf à l'avocat qui, dans l'exercice de sa profession, reçoit des
00 20 40 -4-informations concernant une situation visée à l'article 38 ou 38.1. 42. Un adulte est tenu d'apporter l'aide nécessaire à un enfant qui désire saisir les autorités compétentes d'une situation compromettant sa sécurité ou son développement, ceux de ses frères et sœurs ou ceux de tout autre enfant. 44. Nul ne peut dévoiler ou être contraint de dévoiler l'identité d'une personne qui a agi conformément aux articles 39 ou 42, sans son consentement. 18. Un usager n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement le concernant et contenu dans son dossier qui a été fourni à son sujet par un tiers et dont l'information de l'existence ou la communication permettrait d'identifier le tiers, à moins que ce dernier n'ait consenti par écrit à ce que ce renseignement et sa provenance soient révélés à l'usager. Le premier alinéa ne s'applique pas lorsque le renseignement a été fourni par un professionnel de la santé ou des services sociaux ou par un employé d'un établissement dans l'exercice de leurs fonctions. Aux fins du présent alinéa, un stagiaire, y compris un résident en médecine, est assimilé à un professionnel de la santé ou des services sociaux. DÉCISION Les dossiers visés par les demandes d’accès sont des dossiers ouverts par le Directeur de l’organisme et ce dernier est un établissement visé par la LSSSS 3 . Les usagers au sens de cette dernière loi et de la LPJ sont les enfants et non les parents de ces enfants. Les enfants sont d’ailleurs identifiées sous la rubrique « bénéficiaire » à la formule de réception du signalement par l’organisme, puis, par la suite, sous la rubrique « usager ». La lecture des dossiers des usagers révèle que les filles du demandeur sont âgées de moins de 14 ans. La preuve démontre que la communication des renseignements visés 3 Lire les articles 1, 2 et 31 de la LSSSS.
00 20 40 -5-par les demandes d’accès ne cause pas ou ne pourrait causer préjudice aux enfants mineures. Le deuxième alinéa de l’article 21 ne trouve donc pas application ici. Il convient de préciser que les termes employés dans les demandes d’accès suggèrent que ces demandes visent deux groupes de renseignements distincts. En premier lieu, le demandeur agit comme détenteur de l’autorité parentale de ses deux enfants mineures âgées de moins de 14 ans et c’est à ce titre, tout d’abord, qu’il demande accès aux dossiers de ses filles. La LSSSS limite la portée du droit d’accès d’un usager au contenu de son propre dossier d’usager. La qualité de détenteur de l’autorité parentale ne donne pas au demandeur un accès plus généreux que celui accordé à l’usager aux termes de l’article 18 de cette loi. Le droit d’accès du demandeur à titre de détenteur de l’autorité parentale est donc régi par les articles 18, 21, alinéa premier et 28 de la LSSSS :: 18. Un usager n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement le concernant et contenu dans son dossier qui a été fourni à son sujet par un tiers et dont l'information de l'existence ou la communication permettrait d'identifier le tiers, à moins que ce dernier n'ait consenti par écrit à ce que ce renseignement et sa provenance soient révélés à l'usager. Le premier alinéa ne s'applique pas lorsque le renseignement a été fourni par un professionnel de la santé ou des services sociaux ou par un employé d'un établissement dans l'exercice de leurs fonctions. Aux fins du présent alinéa, un stagiaire, y compris un résident en médecine, est assimilé à un professionnel de la santé ou des services sociaux. 21. Le titulaire de l'autorité parentale a droit d'accès au dossier d'un usager mineur. [...] 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). J’ai bien examiné les documents qui contiennent les renseignements en litige. Partie 1 :
00 20 40 -6-Les pages 3 et 4 en litige, dans cette partie des dossiers, constituent la description de la situation signalée. La simple lecture de la substance de ces pages permet d’identifier le signalant. À ce titre, ces deux pages sont absolument inaccessibles à toute personne et ce, en application des articles 39, 42 et 44 de la LPJ, précités. L’organisme était donc fondé d’en refuser la communication au demandeur. Partie 2 : Je remarque que, de façon générale, les nom et fonction des auteurs des notes ont été masqués. Ces renseignements doivent être accessibles au demandeur puisqu’ils constituent des renseignements visés par le deuxième alinéa de l’article 18 de la LSSSS. Ces personnes ne sont pas des tiers au sens du premier alinéa de cet article et leur identité n’est pas protégée. Les pages ou passages masqués qui suivent ne contiennent aucun renseignement visé par le premier alinéa de l’article 18 et sont donc accessibles au demandeur : ! La page 3 ; ! La deuxième partie masquée de la page 9 ; ! Les trois dernières lignes de la partie masquée de la page 15 ; ! Les deux premières lignes du deuxième masquage de la page 18 ; ! La dernière ligne de la partie masquée de la page 19 ; ! La première partie élaguée de la page 20 ; ! Les cinq dernières lignes de la page 31 ; ! Les six premières lignes et les lignes 9 à 23 de la page 32 ; ! Les deux premières et les quatre dernières lignes de la partie masquée de la page 44 ; ! La deuxième partie masquée de la page 49 ; ! Les trois premières lignes de la page 51 ; ! Les lignes 15 à 18 de la page 53 ; ! Les deux dernières lignes du passage élagué de la page 54; ! La page 55. Les autres pages ou passages masqués contiennent en substance, des renseignements visés par le premier alinéa de l’article 18 et restent inaccessibles au demandeur. En deuxième lieu, le demandeur désire avoir accès à tous les renseignements qui le concernent et qui se trouvent dans ces dossiers, non pas à titre de détenteur de l’autorité parentale, mais à titre personnel, en exercice des droits que lui confèrent les
00 20 40 -7-articles 83 et suivants de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 4 . Les articles 83 et suivants de la loi sur l’accès accordent à une personne physique un droit d’accès sur tous les renseignements personnels qui la concernent, dans quelque dossier où ils se trouvent. Aux termes de la Loi sur l’accès, le demandeur devrait donc pouvoir accéder à ces renseignements qui sont contenus dans les dossiers de ses filles. Or, la loi sur l’accès ne s’applique pas aux renseignements contenus dans les dossiers de l’usager. Aux termes de l’article 28 de la LSSSS, les règles habituelles d’accès en vertu des articles 83 et suivants de la Loi sur l’accès doivent être mises de côté. Le demandeur, pour lui-même personnellement, n’a pas accès aux renseignements le concernant et qui se trouve dans les dossiers d’usager de ses filles. À cet égard, la demande d’accès faite par le demandeur à titre personnel et visant spécifiquement les renseignements le concernant et qui se trouvent dans les dossiers d’usager de ses enfants n’est pas recevable. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission, ACCUEILLE, en partie, la demande de révision ; ORDONNE à l’organisme de remettre au demandeur les nom, fonction des auteurs des notes d’évolution ainsi que les parties des documents plus haut déterminées comme lui étant accessibles ; FRAPPE D’UN INTERDIT de publication, de diffusion et de divulgation la pièce déposée sous la cote T-1, sauf à l’égard des parties aux présentes ; 4 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
00 20 40 -8-et ORDONNE la non-publication, la non-diffusion et la non-divulgation, par la Commission ou l’organisme, de tout renseignement concernant l’identité des enfants en cause et des membres de leur famille, y compris le demandeur, telle ordonnance ne devant toutefois pas limiter l’accès des parties à tout le dossier de la Commission. Québec, le 24 septembre 2001 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l'organisme : M e Jean Simon Gosselin
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