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COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION DU QUÉBEC Dossier : 111494-S Nom des organismes : Ministère de la Santé et des Services sociaux Bibliothèque et archives nationales du Québec

Nom des entreprises : Société généalogique canadienne-française Société de généalogie de Québec Institut généalogique Drouin

Date : 14 mars 2018 Membre : M e Diane Poitras DÉCISION MODIFIÉE 1 OBJET PLAINTE en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 3 . [1] La Commission d’accès à l’information (la Commission) est saisie d’une plainte concernant la communication et la diffusion des renseignements contenus dans les index des décès et des mariages et dans les formulaires de

1 La présente décision remplace celle rendue dans le présent dossier en date du 14 février 2018. Elle corrige le nom de la Société généalogique canadienne-française, identifiée de manière incorrecte dans la décision. La présente décision modifie également les ordonnances prévues aux paragraphes 151 et 152 de manière à ajouter un délai d’un an à l’intérieur duquel une personne peut demander le retrait des renseignements la concernant à BANQ et à une société de généalogie. Elle modifie le paragraphe 153 afin de recommander à ces sociétés et à BANQ de traiter une demande de retrait formulée en dehors de ce délai. Le résumé contenu en annexe est également modifié en conséquence. 2 RLRQ, c. A-2.1, Loi sur l’accès. 3 RLRQ, c. P-39.1, Loi sur le privé.

111494-S Page : 2 mariage4 relatifs aux années 1926 à 1996. Plus précisément, la plainte soulève la question de la légalité de la communication des renseignements personnels contenus dans ces documents qui concernent le décès ou le mariage de toute personne survenu durant cette période au Québec 5 . Elle soulève également la légalité de la diffusion de ces renseignements par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ) et des sociétés de généalogie.

[2] À l’origine, la plainte met en cause l’Institut de la statistique du Québec (l’ISQ), BANQ et trois sociétés de généalogie : la Société généalogique canadienne-française, la Société de généalogie de Québec et l’Institut généalogique Drouin (ci-après appelées « les sociétés de généalogie »)6. Toutefois, les faits mis en lumière dans le cadre de l’enquête démontrent que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) est également concerné par la plainte. ENQUÊTE

[3] L’enquête, les observations des organismes et des sociétés de généalogie et les divers documents au dossier de la Commission révèlent les faits suivants, qui ne sont pas contestés.

Communication des renseignements [4] L’enquête démontre que le MSSS a autorisé la transmission et la diffusion publique de trois types de documents, et ce, pour les années 1926 à 1996 :

Les index des décès survenus durant ces années. Ces documents contiennent essentiellement le nom, le sexe, la date de naissance et l’état civil de la personne décédée, la date et le lieu du décès, le nom du conjoint ou du père et des numéros de formulaire;

Les index des mariages célébrés durant ces années. Ces documents contiennent essentiellement le nom et la date de naissance des époux, la date et le lieu de mariage, l’état civil des époux avant le mariage et des numéros de formulaire;

4 Aussi appelés formulaires E de l’ancien ministère de la Santé et SP-2 de l’ancien ministère des Affaires sociales. 5 Selon des estimations au dossier de la Commission, il y aurait plus de 2 786 000 décès survenus au Québec et plus de 2 400 000 mariages célébrés entre 1926 et 1996. 6 La Commission a ouvert deux dossiers et procédé, dans un premier temps, à une enquête auprès de BANQ (le présent dossier) et de l’ISQ (dossier de la Commission n o 111493). Une lettre de fermeture de ce dernier dossier est signée le même jour que la présente décision.

111494-S Page : 3 Les formulaires de mariage célébrés durant cette période. Ces formulaires diffèrent selon les années, de même que les renseignements qu’ils contiennent. On peut y retrouver des renseignements plus détaillés que dans l’index des mariages, notamment : identification des conjoints (nom, date et lieu de naissance, âge, état civil, religion, domicile avant le mariage, langue maternelle, nombre d’années de scolarité, occupation, citoyenneté et origine raciale, lieu de naissance du père, indication que l’époux sait lire et écrire), domicile après le mariage, date et lieu de mariage, nom du célébrant et sa qualité, lieu de l’enregistrement du mariage et date, nom, lieu de naissance et adresse des témoins, signatures.

[5] Cette autorisation du MSSS survient le 28 août 1986, à la suite d’une demande du conservateur adjoint des Archives nationales 7 visant l’accès au Registre de la population 8 qui contient essentiellement les données sur les naissances, les mariages, les divorces, les nullités de mariages et les décès. Toutefois, le MSSS n’autorise pas la diffusion et la transmission des formulaires de naissance, des formulaires de décès et des index des naissances, jugeant qu’ils contiennent des renseignements confidentiels qui n’ont pas un caractère public, notamment les renseignements relatifs à l’adoption pour les documents relatifs aux naissances et la cause de décès pour les formulaires de décès.

[6] Entre 1987 et 1996, le MSSS transfère les index de mariage et de décès et les formulaires de mariage créés entre 1926 et 1996 au Centre d’archives de Québec de BANQ sans indiquer de restriction applicable à leur accessibilité. En effet, il appartient à l’organisme qui procède au transfert de documents à BANQ de lui indiquer les restrictions d’accès applicables, le cas échéant 9 . En l’absence de telles indications, BANQ rend accessibles ces documents à tous depuis plusieurs années 10 . 7 Lettre du responsable de l’accès aux documents au conservateur adjoint des Archives nationales du Québec, 28 août 1986, au dossier de la Commission. 8 Devenu le Registre des événements démographiques au début des années 1990. L’ISQ est devenue propriétaire de ce registre en 1998. 9 Règlement sur le calendrier de conservation, le versement, le dépôt et l’élimination des archives publiques, RLRQ A-21.1, r. 2, art. 7 al. 1 (7). La Procédure de versement adoptée par BANQ prévoit : « Pour les restrictions d’accès, l’organisme doit indiquer, s’il y a lieu, le délai d’inaccessibilité à l’égard de chaque document dont l’accès est refusé par l’organisme en vertu de certains articles de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ou d’une autre loi qui impose des restrictions d’accès à certains documents qui font l’objet du versement. En l’absence de cette information, BANQ considèrera que l’organisme a donné son accord pour que les documents soient accessibles dès leur versement », p.1. 10 Ces documents se trouvent sur 1 115 bobines de microfilms.

111494-S Page : 4 [7] En 1993, le MSSS réitère sa position quant à l’accessibilité des index de mariage et de décès dans une lettre adressée au BSQ11 autorisant la reproduction de certains de ces index 12 . [8] Le 19 décembre 1997, BSQ communique à la Société de généalogie de Québec, avec la permission du MSSS, les index de mariage et de décès des années 1926 à 1996. L’ISQ n’a communiqué aucun renseignement personnel visé par la plainte, depuis sa création en 1998.

[9] Le MSSS a cessé d’autoriser toute diffusion des index et des formulaires de mariage en 2002, considérant que les modifications apportées au Code civil du Québec 13 ne confèrent plus un caractère public à certains des renseignements qu’ils contiennent.

Diffusion des renseignements [10] Tel qu’exposé précédemment, le MSSS a autorisé, en 1986, la diffusion des index des décès et des mariages et des formulaires de mariage des années 1926 à 1996, notamment par BANQ et les sociétés de généalogie.

[11] Les index de mariage et de décès ainsi que les formulaires de mariage sont diffusés par BANQ et les sociétés de généalogie depuis plusieurs années. Ils sont accessibles pour consultation sur place ou obtention de copies. D’autres organismes diffuseraient aussi ces données.

[12] Les sociétés de généalogie diffusent ces documents et les informations qu’ils contiennent essentiellement à leurs membres, par le biais d’une banque de données qu’ils ont constituée.

[13] En effet, en 2008 et 2009, elles concluent des ententes afin de numériser les microfilms contenant les formulaires de mariage, en vue de les rendre accessibles et de les diffuser, notamment via leur site Internet. Avant de se faire, la Société généalogique canadienne-française obtient une confirmation

11 Aujourd’hui devenu l’Institut de la statistique du Québec. Selon l’article 3 du Décret no 260-85, le BSQ recueille, compile et conserve pour le ministre des Affaires sociales, les données sur les naissances, les mariages, les divorces, les nullités de mariages et les décès. 12 Lettre du 17 décembre 1993 au dossier de la Commission. 13 RLRQ, c. CCQ-1991, le CcQ.

111494-S Page : 5 écrite du MSSS qu’elle peut procéder à cette numérisation 14 . Les formulaires de mariage ainsi numérisés ont été intégrés à une base de données existante qui contient notamment les index de mariage. Cette base de données indexe plusieurs des renseignements qu’elle contient, ce qui permet de faire une recherche par nom ou par d’autres renseignements. OBSERVATIONS AU TERME DE L’ENQUÊTE

[14] À la lumière des faits révélés par cette enquête, la Commission demande au MSSS des précisions sur les motifs pour lesquels il a autorisé la transmission et l’accès public aux index de décès et de mariage et aux formulaires de mariage.

[15] Le 4 juin 2015, le MSSS indique à la Commission que les personnes impliquées dans cette décision ont considéré que les renseignements personnels contenus dans ces documents étaient sensiblement les mêmes que ceux apparaissant au certificat d’état civil qui était, à cette époque, légalement accessible à toute personne. Le MSSS précise qu’il a mis fin à cette pratique à la suite de la modification, en 2001, de l’article 148 du CcQ, modification qui mettait fin au caractère public de certains renseignements contenus dans les actes de l’état civil.

[16] Le 1 er octobre 2015, la Commission transmet un avis au MSSS l’informant qu’à la lumière des informations contenues au dossier de plainte et du droit applicable à l’époque des événements, elle pourrait conclure que la transmission et la diffusion des formulaires de mariage n’étaient pas autorisées par la loi et que le MSSS ne pouvait légalement permettre la diffusion de l’ensemble des renseignements qu’ils contiennent, certains de ceux-ci étant des renseignements personnels confidentiels au sens de la Loi sur l’accès. Cet avis invite les représentants du MSSS à une rencontre afin d’entendre leurs observations à ce sujet et sur des mesures correctives appropriées qui pourraient être envisagées, compte tenu de la diffusion étendue de ces renseignements personnels qui perdure depuis plusieurs années.

14 Lettre du Chef du Service des ressources documentaires et responsable de l’accès à l’information du MSSS datée du 21 février 2002, au dossier de la Commission. Par sa lettre, le MSSS autorise la bibliothèque de la Ville de Montréal à reproduire tous les formulaires de mariage du Québec de 1926 à 1997 à l’intention des chercheurs qui fréquentent la maison de la généalogie, considérant que ces documents contiennent de l’information faisant partie du domaine public. La collection de la bibliothèque de la Ville de Montréal a été transférée au Centre d’archives de Montréal de BANQ en 2005.

111494-S Page : 6 [17] Lors de cette rencontre 15 , les représentants du MSSS admettent que le personnel en place en 1986 a autorisé la communication et la diffusion de renseignements personnels confidentiels en contravention des dispositions législatives applicables à l’époque. Le MSSS demande un délai pour proposer des mesures correctives appropriées, délai qui lui est accordé par la Commission.

[18] Une nouvelle rencontre se tient le 12 janvier 2016. Malgré certaines pistes examinées, aucune proposition réaliste de mesures susceptibles de corriger ou d’améliorer la situation n’est soumise par les représentants du MSSS.

[19] Par la suite, la Commission convoque à une rencontre les organismes et les entreprises impliqués dans la communication et la diffusion des renseignements faisant l’objet de la plainte, soit BANQ, le MSSS, la Société généalogique canadienne-française, la Société de généalogie de Québec et l’Institut généalogique Drouin.

[20] Lors de cette rencontre 16 , la Commission expose l’objet de la plainte ainsi que les faits reprochés à la lumière des informations au dossier et invite les organismes et les entreprises présents à proposer des mesures correctives appropriées dans les circonstances, avant qu’elle rende une décision 17 . Il est convenu qu’une proposition pourra être faite dans le délai accordé par la Commission.

[21] Les organismes et les sociétés de généalogie ne parviennent pas à s’entendre sur une proposition commune dans le délai imparti.

[22] Le MSSS propose de retirer des banques de données, au Québec, qui diffusent les formulaires de mariage ou les informations qu’ils contiennent, les renseignements personnels concernant toute personne qui a porté ou portera plainte à la Commission à ce sujet.

[23] BANQ indique que, comme la majorité des parties impliquées, il privilégie la solution d’un avis public permettant à toute personne concernée de demander, dans un délai déterminé, de ne plus rendre accessibles certains renseignements personnels se trouvant dans les formulaires de mariage.

15 Cette rencontre se tient le 28 octobre 2015, par visioconférence. 16 Le 27 mai 2016. 17 Tel que convenu lors de la rencontre, les extraits pertinents de la plainte, le rapport factuel de l’enquêteur de la Commission et la lettre du MSSS du 28 août 1986 sont transmis par la soussignée, le 15 juin 2016, aux organismes et aux entreprises visés par le présent avis.

111494-S Page : 7 Toutefois, étant sensible aux arguments invoqués par le MSSS quant à l’efficacité de cette mesure eu égard aux frais qu’elle engendrerait, BANQ propose de relancer la réflexion sur la recherche d’un équilibre entre le respect de la vie privée et la protection du patrimoine historique et généalogique afin de trouver des solutions durables, tout comme le suggère la Commission dans son rapport quinquennal de 2016 18 . [24] Pour sa part, l’Institut généalogique Drouin indique à la Commission qu’il souhaite présenter ses observations lors d’une rencontre 19 . Les deux autres sociétés de généalogie n’ont pas fait connaître leur position quant à cette proposition du MSSS. AVIS D’INTENTION, NOUVELLE RENCONTRE ET PROPOSITION

[25] À la suite de ces échanges, la Commission transmet un avis d’intention aux organismes et aux entreprises impliqués les informant de la décision et des ordonnances qu’elle pourrait rendre. Ceux-ci ont pu présenter leurs observations par écrit et lors d’une rencontre. Les sociétés de généalogie ont proposé des mesures correctives à la Commission. Voici les détails de ces étapes du présent dossier.

Avis d’intention [26] Le 14 février 2017, la Commission transmet un avis d’intention au MSSS, à BANQ et aux sociétés de généalogie les informant qu’à la lumière des informations dont elle dispose, elle pourrait conclure :

que la communication et la diffusion de certains renseignements contenus aux formulaires de mariage des années 1926 à 1996 n’étaient pas autorisées par la législation applicable 20 ; que le MSSS a contrevenu à la Loi sur l’accès en communiquant les formulaires de mariage à BANQ, sans indiquer de restriction quant à l’accessibilité des renseignements personnels qu’ils contiennent et

18 COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION, Rétablir l’équilibre Rapport sur l’application de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, septembre 2016. Ce rapport consacre une section à la protection des renseignements personnels dans le contexte de la généalogie, voir p. 137 et suivantes. 19 La Commission a indiqué que ces observations pourront être faites à la suite d’un éventuel avis d’intention. 20 L’avis indique quels renseignements concernant un mariage avaient un caractère public selon les époques pertinentes au présent dossier.

111494-S Page : 8 en autorisant leur communication à des sociétés de généalogie en vue de leur diffusion;

que la diffusion des renseignements personnels contenus dans les formulaires de mariage par BANQ et par les sociétés de généalogie, bien que faite en toute bonne foi et avec l’autorisation du MSSS, est contraire aux dispositions de la Loi sur l’accès et de la Loi sur le privé.

[27] Enfin, l’avis informe les organismes et les sociétés de généalogie que la Commission pourrait rendre certaines ordonnances qui y sont exposées en détail. Essentiellement, la Commission indique qu’elle pourrait soit :

ordonner de cesser la diffusion des renseignements personnels contenus dans les formulaires de mariage des années 1926 à 1996 et ordonner la destruction de ces renseignements ou;

ordonner au MSSS de publier un avis informant les citoyens que ces renseignements sont présentement diffusés, communiqués et rendus accessibles sans autorisation de la loi et donner suite à toute demande de retrait qui sera formulée par une personne concernée par les renseignements personnels communiqués sans droit dans l’année qui suivra la diffusion ou l’envoi de cet avis. Durant cette année, la diffusion des formulaires de mariage serait suspendue et tant BANQ que les sociétés de généalogie devront retirer de leurs banques de données respectives les renseignements personnels contenus au formulaire de mariage concernant toute personne ayant fait une telle demande.

Observations des organismes et des entreprises impliqués [28] À la suite de cet avis, les sociétés de généalogie ont demandé une nouvelle rencontre à la Commission. Certaines ont fourni des observations écrites et l’une d’entre elles a formulé une proposition de mesure corrective.

[29] Pour sa part, le MSSS se dit en désaccord avec les ordonnances qui pourraient être rendues par la Commission. Il réitère sa proposition de retirer uniquement des banques de données concernées les renseignements personnels concernant le plaignant. Il considère que cette solution est raisonnable « en période de rareté des ressources budgétaires publiques ».

[30] Le MSSS ajoute que, compte tenu de la diffusion étendue qu’ont eue les renseignements concernés depuis de nombreuses années, incluant leur

111494-S Page : 9 présence dans des banques de données à l’extérieur du Québec, offrir aux citoyens la possibilité de demander le retrait des renseignements les concernant constitue une mesure corrective onéreuse 21 ayant une efficacité limitée. Il produit un rapport qui recense divers sites Internet qui diffusent les formulaires de mariage faisant l’objet de la plainte. Plusieurs sont hébergés à l’extérieur du Québec et le MSSS souligne qu’une ordonnance de la Commission ne pourrait s’appliquer hors Québec.

[31] Quant à une ordonnance visant à faire cesser la diffusion et à détruire les renseignements personnels concernés, le MSSS souligne qu’il pourrait également en résulter une perte pour le patrimoine généalogique québécois.

[32] Enfin, BANQ affirme privilégier l’avis public et le retrait des renseignements personnels concernant les personnes qui en feront la demande. Toutefois, il suggère qu’un délai de six mois serait suffisant pour permettre à ceux qui le voudront de demander le retrait des renseignements les concernant. Aussi, compte tenu que ces renseignements sont diffusés depuis de nombreuses années, BANQ considère qu’il serait peu utile de suspendre la diffusion des formulaires de mariage, considérant les coûts engendrés.

Nouvelle rencontre et proposition des sociétés de généalogie [33] Le 5 juillet 2017, la Commission rencontre les sociétés de généalogie qui souhaitent faire valoir leurs observations plus en détail et soumettre une proposition. Le MSSS et BANQ ont été informés de cette rencontre, mais n’y ont pas assisté.

[34] Essentiellement, les sociétés de généalogie demandent à la Commission de :

Rendre sa décision après leur comparution en commission parlementaire dans le cadre de l’étude du rapport quinquennal 2016 de la Commission 22 , prévue en août 2017; Conclure que plusieurs renseignements contenus dans les formulaires de mariage ne sont pas confidentiels;

D’accepter leur proposition de mesures concrètes visant à atténuer les conséquences résultant de la communication et de la diffusion non

21 Il estime à plus de 700 000$ les coûts de cette mesure. 22 COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION, Rétablir l’équilibre […], préc. note17.

111494-S Page : 10 autorisée des renseignements personnels contenus dans les formulaires de mariage pour les personnes concernées;

Considérer les coûts encourus par les sociétés de généalogie pour la mise en place des banques de données contenant les formulaires de mariage et les conséquences d’une ordonnance visant à faire cesser la diffusion des renseignements personnels qu’elles contiennent.

[35] Essentiellement, les sociétés de généalogie proposent d’inclure dans leurs banques de données contenant des renseignements personnels provenant des formulaires de mariage, un avis expliquant que certains renseignements sont confidentiels et que leur utilisation et leur diffusion sont interdites sans le consentement des personnes concernées ou l’autorisation de la loi (notamment les délais prévus par la Loi sur les archives 23 ). Cette mention inclurait la liste des renseignements visés, le contexte ayant mené à cet avis et un lien vers la décision qui sera rendue par la Commission dans le présent dossier ou un résumé de celle-ci.

[36] Les sociétés de généalogie proposent également de retirer, sur demande de la personne concernée, les renseignements personnels contenus aux formulaires de mariage.

[37] À la suite de cette rencontre, la Commission transmet un nouvel avis d’intention à BANQ pour connaître ses observations au sujet de cette proposition formulée par les sociétés de généalogie, puisqu’il diffuse également au public les formulaires de mariage et qu’il pourrait être visé par une éventuelle ordonnance allant dans le sens de cette proposition. BANQ informe la Commission qu’il pourrait assumer les obligations qui découleraient d’ordonnances imposant cette mesure corrective. ANALYSE

[38] La Commission doit donc décider si la communication et la diffusion des renseignements contenus aux index de décès et de mariages et aux formulaires de mariage pour les années 1926 à 1996, autorisées par le MSSS, sont conformes aux dispositions relatives à la protection des renseignements personnels applicables. À ce chapitre, les sociétés de généalogie soumettent :

Qu’en vertu de l’article 1 de la Loi sur le privé, la diffusion et la communication de ces renseignements ne sont pas soumises aux règles de protection des renseignements personnels contenues dans la Loi sur le privé;

23 RLRQ, c. A-21.1, art. 19.

111494-S Page : 11 Subsidiairement, que la plupart de ces renseignements ont un caractère public et ne sont donc pas confidentiels.

[39] Si la Commission conclut que la communication et la diffusion de ces renseignements n’étaient pas autorisées par la loi, elle doit également décider des mesures correctives appropriées dans les circonstances du présent dossier, notamment quant à leur efficacité pour corriger ou minimiser les atteintes à la protection des renseignements personnels des personnes concernées.

Argument des sociétés de généalogie fondé sur l’article 1 de la Loi sur le privé

[40] Les sociétés de généalogie invoquent qu’en vertu de l’article 1 de la Loi sur le privé, celle-ci ne s’applique pas aux renseignements en cause dans le présent dossier parce qu’ils constituent du matériel généalogique détenu, utilisé et diffusé à des fins d’information légitime du public. Elles soutiennent qu’en conséquence, la diffusion de ces renseignements n’est pas contraire à la loi.

[41] Cet argument est fondé sur le quatrième alinéa de l’article 1 de la Loi sur le privé qui se lit comme suit :

La présente loi ne s’applique pas à la collecte, la détention, l’utilisation ou la communication de matériel journalistique, historique ou généalogique à une fin d’information légitime du public.

[42] Les sociétés de généalogie n’ont pas présenté d’observations détaillées sur cette question dans le cadre du présent dossier. L’institut généalogique Drouin réfère la Commission aux arguments déjà présentés dans le cadre de l’affaire Institut généalogique Drouin inc. 24 , soulignant être en désaccord avec la conclusion de la Commission dans cette décision.

[43] Dans cette affaire, la Commission a conclu qu’elle avait compétence pour faire enquête et émettre des ordonnances visant l’Institut Drouin et que le quatrième alinéa de l’article 1 de la Loi sur le privé, dans le contexte de cet autre dossier, n’affectait pas sa compétence.

[44] Elle a également conclu que cette exemption de l’article 1 ne s’applique qu’aux informations de nature généalogique collectées, détenues, utilisées ou

24 Institut généalogique Drouin inc., C.A.I. no 09 15 70, 6 février 2015, c. Poitras, appel rejeté Institut généalogique Drouin inc. c. Commission d'accès à l'information du Québec, 2017 QCCQ 7573.

111494-S Page : 12 communiquées « à une fin d’information légitime du public », c’est-à-dire conforme au droit, à la justice ou à l’équité. L’exemption prévue au quatrième alinéa de l’article 1 ne saurait donc s’appliquer à l’égard d’un renseignement personnel lorsque le droit applicable en prévoit le caractère confidentiel. La Cour du Québec a rejeté l’appel de cette décision rendue par la Commission 25 . [45] Ce raisonnement était en partie fondé sur des décisions rendues par les tribunaux supérieurs interprétant la notion d’information légitime du public. De façon plus précise, dans l’affaire Drouin c. 9179-3588 Québec inc 26 , la Cour supérieure conclut que cette exemption de l’article 1 de la Loi sur le privé ne peut autoriser une entreprise de généalogie à diffuser certains renseignements personnels en contravention d’une loi qui en prévoit la confidentialité puisqu’il ne s’agit pas d’une fin d’information « légitime » du public :

[62] En effet, l’utilisation et la communication de renseignements personnels de façon contraire au Code civil du Québec, à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et à la Loi électorale, ne sauraient être conciliables avec la légitimité de l’information du public.

[46] La Commission est d’avis que cette interprétation prévaut toujours et rejette les deux nouveaux arguments soulevés par l’Institut généalogique Drouin pour les motifs qui suivent.

[47] D’abord, l’Institut soutient que l’interprétation de la Commission crée une inégalité entre les journalistes et les généalogistes parce que celle-ci ne pourrait s’appliquer sans aller à l’encontre de la liberté de presse.

[48] Cet argument est fondé sur l’hypothèse qu’il existerait une interprétation différente de l’expression « à une fin d’information légitime du public » pour les journalistes. La Commission n’a pas connaissance d’une décision en ce sens concernant l’interprétation de l’article 1 de la Loi sur le privé à l’égard des journalistes, c’est-à-dire confirmant une interprétation différente ni de son impact sur la liberté de presse. Cet argument doit donc être rejeté.

[49] L’autre argument soumis veut que l’expression « à une fin légitime d’information du public » ne puisse viser que l’utilisation et la communication de

25 Institut généalogique Drouin inc. c. Commission d'accès à l'information du Québec, préc. note 23. 26 2012 QCCS 2685, confirmée par la Cour d’appel: 9179-3588 Québec inc. (Institut Drouin) c. Drouin, 2013 QCCA 2146.

111494-S Page : 13 renseignements et non leur collecte et leur détention. En conséquence, ils soutiennent que la Commission ne peut en ordonner la destruction.

[50] La Commission constate que le texte de l’article 1 de la Loi sur le privé ne fait pas cette distinction. La Cour du Québec a d’ailleurs maintenu la décision de la Commission qui ordonnait la destruction de renseignements personnels confidentiels au sujet desquels l’entreprise invoquait cette exemption de l’article 1. Le même argument avait été rejeté par la Commission dans l’affaire Institut généalogique Drouin inc. 27 . [51] Dans le présent dossier, l’exemption du quatrième alinéa de l’article 1 de la Loi sur le privé ne peut donc s’appliquer si les renseignements en cause ont été communiqués contrairement à la loi. En effet, la Commission ne pourrait conclure que leur utilisation et leur communication subséquentes par les sociétés de généalogie, bien que faites avec l’autorisation du MSSS, l’ont été à une fin légitime d’information du public si elles sont contraires au droit.

[52] Qu’en est-il? [53] La Loi sur l’accès et la Loi sur le privé prévoient qu’un organisme public, comme le MSSS et BANQ, et une entreprise, comme les sociétés de généalogie, doivent assurer la protection des renseignements personnels qu’ils détiennent 28 et qu’ils ne peuvent les communiquer sans le consentement de la personne concernée ou l’autorisation de la loi 29 . Toutefois, un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n’est pas assujetti à ces règles 30 et n’est pas confidentiel. [54] L’autorisation du MSSS de communiquer et de diffuser les renseignements visés par la plainte a été accordée au motif qu’à l’époque, il considérait que ceux-ci avaient un caractère public puisqu’ils étaient sensiblement les mêmes que ceux qui se trouvaient dans les actes de l’état civil qui étaient accessibles à toute personne selon la législation qui était applicable.

[55] Ainsi, pour conclure quant à la légalité de la communication et de la diffusion de ces renseignements, il importe de déterminer si les renseignements contenus aux index de décès et de mariage et aux formulaires de mariage sont

27 Préc., note 23. 28 Articles 63.1 de la Loi sur l’accès et 10 de la Loi sur le privé. 29 Articles 53 et 59 al. 1 de la Loi sur l’accès et 13 de la Loi sur le privé. 30 Articles 55 de la Loi sur l’accès et 1, dernier alinéa, de la Loi sur le privé.

111494-S Page : 14 des renseignements personnels 31 à caractère public, à la lumière des dispositions applicables à l’époque des événements.

La nature des renseignements contenus aux index et aux formulaires

- Les index de décès [56] À la lumière des dispositions applicables à l’époque des événements, la Commission conclut que les renseignements contenus dans les index des décès pour les années 1926 à 1996 sont effectivement des renseignements qui avaient un caractère public. Ces renseignements sont essentiellement les mêmes que l’on retrouvait dans les actes de l’état civil durant cette période et des dispositions législatives prévoyaient que ces documents étaient accessibles à toute personne qui en faisait la demande.

[57] Voici pourquoi. [58] Selon les éléments au dossier, les index de décès contiennent : le nom, le prénom, le sexe, la date de naissance et l’état civil de la personne décédée, la date et le lieu du décès, le nom du conjoint ou du père et des numéros de formulaires et de microfilm 32 . [59] En vertu des dispositions de l’ancien Code civil du Bas-Canada (CCBC), applicables en 1986, soit lors de l’autorisation initiale du MSSS de communiquer et de diffuser ces renseignements, le registre de l’état civil 33 comprenait, pour l’acte de sépulture 34 : le jour elle a lieu, la date du décès, les noms du défunt et le lieu de son dernier domicile et la signature de celui qui a fait la sépulture et de deux des plus proches parents ou amis qui y ont assisté.

[60] De plus, l’acte de naissance énonçait le jour et le lieu de la naissance d’une personne, celui du baptême, s’il y a lieu, son sexe et les nom et prénom qui lui sont donnés, les noms, prénoms et domicile des père et mère, ainsi que des parrains et marraines, s’il y en a 35 . 31 L’article 54 de la Loi sur l’accès prévoit que sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l’identifier. 32 Extrait d’un index type de décès produit au dossier de la Commission par le MSSS. 33 Le CCBC prévoit que les actes de l’état civil, dont l’acte de sépulture, de naissance et de mariage, sont inscrits dans le registre de l’état civil : art. 42 CCBC. 34 Art. 67CCBC. Aujourd’hui, acte de décès. 35 Art. 54 CCBC en vigueur en 1986.

111494-S Page : 15 [61] Depuis l’entrée en vigueur du Code civil du Québec (CcQ) 36 , soit le 1 er janvier 1994, les dispositions pertinentes prévoient que la déclaration de décès énonce le nom et le sexe du défunt, le lieu et la date de sa naissance et de son mariage, le lieu de son dernier domicile, les lieu, date et heure du décès, le moment, le lieu et le mode de disposition du corps, ainsi que le nom de ses père et mère et, le cas échéant, de son conjoint 37 . [62] Quant à l’acte de naissance, on y retrouve, depuis 1994, le nom de l’enfant, son sexe, les lieu, date et heure de la naissance, le nom et le domicile des père et mère, de même que le lien de parenté du déclarant avec l’enfant 38 . [63] Ainsi, tous les renseignements concernant une personne contenus dans les index des décès des années en cause dans le présent dossier se retrouvent, en principe, soit dans l’acte de sépulture, de décès ou de naissance des personnes décédées entre 1926 et 1996.

[64] Or, selon les dispositions en vigueur de 1986 à 1994, toute personne qui en faisait la demande pouvait avoir un extrait du registre de l’état civil contenant les renseignements prévus à ces actes 39 . [65] La Commission conclut que leur communication et leur diffusion étaient donc autorisées par la loi durant cette période.

[66] Qu’en est-il après 1994? [67] L’entrée en vigueur du CcQ modifie les règles de publicité des actes de l’état civil. Au 1 er janvier 1994, le Directeur de l’état civil devient le seul officier responsable de la publicité de ce registre et il peut délivrer trois sortes de documents : la copie de l’acte, le certificat et l’attestation. Les renseignements qu’ils contiennent diffèrent :

145. Est une copie d’un acte de l’état civil le document qui reproduit intégralement les énonciations de l’acte, y compris les mentions portées à l’acte, telles qu’elles ont pu être modifiées, à

36 Le CcQ a remplacé le CCBC. Il a été adopté en 1991 mais est entré en vigueur le 1 er janvier 1994. 37 Art. 126. Cet article a été légèrement modifié en 2002 et 2013 pour y inclure la date de son union civile et l’heure du décès. 38 Art. 115 CcQ. 39 L’article 50 du CCBC prévoit : « Les dépositaires de l’un et de l’autre des registres [contenant les actes de l’état civil] sont tenus d'en délivrer, à toute personne qui le requiert, des extraits qui, étant par eux certifiés et signés, sont authentiques. »

111494-S Page : 16 l’exception des mentions exigées par règlement qui ne sont pas essentielles pour établir l’état d’une personne.

146. Le certificat d’état civil énonce les nom, sexe, lieu et date de naissance de la personne et, si elle est décédée, les lieu et date du décès. Il énonce également, le cas échéant, les lieu et date de mariage ou d’union civile et le nom du conjoint.

Le directeur de l’état civil peut également délivrer des certificats de naissance, de mariage, d’union civile ou de décès portant les seules mentions relatives à un fait certifié.

147. L’attestation porte sur la présence ou l’absence, dans le registre, d’un acte ou d’une mention dont la loi exige qu’elle soit portée à l’acte.

(Nos soulignements) [68] Lors de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du CcQ, en 1994, la publicité des actes contenus au registre de l’état civil est retreinte. Désormais, les copies d’un acte ne peuvent être délivrées qu’aux personnes qui y sont mentionnées ou à celles qui justifient de leur intérêt 40 . Les certificats et les attestations sont toutefois accessibles à toute personne qui en fait la demande 41 . [69] Ces nouvelles dispositions viennent donc restreindre l’accès à certains renseignements qui avaient un caractère public, notamment les renseignements que contiennent les actes de mariage et de décès qui ne peuvent désormais être délivrés qu’aux personnes qui sont mentionnées dans l’acte ou à celles qui justifient de leur intérêt auprès du Directeur de l’état civil. Seules les informations contenues au certificat d’état civil ou à l’attestation demeurent accessibles à toute personne.

[70] Le 9 novembre 2001, ce régime de publicité est à nouveau modifié pour limiter à certaines personnes le droit d’obtenir un certificat contenant des renseignements provenant du registre de l’état civil. Depuis cette date, les renseignements contenus dans les certificats de mariage et de décès ne sont

40 Art. 148 CcQ en vigueur en 1994 : « Le directeur de l’état civil ne délivre la copie d’un acte qu’aux personnes qui y sont mentionnées ou à celles qui justifient de leur intérêt; il délivre les certificats à toute personne qui en fait la demande. Il délivre les attestations à toute personne qui en fait la demande si la mention ou le fait qu’il atteste est de la nature de ceux qui apparaissent sur un certificat; autrement, il ne les délivre qu'aux seules personnes qui justifient de leur intérêt. » 41 Id.

111494-S Page : 17 donc plus accessibles à toute personne qui en fait la demande, mais aux seules personnes qui y sont mentionnées ou qui justifient de leur intérêt auprès du directeur de l’état civil 42 . [71] À la lumière de ces modifications, la Commission constate que les renseignements concernant des individus qui se trouvent dans les index de décès en cause dans le présent dossier avaient un caractère public jusqu’au 9 novembre 2001. En effet, ces renseignements se retrouvaient sur les certificats de décès, de mariage ou de naissance d’une personne et ils étaient accessibles à tous de 1994 au 9 novembre 2001.

[72] Certains de ces renseignements ont cessé d’avoir un caractère public depuis la modification de l’article 148 du CcQ en 2001. C’est d’ailleurs pour cette raison que le MSSS a mis fin à la communication sans restriction des index 43 . [73] Par conséquent, puisqu’au moment de leur communication les renseignements contenus aux index de décès avaient un caractère public, il n’y a pas eu de contravention à la loi.

- Les index de mariage [74] Le même raisonnement s’applique pour les renseignements que contiennent les index de mariage des années 1926 à 1996.

[75] Les index des mariages célébrés durant ces années contiennent essentiellement le nom, le prénom, le sexe, la date et la province de naissance des époux, la date et le lieu (ville et province) du mariage, l’état civil des époux avant le mariage et des numéros de formulaire et de microfilm 44 . [76] En vertu des dispositions du CCBC, applicables lors de l’autorisation initiale du MSSS de communiquer et de diffuser ces renseignements, l’acte de mariage 45 qui pouvait être délivré à toute personne qui en fait la demande comprenait :

42 Art. 148, tel que modifié par L.Q. 2001, c.41 : « Le directeur de l’état civil ne délivre la copie d’un acte ou un certificat qu’aux personnes qui y sont mentionnées ou à celles qui justifient de leur intérêt. » Le 20 décembre de la même année, la phrase suivante est ajoutée : « Le directeur peut exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte ou un certificat qu'elle lui fournisse les documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité ou son intérêt. », voir L.Q. 2001, c. 70. 43 Observations du MSSS datées du 25 février 2014, au dossier de la Commission. 44 Extrait d’un index des mariages type produit au dossier de la Commission par le MSSS. 45 Art. 65 CCBC.

111494-S Page : 18 - Le jour de la célébration du mariage; - Les noms, prénoms et domicile des époux, les noms du père et de la mère, ou de l’époux précédent;

- Si les parties sont majeures ou mineures; - Si elles sont mariées après publication par voie d’affiche, après publication de bans ou avec dispense de publication de bans;

- Si c’est avec le consentement de leurs père et mère, tuteur ou curateur, ou sur avis du conseil de famille, dans les cas ils sont requis;

- Les noms des témoins, et s’ils sont parents ou alliés des parties, de quel côté et à quel degré;

- Qu’il n’y a pas eu d’opposition, ou que mainlevée en a été accordée; - Si les parties se marient sans contrat de mariage; ou, si elles ont passé un contrat de mariage, le nom et l’adresse du notaire qui l’a reçu.

[77] De plus, la publication de certains renseignements, avant le mariage, était obligatoire depuis un certain nombre d’années. Pour la période visée dans le présent dossier, cette publication devait se faire à l’endroit de la célébration du mariage 46 et inclure essentiellement les nom, prénom et domicile de chacun des futurs époux, ainsi que le jour et le lieu de leur naissance 47 . [78] Depuis l’entrée en vigueur du CcQ en 1994, les dispositions pertinentes prévoient que la déclaration de mariage énonce notamment les nom et domicile des époux, le lieu et la date de leur naissance et de leur mariage, ainsi que le nom de leurs père et mère et des témoins. Elle énonce aussi les nom, domicile

46 Art. 413 CcQ tel qu’il se lisait en 1980 : « On doit, avant de procéder à la célébration d'un mariage, faire une publication par voie d'affiche apposée, pendant vingt jours avant la date prévue pour la célébration, au lieu doit être célébré le mariage. Au moment de la publication ou de la demande de dispense, les époux doivent être informés de l'opportunité d'un examen médical prénuptial ». L.Q. 1980, c. 39, a. 1. L’article 368 actuel du CcQ prévoit une obligation similaire. 47 Art. 414 CcQ La profession des époux, incluse dans la version de 1980 de cet article, a été retirée en 1986 : Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la Charte des droits et libertés de la personne, L.Q., 1986, c. 95, a. 351. L’actuel article 369 CcQ prévoit que les renseignements suivants sont publiés : les nom et domicile de chacun des futurs époux, l’année et le lieu de leur naissance, la date prévue de la célébration ainsi que le nom du célébrant.

111494-S Page : 19 et qualité du célébrant, et indique, s'il y a lieu, la société religieuse à laquelle il appartient 48 . [79] Ainsi, les renseignements concernant des individus que contiennent les index de mariage étaient tous à caractère public, notamment de 1986 à 1994.

[80] Les modifications apportées au régime de publicité des actes du registre de l’état civil lors de l’entrée en vigueur du CcQ, en 1994, n’ont pas modifié cette situation puisque les renseignements se trouvaient soit dans les certificats de naissance ou de mariage ou encore dans la publication de l’avis qui doit être faite avant le mariage. Tel qu’exposé précédemment, la situation a changé en novembre 2001 et depuis, certains de ces renseignements n’ont plus un caractère public.

[81] En conséquence, la Commission conclut que la communication et la diffusion des index de mariage des années 1926 à 1996 étaient autorisées par la loi au moment des événements (entre 1986 et 2001).

- Les formulaires de mariage [82] Il en va autrement des renseignements contenus dans les formulaires de mariage.

[83] À la lumière des dispositions applicables à l’époque des événements en lien avec la plainte, la Commission conclut que les renseignements que contiennent les formulaires de mariage pour les années 1926 à 1996 ne revêtent pas tous un caractère public. Certains renseignements sont personnels et donc confidentiels. D’ailleurs, les organismes et les entreprises impliqués dans le présent dossier le reconnaissent. Reste à déterminer lesquels.

[84] Il faut noter que ces formulaires, aussi appelés bulletins de mariage, sont plus détaillés que les index et diffèrent selon les années, de même que les renseignements qu’ils contiennent 49 . Les plus anciens contiennent plus de renseignements que les formulaires plus récents.

[85] Ainsi, on peut y retrouver les renseignements suivants, selon les années du formulaire : identification des conjoints (nom complet, date et lieu de naissance, âge, état civil, religion, domicile avant le mariage, langue maternelle, nombre d’années de scolarité, occupation et employeur, citoyenneté et origine

48 Art. 119 à 121 CcQ. 49 Exemples de formulaires, selon les années en cause, fournis par l’Institut généalogique Drouin lors de l’enquête, lettre du 28 février 2014.

111494-S Page : 20 raciale, lieu de naissance du père, indication que l’époux sait lire et écrire), domicile après le mariage, date et lieu de mariage, nom du célébrant et sa qualité, lieu de l’enregistrement du mariage et date, nom et lieu de naissance des témoins ou des parents, date de naissance des parents, adresse des témoins, signatures, indication de la publication d’un avis ou de bans et numéros de formulaires.

[86] Pour les mêmes motifs qu’exposés précédemment au sujet des renseignements contenus dans les index de décès et de mariage, les renseignements qui se trouvent également dans les actes ou les certificats extraits du registre de l’état civil et qui avaient un caractère public selon le droit applicable au moment des événements ne sont pas confidentiels et pouvaient être communiqués ou diffusés. Il s’agit des renseignements suivants :

Au sujet des conjoints : nom, sexe, date et lieu de naissance, âge, état civil avant le mariage, domicile, noms des parents ou de l’époux précédent;

Date et lieu du mariage de même que le lieu et la date de son enregistrement, s’il y a eu publication d’avis, de bans ou dispense 50 ; Nom des témoins; Nom et qualité du célébrant, incluant, s’il y a lieu, la société religieuse à laquelle il appartient 51 ; Signatures 52 . [87] Qu’en est-il des autres renseignements qui se trouvent dans les formulaires de mariage?

[88] Les sociétés de généalogie sont les seules à avoir formulé des observations précises sur la nature des différents renseignements qu’ils contiennent.

[89] Elles conviennent que les renseignements suivants n’avaient et n’ont pas un caractère public, bien que certains se retrouvent dans d’autres documents diffusés ou sont faciles à déduire :

50 Art. 65 CCBC. 51 Art. 119 CcQ. 52 Art. 64 CCBC : « L’acte du mariage est signé par celui qui l’a célébré, par les époux, et par au moins deux témoins, parents ou non, qui y ont assisté; quant à ceux qui ne peuvent signer, il en est fait mention. ». Voir aussi l’actuel art. 121 CcQ.

111494-S Page : 21 La langue maternelle des époux; Leur nombre d’années de scolarité; S’ils savent lire ou écrire; Leur citoyenneté; Leur origine raciale. [90] Effectivement, la Commission conclut que rien n’indique qu’une loi accordait un caractère public à ces renseignements. Ils sont donc des renseignements personnels confidentiels et les dispositions de la Loi sur l’accès et de la Loi sur le privé s’appliquent. Ces renseignements ne pouvaient donc pas être communiqués par le MSSS ni diffusés par les sociétés de généalogie 53 ou par BANQ sans le consentement des personnes concernées.

[91] Les sociétés de généalogie soutiennent que la religion et l’occupation des conjoints sont des renseignements du domaine public. Qu’en est-il?

[92] La mention de la religion des conjoints se retrouve sur les formulaires de mariage jusqu’en 1975.

[93] De l’avis des sociétés de généalogie, ce renseignement a un caractère public parce que jusqu’en 1968, date à laquelle le mariage civil a été introduit, il peut être déduit de la consultation des registres paroissiaux. Elles soumettent que si, par exemple, un prêtre catholique a célébré le mariage, on peut en inférer que les époux sont probablement de cette religion, à moins qu’il s’agisse d’un mariage mixte. Dans ce cas, ils prétendent qu’une licence de mariage devait être obtenue 54 . L’acte fait mention du fait qu’une licence a été demandée. [94] Une licence doit aussi être demandée par le parent si l’un des époux est mineur 55 . Puisque BANQ diffuse les licences de mariage, les sociétés de généalogie soutiennent que la religion des époux n’est pas confidentielle. Elles invoquent aussi le fait que plusieurs registres des paroisses, pour les années 1621 à 1940 et jusqu’en 1967 pour l’Outaouais, ont été diffusés à la suite d’une

53 Celles-ci sont assujetties aux dispositions de la Loi sur le privé depuis le 1 er janvier 1994. Elles étaient donc assujetties à cette loi au moment du début de la diffusion des informations en cause. 54 Acte concernant les licences de mariage, 35 Vict., c.3, 1888 SRQ a. 1206 à 1211. Cette loi a été modifiée à quelques reprises. La Loi concernant le mariage civil, L.Q. 1968, c. 82, adoptée en 1968, introduit la notion de mariage civil. La version en vigueur en 1964 de cette loi est remise à la Commission par les sociétés de généalogie : Annexe K, observations du 13 avril 2017 au dossier de la Commission. 55 Voir annexe I, observations du 13 avril 2017 au dossier de la Commission.

111494-S Page : 22 permission du gouvernement du Québec obtenue en 1940 et, par la suite, des autorités religieuses (Fonds Drouin).

[95] Les sociétés de généalogie reconnaissent toutefois qu’après 1968, ce renseignement pourrait revêtir un caractère personnel confidentiel, bien qu’elles soulignent que dans plusieurs cas, ce renseignement peut être aussi déduit des registres paroissiaux si les époux ont opté pour un mariage religieux.

[96] Or, au moment de la première autorisation donnée par le MSSS de communiquer et de diffuser les formulaires de mariage, soit en 1986, aucune disposition législative n’indique que la religion d’un époux est un renseignement à caractère public ou doit être incluse dans un document qui est accessible à tous. La Commission ne peut donc conclure au caractère public de ce renseignement au sens de la Loi sur l’accès ou de la Loi sur le privé.

[97] En effet, ces dernières lois prévoient que seuls les renseignements personnels qui ont un caractère public « en vertu de la loi » sont dispensés des règles relatives à la protection des renseignements personnels :

55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n’est pas soumis aux règles de protection des renseignements personnels prévues par le présent chapitre. […] 56 (nos soulignements) [98] Même si la religion peut être déduite dans plusieurs cas de la consultation des registres paroissiaux ou inférée de l’appartenance religieuse du célébrant du mariage, comme le soutiennent les sociétés de généalogie, les dispositions du CCBC applicables en 1986 ne prévoient pas que ce renseignement a un caractère public.

[99] La Commission comprend que ces dispositions prévoient plutôt que seuls certains renseignements doivent être indiqués dans l’acte de mariage et que la religion n’en fait pas partie 57 . [100] Aussi, la situation des mariages « mixtes » ou avec une personne athée oblige à nuancer l’affirmation des sociétés de généalogie voulant que la

56 Art. 55 de la Loi sur l’accès. Le dernier alinéa de l’article 1 de la Loi sur le privé prévoit : « Les sections II et III de la présente loi ne s’appliquent pas à un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la Loi. » 57 L’article 39 CCBC prévoit : « L’on ne doit insérer dans les actes de l’état civil, soit par note, soit par énonciation, rien autre chose que ce qui doit être déclaré par les comparants. »

111494-S Page : 23 religion se déduise en consultant le registre paroissial. En effet, selon les exemples fournis par l’Institut généalogique Drouin, ni la licence, ni le registre paroissial n’indiquent la religion des époux. Ce dernier mentionne tout au plus qu’une licence a été demandée, mais pas le motif ni la religion des époux.

[101] Même si la religion peut souvent être déduite du registre paroissial ou de l’avis publié avant le mariage, par exemple parce qu’on peut inférer qu’un mariage d’époux catholiques est généralement célébré par un prêtre catholique, la Commission réitère que la religion ne fait pas partie des mentions à l’acte de mariage selon les dispositions applicables à cette époque.

[102] Ainsi, la Commission n’a recensé aucune loi qui confère un caractère public à la religion des époux au moment des événements liés à la communication et à la diffusion des formulaires de mariage.

[103] Quant à l’occupation des époux, que l’on retrouve dans les formulaires de mariage jusqu’au début des années 70, les sociétés de généalogie soutiennent que cette information est du domaine public, du moins à cette époque, même si aucune disposition législative ne lui accorde spécifiquement un caractère public. Elles affirment que les paroisses ajoutaient souvent cette information dans l’acte de mariage ou de décès, qu’elle apparaissait à la liste électorale provinciale jusqu’en 1975 et à la liste fédérale jusqu’en 1980.

[104] Elles soutiennent également que des dispositions législatives obligent le notaire à indiquer l’occupation de toute personne qui comparaît à un acte qu’il rédige, et ce, depuis au moins l’année 1900. Elles citent de nombreuses dispositions et des extraits de documents relatifs à leur interprétation par les notaires. En effet, ces dispositions prévoient que le notaire doit indiquer la « qualité » des personnes qui comparaissent à l’acte et cette expression serait interprétée pour inclure leur profession.

[105] Selon leur raisonnement, de nombreux actes en matière immobilière rédigés par les notaires doivent être publiés au registre foncier, ce qui confère un caractère public à l’occupation d’une personne, en vertu de la loi.

[106] La Commission rejette ces arguments. [107] En effet, les pratiques énoncées par les sociétés de généalogie, dans la mesure elles ne découlent pas d’une disposition législative qui prévoit spécifiquement qu’un renseignement a un caractère public ou est accessible à toute personne qui en fait la demande, ne peuvent permettre de conclure que l’occupation est un renseignement à caractère public.

111494-S Page : 24 [108] D’autre part, même si une loi conférait un caractère public à l’occupation d’une personne qui comparaît à un acte notarié, il ne s’ensuit pas que l’occupation de toute personne revêt un caractère public en dehors de ce contexte.

[109] Par contre, la Commission constate que jusqu’au 15 février 1987, la profession des futurs époux était incluse dans l’avis qui devait être publié avant la célébration du mariage 58 . Ainsi, elle conclut que la loi applicable en 1986, date de l’autorisation donnée par le MSSS, accordait à la profession des futurs époux un caractère public en vertu de cette loi. Il va sans dire que cette conclusion n’a pas pour effet de conférer un caractère public à la profession de toute personne dans un contexte autre que les documents constitués aux fins d’un mariage durant cette période.

[110] La Commission souligne également que ce caractère public a cessé quelques mois plus tard, soit en février 1987. Compte tenu de cette intention claire du législateur, dans le contexte de l’adoption de la Charte des droits et libertés de la personne 59 , la Commission recommande aux parties impliquées dans le présent dossier de considérer la profession des époux comme étant un renseignement confidentiel et non public.

[111] Quant au nom de l’employeur que l’on retrouve sur certains formulaires de mariage, il n’a pas un caractère public et constitue un renseignement personnel confidentiel.

[112] C’est également le cas de l’adresse des témoins que l’on retrouve sur certaines versions des formulaires de mariage. Aucune disposition législative n’attribue un caractère public à cette information.

[113] La Commission souligne, toutefois, que l’ensemble de ces renseignements ne revêtira plus un caractère confidentiel cent ans après la date du document ou trente ans après la date du décès de la personne concernée. En effet, l’article 19 de la Loi sur les archives prévoit :

19. Les documents inactifs qui sont destinés à être conservés de manière permanente et auxquels s’appliquent des restrictions au

58 Art. 414 CcQ La profession des époux, incluse dans la version de 1980 de cet article, a été retirée en 1986 par l’article 351 de la Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la Charte des droits et libertés de la personne, L.Q., 1986, c. 95. Cette disposition est entrée en vigueur le 15 février 1987.Ainsi, contrairement à ce qu’affirme l’Institut Drouin dans ses observations écrites du 13 avril 2017, l’actuel article 369 du CcQ n’inclut plus la profession dans ce document. 59 RLRQ, c. C-12.

111494-S Page : 25 droit d’accès en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A‐2.1) sont communicables, malgré cette loi, au plus tard 100 ans après leur date ou 30 ans après la date du décès de la personne concernée. Sauf si la personne concernée y consent, aucun renseignement relatif à la santé d’une personne ne peut cependant être communiqué avant l’expiration d’un délai de 100 ans de la date du document.

Conclusions au sujet de la plainte [114] Ainsi, la Commission conclut que les renseignements contenus dans les index de décès et de mariage, visés par la présente plainte (1926 à 1996), avaient un caractère public selon les dispositions législatives applicables lors de l’autorisation donnée par le MSSS de les communiquer et de les diffuser, soit en 1986, 1993 et 1997. Cette situation juridique n’a changé qu’en novembre 2001 et le MSSS a alors cessé d’autoriser la communication et la diffusion de ces renseignements.

[115] Il en est de même de plusieurs renseignements contenus dans les formulaires de mariage :

Au sujet des conjoints : nom, sexe, date et lieu de naissance, âge, état civil avant le mariage, domicile, noms des parents ou de l’époux précédent;

Date et lieu du mariage de même que le lieu et la date de son enregistrement, s’il y a eu publication d’avis, de bans ou dispense;

Nom des témoins; Nom et qualité du célébrant, incluant, s’il y a lieu, la société religieuse à laquelle il appartient;

Signatures. [116] Dans ce contexte, la communication et la diffusion de ces renseignements ne sont pas contraires à la loi.

[117] Toutefois, les renseignements suivants, contenus dans les formulaires de mariage, n’ont jamais eu un caractère public et sont des renseignements personnels confidentiels qui ne pouvaient être communiqués sans le consentement des personnes concernées ou l’autorisation de la loi :

La religion des époux;

111494-S Page : 26 Leur langue maternelle; Leur nombre d’années de scolarité; L’indication qu’ils savent lire ou écrire; Leur employeur; Leur citoyenneté; Leur origine raciale; L’adresse des témoins du mariage.

[118] Le MSSS a donc contrevenu à la Loi sur l’accès en autorisant la communication et la diffusion de ces renseignements.

[119] Il s’ensuit que la loi n’autorisait pas les sociétés de généalogie ni BANQ à diffuser ces renseignements personnels, bien que ce soit en toute bonne foi et avec l’autorisation du MSSS qu’ils aient agi.

[120] Compte tenu que la communication de ces renseignements était contraire au droit, leur utilisation, leur diffusion et leur communication par les sociétés de généalogie ne peuvent bénéficier de l’exemption de l’article 1 de la Loi sur le privé puisqu’elles ne peuvent pas avoir été faites à une fin d’information légitime du public, selon l’interprétation exposée aux paragraphes [40] et suivants de la présente décision.

[121] À la lumière de ce qui précède, la Commission conclut que la plainte est partiellement fondée. Elle doit donc déterminer quelles mesures correctives sont appropriées dans les circonstances.

Mesures correctives [122] Généralement, lorsqu’une personnels est faite contrairement à ce que prévoit la loi, diverses mesures peuvent être envisagées selon les circonstances. Par exemple :

Faire cesser la communication des renseignements si elle est toujours en cours;

Ordonner la destruction des renseignements communiqués sans droit.

communication de renseignements

111494-S Page : 27 [123] Il peut aussi être pertinent d’aviser les personnes concernées par ces renseignements afin qu’elles puissent prendre des mesures pour minimiser les conséquences de cette communication non autorisée, surtout dans un contexte de diffusion publique comme en l’espèce. En effet, une bonne pratique en matière de protection des renseignements personnels consiste à informer les individus dont les renseignements personnels ont été communiqués contrairement à la loi, que ce soit par erreur ou à la suite d’un incident de sécurité 60 . [124] Dans le cadre du présent dossier, la Commission a évalué différentes mesures visant à corriger la situation, soit la communication non autorisée de certains renseignements contenus dans les formulaires de mariage. Certaines d’entre elles sont exposées dans les avis d’intention au dossier. L’une de ces mesures incluait d’ordonner à BANQ et aux sociétés de généalogie de cesser complètement la diffusion des renseignements personnels confidentiels identifiés à la section précédente de la présente décision.

[125] Tel que le soulignent les entreprises et les organismes impliqués, cette mesure serait très onéreuse pour BANQ et les sociétés de généalogie en plus d’avoir des effets très limités sur la protection des renseignements personnels.

[126] En effet, BANQ devrait caviarder plus de deux millions de formulaires de mariage qui se trouvent sur 1 115 bobines de microfilms. Les sociétés de généalogie devraient faire de même dans la banque de données qu’elles ont créée.

[127] En plus d’imposer ce fardeau à des organisations qui diffusent ces renseignements en toute bonne foi à la suite de l’autorisation donnée par le MSSS, il importe de considérer que ces renseignements sont diffusés depuis plus de quinze ans, incluant par des organisations situées à l’extérieur du Québec 61 . Celles-ci ne seraient pas visées par une telle ordonnance. Selon les sociétés de généalogie, il y aurait eu plus de neuf millions de téléchargements de documents provenant de la banque de données qu’elles ont créée.

[128] De plus, les sociétés de généalogie ont indiqué sommairement les coûts qu’elles ont encourus pour créer cette banque de données. La Société

60 COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION, Rétablir l’équilibre […], préc,, note 17, p. 106 et suiv. Plusieurs lois relatives à la protection des renseignements personnels obligent une organisation à informer la personne concernée à la suite d’un incident de sécurité. 61 Selon le rapport soumis par le MSSS, il y aurait au moins 17 entreprises qui diffusent les informations contenus dans les formulaires de mariage, dont huit sont situés à l’extérieur du Québec.

111494-S Page : 28 généalogique canadienne-française estime ceux-ci à plus de 75 000 $, sans compter les nombreuses heures de bénévolat consenties par ses membres (indexation des formulaires et des différents champs de la base de données, numérisation et vérification de la lisibilité des documents, création du système de saisie pour la recherche par les usagers et frais d’hébergement de la base de données). L’Institut généalogique Drouin estime ses propres coûts à plus de 500 000 $ (essentiellement la numérisation des formulaires) en plus des salaires liés à la correction d’erreurs (par exemple un lien entre l’index et le formulaire erroné).

[129] Ces éléments, tout comme la nature des renseignements en cause, leur diffusion depuis plusieurs années et le fait que certains acquerront un caractère public selon la Loi sur les archives doivent être considérés dans le choix d’une mesure corrective appropriée. Dans ce contexte, une ordonnance à BANQ et aux sociétés de généalogie visant à faire cesser toute diffusion des renseignements personnels contenus dans les formulaires de mariage n’apparaît pas la solution la plus appropriée.

[130] Toutefois, la Commission considère insuffisante la proposition du MSSS visant à ne retirer des banques de données que les renseignements personnels de la personne ayant porté plainte à la Commission ou de toute autre personne qui porterait plainte à l’avenir.

[131] D’abord, la communication et la diffusion de renseignements personnels non autorisées doivent à tout le moins être connues des personnes concernées pour leur permettre de minimiser les conséquences préjudiciables susceptibles d’en résulter. Les organismes et les entreprises doivent gérer ces incidents de manière transparente.

[132] La Commission considère qu’il revient au MSSS d’informer les personnes concernées de la communication non autorisée de leurs renseignements personnels puisqu’il en est responsable. Les citoyens concernés doivent connaître la nature de l’incident, la description des renseignements personnels confidentiels qui ont été divulgués et être informés que ceux-ci sont présentement diffusés par plusieurs organisations. Ils doivent également savoir quelles mesures ils peuvent prendre pour faire cesser cette diffusion, si tel est leur volonté, et éviter d’éventuels préjudices qui pourraient en résulter.

[133] C’est pourquoi la Commission considère que le MSSS doit aviser les personnes concernées par les renseignements personnels contenus dans les formulaires de mariage communiqués à BANQ et aux sociétés de généalogie.

111494-S [134] Compte tenu que plusieurs millions de personnes sont visées et que leurs coordonnées à jour ne sont pas connues du MSSS être diffusé afin de rejoindre le plus de personnes concernées possible.

[135] Pour leur part, les sociétés de généalogie proposent d’inclure dans leur banque de données respective contenant des renseignements personnels provenant des formulaires de mariage, un avis expliquant que certains renseignements sont confidentiels et que leur utilisation et leur diffusion sont interdites sans le consentement des personnes concernées ou l’autorisation de la loi (notamment les délais prévus par la Loi sur les archives 63 ). Cette mention devrait inclure notamment la liste des renseignements visés, le contexte ayant mené à cet avis et un lien vers la décision qui sera rendue par la Commission dans le présent dossier ou un résumé de celle-ci.

[136] Les sociétés de généalogie ont également informé la Commission qu’elles sont disposées à retirer, sur demande de toute personne concernée, les renseignements personnels confidentiels contenus aux formulaires de mariage qui se retrouvent dans leurs banques de données.

[137] La Commission accueille favorablement cette proposition. Cette mesure offerte aux personnes concernées devra être mentionnée dans l’avis public du MSSS.

[138] La Commission a avisé BANQ que ces mesures pourraient également lui être imposées par ordonnance 64 . BANQ a informé la Commission qu’après analyse des impacts d’une telle ordonnance, il pourrait assumer ces obligations 65 . Ces mesures seront donc également imposées à BANQ. [139] La Commission considère que, dans les circonstances particulières du présent dossier, les mesures proposées par les sociétés de généalogie et qui seront également imposées à BANQ, conjuguées à l’avis public du MSSS, constituent des mesures correctives appropriées, et ce, pour les motifs suivants.

[140] Comme le soulignent les sociétés de généalogie, les mesures qu’elles proposent semblent les plus équitables parmi celles envisagées en ce qu’elles permettent un certain redressement de la situation pour les personnes concernées, mais n’imposent pas aux sociétés un fardeau déraisonnable. Au

62 Les formulaires concernent des mariages célébrés entre 1926 à 1996. 63 Par exemple, l’article 19 de cette loi prévoit que des renseignements sont accessibles au plus tard 100 ans après la date du document ou 30 ans après le décès de la personne concernée. 64 Avis d’intention transmis par la Commission le 17 juillet 2017. 65 Lettre du 17 septembre 2017 de BANQ au dossier de la Commission.

Page : 29 62 , un avis public devra

111494-S Page : 30 surplus, certaines mesures envisagées n’auraient qu’un effet mitigé à l’égard de la protection des renseignements personnels compte tenu de la durée et de l’étendue de la diffusion des renseignements.

[141] En effet, les mesures qui seront imposées en l’espèce offrent aux personnes concernées un moyen de minimiser l’impact de la communication et de la diffusion des renseignements personnels dont la communication n’était pas autorisée par la loi, sans imposer un fardeau administratif démesuré et inéquitable à BANQ et aux sociétés de généalogie qui, rappelons-le, diffusent en toute bonne foi ces renseignements depuis de nombreuses années. La Commission prend également en considération le fait que ces renseignements personnels sont diffusés par d’autres organisations dont plusieurs sont situées à l’extérieur du Québec et que les renseignements datent de plusieurs années.

[142] Il importe de rappeler que les renseignements personnels qui n’ont pas un caractère public varient selon les années en cause puisque le formulaire a changé au fil des ans. Les formulaires plus récents ne contiennent pas d’informations ayant un caractère plus sensible comme la religion ou l’origine raciale. Ces derniers renseignements se retrouvent dans les formulaires plus anciens, soit de 1926 jusqu’au début des années 70. En fait, les formulaires les plus détaillés visent les mariages célébrés entre 1945 et 1970.

[143] Dans les formulaires de mariage plus récents, on ne retrouve que la langue maternelle et le nombre d’années de scolarité. Bien qu’il s’agisse de renseignements personnels confidentiels, ces formulaires datent de 1996, soit il y a plus de 20 ans.

[144] À cet effet, la Commission prend également en considération le fait que la Loi sur les archives prévoit que les renseignements personnels deviennent accessibles à tous, trente ans après le décès de la personne concernée ou, au plus tard, 100 ans de la date du document.

[145] D’autre part, cette mesure permet aux sociétés de généalogie, qui ont investi beaucoup de temps et d’argent pour constituer ces banques et les outils de recherche pratiques au profit de leurs membres, de poursuivre la diffusion des renseignements qui ont un caractère public de même que les renseignements personnels confidentiels des personnes qui ne demanderont pas le retrait de ceux-ci.

[146] Enfin, le fait d’informer toute personne qui consulte les banques de données contenant les renseignements personnels en cause, notamment à des fins de généalogie, de la présence de certains renseignements confidentiels

111494-S Page : 31 dont l’utilisation et la communication ne sont pas autorisées par la loi, permettra d’aviser celles-ci de leur responsabilité concernant l’utilisation et la communication des renseignements personnels confidentiels qui s’y trouvent.

[147] À ce sujet, les sociétés de généalogie ont fait valoir que le conseil d’administration de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie a adopté un code d’éthique qui prévoit des éléments relatifs à la protection des renseignements personnels.

[148] La Société généalogique canadienne-française a soumis à la Commission une copie de ce code d’éthique. L’article 4.1 prévoit que le généalogiste respecte la nature confidentielle de certaines informations recueillies sur la vie privée des citoyens et fait preuve de discernement dans la communication, la publication et la diffusion de telles informations en obtenant, le cas échéant, le consentement des personnes concernées 66 . [149] Ainsi, la Commission considère qu’un avis publié par le MSSS et les mesures proposées par les sociétés de généalogie et qui seront imposées à BANQ constituent des mesures correctives appropriées dans les circonstances du présent dossier, notamment quant à leur efficacité pour aviser les personnes concernées de la communication et de la diffusion non autorisées de renseignements les concernant, pour corriger ou minimiser les atteintes à la protection de leurs renseignements personnels et protéger leurs droits, considérant entre autres le nombre et la nature des renseignements impliqués, de même que la durée et l’étendue de leur diffusion. Puisque ces mesures sont proposées par les sociétés de généalogie et acceptées par BANQ, leur mise en œuvre en sera facilitée.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [150] DÉCLARE la plainte partiellement fondée; [151] ORDONNE au MSSS, dans un délai maximal de 90 jours suivant la réception de la présente décision, d’aviser les personnes concernées, par avis public diffusé sur son site Internet et dans un journal de circulation générale au Québec ainsi que par tout autre moyen qu’il jugera opportun, des éléments suivants :

66 http://federationgenealogie.qc.ca/federation/nouvelles/item/271-code-d-ethique-du-genealogiste.

111494-S Page : 32 Que des renseignements personnels concernant toute personne s’étant mariée au Québec dans les années 1926 à 1996 sont présentement diffusés, communiqués et rendus accessibles sans autorisation de la loi par BANQ et les sociétés de généalogie, à la suite d’une autorisation du MSSS. Ces renseignements sont : la religion des époux, leur langue maternelle, leur nombre d’années de scolarité et l’indication qu’ils savent lire ou écrire, leur employeur, leur citoyenneté, leur origine raciale et l’adresse des témoins du mariage;

Que cet avis est ordonné à la suite d’une décision de la Commission (inclure le résumé en annexe de la présente décision ou un lien vers ce résumé et la décision qui seront diffusés sur le site Internet de la Commission);

Que toute personne concernée par ces renseignements personnels peut les faire retirer des fichiers diffusés par les sociétés de généalogie et par BANQ, dans un délai d’un an à partir de la date de parution de l’avis public, en s’adressant à ces derniers (inclure leurs coordonnées).

[152] ORDONNE à BANQ, à la Société généalogique canadienne-française, à la Société de généalogie de Québec et à l’Institut généalogique Drouin :

d’inclure, dans un délai maximal de 90 jours de la réception de la présente décision, dans leurs banques de données contenant des renseignements personnels provenant des formulaires de mariage (1926 à 1996), un avis informant les utilisateurs que certains renseignements sont confidentiels et que leur utilisation et leur diffusion sont interdites sans le consentement des personnes concernées ou l’autorisation de la loi. Cette mention doit inclure la liste des renseignements visés (la religion des époux, leur langue maternelle, leur nombre d’années de scolarité et l’indication qu’ils savent lire ou écrire, leur employeur, leur citoyenneté, leur origine raciale et l’adresse des témoins du mariage), le contexte ayant mené à cet avis et un lien vers la présente décision ou le résumé de celle-ci qui se trouve en annexe de la présente décision;

de retirer, sur demande de la personne concernée faite dans un délai d’un an à compter de la date de parution de l’avis public du

111494-S Page : 33 MSSS, les renseignements personnels énumérés au paragraphe précédent, contenus aux formulaires de mariage et dans les banques de données constituées à partir des formulaires de mariage qu’ils détiennent, sous réserve que ces renseignements aient acquis un caractère accessible en vertu de la Loi sur les archives (art. 19).

[153] RECOMMANDE à BANQ et aux sociétés de généalogie : d’inclure la profession des époux dans les renseignements personnels qui peuvent faire l’objet d’une demande de retrait par la personne concernée;

de retirer, sur demande de la personne concernée faite après le délai d’un an à compter de la date de parution de l’avis public du MSSS, les renseignements personnels énumérés au paragraphe [152] de la présente décision, contenus aux formulaires de mariage et dans les banques de données constituées à partir des formulaires de mariage qu’ils détiennent, sous réserve que ces renseignements aient acquis un caractère accessible en vertu de la Loi sur les archives (art. 19).

[154] ORDONNE au MSSS, à BANQ, à la Société généalogique canadienne-française, à la Société de généalogie de Québec et à l’Institut généalogique Drouin d’informer la Commission, dans un délai maximal de 120 jours suivant la réception de la présente décision, de la mise en œuvre des présentes recommandations et ordonnances.

DIANE POITRAS Juge administrative

ANNEXE À LA DÉCISION DE LA COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION DANS LE DOSSIER : 111494-S

Résumé de la décision La Commission d’accès à l’information a rendu une décision à la suite d’une enquête concernant une plainte relative à la communication et la diffusion des renseignements contenus dans les index des décès et des mariages et dans les formulaires de mariage relatifs aux années 1926 à 1996.

Cette décision concerne les renseignements de toute personne décédée ou qui s’est mariée au Québec entre 1926 et 1996.

L’enquête révèle que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a autorisé en août 1986 la transmission et la diffusion publique de trois types de documents concernant ces années :

Les index des décès qui contiennent essentiellement le nom, le sexe, la date de naissance et l’état civil de la personne décédée, la date et le lieu du décès, le nom du conjoint ou du père et des numéros de formulaire;

Les index des mariages qui contiennent essentiellement le nom et la date de naissance des époux, la date et le lieu de mariage, l’état civil des époux avant le mariage et des numéros de formulaire;

Les formulaires de mariage qui diffèrent selon les années, de même que les renseignements qu’ils contiennent. On peut y retrouver des renseignements plus détaillés que dans l’index des mariages, notamment : identification des conjoints (nom, date et lieu de naissance, âge, état civil, religion, domicile avant le mariage, langue maternelle, nombre d’années de scolarité, occupation, citoyenneté et origine raciale, lieu de naissance du père, indication que l’époux sait lire et écrire), domicile après le mariage, date et lieu de mariage, nom du célébrant et sa qualité, lieu de l’enregistrement du mariage et date, nom, lieu de naissance et adresse des témoins, signatures.

L’enquête démontre également qu’entre 1987 et 1996, le MSSS a transféré ces documents au Centre d’archives de Québec de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ) sans indiquer de restriction applicable à leur

Dossier : 111494-S ANNEXE Page : 2 accessibilité. En effet, il appartient à l’organisme qui procède au transfert de documents à BANQ de lui indiquer les restrictions d’accès applicables, le cas échéant. En l’absence de telles indications, BANQ a rendu accessibles ces documents à tous depuis plusieurs années.

En 1993, le MSSS réitère sa position quant à l’accessibilité des index de mariage et de décès dans une lettre adressée au Bureau de la statistique du Québec (BSQ)67 autorisant la reproduction de certains de ces index.

Le 19 décembre 1997, BSQ communique à la Société de généalogie de Québec, avec la permission du MSSS, les index de mariage et de décès des années 1926 à 1996.

Le MSSS a cessé d’autoriser toute diffusion des index et des formulaires de mariage en 2002, considérant que les modifications apportées au Code civil du Québec 68 ne confèrent plus un caractère public à certains des renseignements qu’ils contiennent.

Il s’ensuit que les index de mariage et de décès ainsi que les formulaires de mariage sont diffusés par BANQ et trois sociétés de généalogie : la Société généalogique canadienne-française, la Société de généalogie de Québec et l’Institut généalogique Drouin (ci-après appelées « les sociétés de généalogie ») depuis plusieurs années, avec l’autorisation du MSSS. Ils sont accessibles pour consultation sur place ou obtention de copies. D’autres organismes diffuseraient aussi ces données.

Les sociétés de généalogie diffusent ces documents et les informations qu’ils contiennent essentiellement à leurs membres, par le biais d’une banque de données qu’elles ont constituée. Cette base de données indexe plusieurs des renseignements qu’elle contient, ce qui permet de faire une recherche par nom ou par d’autres renseignements.

Décision : À la suite de cette enquête et ayant considéré les observations des parties impliquées, la Commission conclut que les renseignements contenus dans les index de décès et de mariage pour les années 1926 à 1996 avaient un

67 Aujourd’hui devenu l’Institut de la statistique du Québec. Selon l’article 3 du Décret no 260-85, le BSQ recueille, compile et conserve pour le ministre des Affaires sociales, les données sur les naissances, les mariages, les divorces, les nullités de mariages et les décès. 68 RLRQ, c. CCQ-1991, le CcQ.

Dossier : 111494-S ANNEXE Page : 3 caractère public selon les dispositions législatives applicables lors de l’autorisation donnée par le MSSS de les communiquer et de les diffuser, soit en 1986, 1993 et 1997. Cette situation juridique n’a changé qu’en novembre 2001 et le MSSS a cessé d’autoriser la communication et la diffusion de ces renseignements.

Il en est de même de plusieurs renseignements contenus dans les formulaires de mariage :

Au sujet des conjoints : nom, sexe, date et lieu de naissance, âge, état civil avant le mariage, domicile, noms des parents ou de l’époux précédent;

Date et lieu du mariage de même que le lieu et la date de son enregistrement, s’il y a eu publication d’avis, de bans ou dispense;

Nom des témoins; Nom et qualité du célébrant, incluant, s’il y a lieu, la société religieuse à laquelle il appartient;

Signatures. Dans ce contexte, la communication et la diffusion de ces renseignements ne sont pas contraires à la loi.

Toutefois, les renseignements suivants, contenus dans les formulaires de mariage, n’ont jamais eu un caractère public et sont des renseignements personnels confidentiels qui ne pouvaient être communiqués sans le consentement des personnes concernées ou l’autorisation de la loi :

La religion des époux; Leur langue maternelle; Leur nombre d’années de scolarité; L’indication qu’ils savent lire ou écrire; Leur employeur; Leur citoyenneté; Leur origine raciale; L’adresse des témoins du mariage.

Dossier : 111494-S ANNEXE Page : 4 Le MSSS a donc contrevenu à la Loi sur l’accès en autorisant la communication et la diffusion de ces renseignements.

Il s’ensuit que la loi n’autorisait pas les sociétés de généalogie ni BANQ à diffuser ces renseignements personnels, bien que ce soit en toute bonne foi et avec l’autorisation du MSSS qu’ils aient agi.

Compte tenu que la communication de ces renseignements était contraire au droit, leur utilisation, leur diffusion et leur communication par les sociétés de généalogie ne peuvent bénéficier de l’exemption de l’article 1 de la Loi sur le privé puisqu’elles n’ont pas été faites à une fin d’information légitime du public.

À la lumière de ce qui précède, la Commission conclut que la plainte est partiellement fondée.

C’est pourquoi elle ordonne et recommande les mesures correctives suivantes : ORDONNE au MSSS, dans un délai maximal de 90 jours suivant la réception de la présente décision, d’aviser les personnes concernées, par avis public diffusé sur son site Internet et dans un journal de circulation générale au Québec, ainsi que par tout autre moyen qu’il jugera opportun, des éléments suivants :

Que des renseignements personnels concernant toute personne s’étant mariée au Québec dans les années 1926 à 1996 sont présentement diffusés, communiqués et rendus accessibles sans autorisation de la loi par BANQ et les sociétés de généalogie, à la suite d’une autorisation du MSSS. Ces renseignements sont : la religion des époux, leur langue maternelle, leur nombre d’années de scolarité et l’indication qu’ils savent lire ou écrire, leur employeur, leur citoyenneté, leur origine raciale et l’adresse des témoins du mariage;

Que cet avis est ordonné à la suite d’une décision de la Commission (inclure le résumé en annexe de la présente décision ou un lien vers ce résumé et la décision qui seront diffusés sur le site Internet de la Commission);

Que toute personne concernée par ces renseignements personnels peut les faire retirer des fichiers diffusés par les sociétés de généalogie et par BANQ, dans un délai d’un an à partir de la date de parution de l’avis public, en s’adressant à ces derniers (inclure leurs coordonnées);

Dossier : 111494-S ANNEXE Page : 5 ORDONNE à BANQ, à la Société généalogique canadienne-française, à la Société de généalogie de Québec et à l’Institut généalogique Drouin :

d’inclure, dans un délai maximal de 90 jours de la réception de la présente décision, dans leurs banques de données contenant des renseignements personnels provenant des formulaires de mariage (1926 à 1996), un avis informant les utilisateurs que certains renseignements sont confidentiels et que leur utilisation et leur diffusion sont interdites sans le consentement des personnes concernées ou l’autorisation de la loi. Cette mention doit inclure la liste des renseignements visés (la religion des époux, leur langue maternelle, leur nombre d’années de scolarité et l’indication qu’ils savent lire ou écrire, leur employeur, leur citoyenneté, leur origine raciale et l’adresse des témoins du mariage), le contexte ayant mené à cet avis et un lien vers la présente décision ou le résumé de celle-ci qui se trouve en annexe;

de retirer, sur demande de la personne concernée faite dans un délai d’un an à compter de la date de parution de l’avis public du MSSS, les renseignements personnels énumérés au paragraphe précédent, contenus aux formulaires de mariage et dans les banques de données constituées à partir des formulaires de mariage qu’ils détiennent, sous réserve que ces renseignements aient acquis un caractère accessible en vertu de la Loi sur les archives (art. 19) 69 ; RECOMMANDE à BANQ et aux sociétés de généalogie : d’inclure la profession des époux dans les renseignements personnels qui peuvent faire l’objet d’une demande de retrait par la personne concernée;

de retirer, sur demande de la personne concernée faite après le délai d’un an à compter de la date de parution de l’avis public du MSSS, les renseignements personnels énumérés au paragraphe

69 RLRQ, c. A-21.1. Cet article prévoit que des renseignements personnels sont communicables au plus tard 100 ans après leur date ou 30 ans après la date du décès de la personne concernée.

Dossier : 111494-S ANNEXE Page : 6 [152] de la présente décision, contenus aux formulaires de mariage et dans les banques de données constituées à partir des formulaires de mariage qu’ils détiennent, sous réserve que ces renseignements aient acquis un caractère accessible en vertu de la Loi sur les archives (art. 19);

ORDONNE au MSSS, à BANQ, à la Société généalogique canadienne-française, à la Société de généalogie de Québec et à l’Institut généalogique Drouin d’informer la Commission, dans un délai maximal de 120 jours suivant la réception de la présente décision, de la mise en œuvre des présentes recommandations et ordonnances.

Le texte complet de la décision est disponible sur le site Internet de la Commission d’accès à l’information : http://www.cai.gouv.qc.ca/decisions-et-avis/section-surveillance/decisions-en-surveillance/

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