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RECOMMANDÉ Montréal, le 9 mai 2017 Maître CHOLETTE HOULE 200, rue des Commandeurs Lévis (Québec) G6V 6R2 Objet : Plainte à lendroit de Desjardins Sécurité financière N/Réf. : 1009463-S _______________________________________________________________ La présente donne suite à une plainte adressée à la Commission daccès à linformation (la Commission), le 4 juillet 2014, à lencontre de Desjardins Sécurité financière (lentreprise). OBJET DE LA PLAINTE La plainte porte sur la communication de renseignements personnels à un tiers, et ce, sans le consentement de la personne concernée. Plus particulièrement, le plaignant soutient que lentreprise a communiqué à lambassade du Canada au Cameroun (le tiers) des renseignements personnels de nature médicale le concernant à la suite dune demande de remboursement pour frais médicaux quil a soumise après un séjour dans ce pays. Il soutient que cette communication sest faite sans son consentement. ENQUÊTE À la suite de cette plainte, la Direction de la surveillance de la Commission procède à une enquête, conformément à larticle 81 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . Le 13 août 2015, la Direction de la surveillance de la Commission écrit à lentreprise pour obtenir sa version des faits ainsi que des précisions quant à la communication au tiers de documents contenant des renseignements personnels concernant le plaignant. 1 RLRQ, c. P-39.1, ci-après « Loi sur le privé ».
N/Réf. : 1009463-S 2 Le 14 septembre 2015, M e (lavocate), répond pour lentreprise. Tout dabord, elle précise que le plaignant était, au moment des faits, un employé dune division de lentreprise et, quà ce titre, il avait adhéré au contrat dassurance collective comportant notamment une protection dassurance voyage. Elle soutient que lors de lanalyse des réclamations faites par le plaignant « de nombreuses discordances ont été identifiées, justifiant la poursuite dune enquête » par lentreprise. Elle mentionne que ni lOfficier du règlement des différends ni lOmbudsman de lentreprise nont relevé de manquement quant au traitement de la demande de remboursement par lentreprise, et ce, à la suite des plaintes déposées par le plaignant auprès de ces instances. Elle précise également quune demande dexamen de mésentente a été rejetée par la Commission à la suite du refus de lentreprise de donner accès aux renseignements demandés, car la divulgation de ceux-ci « risquerait vraisemblablement davoir un effet sur une procédure judiciaire » 2 . Elle indique également quune procédure est pendante devant la Cour du Québec, Division des petites créances 3 . Ensuite, à la question de savoir dans quel but des renseignements personnels concernant le plaignant ont été communiqués au tiers et si cela constitue une pratique courante de lentreprise, lavocate soutient que comme « les informations reçues [du plaignant] nétaient pas suffisantes pour continuer létude de son dossier, des informations médicales additionnelles auprès des établissements et une demande denquête [auprès du tiers] étaient nécessaires afin de déterminer la recevabilité des frais réclamés ». Elle soutient, par ailleurs, que cette demande adressée au tiers a été « ponctuelle et non récurrente ». Elle précise alors dans quel contexte les renseignements personnels contenus dans le dossier du plaignant ont été transmis au tiers. « À cette époque, et faisant suite à certaines contestations émanant de divers assureurs de personnes et organismes gouvernementaux, [lentreprise] avait constater certains problèmes reliés à des réclamations émanant du Cameroun, tels que fausses réclamations découlant de labsence de soins 2 E. T. c. Desjardins Sécurité financière, 2015 QCCAI 219. 3 Depuis la réponse de lavocate de lentreprise, la Cour du Québec, Division des petites créances, a rendu sa décision : c. Desjardins Sécurité financière, 2016 QCCQ 15211.
N/Réf. : 1009463-S 3 ou traitements, frais excessifs chargés par les établissements, etc. Afin déviter de donner suite à des réclamations pouvant être jugées frauduleuses, [lentreprise] avait mis en place des mesures visant à effectuer des vérifications quant à la véracité et lauthenticité des réclamations produites. Les demandes de réclamations étaient acheminées à une agente spécialisée [qui] devait donc sassurer de vérifier si les établissements visés existaient, si les médecins étaient dûment inscrits, si les traitements indiqués semblaient correspondre aux traitements requis en semblables circonstances, afin détablir la véracité des faits. […] Étant dans limpossibilité deffectuer elle-même une enquête concernant lauthenticité des documents transmis par le plaignant, [lagente spécialisée transmet au tiers] une demande denquête concernant des factures reçues […] et demande que [le tiers] vérifie : lauthenticité des documents; lauthenticité des médecins et des établissements; finalement, si les frais chargés étaient excessifs. [Le tiers] a, par ailleurs, confirmé la nature fausse de certaines factures produites. » À la question de savoir quelle disposition législative, réglementaire ou contractuelle autorisait une telle communication, elle soutient que cela sest fait dans le cadre de la Loi sur le privé, plus particulièrement en vertu de larticle 20 de cette loi. Elle précise, alors, que : « les renseignements fournis [au tiers] étaient nécessaires au mandat confié par [lentreprise] qui était de valider lauthenticité des documents, des médecins et des établissements et dindiquer si les frais chargés étaient excessifs. Ainsi, [le tiers] était en droit daccéder, sans le consentement [du plaignant], aux renseignements personnels qui étaient nécessaires à lexécution du mandat que lassureur lui avait confié. » Elle soutient également, contrairement à ce quaffirme le plaignant, que « [i]l est dailleurs pertinent de mentionner que lenquête réalisée par [le tiers], et la réponse fournie à [lentreprise], a été transmise plusieurs mois après la réception par lassureur du consentement du [plaignant] à la transmission dinformations à un tiers pour les fins danalyse de sa demande de prestations.
N/Réf. : 1009463-S 4 Finalement, il est important de préciser quhabituellement, [lentreprise] a en mains, au moment de traiter la demande de prestations ou de remboursement, lautorisation dûment signée par ladhérent consentant à la transmission des informations personnelles ». AVIS DINTENTION AU TERME DE LENQUÊTE Le 2 février 2017, la Commission transmet à lentreprise un avis dintention linformant quà la lumière des éléments dont elle dispose, elle pourrait lui : ordonner de cesser de communiquer les renseignements personnels concernant les bénéficiaires du contrat dassurance collective à des tiers lorsque ces renseignements ne sont pas nécessaires à lexécution dun mandat ou dun contrat ou lorsquils ne reposent pas sur un consentement valide; recommander de prendre les mesures nécessaires pour rappeler régulièrement à lensemble de son personnel des précautions à prendre en matière de protection des renseignements personnels. De plus, la Commission précise à lentreprise quelle sinterroge sur les éléments suivants : Larticle 2 « Communication des renseignements personnels » du tableau D.1.3.1 contenu à la section D1 Dispositions particulières du volet Santé Régime des employés du contrat dassurance collective Concernant cet article mis de lavant par lavocate de lentreprise dans une réponse complémentaire transmise à la Direction de la surveillance de la Commission le 7 octobre 2015 quant au fait que le plaignant aurait consenti à la communication de ses renseignements personnels, la Commission demande à lentreprise de préciser lapplication de cet article en lespèce. Le courriel envoyé au tiers Concernant le courriel envoyé au tiers, la Commission mentionne quà la lumière des réponses et des documents dont elle a pris connaissance, elle comprend que la séquence des évènements est la suivante : - le plaignant était, au moment des faits, bénéficiaire de lassurance collective de lentreprise;
N/Réf. : 1009463-S 5 - le plaignant a transmis à lentreprise, entre mai et juillet 2012, des documents médicaux signés par différents médecins quil a consultés pendant son séjour à létranger. Ces documents ont été transmis par le plaignant dans le cadre dune demande de remboursement pour frais médicaux (assurance-voyage) faite en vertu du contrat dassurance collective dont il bénéficiait; - lentreprise a demandé par courriel au tiers, le 29 août 2012, de vérifier lauthenticité de ces documents, et ce, « compte tenu des discordances au dossier » comme soutenu par lavocate de lentreprise dans sa réponse du 14 septembre 2015; - lentreprise a communiqué au tiers, le 29 août 2012, les documents médicaux transmis par le plaignant; - la division « prestation voyage » de lentreprise a reçu, le 18 septembre 2012, le formulaire intitulé « Autorisation à la collecte et à la communication de renseignements personnels » signé par le plaignant le 11 septembre 2012. Elle comprend également quoutre le consentement allégué en vertu du contrat dassurance collective, lentreprise justifie la communication faite au tiers au regard de larticle 20 de la Loi sur le privé qui prévoit certaines règles applicables à laccessibilité des renseignements personnels dans le cadre de lexploitation dune entreprise. Toutefois, la Commission sinterroge sur la nature de la demande faite au tiers. A-t-elle été faite dans le cadre dun mandat ou dun contrat de service ou dentreprise ? Le cas échéant, il revient à lentreprise de démontrer que le courriel envoyé le 29 août 2012 répond aux critères du mandat ou dun tel contrat. Par ailleurs, que la communication sappuie sur le consentement ou sur larticle 20 de la Loi sur le privé, la Commission indique, dans son avis dintention, quelle sinterroge sur la nécessité de communiquer au tiers lintégralité des documents contenant les renseignements personnels du plaignant pour en vérifier lauthenticité. OBSERVATIONS DE LENTREPRISE Le 3 mars 2017, lavocate répond pour lentreprise. Elle soutient « quen tout temps pertinent et à la demande de lassureur, le plaignant a donné son consentement à la cueillette et à la divulgation de renseignements personnels ».
N/Réf. : 1009463-S 6 En ce qui concerne lapplication de larticle 2 « Communication des renseignements personnels » du tableau D.1.3.1. du contrat dassurance collective, lavocate précise que cette section doit se lire avec le tableau D.3.2.1 dudit contrat, plus particulièrement avec la section G3 qui prévoit que « lassurance des soins complémentaires de santé est assujettie à la section D.1. Disposition particulière du volet Santé Régime des employés du contrat dassurance collective ». Ces articles se lisent comme suit : Parte D Volet Santé Régime des employés Section D1 Dispositions particulières du volet Santé Régime des employés […] D. 1.3 Coordination des prestations et partage des remboursements (Dispositions particulières du volet Santé Régime des employés) Tableau D. 1.3.1 Coordination des prestations et partage des remboursements […] 2. Communication des renseignements nécessaires Lassureur peut, sous réserve du consentement de la personne assurée si la loi le prescrit, obtenir de toute personne ou communiquer à ladite personne tout renseignement qui pourrait être nécessaire à lapplication des dispositions de coordination des prestations et de partage des remboursements ou qui pourrait faciliter le paiement des prestations du volet SANTÉ. […] Section D3 Assurance des soins complémentaires de santé Régime des employés […] D. 3.2. Conditions générales dadmissibilité des frais (Assurance des soins complémentaires de santé Régime des employés) Tableau D. 3.2.1 Conditions générales dadmissibilité des frais (Assurance des soins complémentaires de santé Régime des employés) […]
N/Réf. : 1009463-S 7 G3. Lassurance de soins complémentaires de santé est assujettie à la section D1. DISPOSITIONS PARTICULIÈRES DU VOLET SANTÉ RÉGIME DES EMPLOYÉS […] 4 Par conséquent, elle allègue que « larticle 2 [du Tableau D. 1.3.1.] vise expressément la communication de renseignements qui pourrait faciliter le paiement des prestations du volet Santé, […] ». En ce qui concerne le courriel envoyé au tiers, lavocate soutient que « ce courriel a été transmis dans un contexte de détection de la fraude et vérification de lexactitude des données transmises. À cette époque, les divers intervenants en assurance voyage avaient été mis en garde par la Régie de lassurance maladie du Québec et lAssociation canadienne des compagnies dassurances de personne dune augmentation de réclamation frauduleuse émanant du Cameroun. Cest dans ce contexte que les assureurs demandaient limplication et lintervention de lAmbassade canadienne afin de détecter et réprimer la fraude ». Elle soutient également qu « au moment [le tiers] transmet la réponse, soit le 29 janvier 2013, il appert clairement que lentreprise détenait le consentement du plaignant quant à la transmission et la réception desdits renseignements par [le tiers] ». De plus, lavocate allègue « que le présent dossier met en cause une situation survenue en 2012 et quelle constitue un cas isolé » et que « depuis ce temps, et afin déviter toute situation potentiellement litigieuse, et puisque la protection des renseignements personnels est au cœur même des activités [de lentreprise], le gestionnaire responsable de lÉquipe de prestations dassurance voyage requiert et rappelle fréquemment aux chargés de dossiers dobtenir, en tout temps, le consentement de lassuré ou de ladhérent avant deffectuer toute démarche de cueillette ou la vérification dinformations auprès de mandataires, tiers ou autres organismes ». Elle joint à sa réponse des documents expliquant la politique de lentreprise et les informations accessibles à tous les employés en ce qui a trait à la protection 4 Nos soulignements.
N/Réf. : 1009463-S 8 des renseignements personnels et aux mesures à prendre lors de la communication dinformations par courriel. ANALYSE La Loi sur le privé établit certaines règles relatives à la protection des renseignements personnels quune entreprise doit respecter. Ces règles visent à établir un équilibre entre le droit dun individu au respect de sa vie privée et les besoins dune entreprise en matière de collecte, dutilisation et de communication de renseignements personnels dans le cadre de lexercice de ses activités 5 . La Loi sur le privé prévoit quune personne qui exploite une entreprise ne doit recueillir que les renseignements personnels nécessaires à lobjet du dossier quelle constitue sur autrui et quelle doit le faire par des moyens licites 6 . En principe, ces renseignements doivent être recueillis auprès de la personne concernée, mais la Loi sur le privé prévoit quune entreprise peut les recueillir auprès de tiers avec le consentement de la personne concernée ou encore sans son consentement si la loi lautorise ou quelle a un intérêt sérieux et légitime pour le faire 7 . La Loi sur le privé prévoit aussi que nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier quil détient sur autrui, à moins que la personne concernée ny consente ou que la loi lautorise 8 . La Loi sur le privé prévoit également des règles applicables au consentement 9 et à laccessibilité des renseignements personnels dans le cadre de lexploitation dune entreprise 10 . Après avoir pris connaissance des réponses fournies par lavocate de lentreprise au cours de lenquête et des observations formulées à la suite de son avis dintention, la Commission constate que le plaignant, au moment des faits, était à lemploi de lentreprise et quà ce titre il avait adhéré au contrat dassurance collective souscrit par celle-ci. Elle constate également que le plaignant a soumis à lentreprise, début août 2012, une demande de remboursement pour frais médicaux encourus, de mai à juillet 2012, lors dun voyage à létranger. 5 Loi sur le privé, art. 1, Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 1525. 6 Loi sur le privé, art. 5. 7 Loi sur le privé, art. 6. 8 Loi sur le privé, art. 13. 9 Loi sur le privé, art. 14. 10 Loi sur le privé, art. 20.
N/Réf. : 1009463-S 9 La Commission constate aussi que lagente spécialisée, en charge danalyser la demande de remboursement du plaignant pour lentreprise, a demandé au tiers, le 29 août 2012, de procéder à certaines vérifications. Pour ce faire, lagente spécialisée a communiqué au tiers un certain nombre de documents contenant des renseignements personnels concernant le plaignant. Elle constate enfin que, même si le courriel a été envoyé en août 2012 au tiers, ce dernier na procédé aux démarches demandées quà partir de la réception par lentreprise, soit en septembre 2012, du formulaire « Autorisation à la collecte et à la communication de renseignements personnels » signé par le plaignant, comme mentionné par lavocate de lentreprise dans sa réponse du 14 septembre 2015. Ce formulaire prévoit notamment que le plaignant autorise lentreprise : « a) À ne recueillir auprès de toute personne physique ou morale ou de tout organisme public ou parapublic que les seuls renseignements personnels détenus à mon sujet qui sont nécessaires au traitement de mon dossier. Sans que cette liste soit exhaustive, cette collecte pourra se réaliser auprès de […]; b) À ne communiquer auxdites personnes ou organismes que les seuls renseignements personnels quelle détient à mon sujet et qui sont nécessaires à lobjet du dossier; c) […]. » Partant, même si le plaignant avait adhéré au contrat dassurance collective de lentreprise et que, par conséquent, lentreprise pouvait se fonder sur ce contrat pour analyser la demande de remboursement, la Commission est davis que lentreprise ne pouvait communiquer au tiers des documents contenant des renseignements personnels concernant le plaignant avant de recevoir le formulaire « Autorisation à la collecte et à la communication de renseignements personnels » signé par le plaignant. En effet, en vertu de larticle 2 du Tableau D. 1.3.1 reproduit dans la rubrique « Observations de lentreprise » de la présente décision, la collecte et la communication de renseignements personnels par lentreprise ne peuvent se faire que « sous réserve du consentement de la personne assurée si la loi le prescrit », ce qui est le cas de plusieurs dispositions de la Loi sur le privé. Toutefois, la Commission constate que lentreprise a, depuis les faits à lorigine de la plainte, modifié sa Politique sur la protection des renseignements personnels et rappelle régulièrement à ses employés les précautions à prendre en matière de protection des renseignements personnels, notamment quant à la
N/Réf. : 1009463-S 10 nécessité dobtenir le consentement de la personne concernée avant ou au moment de collecter, dutiliser ou de communiquer à des tiers de tels renseignements. La Commission a pris connaissance de ce document et sen déclare satisfaite. CONCLUSION En conséquence, la Commission estime que la plainte est fondée. Cependant, compte tenu des circonstances particulières du dossier et des modifications apportées par lentreprise à la suite de la plainte, la Commission conclut quaucune ordonnance nest requise en lespèce. La Commission ferme donc le présent dossier. « Original signé » Cynthia Chassigneux Juge administratif c. c. Monsieur
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