COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION DU QUÉBEC Dossier : 1009461 Nom de l’organisme : Ville de Montréal Date : 29 mars 2016 Membre : M e Cynthia Chassigneux DÉCISION OBJET PLAINTE en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 4 juillet 2014, la Commission d’accès à l’information (la Commission) est saisie de la plainte de Monsieur … (le plaignant) à l’endroit de la Ville de Montréal (l’organisme). [2] La plainte porte sur la collecte de renseignements personnels dans le cadre d’un processus de préembauche. Plus particulièrement, le plaignant prétend qu’il s’est créé un profil sur le site Internet de l’organisme afin de postuler à des offres d’emploi en ligne. Il mentionne qu’il lui a fallu notamment indiquer ses coordonnées, des informations sur son curriculum vitae, sa scolarité, mais aussi son numéro d’assurance sociale (NAS). Il précise qu’il a interrompu le processus de création de son profil à l’étape où son NAS lui a été demandé et que, par conséquent, il n’a pas pu poser sa candidature. [3] Conformément à l’article 123 de la Loi sur l’accès, la Direction de la surveillance de la Commission a procédé à une enquête. ENQUÊTE [4] Interrogé par la Direction de la surveillance de la Commission quant à la nécessité de collecter le NAS dans un contexte de préembauche, mais aussi 1 RLRQ, c. A-2.1, Loi sur l’accès.
1009461 Page : 2 quant au fait de savoir si un candidat à un emploi peut ne pas communiquer ce numéro lors de son inscription en ligne ou encore si l’élaboration d’un système d’identification unique a été envisagée, M. Marc Lebel, chef de division et responsable substitut à l’accès aux documents (le responsable substitut), a soutenu au nom de l’organisme que : « la collecte du numéro d’assurance sociale d’un candidat qui pose sa candidature à une offre d’emploi est faite dans le but d’optimiser le temps des ressources internes à gérer les candidatures « doublons », mais surtout à éviter toute iniquité dans le cadre d’un processus de dotation entre les candidats de l’externe et les candidats travaillant déjà [pour l’organisme]. […] Avant l’utilisation du NAS, plusieurs candidats de l’externe détournaient le système pour se créer plusieurs numéros de matricules. Ils postulaient alors plusieurs fois à un même affichage afin de passer les examens en ligne plus d’une fois pour obtenir un meilleur résultat. Cette situation était inéquitable pour les candidats travaillant [pour l’organisme] qui doivent passer les mêmes examens (dans le cadre de promotion par exemple). Les candidats de l’interne ont déjà un numéro matricule et ne peuvent pas créer de dédoublement de matricules lorsqu’ils posent leur candidature. Cette situation occasionnait donc un désavantage pour les candidats de l’interne. L’exigence du NAS permet d’effectuer une validation et de limiter à un seul, la création de dossiers pour un même individu. Un numéro matricule est alors attribué qui sera alors utilisé pour les activités de préembauche. Le numéro matricule est un numéro séquentiel généré automatiquement. Il est seul utilisé dans nos processus d’embauche ». [5] Il a également soutenu que « les offres d’emploi peuvent être consultées en tout temps sans que les candidats aient à communiquer leur NAS. Cependant pour postuler, ils doivent créer un compte. Uniquement à ce moment, les candidats doivent soumettre leur numéro d’assurance sociale ». [6] En ce qui concerne l’élaboration d’un système d’identification unique, le responsable substitut de l’organisme a mentionné que jusqu’en novembre 2013, l’organisme utilisait un autre système d’identification, mais que pour éviter que les candidats externes puissent « être invités plus d’une fois à passer les tests en ligne, et ce, malgré un résultat d’échec, contrairement à ce qui est stipulé dans les conventions collectives », l’organisme a décidé de demander le NAS. Il a
1009461 Page : 3 précisé que depuis cette date, « aucun dossier en double n’a été créé par un postulant externe ». OBSERVATIONS AU TERME DE L’ENQUÊTE [7] Le 10 février 2016, la Commission transmet à l’organisme un avis d’intention l’informant qu’à la lumière des éléments dont elle dispose, elle pourrait lui ordonner de cesser, à l’étape de la préembauche, de recueillir le NAS des personnes qui postulent à un emploi. [8] La Commission indique donc à l’organisme qu’il lui revient de démontrer que les renseignements personnels collectés, le NAS en l’espèce, sont nécessaires à l’exercice de ses attributions ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion. Elle indique que, pour ce faire, l’organisme doit démontrer que le ou les objectif(s) poursuivi(s) par cette collecte sont légitimes, importants, urgents et réels. Il doit également démontrer que l’atteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette collecte est proportionnelle aux objectifs poursuivis 2 . [9] La Commission indique qu’il revient également à l’organisme de démontrer qu’il n’existe pas d’autres moyens lui permettant d’identifier une personne physique dans le cadre d’un processus de préembauche. En effet, la Commission précise qu’elle s’interroge sur la possibilité pour l’organisme de vérifier l’identité des candidats externes sans avoir à collecter leurs NAS (c.-à-d. envoi d’un message texte / courriel avec lien pour confirmer l’identité). Elle s’interroge aussi sur la possibilité pour l’organisme de générer un numéro matricule pour les candidats externes sans avoir recours au NAS. [10] La Commission demande également à l’organisme de lui préciser quelles sont les informations qui sont transmises aux candidats de l’externe qui souhaitent postuler en ligne quant au caractère obligatoire ou facultatif des renseignements demandés et des conséquences découlant du refus de les fournir. [11] Tel qu’indiqué dans cet avis, reçu le 15 février 2016, l’organisme pouvait faire parvenir à la Commission ses observations écrites dans les trente jours de sa réception. [12] À ce jour, l’organisme n’a soumis aucune observation à la Commission. 2 Laval (Société de transport de la Ville de) c. X., [2003] C.A.I. 667 (C.Q.); Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, [2010] QCCQ 93.
1009461 Page : 4 ANALYSE [13] La Loi sur l’accès prévoit que « sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l’identifier » 3 . Le NAS recueilli par l’organisme dans le cadre du processus de préembauche constitue ainsi un renseignement personnel dont la collecte doit répondre aux exigences de la Loi sur l’accès. [14] La Loi sur l’accès prévoit qu’un organisme public ne peut recueillir un renseignement personnel si cela n’est pas nécessaire à l’exercice de ses attributions ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion. 64. Nul ne peut, au nom d’un organisme public, recueillir un renseignement personnel si cela n’est pas nécessaire à l’exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion. […] [15] La Loi sur l’accès prévoit qu’un organisme public doit indiquer sur toute communication écrite, par exemple un formulaire en ligne, le caractère obligatoire ou facultatif des renseignements personnels demandés ainsi que les conséquences d’un refus de les fournir. 65. Quiconque, au nom d’un organisme public, recueille verbalement un renseignement personnel auprès de la personne concernée doit se nommer et, lors de la première collecte de renseignements et par la suite sur demande, l’informer: 1° du nom et de l’adresse de l'organisme public au nom de qui la collecte est faite; 2° des fins pour lesquelles ce renseignement est recueilli; 3° des catégories de personnes qui auront accès à ce renseignement; 4° du caractère obligatoire ou facultatif de la demande; 5° des conséquences pour la personne concernée ou, selon le cas, pour le tiers, d’un refus de répondre à la demande; 6° des droits d’accès et de rectification prévus par la loi. L’information qui doit être donnée en vertu des paragraphes 1° à 6° du premier alinéa doit être indiquée sur toute communication écrite qui vise à recueillir un renseignement personnel. […] 3 Loi sur l’accès, article 54.
1009461 Page : 5 [16] L’enquête démontre que l’organisme ne conteste pas les faits à l’origine de la plainte. Elle démontre également que le NAS est collecté à des fins d’identification dans le cadre d’un processus de préembauche. Elle démontre aussi que la personne qui souhaite postuler à un emploi sur le site Internet de l’organisme est obligée de communiquer son NAS pour que sa candidature soit prise en considération. [17] À plusieurs reprises, la Commission a pris connaissance de situations dans lesquelles des organismes publics ou des entreprises collectaient le NAS à l’étape de la préembauche. Dans tous ces cas, même si pour certains la Commission a pris acte du changement de pratique 4 , elle s’est prononcée à l’effet que le NAS n’est pas nécessaire à l’étape de la préembauche et qu’il ne constitue pas le seul identifiant permettant à un éventuel employeur d’identifier un candidat potentiel 5 . [18] Cette règle de la nécessité de la collecte des renseignements personnels est impérative et un organisme public ne peut y déroger, même avec le consentement de la personne concernée. En effet, l’obtention du consentement n’autorise pas un organisme public à recueillir des renseignements qui ne sont pas nécessaires à l’exercice de ses attributions ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion. [19] Le fardeau de démontrer la nécessité de recueillir certains renseignements personnels repose sur l’organisme. Il doit démontrer que ces renseignements sont nécessaires à l’exercice de ses attributions ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion. [20] En l’espèce, l’organisme n’a pas répondu aux interrogations de la Commission quant à la nécessité de la collecte du NAS dans le cadre du processus de préembauche. [21] Par le fait même, l’organisme n’a pas répondu aux demandes de précisions de la Commission quant à l’information transmise aux candidats de l’externe souhaitant postuler en ligne quant au caractère obligatoire ou facultatif des renseignements demandés et des conséquences découlant du refus de les fournir. 4 X. c. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, CAI 11 20 29, novembre 2012, c. Chartier; X. c. Les Marchés Louise Ménard Inc. (IGA), CAI 10 12 89, novembre 2014, c. Constant. 5 X. c. Résidence L’Oasis Fort-St-Louis, [1995] C.A.I. 367, Delaney c. Les associés, services Financiers du Canada Limitée, CAI 00 03 47, décembre 2001, c. Constant, Stoddart et Laporte; X. c. Lépine Cloutier Ltée, CAI 080943, mars 2014, c. Poitras; X. c. Phamaprix, CAI 1003352, août 2014, c. Desbiens.
1009461 Page : 6 CONCLUSION [22] Ainsi, à la lumière de l’enquête et des observations de l’organisme et en l’absence d’observations supplémentaires transmises à la suite de son avis d’intention du 10 février 2016, la Commission conclut que l’organisme contrevient à l’article 64 de la Loi sur l’accès en recueillant des renseignements personnels, comme le NAS, non nécessaires à l’exercice de ses attributions ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion lors de l’identification des candidats dans le cadre du processus en ligne de préembauche. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [23] DÉCLARE la plainte fondée; [24] ORDONNE à l’organisme de cesser, à l’étape de la préembauche, de recueillir le NAS des personnes qui postulent à un emploi. [25] ORDONNE à l’organisme d’informer la Direction de la surveillance de la Commission des mesures prises afin de respecter la présente décision, dans un délai de 60 jours de sa réception. Cynthia Chassigneux Juge administratif
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