COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION DU QUÉBEC Dossier : 1005313 Organisme : Université de Sherbrooke Date : 21 juillet 2015 Membre : M e Diane Poitras DÉCISION OBJET PLAINTE [1] M. … (le plaignant) soumet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une plainte à l’endroit de l’Université de Sherbrooke (l’Université), son ex-employeur. Cette plainte porte sur la collecte et l’utilisation d’un extrait de sa page Facebook, sans son consentement, par l’Université. [2] La Commission a procédé à une enquête qui révèle les faits suivants. LES FAITS [3] L’extrait de la page Facebook qui fait l’objet de la plainte contient une photo d’un nouveau-né et les commentaires des personnes qui l’ont consultée. On y félicite notamment une collègue du plaignant pour la naissance de cet enfant. [4] Ce document a été présenté au plaignant par un avocat, mandaté par l’Université afin de faire enquête sur une plainte de harcèlement psychologique et d’agression sexuelle déposée à l’Université par cette collègue, dans laquelle le plaignant a été rencontré à titre de témoin. [5] En effet, selon l’article 8.3 de la Politique sur la promotion de la dignité des personnes et la prévention de toute forme de harcèlement et de discrimination de l’Université, lorsqu’une plainte est recevable et que d’autres
1005313 Page : 2 modes de résolution s’avèrent infructueux ou impossibles à réaliser, l’Université peut réaliser ou confier à un enquêteur externe le mandat de réaliser : « […] une enquête administrative de manière à identifier les circonstances entourant les allégations, à permettre la reconstitution des événements, à obtenir les éléments de preuve, à identifier les éléments des allégations et à identifier le ou les auteurs mis en cause ». [6] L’enquête révèle que l’Université a mandaté M e … en 2012, afin de réaliser une enquête relativement à une plainte de harcèlement psychologique déposée par une collègue du plaignant contre un professeur de l’Université (mis en cause). Selon ce mandat, il devait recueillir la version des faits de la plaignante en harcèlement psychologique, du mis en cause et des témoins afin d’analyser le bien-fondé ou non de la plainte. [7] L’extrait de la page Facebook faisant l’objet de la plainte aurait été remis à l’enquêteur mandaté par l’Université par un membre de la communauté universitaire. Le rapport préparé par l’enquêteur ne mentionne pas qui a remis l’extrait de la page « Facebook » ou son objectif en la présentant au plaignant. [8] À la suite de sa rencontre avec l’enquêteur mandaté par l’Université, le plaignant a fait des démarches auprès de cette dernière afin qu’elle retire ce document de tout dossier qu’elle détient. Le plaignant a également formulé une demande d’accès. [9] La responsable de l’accès aux documents de l’Université affirme à la Commission qu’elle ne détient que trois exemplaires de cet extrait de la page Facebook du plaignant et que seules les personnes ayant qualité pour traiter ces dossiers ont eu accès à ce document qui n’a pas été utilisé à une autre fin ni autrement diffusé : Dans le dossier de plainte pour harcèlement psychologique; Dans le dossier relatif à la demande d’accès formulée par le plaignant; Dans le dossier concernant une poursuite intentée par la plaignante en harcèlement psychologique, contre le mis en cause (présumé harceleur) et l’Université. [10] L’Université souligne que certains paragraphes de la requête introductive d’instance de ce recours judiciaire réfèrent à cet extrait de la page Facebook du plaignant, notamment les paragraphes 70 et 113. Ces paragraphes allèguent
1005313 Page : 3 que le mis en cause a harcelé la collègue du plaignant en répandant de fausses informations à son sujet, notamment qu’elle était la mère de l’enfant, dont la photo apparaît sur la page Facebook du plaignant et faisant l’objet de la présente plainte, et que le mis en cause en était le père. Ce recours a été réglé hors cour le 20 février 2015. Observations des personnes impliquées [11] Le plaignant considère que l’extrait de sa page Facebook a été obtenu illégalement par l’Université. Il précise qu’aucune des personnes rencontrées par l’enquêteur de l’Université dans le cadre de la plainte pour harcèlement psychologique n’avait accès à ces renseignements qui se trouvent sur son compte Facebook. Il conclut donc que ces renseignements ont été obtenus et sont utilisés sans son consentement. Il ajoute que ce document n’a aucun lien avec l’enquête relative à la plainte pour harcèlement psychologique. [12] L’Université indique que la collecte et l’utilisation de ce document et des renseignements personnels qu’il contient sont conformes aux dispositions de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . Ce document a été recueilli dans le cadre d’une enquête relative à une plainte de harcèlement psychologique. Il a également fait l’objet d’une demande d’accès et fait l’objet d’allégations dans le cadre du recours judiciaire intenté par la plaignante en harcèlement psychologique. L’Université affirme qu’elle conservera ce document dans ses dossiers conformément à ce que prévoit son calendrier de conservation. ANALYSE [13] La Commission doit déterminer si la collecte, par l’Université, et l’utilisation des renseignements personnels contenus dans l’extrait de la page Facebook du plaignant sont conformes aux dispositions pertinentes de la Loi sur l’accès. [14] D’emblée, la Commission souligne qu’il ne lui appartient pas de déterminer qui a remis ce document à l’enquêteur mandaté par l’Université ni comment cette personne a obtenu ces renseignements. [15] La Loi sur l’accès précise qu’un organisme public, comme l’Université, ne peut recueillir que les renseignements personnels nécessaires à l’exercice de ses attributions (article 64 de la Loi sur l’accès). 1 RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
1005313 Page : 4 [16] Quant à leur utilisation, l’article 65.1 précise : 65.1. Un renseignement personnel ne peut être utilisé au sein d’un organisme public qu’aux fins pour lesquelles il a été recueilli. L’organisme public peut toutefois utiliser un tel renseignement à une autre fin avec le consentement de la personne concernée ou, sans son consentement, dans les seuls cas suivants: 1° lorsque son utilisation est à des fins compatibles avec celles pour lesquelles il a été recueilli; 2° lorsque son utilisation est manifestement au bénéfice de la personne concernée; 3° lorsque son utilisation est nécessaire à l’application d’une loi au Québec, que cette utilisation soit ou non prévue expressément par la loi. Pour qu’une fin soit compatible au sens du paragraphe 1° du deuxième alinéa, il doit y avoir un lien pertinent et direct avec les fins pour lesquelles le renseignement a été recueilli. Lorsqu’un renseignement est utilisé dans l’un des cas visés aux paragraphes 1° à 3° du deuxième alinéa, le responsable de la protection des renseignements personnels au sein de l’organisme doit inscrire l’utilisation dans le registre prévu à l’article 67.3. [17] En l’espèce, l’enquête de la Commission révèle que les renseignements personnels en cause ont été recueillis dans le cadre d’une enquête administrative relative à une plainte de harcèlement psychologique. Dans le cadre de cette enquête, l’Université a mandaté un avocat externe pour recueillir la version des faits de la plaignante en harcèlement, du mis en cause et des témoins afin d’analyser le bien-fondé ou non de la plainte, le tout conformément à ce que prévoit sa Politique sur la promotion de la dignité des personnes et la prévention de toute forme de harcèlement et de discrimination. Cela fait donc partie des attributions de l’Université. [18] Sans révéler le contenu de cette enquête relative à la plainte de harcèlement psychologique, la Commission constate que le rapport réfère à l’extrait de la page Facebook faisant l’objet de la présente plainte. D’ailleurs, le plaignant indique lui-même avoir été questionné au sujet de cet extrait de sa page Facebook à titre de témoin, dans le cadre de cette enquête administrative.
1005313 Page : 5 [19] De plus, dans la requête introductive d’instance du recours intentée par la plaignante en harcèlement contre le présumé harceleur et l’Université, deux allégués réfèrent au fait que le mis en cause aurait utilisé ce document pour faire croire qu’il s’agissait de la photo de l’enfant de la plaignante en harcèlement et qu’il en était le père. [20] Ainsi, la collecte de l’extrait provenant de la page Facebook du plaignant, bien que ce dernier ne soit que témoin de ces événements, a servi dans le cadre de l’enquête administrative relative à la plainte de harcèlement psychologique. Ce document était également nécessaire pour la préparation de la défense de l’Université dans le cadre de la poursuite intentée contre elle et qui n’était pas réglée à l’époque. [21] Sa collecte est donc conforme à l’article 64 de la Loi sur l’accès. [22] Quant à son utilisation, l’enquête de la Commission révèle qu’il n’a été utilisé que dans le cadre de trois dossiers : l’enquête relative à la plainte pour harcèlement psychologique, la demande d’accès du demandeur (l’un des documents visés par sa demande) et le dossier judiciaire relatif à la poursuite introduite par la plaignante en harcèlement notamment contre l’Université (l’utilisation de ce document fait l’objet de deux allégués de cette requête). [23] Ainsi, l’Université a utilisé ces renseignements personnels aux fins pour lesquelles ils ont été recueillis (l’enquête pour harcèlement psychologique), à des fins compatibles (poursuite liée au harcèlement psychologique) et lorsque son utilisation a été nécessaire à l’application d’une loi (demande d’accès du demandeur), le tout, conformément aux dispositions de l’article 65.1 de la Loi sur l’accès. CONCLUSION [24] Dans ce contexte, la Commission ne peut conclure qu’il y a eu contravention à la Loi sur l’accès. [25] Par ailleurs, elle constate que cette loi prévoit qu’un organisme public peut conserver un renseignement personnel tant que son calendrier de conservation l’y autorise (art. 73 de la Loi sur l’accès).
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