Montréal, le 18 mars 2015 Maître … Responsable de l’accès aux documents Université Concordia 1455, boul. de Maisonneuve Ouest Bureau GM 801-29 Montréal (Québec) H3G 1M8 Objet : Plainte à l’endroit de l’Université Concordia N/Réf. : 1004421 __________________________________________ Maître, La présente donne suite à la plainte que Madame … (la plaignante) a adressée à la Commission d’accès à l’information (la Commission) le 3 avril 2012, à l’endroit de l’Université Concordia (l’organisme). L’objet de la plainte La plaignante reproche à l’organisme d’avoir communiqué des renseignements personnels la concernant à des tiers, sans son consentement. Plus particulièrement, la plaignante allègue que M e …, procureure de l’organisme (la procureure), aurait communiqué, le 8 novembre 2010, à M me …, psychologue et employée de l’organisme (la psychologue), une lettre datée du 1 er novembre 2010 qui lui était adressée. Elle prétend également que Monsieur …, directeur du Department of Counselling and Development de l’organisme (le directeur), a divulgué le contenu de la lettre du 1 er novembre 2010 au personnel de son service, sans son consentement. Elle allègue enfin que la copie d’une demande d’accès qu’elle a adressée à l’organisme, la réponse de ce dernier et le numéro de dossier en révision devant la Commission ont été communiqués au Conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec (OPQ), par M e … (l’avocate), avocate représentant la psychologue visée par le recours de la plaignante devant cette instance, et ce, malgré une ordonnance de huis clos émise par la Commission. … 2
N/Réf. : 1004421 2 L’enquête À la suite de ces allégations, la Commission a procédé à une enquête conformément à l’article 123 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . L’enquête démontre que l’organisme ne conteste pas les faits à l’origine de la plainte. Dans une première lettre datée du 18 mars 2013 et dans une seconde datée du 16 mai 2013 apportant un complément d’information, l’organisme a transmis sa version des faits à l’analyste-enquêteur de la Commission. En ce qui concerne la communication de la lettre du 1 er novembre 2010, l’organisme précise que celle-ci avait pour but d’informer la plaignante des mesures mises en place à son égard notamment pour protéger le personnel de l’organisme des communications excessives de cette dernière. L’organisme précise également que même si, à cette date, la psychologue n’avait plus de relation thérapeutique avec la plaignante, elle recevait toujours des communications de sa part. Il précise enfin que la plaignante avait enclenché un processus auprès de l’OPQ 2 . Dans ces circonstances, l’organisme soutient qu’il était tout à fait approprié que sa procureure communique une copie de la lettre du 1 er novembre 2010 à la psychologue pour l’informer des mesures qu’il avait prises compte tenu de la situation entourant sa relation professionnelle avec la plaignante. Il invoque que ces communications étaient donc conformes à l’article 65.1 de la Loi sur l’accès et à la Loi sur les normes du travail 3 . En ce qui concerne la divulgation de la lettre du 1 er novembre 2010 par le directeur du Department of Counselling and Development au personnel de son service, et plus précisément à la chef de service de la section « psychologie », l’organisme soutient que cette communication avait pour effet d’informer la supérieure immédiate de la psychologue afin de lui permettre d’avoir en main tous les documents nécessaires à son travail de gestionnaire. En ce qui concerne la communication de la demande d’accès, de la réponse et du numéro de dossier en révision, l’organisme précise qu’à la suite du dépôt d’une plainte privée par la plaignante devant le Conseil de discipline de l’OPQ contre la psychologue, il a pris fait et cause pour son employée et a assumé sa défense. Dans ces conditions, l’organisme soutient qu’il pouvait transmettre les documents mentionnés précédemment à l’avocate mandatée pour représenter 1 RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur l’accès. 2 Dossier …. 3 RLRQ, c. N-1.1. … 3
N/Réf. : 1004421 3 la psychologue et invoque que ces communications étaient conformes à l’article 59 al. 2 (2) de la Loi sur l’accès. L’organisme soutient également que ces documents pouvaient être déposés par cette avocate devant le Conseil de discipline de l’OPQ considérant que ceux-ci étaient pertinents non seulement à la présentation d’un moyen déclinatoire, mais également à la défense au fond de la psychologue devant cette instance. En ce qui concerne l’ordonnance de huis clos demandée dans le cadre d’un autre dossier examiné par la section juridictionnelle de la Commission (dossier 11 00 86), l’organisme soutient que l’ordonnance n’avait pas encore été émise lors de la communication de la requête et des pièces au soutien de la requête en rejet et que les représentations lors de l’audition devant le Conseil de discipline de l’OPQ ont été faites par l’avocate de la psychologue uniquement à partir de la preuve au dossier. De son côté, la plaignante, dans une lettre adressée à l’analyste-enquêteur de la Commission le 8 avril 2013, soutient que l’organisme a transmis la lettre du 1 er novembre 2010 à la psychologue le 8 novembre 2010, soit avant le dépôt de la plainte devant le Conseil de discipline de l’OPQ. Elle prétend également que cette lettre ne pouvait lui être communiquée, car elle contient des renseignements personnels la concernant. Elle ajoute aussi que l’avocate n’agit pas à titre de procureur de l’organisme et que, par conséquent, l’article 59 al. 2 (2) de la Loi sur l’accès ne peut pas être invoqué. L’organisme aurait donc dû lui demander son consentement en vertu de l’article 53 de la Loi sur l’accès avant de communiquer la demande d’accès, la réponse et le numéro de dossier en révision à l’avocate. Analyse L’article 65.1 de la Loi sur l’accès, invoqué par l’organisme pour justifier la communication de la lettre du 1 er novembre 2010 à la psychologue, prévoit : 65.1. Un renseignement personnel ne peut être utilisé au sein d’un organisme public qu’aux fins pour lesquelles il a été recueilli. L’organisme public peut toutefois utiliser un tel renseignement à une autre fin avec le consentement de la personne concernée ou, sans son consentement, dans les seuls cas suivants : … 4
N/Réf. : 1004421 4 1° lorsque son utilisation est à des fins compatibles avec celles pour lesquelles il a été recueilli; 2° lorsque son utilisation est manifestement au bénéfice de la personne concernée; 3° lorsque son utilisation est nécessaire à l’application d’une loi au Québec, que cette utilisation soit ou non prévue expressément par la loi. Pour qu’une fin soit compatible au sens du paragraphe 1° du deuxième alinéa, il doit y avoir un lien pertinent et direct avec les fins pour lesquelles le renseignement a été recueilli. Lorsqu’un renseignement est utilisé dans l’un des cas visés aux paragraphes 1° à 3° du deuxième alinéa, le responsable de la protection des renseignements personnels au sein de l’organisme doit inscrire l’utilisation dans le registre prévu à l’article 67.3. Selon les faits au dossier, la lettre du 1 er novembre 2010 rédigée par la procureure de l’organisme était adressée à la plaignante (on y retrouve ses nom, prénom et adresse personnelle) et avait pour objet Your access to Counselling & Development and Health Services. Elle fait référence, entre autres, aux services reçus par la plaignante au Department of Counselling and Development et au Department of Health Services; aux tentatives et efforts déployés par les employés pour répondre à ses différentes demandes relatives aux « information, documentation, explanations and/or clarifications concerning your file(s) and/or the services rendered »; aux comportements qu’elle a eue à l’égard de la psychologue et des autres employés, soit le fait d’envoyer des courriels non sollicités, d’utiliser sa … pour obtenir des informations ou encore d’interpeller des employés sur sa situation lors d’évènements …. Elle poursuit en mentionnant les mesures prises par l’organisme à l’égard de la plaignante, et ce dans les termes suivants : « As a result of your behaviour, Counselling and Development will no longer offer you any services whatsoever including but not limited to: meetings to discuss your file, individuals and/or career counselling and workshops. You may not call, visit, email, or communicate in any way with that service and/or anyone working at that service, personally, in your … or in any other capacity. … 5
N/Réf. : 1004421 5 As for Health Services, you are currently permitted to visit that service for your short-term physical health needs only. In order to continue to benefit from this permission, you must use the service only for the purposes of your short-term physical car (with Dr …). Any breach or misuse of this permission will lead to revoke your privileges. […] Any continued breach, on your part, of our request that you refrain from all communication with the staff of Counselling and Development and Health Services (except for the purposes of your short-term physical health needs, as described above) may force us to consider other measures, the whole in order to shield our staff and personnel from your repeated and unwanted communications ». L’organisme a utilisé les renseignements concernant la plaignante qu’il a recueillis dans le cadre de services qu’il lui a offerts afin de déterminer si elle pouvait continuer à en bénéficier. Il s’agit de fins compatibles à celles pour lesquelles ils ont été recueillis, et ce, en conformité avec l’article 65.1 de la Loi sur l’accès. C’est cette lettre qui a été communiquée à la psychologue, à la supérieure immédiate de cette dernière et au directeur de service. La Loi sur l’accès prévoit, à l’article 62, les règles applicables à l’accessibilité des renseignements personnels au sein d’un organisme public : 62. Un renseignement personnel est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d’un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l’exercice de ses fonctions. En outre, cette personne doit appartenir à l’une des catégories de personnes visées au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l’article 76 ou au paragraphe 5° du premier alinéa de l’article 81. Compte tenu de la relation professionnelle établie entre la plaignante et la psychologue, mais aussi du rôle de gestionnaire exercé par le directeur de service (qui était en copie conforme de la lettre) et la supérieure immédiate de cette dernière, ces trois personnes avaient qualité pour recevoir cette lettre. Elle leur a été communiquée afin qu’elles puissent agir adéquatement dans l’exercice … 6
N/Réf. : 1004421 6 de leurs fonctions respectives au sein de l’organisme. En ce qui concerne la psychologue, comme elle continuait à recevoir des communications de la part de la plaignante, il était nécessaire qu’elle soit informée des mesures décidées par l’organisme pour pouvoir les appliquer à l’avenir et ce, qu’une action ait été ou non intentée auprès du Conseil de discipline de l’OPQ. En ce qui concerne le directeur de service et la supérieure immédiate de la psychologue, il était là aussi nécessaire qu’ils aient connaissance de la lettre pour pouvoir gérer les demandes de la plaignante et aviser les employés des mesures prises à son encontre. Partant, il appert que le contenu de la lettre du 1 er novembre 2010 pouvait leur être communiqué, et ce, en conformité avec l’article 62 de la Loi sur l’accès. Par ailleurs, l’organisme invoque l’article 59 al. 2 (2) de la Loi sur l’accès pour justifier la communication de la demande d’accès, de la réponse et du numéro de dossier en révision devant la Commission au Conseil de discipline de l’OPQ. Cet article se lit comme suit : 59. Un organisme public ne peut communique un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent : […] 2°au procureur de cet organisme, ou au procureur général lorsqu’il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est nécessaire aux fins d’une procédure judiciaire autre qu’une procédure visée dans le paragraphe 1°; […] Selon les faits au dossier, l’organisme a pris fait et cause pour la psychologue à la suite de la plainte déposée par la plaignante devant le Conseil de discipline de l’OPQ et a assumé la défense de son employée comme le prévoit sa convention collective. Il a donc transmis les documents mentionnés précédemment à l’avocate qu’il a mandatée pour représenter la psychologue afin que cette dernière puisse présenter une défense pleine et entière devant cette instance, et ce, en conformité avec l’article 59 al. 2 (2) de la Loi sur l’accès. En ce qui concerne l’ordonnance de huis clos invoquée par la plaignante et émise dans un dossier 4 impliquant les mêmes parties devant la section juridictionnelle 4 …. c. Université Concordia, …. … 7
N/Réf. : 1004421 7 de la Commission, sans se prononcer sur la portée de cette ordonnance, il appert que celle-ci a été émise après la communication desdits documents. Conclusion En résumé, l’analyse des faits et des dispositions législatives pertinentes dans ce dossier démontre que la communication non seulement de la lettre du 1 er novembre 2010 à différentes personnes, mais aussi de la demande d’accès, de la réponse et du numéro de dossier en révision devant la Commission au Conseil de discipline de l’OPQ, a été faite en respectant les exigences de la Loi sur l’accès. En conséquence, la Commission estime que la plainte n’est pas fondée et ferme le présent dossier. Cynthia Chassigneux Juge administratif c.c. M me … … 7
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