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Montréal, le 17 mars 2015 Maître MCCARTHY TÉTRAULT S.E.N.C.R.L., s.r.l. Le Complexe St-Amable 1150, rue de Claire-Fontaine, 7 e étage Québec (Québec) G1R 5G4 Objet : Plainte à lendroit du Docteur Y. N/Réf. : 100 69 77 __________________________________________________ Maître, La présente donne suite à la plainte que Monsieur (le plaignant) a adressée à la Commission daccès à linformation (la Commission) le 18 mars 2013, à lendroit du Docteur Y. (le psychiatre). Lobjet de la plainte Le plaignant, un salarié de lindustrie de la construction, reproche au psychiatre davoir communiqué à un tiers des renseignements personnels le concernant, sans son consentement. Plus particulièrement, il allègue que le psychiatre a transmis, le 15 novembre 2012, à la Commission de la construction du Québec 1 (lorganisme), lentièreté de son rapport dexpertise alors que certains des renseignements communiqués nétaient pas nécessaires à létude de sa demande de prestations dinvalidité par lorganisme. Lenquête La Commission a procédé à une enquête, conformément à larticle 81 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 2 , qui fut complétée en octobre 2013. Lenquête visait à recueillir et analyser les faits relativement aux allégations du plaignant afin de permettre à la Commission de déterminer si le psychiatre sest 1 Une plainte à lencontre de cet organisme a également été déposée par le plaignant auprès de la Commission (Dossier 100 65 76). 2 RLRQ, c. P-39.1, la Loi sur le privé. 2
N/Réf. : 1006977 2 conformé aux prescriptions de la Loi sur le privé en matière de communication de renseignements personnels. Lenquête révèle que le 6 novembre 2012, lorganisme a avisé le plaignant quil devait se soumettre à une expertise médicale auprès dun médecin spécialiste afin dévaluer la persistance de son état dinvalidité. Un rendez-vous a été fixé le 14 novembre 2012 avec le psychiatre. Le 11 juin 2013, la Commission a écrit au psychiatre pour obtenir sa version des faits, ainsi que le mandat reçu de lorganisme afin de réaliser une expertise psychiatrique du plaignant. Dans une lettre, datée du 12 juillet 2013, M e …, avocate du psychiatre, a fait valoir les points suivants : le psychiatre a été mandaté par lorganisme afin de procéder à une expertise psychiatrique du plaignant; le psychiatre, dans le cadre de son mandat, a rédigé un rapport dexpertise quil a transmis à lorganisme; le psychiatre est tenu au secret professionnel à légard des documents confiés de façon confidentielle par lorganisme compte tenu de la relation client/professionnel existant entre eux. Les articles 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 3 , 20 du Code de déontologie des médecins 4 et 60.4 et 60.5 du Code des professions 5 sont invoqués au soutien de cette obligation; le rôle dun médecin agissant pour le compte dun tiers comme expert est encadré par le Code de déontologie des médecins, plus précisément larticle 67; le Collège des médecins du Québec, et non la Commission, a juridiction pour évaluer la conduite dun médecin agissant comme expert et voir à lapplication des règles déontologiques. À la suite dune conversation téléphonique avec lanalyste-enquêteur de la Commission, lavocate a fait parvenir, le 4 octobre 2013, une seconde lettre dans laquelle elle explique notamment le mandat et la procédure suivie par le psychiatre : 3 RLRQ, c. C-12. 4 RLRQ, c. M-9, r. 17. 5 RLRQ, c. C-26. 3
N/Réf. : 1006977 3 « [le psychiatre] a reçu un mandat de la part de [lorganisme] à lendroit du plaignant, alors que cette expertise était demandée, tel que mentionné à la première page du rapport dexpertise du [psychiatre], dans le but de préciser létat de santé actuel du plaignant ainsi que le diagnostic selon le DSM-IV et si la condition clinique de celui-ci lempêchait dexercer complètement les tâches habituelles de sa fonction de briqueteur-maçon à temps complet à la date de lexpertise. De plus, si le plaignant état jugé inapte, il était demandé au [psychiatre] de préciser les limitations fonctionnelles en cause et si celles-ci étaient temporaires ou permanentes. Par ailleurs, si les limitations fonctionnelles étaient temporaires, on demandait de préciser un pronostic, une date de retour au travail ainsi quun plan de traitement, de même que des suggestions thérapeutiques si pertinentes. Le [psychiatre], afin de réaliser lexpertise du plaignant, a révisé les documents qui lui avaient été transmis, soit les documents mentionnés à la page 2 de son rapport dexpertise. Le [psychiatre] a, par la suite, rencontré le plaignant le 14 novembre 2012 à la demande de [lorganisme]. Lévaluation a été faite à son bureau, à la Clinique des maladies lipidiques de Québec, et a duré environ une heure. Au début de la rencontre, tel que mentionné à la page 7 de son rapport dexpertise, le [psychiatre] a expliqué au plaignant, comme il le fait toujours dans sa pratique, le contexte de cette évaluation, soit quil sagissait dune situation dexpertise au titre dune évaluation médicale indépendante. Le [psychiatre] a donc expliqué au plaignant quil agissait à titre de spécialiste expert indépendant, ce qui signifiait quil navait aucun lien professionnel ou personnel ni avec lui, ni avec lorganisme, soit la […]. Le [psychiatre] a finalement mentionné au plaignant que, sil désirait obtenir une copie du rapport expédié à [lorganisme], il lui appartiendrait de faire les démarches appropriées auprès de [ce dernier]. Suite à la rencontre, le [psychiatre] a rédigé le rapport dexpertise demandé suivant son mandat et les questions qui lui étaient posées. Le rapport rédigé par le [psychiatre] à légard du plaignant reprend les mêmes sujets abordés dans lensemble des rapports dexpertise rédigés par celui-ci. Par ailleurs, le [psychiatre] est dopinion que son rapport et son contenu comprennent ce qui est nécessaire pour en arriver à une conclusion diagnostique psychiatrique multiaxiale et 4
N/Réf. : 1006977 4 afin de justifier son opinion et les réponses demandées dans le mandat dexpertise, notamment relativement à la capacité de travail. » Au soutien de la pratique du psychiatre, lavocate invoque les articles 65 à 69 du Code de déontologie des médecins 6 , le Guide dexercice du Collège des médecins sur la médecine dexpertise 7 et les recommandations de la Société des experts en évaluation médico-légale du Québec. Lavocate soutient enfin que le psychiatre « a, en tout temps, respecté le mandat qui le liait à [lorganisme], respecté la procédure établie concernant la communication des résultats lorsquune expertise professionnelle lui est demandée, a fourni lentièreté des informations qui savéraient pertinentes, nécessaires et justifiées dans le cadre de son mandat et des questions qui lui étaient soumises, notamment en ce qui a trait aux antécédents personnels et à lhistoire personnelle du plaignant ». Analyse La Loi sur le privé prévoit quune personne qui recueille des renseignements personnels sur autrui ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à lobjet du dossier : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou dy consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à lobjet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites. Aux termes de lenquête et à partir de lensemble des faits qui lui ont été présentés, la Commission constate que le plaignant ne conteste pas le caractère nécessaire des renseignements recueillis par le psychiatre dans le cadre de lexpertise demandée par lorganisme. Ce nest donc pas la collecte des renseignements personnels au sens de larticle 5 de la Loi sur le privé qui est remise en cause, mais bien la communication de certains renseignements. La Loi sur le privé prévoit également quune personne qui recueille des renseignements personnels auprès de la personne concernée doit linformer, 6 RLRQ, c. M-9, r. 17. 7 COLLÈGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC, La médecine dexpertise - Guide dexercice du Collège des médecins, 2006. 5
N/Réf. : 1006977 5 entre autres, de lobjet du dossier, de lutilisation qui sera faite des renseignements personnels et de la possibilité dexercer un droit daccès. 8. La personne qui recueille des renseignements personnels auprès de la personne concernée doit, lorsquelle constitue un dossier sur cette dernière, linformer : 1° de lobjet du dossier; 2° de lutilisation qui sera faite des renseignements ainsi que des catégories de personnes qui y auront accès au sein de lentreprise; 3° de lendroit sera détenu son dossier ainsi que des droits daccès ou de rectification. À la lecture de lexpertise psychiatrique et de la preuve déposée au dossier de la Commission, cette dernière constate que le psychiatre a informé le plaignant du mandat qui lui a été confié par lorganisme, de lutilisation qui serait faite de ses renseignements personnels et de son droit daccès, et ce, en conformité avec larticle 8 de la Loi sur le privé. Une fois cette information transmise au plaignant, la Commission comprend quil revenait à la personne qui recueillait les renseignements personnels, en lespèce le psychiatre, de déterminer quels sont les renseignements qui devaient être consignés au rapport dexpertise afin de répondre aux questions posées par lorganisme. À ce titre, elle a déjà mentionné que : [51] Lorsquun expert est chargé de procéder à une expertise et de rédiger un rapport, par exemple dans le secteur de la santé, la responsabilité de déterminer quels sont les renseignements personnels qui sont nécessaires pour les fins de lexpertise et du rapport appartient, au départ, à lexpert concerné. […] [55] Ainsi, lexpert doit constamment se demander si les renseignements quil recueille sont nécessaires à lexercice de son mandat dexpert et exclure les renseignements purement factuels, sans doute intéressants, mais qui ne servent pas à fonder son opinion dexpert. [56] Dans la rédaction de son rapport, l'expert doit lui-même tenir compte de l'ensemble des circonstances. Le critère de nécessité implique que l'expert se limite aux éléments essentiels à la justification et à la compréhension 6
N/Réf. : 1006977 6 de son avis, selon la situation particulière qu'il rencontre dans chaque cas 8 . Une fois lexpertise réalisée, la Commission comprend que le psychiatre devait transmettre son rapport à lorganisme. Cette communication est régie par larticle 14 de la Loi sur le privé qui se lit comme suit : 14. Le consentement à la collecte, à la communication ou à lutilisation dun renseignement personnel doit être manifeste, libre, éclairé et être donné à des fins spécifiques. Ce consentement ne vaut que pour la durée nécessaire à la réalisation des fins pour lesquels il a été demandé. Un consentement qui nest pas donné conformément au premier alinéa est sans effet. Dans la mesure le psychiatre a informé le plaignant quil devait procéder à une expertise à la demande de lorganisme et quun rapport serait transmis à ce dernier, comme latteste le « Formulaire dautorisation pour lemployé(e) / le(la) réclamant(e) » signé par le plaignant le 14 novembre 2012, la Commission est davis que le plaignant a consenti de façon manifeste, au sens de larticle 14 de la Loi sur le privé, à la communication du rapport dexpertise à lorganisme. Par ailleurs, même sil ne revient pas à la Commission, mais au Collège des médecins du Québec, dapprécier le respect des obligations découlant du Code de déontologie des médecins, la Commission constate que ledit Code prévoit le fait que le médecin qui agit comme expert doit notamment informer le patient du but de son expertise, de la façon de procéder, du destinataire du rapport et de son droit daccès. Il y est également prévu que le médecin doit sabstenir de communiquer au destinataire du rapport toute information non pertinente à lévaluation demandée. 67. Le médecin, agissant pour le compte dun patient ou dun tiers comme expert ou évaluateur, doit : 1° faire connaître avec objectivité et impartialité à la personne soumise à l'évaluation ou à l'expertise, le but de son travail, les objets de l'évaluation ou de l'expertise et les moyens qu'il compte utiliser pour la réaliser; il doit aussi l'informer du destinataire de son rapport d'évaluation ou d'expertise et de la manière d'en demander copie; 8 L.T. c. Secrétariat du Conseil du Trésor, 03 15 53, 17 juillet 2009, Mes Constant et Saint-Laurent. 7
N/Réf. : 1006977 7 2° sabstenir dobtenir de cette personne toute information ou de lui faire toute interprétation ou commentaire non pertinent à lobjet de lévaluation ou de lexpertise; 3° limiter la communication au tiers aux seuls commentaires, informations ou interprétations nécessaires pour répondre aux questions soulevées par l'évaluation ou l'expertise demandée; 4° sabstenir de poser un geste ou de tenir des propos susceptibles de diminuer la confiance de cette personne envers son médecin; 5° communiquer avec objectivité, impartialité et diligence son rapport au tiers ou à la personne qui a demandé l'évaluation ou l'expertise 9 . Lanalyse des faits et de la documentation afférente à la plainte permettent à la Commission de conclure que le psychiatre na pas contrevenu aux dispositions de la Loi sur le privé. En effet, pour pouvoir émettre son diagnostic et répondre aux questions qui lui étaient posées, le psychiatre devait connaître lhistoire personnelle et médicale du plaignant. Les renseignements personnels du plaignant, permettant de justifier sa condition clinique et son éventuel retour au travail, devaient être transmis à lorganisme afin que ce dernier puisse décider si le plaignant avait le droit ou non de continuer à percevoir des prestations dinvalidité. Par conséquent, la Commission estime que la plainte nest pas fondée et ferme le présent dossier. Cynthia Chassigneux Juge administratif c.c. M. 9 (nos soulignements).
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